Les matchs s'enchaînent très vite et, s'il y a forcément eu des décisions prises à mauvais (et à bon!) escient depuis le début de saison, l'arbitrage ne nécessitait pas « d'analyse » un peu poussée. Comprendre : les situations permettant de dépasser le « yafôte-yapafôte » ne sont pas légion depuis quelques temps. Rendons-nous quand même au Stade du Hainaut et à GG contre Toulouse pour voir ce qu'on peut en tirer.
L'actualité va plus vite que mon clavier. Désolé, ami potonaute, mais cette chronique ne concernera pas OM-ASSE, duquel il n'y a finalement pas grand chose à tirer du point de vue de l'analyse. Pour des explications sur la faute grossière (non sanctionnée) d'A. Ayew, se référer à cet ancien article et, au sujet des 28 ballons touchés de la main, du bras, de l'épaule lors de cette rencontre, je vous invite à relire celui-ci.
Valenciennes est passée proche de jouer, comme il y a deux saisons, plus de 80 minutes à 10 contre 11 lors de la réception des Verts. Chose « amusante », Lemoine est à nouveau la victime. Chose encore plus amusante, la victoire stéphanoise aura été beaucoup plus probante que celle, très poussive, obtenue par le passé. Chose beaucoup moins amusante, les arbitres ratent un carton rouge pour brutalité. Rappel des faits : on joue la 9ème minute et les Verts ont récupéré un ballon bas. Lemoine, comme depuis le début du match, tente de faire un appel très rapidement vers l'avant. Enza Yamissi y est visiblement préparé : il suit le milieu stéphanois comme son ombre dès que les rouges perdent le ballon. Son marquage est très efficace car le ballon n'est finalement pas envoyé à Lemoine, mais à l'opposé. L'ancien Rennais coupe sa course et commence à se replacer en passant derrière le Centrafricain qui lui assène alors un coup de coude au visage.
Évidemment, ce geste devait être sanctionné d'une exclusion pour « comportement violent ». Il n'est pas nécessaire de rappeler la définition donnée dans la Loi 12, celle-ci tombant sous le sens. À toute fin utile, rappelons simplement que ce qui distingue la violence de la « faute grossière » est le fait de lutter ou non pour le ballon. Ce détail n'est pas sans importance sur cette action qui se déroule à 40 mètres du ballon, alors que Philippe Kalt tourne complètement le dos aux deux joueurs (cf la position des différents acteurs entourés en bleu). De fait, l'arbitre central ne peut absolument pas voir la faute. Quid des deux assistants ? Celui à l'opposé est extrêmement loin et, en toute logique, n'a aucune raison de regarder dans cette direction. L'assistant côté banc peut éventuellement le voir, mais, à ce moment précis, Erding est en train de faire un appel dans l'axe et on peut supposer que l'homme au drapeau est concentré sur la gestion du hors jeu. D'ailleurs, le fait que l'arbitre n'aille pas le voir indique sans conteste qu'il a affirmé n'avoir rien vu dans l'oreillette.
Reste le quatrième officiel, celui qui sera accusé par la suite, au mieux, de ne pas avoir bien jugé l'action ou, au pire, de n'avoir rien vu et, sentant bien qu'il s'était passé quelque chose, d'avoir proposé une sanction médiane à son central, voire de n'avoir pas voulu prendre ses responsabilités. En résulte une décision mi-figue, mi-raisin, ménageant la chèvre et le chou - on peut y passer tout le garde-manger - qui, surtout, n'est pas la bonne. Que s'est-il passé ?
Au bord du terrain, Galette est furieux. Apparemment, lui a parfaitement vu l'action, en témoigne sa réaction immédiate. L'entraîneur stéphanois bondit vers le banc des officiels. Le quatrième se lève, tente rapidement de calmer le coach et avertit manifestement Philippe Kalt dans l'oreillette. Le jeu est arrêté et l'arbitre alsacien commence par prendre des informations sur l'homme au sol. D'après moi, c'est à cet instant que la spirale qui conduira à l'erreur sur la couleur du carton se forme. Durant ces quelques secondes, un attroupement se forme devant les bancs, autour d'un Galette hors de lui. Très mauvaise nouvelle pour les arbitres qui vont donc avoir à gérer cela tout en tentant de prendre la bonne décision. Et finalement une mauvaise nouvelle pour les Verts car, en revoyant les images, on s'aperçoit que le quatrième officiel fait des gestes très clairs indiquant qu'il a tout vu, puis essaie de dialoguer calmement avec l'arbitre pour lui expliquer les choses. Mais il ne parvient pas à le faire dans un climat calme, sans cesse interrompu. Je vous propose quelques captures des images de la télé. Regardons le chronomètre.
À 9'16, pendant que les soigneurs interviennent, le quatrième essaie de calmer le banc stéphanois. Son geste est sans équivoque (1) : il a vu ce qui s'est passé. Kalt arrive à son tour, avec des gestes d'apaisement (2). Il tente de s'isoler avec son quatrième officiel pour quelques secondes d'échanges, mais sont sans cesse pris à parti (3). Finalement, Kalt retourne sur le terrain à 9'30 avec l'intention de procéder à une exclusion (4) : il met la main à la poche droite, celle du carton rouge. Mais il ralentit, probablement victime d'un doute sur l'identité du coupable. La suite tient compte des propos des uns et des autres après le match. D'après l'arbitre, à ce moment-là, Galtier indique le numéro d'un autre joueur que celui de Enza Yamissi (le coach nie dans la Tribune le Progrès s'être trompé de joueur). Le plus probable est que, Galtier pointant du doigt un joueur relativement éloigné, l'arbitre ait pu confondre ce joueur et le n°4 valenciennois. Bref, la situation est plus que chaotique et ne va pas s'arranger.
Nouvel attroupement, Kalt fait demi-tour, est retenu par plusieurs joueurs des deux équipes. Il souhaite s'assurer de sa décision auprès du quatrième officiel. Il en profite pour essayer d'isoler Enza Yamissi (6). Nouveau temps de discussion, particulièrement long avec l'arbitre remplaçant qui semble dessiner un « 4 » avec ses doigts (8), encore régulièrement interrompu par les bancs et les joueurs. À ce moment-là, Kalt aurait sans doute pu faire preuve de plus d'autorité (menacer d'avertir les joueurs ou d'exclure un ou des membres du staff) et chercher à vraiment s'isoler avec son quatrième. Sa tentative (10) de repousser tout le monde n'aura pas un grand effet. À l'évidence, il doute toujours, ce qui est souvent le cas des arbitres centraux lorsque quelque chose s'est passé complètement dans leur dos : il est difficile de prendre la responsabilité d'une sanction sur une action dont on ne sait rien. Sans doute aussi a-t-il en tête et, du fait du quiproquo avec Galtier, l'erreur commise par Stéphane Jochem lors du VA-TFC de la première journée (et son premier match en L1) : il n'a aucune envie d'être le « nouvel-arbitre-qui-s'est-trompé-de-joueur-à-expulser-regardez-comme-ils-sont-mauvais ».
Preuve de ses doutes, il regarde discrètement le numéro inscrit sur le short de Enza Yamissi (11). Le quatrième maintient sa version (12, geste d'un coup de coude) et le joueur concerné, pendant que Daniel Sanchez écoute aux portes. Dernière trace de la confusion qui règne, Kalt met à nouveau la main à la poche droite, se ravise et change de poche en même temps que de couleur de carton (13 et 14). Le chrono affiche 11'42 : il s'est écoulé deux minutes et demi pour finalement appliquer la mauvaise sanction. La sérénité est le meilleur allié des arbitres. Ces attroupements, plein de gestes virulents, d'agressivité, de risque de sur-incident entre des joueurs et/ou les bancs sont une vraie source de « mise en danger », au sens où toutes les conditions ne sont pas réunies pour prendre une bonne décision. Sans doute l'arbitre aurait pu s'éloigner encore plus avec son quatrième (par exemple aller carrément sur le terrain), mais c'était aussi le risque de rater un autre coup ou des propos injurieux lancés dans la mêlée.
Ce geste aurait-il pu être évité ? Bien entendu, son auteur est le premier responsable et aurait dû se tenir. J'ai regardé à nouveau le début du match dans l'optique de chercher à comprendre, car un tel dégoupillage arrive rarement sans antécédent. En fait, c'est minime, mais l'arbitre a eu, à peine 40 secondes plus tôt, l'occasion de calmer les esprits. Sur l'image ci-dessus, on distingue les deux milieux défensifs côte à côte. Sur une action assez similaire à celle qui interviendra juste après, le joueur de VA retient Lemoine et l'empêche de faire un appel. Le Stéphanois n'est vraiment pas content. A-t-il à ce moment-là dit sa façon de penser de manière fleurie ? On ne le saura jamais. L'arbitre laisse le jeu se poursuivre, le ballon restant en possession des Verts. Dommage, pour une fois, siffler la faute et ramener le calme aurait été plus utile que laisser l'avantage. Mais il fallait être doué de prescience pour le deviner.
Ce match a également été l'occasion de plusieurs actions litigieuses dans la surface stéphanoise (7ème, 72ème...) jusqu'au penalty sifflé par erreur. Celle concernant Ruffier est la plus intéressante, car assez représentative des duels attaquant/gardien.
Primo, il n'y a, en principe pas de différence de traitement entre un gardien et un joueur de champ. La question/réponse 1.05 de la Loi 12 dans le Livre des Lois du Jeu est formulée ainsi :
"Le gardien de but peut-il être pénalisé d'un coup franc direct (ou penalty) ?
Oui, s'il commet une des fautes importantes précisées dans la loi 12 sauf, naturellement, celle de manier le ballon dans sa propre surface de réparation."
Concrètement, parmi les 10 fautes sanctionnables d'un CFD, un gardien qui sort dans les pieds d'un attaquant peut être sanctionné pour :
- Faire ou essayer de faire un croche-pied à un adversaire (s'il sort avec le bras, la main, le corps...).
- Tacle un adversaire (s'il sort avec le pied).
Dans les deux cas, le fait de siffler faute suppose de toucher le joueur adversaire avant le ballon. Cependant, ce genre de duels est souvent regardé avec un oeil "bienveillant" pour le gardien, car l'attaquant cherche bien souvent le contact volontairement. Donc, en principe, un gardien qui sort dans les pieds de l'attaquant doit être traité comme n'importe quel joueur, sauf qu'il peut se servir de ses mains et de ses bras dans sa surface, (comprendre que les règles ne prévoient pas de cas particulier pour cette situation) mais, dans les faits, l'arbitre va souvent tolérer des contacts qu'il ne laisserait peut-être pas passer à un défenseur. C'est, de toute façon, le genre d'action les plus difficiles à juger : ça se passe à pleine vitesse, vitesse encore renforcée par le fait que le duel est frontal. Au moment du contact, s'il a lieu, il faut juger en simultané :
- Le gardien touche-t-il le ballon ?
- Le gardien touche-t-il le joueur ?
- Le gardien touche-t-il le ballon avant le joueur ?
- Le joueur a-t-il "recherché ou provoqué" le contact ?
- Le joueur avait-il une chance de reprendre le ballon ?
- Pouvait-il ou devait-il marquer sans le contact ?
Au final, sur cette action, l'arbitre a soit considéré que Ruffier avait touché le ballon (a priori, ce n'est pas le cas), soit que le Valenciennois avait provoqué/recherché le contact (difficile de percevoir une quelconque malice sur les images), soit, et c'est le plus probable, qu'il était déjà déséquilibré par son duel avec deux défenseurs et tombe à cause d'un contact très léger avec le gardien, alors qu'il cherchait à récupérer un ballon qu'il avait poussé assez loin pour éviter la sortie. Il met le sifflet à la bouche mais décide de ne pas siffler.
Bonus : Pour en finir avec le dernier défenseur (ASSE-Toulouse)
Au plus fort de la domination stéphanoise contre Toulouse, Corgnet file en direction du but, mais est retenu/plaqué par Abdennour avant l'entrée de la surface de réparation. Lionel Jaffredo ne sort qu'un carton jaune à l'encontre du défenseur central. L'occasion de revenir sur ce que beaucoup appellent encore « la faute du dernier défenseur ». Cette mauvaise interprétation existe depuis l'introduction de cette règle, il y a 15 ans maintenant. Une bonne fois pour toute, ce qui est sanctionné d'une exclusion, ce n'est pas le fait de commettre une faute alors qu'on se trouve le joueur de son équipe plus rapproché de sa ligne de but, mais bien le fait « d'anéantir une occasion de but manifeste d'un adversaire se dirigeant vers le but ». Corgnet se dirigeait-il vers le but et avait-il l'avantage sur Abdennour ? Oui, avec certitude. Avait-il une « occasion manifeste de but » ? Non, car Spajic, l'autre défenseur central, était sur le point de lui couper la route. Peut-être qu'il n'y serait pas arrivé, mais le simple fait qu'il soit en mesure de le faire valide la décision de l'arbitre.
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