La première moitié de la saison 2018-19 vient de se finir, sur une note positive, la large victoire à domicile contre Dijon. L'occasion parfaite pour un récapitulatif des options tactiques utilisées par le staff stéphanois.
Une fois le recrutement terminé fin août, avec l'arrivée de Salibur, le staff stéphanois a tâtonné pendant plusieurs matchs pour trouver un équilibre tactique avec le nouvel effectif. Les problèmes principaux venaient du secteur offensif, où il fallait faire jouer Khazri, Cabella et Diony ensemble. L'équilibre a été trouvé à peu près à partir du match contre Caen fin septembre et l'animation offensive a été peaufinée peu à peu au fur et à mesure des rencontres.
Système et équipe-type
Le système utilisé principalement par l'ASSE lors de la première partie de cette saison est le 4-2-3-1 :
Il y a eu très peu des matchs avec les 5 défenseurs confirmés disponibles en même temps pour pouvoir dire qui est le titulaire à gauche entre Kolo et Silva et quel est le poste principal de Kolo. Gabriel Silva n'apparaît pas dans cette équipe-type surtout à cause de ses blessures cumulées à celles de Debuchy (il a dépanné à droite 3 fois). Pour l'attaque, une fois que Khazri et Cabella ont été fixés dans l'axe (avant-centre, respectivement "10"), Diony a surtout pris le couloir gauche. A droite, Salibur et Hamouma se disputent la place d'ailier, le deuxième étant blessé de temps en temps, mais dépannant aussi à gauche parfois.
Pourquoi Cabella et Khazri jouent dans l'axe et pas sur les côtés ? Au delà des préférences individuelles, il y a l'apport offensif du premier, nettement moins en vue dans un couloir, et du deuxième, très performant. Mais aussi l'apport défensif : dans un 4-2-3-1, les deux ailiers doivent faire des importants efforts défensifs, le système devenant un 4-4-2 :
Parmi ces joueurs titulaires, il est préférable de défendre dans les couloirs avec Diony et Hamouma plutôt qu'avec Cabella et Khazri...
Animation offensive
Comme l'équipe actuelle des Verts aime avoir le ballon et construire ses attaques tranquillement, en partant de très bas, l'animation offensive et les déplacements des joueurs en phase de possession sont plus importantes que le bloc défensif proposé. Et ils peuvent être schématisés ainsi :
Les deux latéraux montent assez haut. En règle générale, pour ne pas se découvrir, il est toujours intéressant de laisser trois joueurs derrière. Ceci aide aussi à bien construire les attaques et d'habitude un milieu défensif descend entre les deux défenseurs centraux : pour l'ASSE, M'Vila se place à leur niveau, mais sur la gauche, pas dans l'axe. Pour avoir des solutions pour sortir proprement, Cabella descend au niveau de Selnaes et comme les couloirs sont pris par les latéraux, les deux ailiers repiquent dans l'axe. Ce qui donne ce positionnement en phase de construction :
La ligne de trois derrière est à l'aise avec le ballon et les sorties peuvent être très propres. Parfois dans les couloirs, mais souvent dans l'axe, où Cabella et Selnaes sont très disponibles et complémentaires. Ainsi, le dernier relaye le ballon plus loin grâce à sa qualité de passe, pendant que le premier remonte balle au pied. Pour offrir des solutions à ces deux "relayeurs", l'ailier droit se place en "10", dans l'axe entre les lignes. Et Diony fait profiter son profil d'attaquant en se plaçant à côté de Khazri, dans la défense adverse, qui est ainsi resserrée, libérant les couloirs pour les latéraux.
Bien évidemment, une fois que la balle arrive dans les 30m adverses, M'Vila et Cabella montent d'un cran respectivement, le deuxième tournant tout autour de la surface adverse (aidant sur un côté, combinant dans l'axe), pendant que le premier se place au niveau de Selnaes, les deux récupérant les ballons dégagés par la défense et orientant le jeu de là-bas.
Défense à 4 ou à 5 ?
Ça n'a échappé à personne, les déplacements en phase de possession placent les Verts dans une sorte de 3-4-1-2 (3-5-2 avec triangle pointe haute au milieu). Mais tout part d'une défense à quatre, avec M'Vila qui se place à gauche des défenseurs centraux. Par contre, le staff stéphanois a déjà démarré 4 matchs (sur les 19 en cette première moitié de saison) dans une défense à trois. A Paris et Lyon c'était un choix tactique, le plan de jeu ayant été de bien défendre et ne pas laisser d'espaces - il y avait à chaque fois 4 défenseurs confirmés aptes. Par contre, pour les deux dernières rencontres avant Noël, il n'y avait que 2, Perrin et Kolo, donc le choix de la défense à 5 a été plutôt subi que choisi. Et si lors du déplacement à Nice le plan de jeu aussi était de défendre, ça n'a pas été le cas lors de la réception de Dijon.
Comme les Verts ont l'habitude d'une animation offensive en 3-4-1-2, ils ont complètement maîtrisé cette rencontre, même si c'était un système de départ, non seulement une évolution du 4-2-3-1 en phase de possession. On pourrait dire qu'il n'y avait presque pas de différence entre l'animation offensive lors de ce dernier match et celle habituelle, mais une saute aux yeux : le positionnement de M'Vila.
A partir d'une défense à 4, il prépare les attaques d'en bas. Même s'il est le dépositaire du jeu stéphanois, même s'il est à l'origine de la plupart des attaques construites, il ne participe pas à leur conclusion. Par contre, dans un "vrai" 3-4-1-2, il ne fait pas partie des 3 de derrière. Il est donc par défaut plus haut sur le terrain et sa qualité de passe dévient visible vers la fin des actions aussi, comme l'atteste ces trois exemples contre Dijon.
A la 24e, il lance Polomat dans le couloir gauche :
On remarque le 4-3-3 dijonnais et le 3-4-3 stéphanois : Kolo-Perrin-Saliba derrière, ce qui permet à M'Vila et Selnaes d'être un à côté de l'autre plus haut. Cabella-Khazri-Diony sont dans la défense et les couloirs sont pour Polomat et KMP. Polomat centre pour Khazri, qui avait malheureusement démarré sa course trop tôt et son but est refusé pour hors-jeu - sinon, M'Vila aurait fait l'avant-dernière passe.
Ce n'est pas le cas à la 42e, quand c'est Polomat qui rend le ballon à M'Vila :
Positionnement identique pour tous les joueurs, la seule différence est que le centre vient de M'Vila et que Khazri n'est pas hors-jeu - son tir est repoussé par le gardien dans les pieds de KMP qui ouvre le score. M'Vila a fait l'avant-dernière passe, qui aurait pu être une passe décisive si Khazri avait marqué directement.
En 2MT, à la 64e :
M'Vila reçoit de nouveau le ballon du couloir gauche, après un relai par Kolodziejczak. KMP est toujours libre côté opposé, il est trouvé et sa passe (ou contrôle raté) en retrait est reprise par Khazri, qui avait bien bougé dans la surface et qui marque pour le 2-0 - l'avant-dernière passe est pour M'Vila.
Le système statistique de base qui compte seulement le but et la dernière passe ne suffit pas pour évaluer l'implication des joueurs dans les buts de leur équipe. On a regardé en détail dans combien des buts chaque joueur stéphanois était impliqué (dernier ou avant-dernier passeur, avoir obtenu un penalty, avoir un tir repoussé dans les pieds d'un coéquipier, etc.). Pour la 2e moitié de la saison précédente, malgré le grand nombre des matchs joués et son importance dans l'équipe, M'Vila n'y était impliqué dans aucun but. Il était trop bas, trop à l'origine des attaques pour aider à les conclure aussi. Lors de la 1e partie de cette saison, il n'a contribué qu'à un seul but dans le jeu, une passe décisive pour Khazri contre Monaco, suite à un ballon récupéré haut... jusqu'à ce dernier match, passé plus haut sur le terrain !
Conclusions
Comment les Verts évolueront-ils en 2019 ? Toujours dans un 4-2-3-1 qui devient 4-4-2 quand ils défendent et 3-4-1-2 quand ils attaquent ? Ou directement dans ce 3-4-1-2 qu'on a aperçu lors des derniers matchs ? On en saura plus quand les blessés seront de retour et le staff technique pourra faire, et non subir, des choix. Il y a des avantages et des inconvénients aux deux approches et on a des joueurs intelligents tactiquement, qui peuvent s'adapter sans problème. Après tout, les principes mis en place (maîtrise technique, patience dans la construction, déplacements sans ballon) sont les mêmes dans les deux cas.