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Soirée de gala au Parc des Princes entre deux des meilleures équipes françaises de l'époque. L'une d'elle achève son heure de gloire, l'autre entame à peine la sienne...
La fiche du match
Samedi 15 mai 1982 - Coupe de France - Parc des Princes
Finale: PSG 2-2 ASSE (6-5 aux tab)
Spectateurs: 47.000 - Arbitre: Michel Vautrot
Buteurs : Toko (58e) et Rocheteau (120e) pour le PSG, Platini (76e et 99e) pour l'ASSE
ASSE : Castaneda - Battiston, Gardon (Noguès 67e), Lopez, Lestage - Larios, Janvion, Zanon - Paganelli (Roussey 67e), Platini, Rep. Entraîneur: Robert Herbin
PSG : Baratelli - Fernandez, Pilorget, Bathenay, Col (Renault 120e) - Boubacar, Dahleb (N'Gom 84e), Lemoult - Surjak, Toko, Rocheteau. Entraîneur: Georges Peyroche
Tir au but raté: Lopez pour l'ASSE
Les faits du match
En cette saison 1981-82, l'ASSE vient de manquer d'un point son 11e titre de champion de France. L'AS Monaco est parvenu à l'emporter face à Strasbourg lors de la dernière journée, ruinant l'espoir, pourtant conforté par une victoire nette et sans bavure 9-2 face à Metz, de voir les Verts les coiffer au poteau.
Néanmoins, l'ASSE a su se remobiliser immédiatement pour se qualifier le mardi suivant pour la finale de la Coupe de France, en disposant du SC Bastia 2-0, grâce à des buts de Larios et Platini. Michel Platini qui va revêtir le maillot bianconero de la Juve la saison suivante et qui dispute donc son dernier match sous les couleurs stéphanoises. Il a déclaré une semaine plus tôt: "Oui, je regrette de quitter Saint-Etienne, car en trois ans je me suis attaché à la ville, à ses habitants et je compte de nombreux amis sincères".
L'ASSE a donc d'ores et déjà raté le doublé mais une 7e Coupe de France cloturerait en beauté une saison qui se termine tôt, Coupe du Monde oblige.
Une affiche vintage de la finale
Pour le PSG, c'est la première finale de Coupe de France. Le club, fondé en 1970, s'est professionnalisé durant les années 70 et sous l'égide du président Borelli, a clairement fait un bond en avant depuis 1978 en recrutant ou révélant des vedettes comme Mustapha Dahleb, Luis Fernandez et le trio des Dominique: Baratelli, Bathenay et surtout, surtout, l'Ange Vert, Rocheteau. Supportant la cadence infernale d'un calendrier compressé, le PSG a su se défaire de Tours en demi-finales lors d'une séance de tirs au buts qui a surtout fait briller son gardien, Baratelli (0-0, 2-1 aux tab), auteur de 4 arrêts sur 5 tentatives tourangelles. Les demi-finales ont eu exceptionnellement lieu sur un seul match pour alléger le calendrier mais elles se sont disputées le mardi 11 mai, nous sommes le samedi suivant et ainsi débute l'une des plus belles finales de Coupe de France jamais jouées...
Bathenay et Lopez, hier partenaires, aujourd'hui adversaires
Surprise dès le début du match en ce qui concerne la tactique stéphanoise. On attend Platini au milieu de terrain or Jean-Claude Lemoult, chargé de sa surveillance, a la surprise de le trouver en pointe. Platini rôdant devant le but, voilà de quoi obliger à prendre des précautions pour le PSG qui est ainsi contraint de rester enfermé dans un schéma très strict avec des marquages individuels. Lemoult sur Platini donc, Pilorget sur Rep, Col sur Paganelli et Fernandez dans un rôle d'essuie-glace qui le conduit souvent sur la route de Larios. Comme les Stéphanois ne sont pas du genre à tenter n'importe quoi, on pense alors ne pas assister à un match fou-fou-fou.
Le Parisien Toko pose bien des problèmes à l'arrière-garde stéphanoise
D'ailleurs, les premières minutes montrent effectivement que personne n'est là pour plaisanter. C'est un combat d'hommes où l'on se regarde droit dans les yeux et où même les artistes paraissent décidés à ne pas faire dans la dentelle. Dahleb ainsi, dans les vingt premières minutes, est l'auteur de 4 fautes sanctionnées de 4 coup-francs, lui, le gentil et doux algérien, dont Francis Borelli avait dit un jour pour expliquer l'un de ses multiples forfaits: "Il est blessé, un papillon s'est posé sur son pied...".
En ces premières minutes de match donc, Dahleb, détruit une partie de sa légende, il est l'un des acteurs les plus en vue d'un match qui tarde à se débrider mais prend un peu plus de rythme à chaque minute. Un tir de Rocheteau sur lequel Castaneda étale des qualités qui, croit-il, fera de lui un titulaire avec l'EDF en Espagne. Un coup-franc de Surjak, directement dans les filets stéphanois, à la grande joie de.... ceux qui n'ont pas vu que le coup-franc était censé être indirect. Et encore, après une action de Battiston, une reprise totalement manquée de Paganelli.
Mustapha Dahleb grille la politesse à Christian Lopez
La mi-temps arrive sans que le match ait livré la moindre parcelle de son mystère. Cela reste une partie indécise, oubliable. Et pourtant, les parisiens ont gardé leurs ambitions intactes. Intactes et même singulièrement augmentées à la 58e minute quand un débordement de Surjak trouve à la conclusion le grand Toko pour un premier but qui vaut de l'or. Et du bruit. Le Parc s'embrase.
Les Verts décident alors de sortir de leur réserve. Platini a été coupé de ses coéquipiers en première mi-temps tant l'organisation mise en place par le fin tacticien Georges Peyroche était parfaite. Les Stéphanois décident alors de passer par-dessus, et d'adresser à Platini de longues balles aériennes. L'idée n'est pas mauvaise d'autant que Lemoult, le garde du corps du lorrain, n'est pas grand. Aussi, à la 76e minute, alors que Platini se fait de plus en plus actif, une longue transversale de Zanon, relayée par Nogués, lobe Lemoult, et Platini d'une reprise en demi-volée du droit marque son premier but. 1-1. Il reste 15 minutes à jouer pour l'emporter.
Traditionnel sauveur des Verts, Michel Platini égalise à la 76e minute
Ou plus ! Les Parisiens tiennent bons jusqu'à la fin du temps réglementaire en dépit de la fatigue accumulée face à Tours en 120 minutes, à peine 4 jours plus tôt.
La prolongation est salvatrice pour les Parisiens. Du moins le croit-on car elle n'a pas débuté depuis 10 minutes qu'une nouvelle ouverture de Zanon passe au-dessus de Lemoult et aboutit dans les pieds de Platini, seul devant Baratelli. Le genre d'offrande que le meilleur joueur français ne manque pas. 2-1 pour les Verts.
Le temps passe et cette fois, il est en faveur des visiteurs de ce "terrain neutre". Les Stéphanois essaient de maîtriser des parisiens qui tentent le tout pour le tout. Il reste moins de 100 secondes. Surjak se démène sur l'aile droite, il centre pour trouver Rocheteau placé au centre de la surface de réparation.
C'est presque la même occasion que le troisième but contre Kiev, 6 ans plus tôt, mais cette fois, l'Ange Vert joue contre les Stéphanois et leur assène un véritable coup de poignard. 2-2 à la dernière seconde. Impensable !
L'Ange Vert n'a jamais été aussi maudit qu'à ce moment là
Un premier envahissement de terrain a lieu, ce qui n'empêche pas M. Vautrot, après cinq minutes d'interruption, de reprendre le jeu pour une bonne minute. La suite, c'est donc l'épreuve des pénalties. Encore une fois en raison de la Coupe du Monde imminente, c'est la première fois de l'histoire qu'une finale de Coupe de France n'est pas à rejouer en cas de résultat nul. Or, l'histoire du football le montrera: une équipe qui arrache les tirs au buts in extremis a bien souvent un avantage psychologique déterminant lors de la séance fatidique.
Mais avant de procèder à celle-ci, le terrain doit faire face à son deuxième envahissement. Les joueurs regagnent à toutes jambes les vestiaires. Autre époque où ces manifestations de joie spontanées étaient prises avec certes un peu d'agacement mais aussi beaucoup de bonhommie.
La pelouse du Parc est envahie deux fois à la fin des prolongations
Des tractations démarrent en coulisses. Les autorités ont peur d'évacuer le terrain par la force et se demandent s'il ne faut pas plutôt rejouer le match. Borelli est plutôt contre, ses joueurs se sentent invincibles. Herbin n'a pas d'opinion. C'est donc Fernand Sastre qui tranche: il demande aux forces de l'ordre d'évacuer la pelouse. Miracle, tout se passe sans heurt. Au bout d'une demi-heure, les joueurs reviennent au centre du terrain.
Patrick Battiston est le premier à s'élancer face à Baratelli. Contre-pied et but. 1-0
Bathenay maintenant. Il frappe pied ouvert et la balle monte vers le tableau d'affichage. Un cri de détresse part des tribunes quand M. Vautrot affirme que Castaneda a bougé et ordonne de le retirer. Babate ne se fait pas prier pour, cette fois-ci, malgré un tir un peu raté, égaliser. 1-1.
On parle de vol du côté des Verts et Platini a même envoyé Lopez protester auprès de M. Vautrot. En vain, l'arbitre a toujours raison.
Rocheteau et les siens tendus face aux Stéphanois lors des tirs au but
Zanon. Boum dans les nuages. Le Parc rit. M.Vautrot fronce les sourcils en indiquant que Baratelli a bougé. On recommence. Zanon, boum, dans les filets cette fois. 2-1. Côté stéphanois, la colère s'est subitement calmée.
Renault pour le PSG. C'est le plus frais de tous puisqu'il est entré en jeu à la 120e minute. Au ras du poteau. Pas d'émotion. 2-2
Johnny Rep. 3-2 pour les Verts.
Rocheteau. Très fort et très près du poteau. 3-3
Larios. Un signe de croix et un missile à cent à l'heure. 4-3
Surjak en force au milieu. 4-4
Ivica Surjak crucifie Jean Castaneda sur le 4e tir au but parisien
Platini maintenant. Il s'avance en claudiquant mais réussit à tromper Baratelli. 5-4
C'est la dernière fois qu'on verra Platini battre un gardien sous le maillot d'un club français. Il se fait légèrement mal sur le coup mais rien de grave.
Luis Fernandez enfin. Il s'élance, la balle part sur le flanc droit de Castaneda qui a jailli, mais ses immenses mains ne font qu'effleurer le ballon. 5-5
Égalité parfaite. Personne n'a manqué, personne ne semble vouloir en finir en cette soirée sous tension. Il faut trouver d'autres volontaires. On ne se bouscule pas du côté des Verts. Lopez va voir Castaneda. Il cherche à droite, à gauche. Tout le monde tourne la tête. Plus qu'une solution: y aller soi-même.
Lopez donc. Il bombe moins le torse que d'habitude. Baratelli le regarde droit dans les yeux. Moustache contre moustache. Baratelli part à droite, Lopez frappe au milieu. Tout Baratelli est battu sauf son pied droit. La balle repart dans les airs. Paris saute en l'air. Lopez revient impassible. Il s'y attendait sûrement, il ne voulait pas y aller. 5-5
Lopez face à Baratelli, le tir qu'il ne fallait pas rater
C'est donc à Jean-Marc Pilorget que revient la pression d'offrir son premier titre au club parisien. Ce grand défenseur n'est pas du genre sentimental. Il s'offre un intérieur du pied tout en finesse. 5-6 pour PSG... et Borelli embrasse la pelouse du Parc.
La fin d'un rêve
Il y a 15 jours à peine, les Verts pouvaient s'offrir un doublé. Saison noire qui au terme de deux échecs sur le fil se transforme en saison blanche. Il faudra attendre 31 ans pour revoir une finale de Coupe disputée par les Stéphanois...
Dominique Bathenay soulève la Coupe.
Malheureusement, il a changé de camp...
Sources
Le livre d'or du football 1982 - Charles Biétry
Archives Paris Football
The Vintage Football Club