Tentons d'expliquer que Stéphane Bré a pris une bonne décision samedi à la 95e. Et essayons de militer contre la politique éditoriale de Canal, qui résume de plus en plus un match par une péripétie arbitrale, occultant intégralement ou presque le reste de la rencontre !


Qui a vu "Jour de Foot" et est Stéphanois a dû tenter de s'arracher les yeux et les tympans samedi soir. Ouverture du résumé de Sainté - Grenoble : la main de Varrault qui constituera au final une bonne moitié du temps consacré à nos couleurs [ndlr : vous pouvez voir le ralenti de cette action à la fin de cette vidéo : http://tv.gf38.fr/video/iLyROoafMCui.html]. Vivement le terme de mon abonnement... Tout ça après avoir dû supporter le commentaire un poil moqueur de Guy Roux, coupable d'un éminemment (et volontairement) réducteur : "On nous a dit que bras décollé = penalty" qui ne reflète pas la réalité une seconde, mais, c'est à noter, montre les progrès que doivent faire les arbitres et leur hiérarchie dans la communication pour éviter que tout un travail de préparation médiatique de la saison ne soit sapé par d'énormes raccourcis. Nous y reviendrons.

Préambule utile à qui n'a jamais pris le sifflet : la main est probablement la chose la plus difficile à juger dans le football. Pourquoi ? Parce que cela suppose d'avoir à la fois un angle optimal de vision et de juger de "l'intérieur de la tête du footballeur", façon "Dans la Peau de Cédric Malkovitch" (ou de John Varrault, au choix...). Or, c'est un peu la seule situation de faute qui nécessite cela. Pour être clair, un tacle est souvent "facile" à juger, même sans un angle de vue optimal : le ballon touché ou pas, la chute de l'adversaire, l'intensité du geste sont des éléments qui peuvent aider à prendre une décision. Pour une main, ce n'est pas le cas, le risque est très important, soit de ne pas la voir (masqué par le joueur fautif ou un autre), soit de mal "interpréter" le côté volontaire ou non. Pour finir par un peu de théorie, la Loi XII indique qu'un Coup-Franc Direct (ou un Coup de Pied de Réparation, si le fautif est dans sa propre surface de réparation) est accordée à l'équipe adverse du joueur qui : "touche délibérément le ballon des mains (excepté le gardien de but dans sa propre surface de réparation)".

Observons maintenant comment une consigne passée aux arbitres devient un grand n'importe quoi médiatique. Clairement, la Loi XII n'a pas changé cet été. Il est donc hors de question, quoi qu'en dise Guy Roux, de siffler des mains involontaires. C'est sur la notion même de "délibérément" qu'il a été demandé une interprétation légèrement différente aux arbitres du haut niveau et cela, dans certaines circonstances. Primo, cette consigne d'avant-saison est en fait un... rappel puisqu'elle était déjà appliquée la saison dernière, suite à différents stages vidéo. Ensuite, elle est l'exact contraire de siffler les mains involontaires, puisque, pour résumer, le but est de lutter contre les mains "faussement involontaires". Ça a l'air un peu bancal dit comme ça, mais ça ira mieux avec des exemples : un défenseur venu au contre face à un attaquant qui va centrer ou tirer doit maintenant veiller à ne pas laisser traîner les bras et offrir une surface supplémentaire de son corps au contre. En clair, les mains des Vilains contre Bordeaux (Tiago x2 et Cris, de mémoire) il y a deux ans étaient à l'époque discutables ; elles sont maintenant sanctionnables. (Dans les conditions où l'arbitre voit bien l'action et l'interprète comme il faut, voir plus haut). L'idée étant, à terme, que les défenseurs mettent bien les mains derrière le dos dans ce genre de situation pas de tomber dans un binaire "bras décollé = péno" (au passage, la notion de bras décollé n'est qu'un élément d'assistance pour la prise de décision). Donc, contrairement à ce que dit Guy Roux, on ne demande pas aux arbitres de ne plus interpréter le côté volontaire ou non de la main, mais, au contraire de le "sur-interpréter" en se demandant si, l'air de rien, le joueur ne fait pas semblant de faire une main involontaire tout en la faisant volontairement... C'est pourtant clair, punaise !

Voilà pour la consigne et son sens. Le souci de la communication de la Direction Nationale de l'Arbitrage reste toujours le même : quoi qu'elle dise, ses propos sont mal interprétés. Un peu comme si un muet parlait à des sourds... sans les mains... Pour plus de clarté, devrait-on arracher les bras des joueurs ? Sans doute pas, mais il y a un moment où on peut accuser les commentateurs sportifs d'autisme ou de malhonnêteté intellectuelle (franchement, c'est sans doute vrai en partie et probablement dicté par des impératifs éditoriaux) autant qu'on veut, la com' arbitrale encore balbutiante doit clairement gagner en compréhension. Ainsi, la séquence d'explication entre Bré et Bazdarevic était un peu trop vite expédiée par l'arbitre breton qui se contentait d'un laconique rappel de la loi. Si la volonté d'apaisement des deux et de l'entremetteur Canal était intéressante, un peu plus de verve au micro de l'homme en jaune aurait pu donner plus de relief au segment. Las, au final, on avait l'impression que c'est l'entraîneur qui avait raison...

Bref, pour revenir à "l'affaire Varrault", appliquons un peu la grille de lecture de Stéphane Bré sur cette action  :

1) Voit-il Varrault toucher le ballon de la main ou du bras ? Oui, cf. échange avec l'entraîneur grenoblois après le match.

2) La main de Varrault est-elle délibérée ? Clairement non : le ballon arrive de façon totalement aléatoire sur la main de Varrault qui est dans un duel à trois (un truel ?) où le ballon est repoussé par son équipier Sall à bout portant.

3) La position de la main de Varrault peut-elle laisser penser qu'il cherche à profiter d'une surface corporelle supplémentaire pour contrer une possibilité adverse ? Là encore, et c'est le plus important, clairement NON : dans sa position, en l'air, il n'a aucune possibilité de positionner ses mains autrement ni d'éviter le contact avec sa main, qui intervient de façon totalement aléatoire. De plus, le latéral n'a aucun intérêt à toucher le ballon ainsi. Au moment où ce contact intervient, il ne sait pas où est le ballon, ni même que c'est Sall qui l'a repoussé. Le critère à la mode de "modifier la trajectoire du ballon" ne prévaut pas ici puisqu'il est censé être appliqué pour un centre ou un tir. En langage compréhensible, par "modifier la trajectoire", on veut dire que la main empêche le ballon de rentrer dans le but ou un centre d'avoir son plein effet. Cette notion est juste là pour dire que cette consigne sur les mains ne doit pas être appliquée bêtement et que l'avantage ne doit pas être oublié !

Autant d'éléments que l'arbitre a dû analyser en quelques dixièmes de seconde, à la 95e minute d'un match où le score n'est pas plié, avec la pression que cela suppose. Pour le coup, je pense que l'arbitre prend la bonne décision.