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L'ASSE et la Coupe de France, une belle histoire qui se termina 6 fois de la plus belle des manières mais la plupart du temps de manière précoce.
Cette année-là, les Verts vivaient l'un de leurs derniers tangos avec la prestigieuse vieille dame...


La feuille de match
Dimanche 6 juin 1993 - Coupe de France - Stade Geoffroy-Guichard
Demi-finale: ASSE 0-1 Nantes
spectateurs: 28.302 - Arbitre: M. Batta

Buteur: N. Ouédec (81e)
 
ASSE: J.A. Bell - C. Deguerville, J.P. Cyprien, S. Kastendeuch, P. Moreau (M. Luhovy 82e) - P. Despeyroux, G. Passi, J.C. Pagal (P. Cuervo 65e), L. Moravcik - A. Camara, E. Mendy. Entraîneur: Jacques Santini 
NANTES: D. Marraud - C. Karembeu, L. Guyot, Z. Vulic, S. Le Dizet - C. Makélélé, J.M. Ferri, J. N'Doram, R. Pédros (F. Debotté 59e) - P. Loko (S. Moreau 3e), N. Ouédec. Entraîneur: Jean-Claude Suaudeau

Les faits du match 
Après avoir éliminé successivement Evry (D3), Epinal (D2), Pau (D3) et surtout l'OM en quarts, les Verts reçoivent Nantes en demi-finale de Coupe de France. Déçus d'avoir manqué d'un rien la qualification européenne via le championnat, les Stéphanois reportent tous leurs espoirs sur ce match contre les Canaris.
Il faut dire que l'attente est devenue intenable tant la pression grandit à l'approche du match: le matin même, le stade Geoffroy-Guichard accueillait l'émission Téléfoot, donnant une visibilité nationale à cette demi-finale entre les grands rivaux d'hier. D'autant qu'on a pressenti un léger malaise entre le président André Laurent et le journaliste Jean-Michel Larqué lors d'une interview peu complaisante en fin d'émission.

Mais qu'importe ! En ce dimanche après-midi ensoleillé et devant une assistance certes moyenne mais confiante, les Verts se créent la première occasion du match: sur un corner de Lubomir Moravcik côté gauche, Patrick Moreau vient couper la trajectoire du ballon au premier poteau mais la reprise du défenseur stéphanois passe à gauche de la cage de David Marraud.


Marraud et Kastendeuch emmènent leurs troupes à la bataille

Dominateurs, les locaux sont à deux doigts d'ouvrir la marque quelques minutes plus tard: sur une somptueuse ouverture du capitaine stéphanois Kastendeuch, Gérald Passi lance Christophe Deguerville. Le centre instantané du latéral est un caviar que le maladroit Étienne Mendy transforme en œuf de lump en manquant son plat du pied. C'est ensuite Moravcik qui se met en évidence, d'abord sur coup-franc (dévié en corner) puis sur un enchaînement contrôle de la poitrine/reprise du droit.

Mais les Canaris sortent de leur coquille. Joseph-Antoine Bell doit s'interposer pour intercepter un centre aérien de Reynald Pédros côté droit, bien lancé par Ouédec suite à un écran de Loko. Le gardien stéphanois doit ensuite sortir une superbe parade sur une reprise à bout portant de Japhet N'Doram.
Les Stéphanois réagissent alors. Bien lancé par Jean-Claude Pagal, Mendy frappe à l'entrée de la surface de réparation mais Marraud est sur la trajectoire du ballon.

Les Nantais se procurent la dernière occasion franche de la première mi-temps : sur un long coup-franc aérien de Vulic détourné de la tête par Loko, Sylvain Kastendeuch dévie maladroitement le ballon pour N'Doram. Surpris par cette offrande inattendue, l'attaquant nantais loupe complétement son tir.


Nicolas Ouédec enterrera les espoirs stéphanois en fin de match

Après la pause, les Nantais se montrent de plus en plus menaçants. Bien servi par Ouédec, N'Doram oublie Makélélé et tente sa chance des 25 mètres dans l'axe. Bell se saisit sans difficulté du ballon mais il va bientôt connaître une sacrée frayeur quand Karembeu arrache le ballon dans les pieds de Gerald Passi avant de servir Loko côté droit. L'attaquant nantais bute sur Moreau, qui essaie de dégager. Le centre involontaire de Karembeu trouve la tête de Ouédec. Battu, Bell est sauvé par sa barre transversale.
C'est un avertissement sans frais mais les Verts ne sauront pas en tenir compte. Et ce qui devait arriver arrive à dix minutes de la fin du match: N'Doram s'enfonce dans l'axe, lance Ouédec. La frappe de l'avant-centre nantais au ras du poteau ne laisse aucune chance à Joseph-Antoine Bell.

Les Stéphanois jettent alors toutes leurs forces dans la bataille pour tenter d'égaliser. Milan Luhovy remplace Moreau. Cuervo déborde côté gauche, mais son centre ne donne rien. Quelques minutes plus tard, Despeyroux tente sa chance des vingt mètres mais sa frappe passe au-dessus des cages du maraud qui sert de gardien de but aux Canaris.

Les Verts sont éliminés de la Coupe de France. Ils ne le savent pas encore mais ils viennent de vivre leurs derniers instants dans la lumière. L'enfer va bientôt les rattraper...

Les coulisses du match (tiré du livre "Ils ont tué les Verts" de Benjamin Danet)
Quelques heures avant ce match, Jean-Michel Larqué transforme vite l'émission dominicale Téléfoot en règlement de compte ou plutôt en procès en critiquant de façon virulente le bilan du président André Laurent. Une attitude qui lui vaudra les reproches du directeur des sports de TF1, Jean-Claude Dassier. Au plus grand regret de ses proches, André Laurent ne s'énerve pas: "Je ne souhaitais pas lui rentrer dedans. En fait, je ne voulais pas donner l'image d'un club qui avait un président énervé. Je me disais que si on gagnait contre Nantes, il leur serait de toute façon difficile de m'écarter. J'ai donc voulu garder mon sang-froid."

Un défenseur de l'époque revient sur ce dimanche matin pas ordinaire: "Au cours de la semaine, nous avons commencé à sentir la pression monter. En ville, les gens ne parlaient que de ça. Nous étions presque obligés de rester chez nous pour ne pas entendre parler du match. Le dimanche matin, on a tous reçu une énorme claque dans la figure. Nous avons halluciné en regardant Téléfoot. On avait vraiment du mal à y croire. Cette année-là, nous avions obtenus de bons résultats et le club se portait plutôt bien. Dans ces conditions, pourquoi dénigrer le président ? Pourquoi critiquer l'ASSE ? Lorsque nous nous sommes retrouvés pour la collation d'avant-match, beaucoup de joueurs étaient écoeurés. Ils estimaient que Jean-Michel Larqué avait été honteux. Son comportement était lamentable. Avec tous les bruits qu'on entendait sur le départ de Laurent et le changement d'entraîneur, Téléfoot n'a rien arrangé. Cela a même peut-être gêné certains joueurs pour la demi-finale"

Blessé, le milieu de terrain Maurice Bouquet n'entretient, lui, aucun espoir quant au résultat du match contre Nantes: "Nous allons perdre, Président. L'équipe n'a pas été bien préparée. Le staff technique n'a pas bien fait son travail."
Pourtant venu saluer et encourager ses joueurs avant la rencontre, André Laurent quitte le stade la larme à l'oeil. Certes déçu, il est révolté par la mine réjouie qu'ont affiché certaines personnes au coup de sifflet final. Ce souvenir ne s'effacera jamais.

Pascal Despeyroux résumera cette sinistre journée avec sa verve habituelle: "Le matin, on avait vu l'esclandre sur fond de règlement de comptes dans Téléfoot entre André Laurent, notre président, et Jean-Michel Larqué. L'après-midi, Japhet N'Doram, le serpent à sang froid, a glacé Geoffroy-Guichard en plaçant une accélaration foudroyante plein axe avant d'offrir un caviar à Ouédec. Au coup de sifflet final, on est restés prostrés pendant plus d'une heure, nous dans les vestiaires, le peuple vert en tribunes. Puis on est partis en vacances. Ce furent les minutes les plus longues de ma carrière dans ce stade mortuaire. On avait perdu notre rêve de monter à Paris mais aussi une qualification en Coupe d'Europe puisque le PSG, l'autre finaliste, était déjà champion. Quinze jours après, le président Laurent a démissionné et Larqué est revenu au club" (L'Équipe)


Cyprien et Ouédec auront proposé un match dans le match

Le Saviez-vous ?
- A la suite de cette défaite et de ce Téléfoot de sinistre mémoire, le président André Laurent démissionne le 10 juin et est remplacé par Yves Guichard et... Jean-Michel Larqué qui prendront les commandes du club pour un bilan désastreux.

- Les Verts seront vengés par le PSG en finale de la Coupe. Dans un Parc des Princes acquis aux Parisiens, les Canaris se font déplumer 3-0 et terminent même la rencontre à 8 contre 11 suite aux expulsions de Karembeu, Vulic et Lima ! 

- Trois ans avant ce match contre Nantes, les Stéphanois avaient déjà loupé le coche en perdant une demi-finale à domicile: Montpellier s'était imposé 1-0 sur un but de Cantona

- Si les Verts ont remporté à 6 reprises la Coupe de France, il ont été éliminés à ce stade des demi-finales autant de fois: outre cette saison 1992-93, l'ASSE avait échoué aux portes du Parc des Princes en 1990 (face à Montpellier), en 1965 (face à Rennes), en 1953 (face à Lille) et en 1951 (face à Valenciennes). La 6e tentative infructueuse n'aura lieu que 22 ans plus tard (!), en 2015 au Parc des Princes pour une déroute 4-1 face au PSG .

- L'école nantaise, inspirée par Arribas, Suaudeau et Denoueix, a produit de nombreux entraîneurs: dans l'équipe nantaise du jour, ils ne seront pas moins de 7 à devenir entraîneurs à des degrés divers (Guyot, Vulic, Le Dizet, Makélélé, N'Doram, Moreau et Pedros).

- L'ASSE n'a alors plus atteint la finale de la Coupe de France depuis 11 ans et sa défaite face au PSG en 1982. Elle n'y retournera que 27 ans plus tard, en 2020, pour s'y incliner 1-0... face au PSG.