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38.722 spectateurs pour un match d'anthologie que pourtant bien peu de monde a pu voir en entier...


La feuille du match
Mercredi 28 novembre 1979 - Coupe de l'UEFA - Stade Geoffroy-Guichard
8e de finale aller: ASSE 4-1 Aris Salonique
Spectateurs: 38.722 - Arbitre: M. Eschweiller (RFA)

Buteurs: Platini (13e sp), Larios (46e), Lopez (53e), Roussey (77e) pour l'ASSE. Semertzidis (34e) pour Aris Salonique

ASSE: Curkovic - Janvion (Lestage 80e), Oleksiak, Lopez, Farison - Elie, Larios, Santini - Rep (Roussey 67e), Platini, Zimako. Entraîneur: Robert Herbin
Aris Salonique: Pantziaras - Mokalis, Venos, Foiros, Tzifopoulos - Kouis, Ballis (Alexiou 83e), Skouboe - Zindros, Semertzidis, Vanguis (Ataniadis 80e). Entraîneur: José Sasia

Les faits du match
Trois buts d'avance: c'est l'objectif imposé à Sainté, face à Salonique. C'est Yves Triantafilos qui l'assure. A 32 ans, celui qui fut l'idole-éclair du stade Geoffroy-Guichard lors d'un doublé historique en Coupe d'Europe est un expert indiscuté du football grec.
Mieux que personne, il connaît les terrains pelés et l'atmosphère de traquenard des stades de la péninsule. Il sait ce qui attend l’ASSE sous quinzaine. Alors, il avertit...

Ce match commence dans le brouillard.
Pour tout le monde: des nappes épaisses tombent sur Geoffroy-Guichard. Des tribunes, on ne distingue pas la pelouse. Du jamais vu.
Pendant longtemps l'incertitude pèse sur le maintien de la rencontre. Elle est levée au tout dernier moment par l'arbitre, M. Eschweiller, un Allemand au long cou et la tête haut perchée. Ces atermoiements ont déréglé le processus habituel qui précède l'entrée sur le terrain. Le stade est comble, archi-comble et pourtant on n'y voit qu'à quelques mètres devant soi, on y devine vaguement les buts se dessiner dans la purée de pois, on y entend les clameurs d'un public de fantômes.


Roger Rocher s'interroge avec les autres officiels:
faut-il maintenir la rencontre ? (photo le Progrès)

Les Verts paraissent plus touchés par cette atmosphère inhabituelle que leurs adversaires. Jean-Michel Larqué, à présent journaliste pour le mensuel Onze note: "Savez-vous que Lopez quitte le vestiaire très précisément 30 minutes avant chaque match pour s'échauffer ? Savez-vous que la séance de Curkovic, qui est toujours la même est bâtie en fonction d'un horaire précis, où chaque minute compte ?".
Les joueurs grecs sont moins fébriles. Ainsi le grand Semertzidis, l'avant-centre, se plonge dans la lecture du bulletin officiel des supporters de l'ASSE. Sur le terrain, cette tendance est confirmée. Il faut attendre 13 minutes avant que les Verts ne développent leur première véritable attaque. Mais elle est payante.
Jacques Zimako s'enfonce en dribbles profonds dans la défense grecque avant d'être fauché. C'est le pénalty, que Platini transforme dans le gris ambiant, malgré Pantzarias, le gardien au plongeon de grenouille, qui a effleuré le ballon de la main gauche.


Platini tire, Pantziaras plonge. Personne d'autre n'y voit clair

Et pourtant, le moment le plus surprenant, en cette première période cotonneuse, c'est le cadeau d'Ivan Curkovic qui, à la suite d'une tête lobée de Kuis, ne sait pas s'il doit bloquer le ballon ou le fouetter au-dessus de la transversale. Finalement, il l'offre à la tête du grand Semertzidis qui égalise sans se poser de question.

Le brouillard se lève et la première période s'achève sur ce score de parité. Cela risque d'être compliqué pour les 3 buts d'avance. Et pourtant, tout bascule à la mi-temps. Robert Herbin tente un coup de poker. Et le gagne. Lopez est libéré de ses tâches de couvreur. L’ASSE est en surnombre  au milieu et en attaque. Les Grecs ne supportent plus ce match. Larios, à la 46e minute remporte un duel décisif (photo), puis à la 53e minute, Lopez, rageur, se jette, pied en avant sur une balle cafouillée et marque avec la complicité du Grec Firos et de l'arbitre qui valide inexplicablement ce but.


Jeu dangereux ! Non ? But !? Bon d'accord...

C'est alors qu'Herbin place Laurent Roussey sur orbite. Roussey, c'est le joker du dernier quart d'heure. Le coup a déjà réussi contre Eindhoven, au tour précédent. Et Roussey double la mise… en marquant à la 77e minute, ce qui permet aux Verts de réaliser l’objectif de 3 buts d’écart fixé par Tintin.

Le déplacement à Thessalonique sera peut-être un traquenard mais les Verts ont désormais un pied en quarts de finale...

Le Saviez-vous ?
- Offensive et rythmée, la rencontre Aris Salonique-ASSE du match retour acouchera d'un très joli 3-3, Zimako marquant notamment sur corner direct et Oleksiak contre son camp. Les Verts seront opposés au Borussia Mönchengladbach en quarts de finale, une opposition qui tournera au fiasco complet (1-4, 0-2)

- Pour en arriver là, l'Aris Salonique avait réussi l'exploit d'éliminer le Benfica Lisbonne au premier tour et l'AC Pérouse en 16e. Les Verts, eux, s'étaient difficilement défaits du Widzew Lodz (1-2, 3-0) et surtout du PSV Eindhoven (0-2, 6-0)

- Hégémonie du foot allemand de l'époque: seuls 3 clubs issues d'autres championnats que la Bundesliga parviennent à se hisser en quarts de finale de la C3 cette année là: l'ASSE, le Lokomotiv Sofia et le FC Brno. Tous seront éliminés au profit d'un dernier carré 100% germanique. En finale, l'Eintracht Francfort sortira victorieux de son duel fraticide contre M'Gladbach

- L'Aris Salonique (nommé ainsi en hommage à Arès, le dieu grec de la guerre) vit à l'époque une vraie résurrection grâce à des jeunes formés localement. Grand rival du PAOK, le club de Thessalonique ne possède alors que 3 titres nationaux acquis près de 40 ans plus tôt et une Coupe de Grèce. A l'issue de la saison, il se classera 2e de son championnat avant de connaître une longue dégringolade qui l'enverra progressivement en 3e division. Christophe Galtier y entraînera 6 mois en 2001-02. Aujourd'hui, le club est jumelé avec l'ASSE.

- L'anecdote peut surprendre au vu des conditions de sécurité de nos jours: n'ayant pas trouvé de place en tribune de presse pour y loger les jeunes du centre de formation, comme c'est l'usage à l'époque, le club décide alors de les placer... sur le toit ! Le meilleur endroit pour y voir des matches, pourrait-on croire, si le brouillard le permet bien entendu...


Pourquoi se compliquer la vie avec des sièges et des dossiers ?

Sources
- Coupes d'Europe Story Les Verts 1957/1981 - Patrick Mahé, Dominique Grimault
- Le football en vert - Bernard Pivot