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Un petit attaquant mais un grand buteur.
Un petit coach mais un grand entraîneur.
Un homme petit mais un grand homme !


J’avais à peine dix ans lorsque j’ai entendu parler, pour la première fois, de Kees Rijvers. Cette année-là, les Verts étaient alors en pleine gloire. Ils allaient affronter, en demi-finale de la Coupe d’Europe des clubs Champions, un club au nom bien étrange pour un gamin de mon âge: le PSV Eindhoven. Pour moi, ça ne faisait pas l’ombre d’un doute, mon club chéri allait balayer les Bataves et vivre ensuite une finale historique. On sait maintenant que la suite ne fut pas aussi aisée.
Et pourtant mon père m’avait prévenu, on devrait toujours écouter les anciens lorsqu’ils parlent de foot en tous cas. Il m’avait parlé de cet étrange petit homme, maintenant sur le banc du PSV, au nom bizarre et qui avait marqué de son passage à Geoffroy-Guichard tout le public stéphanois. Il m’avait parlé de Kees Rijvers. Je crois me souvenir que pour lui, après Eugène N’Jo Lea, c’était même l’un de ses joueurs favoris, au même titre que Mekloufi et consorts.


Rijvers (accroupi, 2e en partant de la droite) au NAC Breda en 1945

C’est le 27 mai 1926 que le jeune Cornelis Bernardus, de son vrai prénom, voit le jour à Breda entre tulipe et fromage. Il commence une longue carrière dans le club local, le NAC. On retrouve sa trace dans l’effectif dés la saison 1944-45. Il y jouera jusqu’en 1950-51. Ce petit meneur de jeu facétieux fait partie des meilleurs éléments de son pays. Alors que les Pays-Bas ne reconnaissent pas encore le football professionnel, il débute dans la sélection nationale de son pays le 3 octobre 1946, lors d’un succès chez les voisins luxembourgeois (6-2) et comptera en tout 33 sélections, pour dix buts. Il honore sa dernière cape en 1960 lors d'un match contre le Surinam. Il a alors 34 ans.


Sous le maillot néerlandais, Kess Rijvers est porté en triomphe
après un succès 2-1 face à la France en 1953

Mais bien avant cela, tout commence en 1950. L’AS Saint-Étienne, alors en pleine reconstruction, décide de confier les rênes de son équipe à Jean Snella, un véritable coup de génie qui sonne le début d’une période monumentale. Snella ne conserve dans son effectif que les meilleurs joueurs, dont René Domingo, arrivé en 1949, qui deviendra le joueur comptant le plus grand nombre de matches sous le maillot stéphanois. L'entraîneur profite aussi d'un important magot (pour l’époque) pour recruter malin.

Kees Rijvers arrive donc dans le Forez en 1951: un petit meneur de jeu, professionnel consciencieux, insolemment doué, fraîchement sélectionné pour disputer le match Angleterre-Reste du monde. Et pourtant, avec ses 162 centimètres, Kees Rijvers n’impressionne personne lorsqu’il descend du train, malgré cette réputation flatteuse. En un temps record, il devient "Trottinette", un surnom qui le suivra longtemps.


L'arrivée de Rijvers à l'ASSE en 1950

Professionnel jusqu’au bout des doigts, il l’est également jusqu’à l’extrémité des crampons. Il débarque ainsi dans le Forez avec une malle lourde de 100 kg de crampons vissés, un accessoire encore inconnu en France. De 1950 à 1953, il cumulera 66 matches pour 20 réalisations. Il se permet ensuite une escapade de deux ans dans la capitale, au Stade Français puis revient à Saint-Étienne pour un nouveau passage de deux ans, entre 1955 et 1957.


Kees Rijvers face au gardien angevin Moureau en 1955

Sa régularité lui permet de scorer à nouveau 16 fois en 66 matches permettant entre autres aux Verts de devenir champions de France à l’issue de cette dernière saison, et ce, pour la première fois de leur histoire. Rijvers, pourtant, ne connaîtra pas les premiers matches européens de l’ASSE, puisqu'il retourne à ce moment-là dans son pays, au Feyenoord Rotterdam plus précisément, pour trois saisons.


Rijvers déborde un défenseur de Blaum Wit avec Feyenoord en 1960

Mais il était dit que sa carrière verte ne devait pas s’arrêter là. Alors, il revient, encore, pour deux saisons (1960-61 et 1961-62), l’espace de 57 matches et de 6 nouveaux buts. Il ne peut empêcher une surprenante descente des Verts en 1962 mais il décroche quand même la première Coupe de France remportée par l'ASSE. A son départ, il a déjà marqué de son talent son passage en France, héritant, également, par sa façon de jouer, d’un autre surnom: le "Kopa Hollandais". Il achève sa carrière de joueur par une dernière saison comme joueur au NAC en 1962-63, histoire de boucler une boucle très symétrique puis ouvre un commerce dans sa ville natale.


Rijvers en famille en 1964

Lorsque l’on demandait au Hollandais ce qu’il avait l’intention de faire le jour où il serait contraint de raccrocher ses crampons, il répondait: "Je voudrais être un grand entraîneur comme monsieur Snella. Sinon, je serai un petit entraîneur et j’ouvrirai un débit de tabac".
Il deviendra un grand entraîneur...

Il fait d’abord ses classes dans un club amateur (TSC) puis à Willem II comme assistant coach. De 1966 à 1972, il occupe le banc du FC Twente, club batave dans lequel il se révèle. Et c’est donc en 1972 qu’il arrive au PSV où il restera sur le banc jusqu’en 1980 et gagnera trois titres de champion national (1975, 1976 et 1978).


Kees Rijvers, coach du PSV, montre à Krijgh ce qu'il sait encore faire

Grâce à lui, en remportant ces trois Eredivisie, le PSV parvient à briser la suprématie des grands clubs de l’ouest des Pays-Bas (Ajax Amsterdam et Feyenoord Rotterdam) et lors de la saison 1977-78, il obtient même le sacre européen en disposant de Bastia en finale de la Coupe UEFA.
C'est en quelque sorte sa revanche sur le football français car il faut dire qu'entre temps, les retrouvailles du petit général avec l’ASSE n'ont guère été synonymes de succès pour Kees Rijvers.
Il croise en effet la route de son ancien club une première fois en avril 1976 lors de cette fameuse demi-finale de Coupe d'Europe des Clubs Champions. Défaite 1-0 à l'aller, nul 0-0 au retour, frustrante élimination pour lui.
Puis à l'automne de la même année, un huitième de finale face aux Verts lui donne l'occasion de se venger. Malheureusement (pour lui encore), le scénario est identique: défaite 1-0 puis nul 0-0.
Enfin, en 1979, le PSV, tenant du titre, croit avoir fait le plus dur en battant enfin les Verts 2-0 au match aller du second tour de la Coupe UEFA. C’est sans compter sur le match retour et une furia verte dans le Chaudron (défaite 6-0), avec les cinq minutes les plus pénibles de la vie du coach Rijvers.


Kess Rijvers lors de la victoire du PSV sur Bastia en finale de C3 1978

En 1980, à l'issue de cette saison blanche, il file à la Hollandaise à Beringen, en Belgique avant d'être appelé à la tête de la sélection batave en 1981. Les Oranjes voient alors l'une de leur plus belle génération (celle de Cruyff) s'achever tandis que la prochaine (celle de Van Basten) n'apparaîtra qu'à la fin de la décennie.
La sienne sera une nouvelle fois victime d'un Stéphanois: Michel Platini, d'un coup franc superbe, évince les Pays-Bas des éliminatoires de la Coupe du Monde 1982. Rijvers quitte ce poste difficile en 1984, sans avoir pu réaliser de miracle avec une génération trop faible pour le très haut niveau. Son successeur, Rinus Michels, coach emblématique du "football total" le remplacera et remportera l'Euro 1988 avec l’équipe de Hollande.


Rijvers sélectionneur national en 1984
(avec Hoekstra, Kieft, Van der Gijp et Holverda)

De 1986 à 1989, Kees Rijvers, lui, officie comme manager à Twente avant de revenir une ultime saison s'occuper de l’équipe 2 du PSV et même de l'équipe 1 pendant un court intérim.
Avec 14 transferts mais seulement 4 tuniques revêtues et 4 clubs entraînés, Kees Rijvers prend en 1995 une retraite bien méritée d’une carrière débutée en 1944, 51 ans auparavant !

Ironie de l’histoire, Kees Rijvers remporte en 2005 le prix "Rinus Michels", du nom de son défunt successeur à la tête de l’équipe nationale, destiné à récompenser sa carrière exemplaire d’entraîneur. L’air de l’île d’Oléron lui permet de goûter à un repos salvateur lors de ses séjours français jusqu'au funeste 4 mars 2024 où il s'éteint à Bréda, sa ville natale, à l'âge de 98 ans. Il était alors le doyen des anciens Verts.

En fait, mon père avait raison, c’était vraiment un grand "petit homme"


Rijvers entre Rachid Mekloufi et Robert Herbin à GG en 2011