séléctionnez une date pour un autre éphéméride

Hajduk Split, un club dont le simple nom évoque une page légendaire de l'histoire des Verts à tous les amoureux de l'ASSE...


La feuille de match
Mercredi 6 novembre 1974 - Coupe des Clubs Champions - Stade Geoffroy-Guichard
8e de finale retour: ASSE 5-1 Hajduk Split (ap)
Spectateurs: 26.381 - Arbitre: M. Patterson (Écosse)

Buteurs : Larqué (36e), Bathenay (61e), Bereta (71e), Triantafilos (82e, 104e) pour l'ASSE. Jovanic (60e) pour Hajduk Split

ASSE: Curkovic - Janvion (Santini 92e), Piazza, Lopez, Repellini (Triantafilos 69e) - Larqué - Synaeghel, Bathenay - Patrick Revelli, Hervé Revelli, Bereta. Entraîneur: Robert Herbin
Hajduk Split: Meskovic - Kurtela, Buljan (Luketin 85e), Dzoni (Salov 105e), Rozsic - Boljat, Muzimic, Jovanic - Zungul, Zerkovic, Surjak. Entraîneur: Tomislav Ivic

Les faits du match
Nous sommes le 23 octobre 1974, à Split, en Yougoslavie. L'ASSE vient de subir une terrible déroute sur le terrain de Yougoslaves bien aidés par un arbitre turc en dessous de tout. Pour les joueurs stéphanois qui étaient si ambitieux en ce début de campagne européenne, la désillusion est terrible. La rage prévaut, la colère, le désir de revanche...
Cet esprit de revanche, il va naître spontanément chez les Verts. Quand ils quittent le stade de Split et qu'ils se retrouvent dans l'autocar, Robert Herbin, tranchant sur la désolation générale, dit à ses joueurs: "Souvenez vous de la Coupe de France, l'an passé. On était menés 1-0 à Angers quand Edwige a ajouté un second but de la main. Plus tard, l'arbitre nous avait refusé le coup franc qui réduisait l'écart. Souvenez-vous de notre réaction". Quelques jours plus tard, les Verts avaient passé 4 buts à Angers. L'exemple fait mouche. Les Stéphanois décident: pour Split, ce sera l'enfer à Geoffroy-Guichard.


Hommage à ASSE-Split au Musée des Verts

A Saint-Étienne, les Yougoslaves débarquent en touristes. Ivic est venu superviser l'ASSE lors d'un derby remporté 1-0 quelques jours plus tôt. Lui et ses hommes ne se doutent de rien, ne craignent pas grand chose. A leur programme: shopping et loisirs. Les Verts, eux, se sont repliés au Novotel, loin de la ville et des passions. Ils revoient le match au magnétoscope. Ils font une fixation sur M. Babacan mais constatent aussi leur lacunes. Larqué est plus intransigeant. Il répète et ressasse comme une obsession: "Ceux-là, il faut les battre". Le match arrive comme une délivrance. La tactique est simple : attaquer, attaquer, attaquer et tant pis si on se fait prendre en contre.


Georges Bereta redonne l'espoir aux Verts en
transformant le penalty du 3-1 (photo l'Équipe)

Piazza montre l'exemple avec un pressing de tous les instants. Les Verts se défoulent. Les Yougoslaves sont dos au mur et finissent par perdre la tête. C'est vraiment ce soir qu'on voit la naissance d'un double phénomène: une équipe pour un public, un public pour une équipe. Il faut pourtant attendre la 36e minute pour voir enfin Jean-Michel Larqué envoyer férocement le ballon sous la barre de Meskovic. Le capitaine exulte comme un cadet. Le visage déformé, le poing levé, il traverse la moitié du terrain en hurlant sa joie. C'est le même Larqué qui, à la mi-temps exacerbe plus encore l'ardeur de ses équipiers: "On leur a tout fait, ils sont paumés. On va marquer encore !".
Son cri de guerre est prophétique mais ce qu'il n'a pas prévu, c'est l'égalisation de Jovanic (60e) qui remet tout en question. Il ne reste plus qu'une demi-heure à jouer et l'ASSE ne doit plus marquer 2 buts... mais 4 buts ! C'est une catastrophe.


Comme son frère, Patrick Revelli ne marquera pas
mais sera de toutes les offensives

Pourtant, Dominique Bathenay ne perd pas pas espoir, pas plus que de temps: sur la balle d'engagement, il trompe Meskovic de la tête. Sainté vient d'échapper au KO en plaçant un contre foudroyant. Et c'est Split, qui pensait enfin tenir sa qualification, qui a le genou à terre. Puis Christian Synaeghel se retrouve à son tour au tapis mais pour la bonne cause. L'Écossais Pattison, l'anti-Babacan, désigne les yeux fermés le point de pénalty. C'est un cadeau compensatoire sur lequel Bereta se précipite: 3-1.
Désormais, les joueurs de Split sont hantés par le doute. Ils déjouent, refusent le jeu, entament l'anti-jeu dans lequel ils excellent. Il leur reste 20 minutes à tenir, 20 minutes qui vont se transformer en chemin de croix.

A un quart d'heure de la fin, Herbin remplace Pierre Repellini par Yves Triantafilos, son dernier attaquant. L'ASSE abat toutes ses cartes. C'est l'abordage. Tous devant !
82e minute: Patrick Revelli alerte sur la gauche son frère Hervé qui laisse filer pour Triantafilos, le joker. Celui-ci catapulte le ballon au fond des buts yougoslaves. 4-1, comme au match aller !
Ce scénario impensable, irréalisable, impossible, s'est produit. Et seuls les Verts l'avaient prédit. Les Yougoslaves, eux, ne le savent pas encore mais ils sont déjà éliminés. Le destin les a lâchés.


Triantafilos, l'homme par qui le miracle survint

Les deux équipes sont à égalité sur l'ensemble des deux matches alors la prolongation doit trancher. Elle tombe comme un supplément d'émotions fortes: un supplice pour les visiteurs, un espoir sublime pour les hôtes. On sent, on sait que l'ultime ruée qui fera tout basculer se produira durant cette demi-heure de rab'. Le public s'agrippe aux grillages de Geoffroy-Guichard et le stade tremble. Jusqu'au but qui va faire entrer l'ASSE dans la légende de la Coupe d'Europe. A la 104e minute: un coup franc bien placé, une petite passe de Bereta, une reprise lourde de Triantafilos...

Et Hadjuk Split connaît enfin l'enfer promis...

Ils ont dit
Tomislav Ivic, entraîneur de Hajduk Split: "Mes joueurs ont eu peur, c'est ce qui nous a coûté la qualification"

Roger Rocher: "C'est un match comme on en voit tous les 10 ans. Extraordinaire, formidable !"

Osvaldo Piazza: "Je suis truffé de coups, j'ai mal partout, mais nous avons gagné, c'est l'essentiel"

Patrick Revelli: "Ce dernier quart d'heure a été le plus long de ma vie de sportif"

Christian Synaeghel: "Moi aussi, je n'arrêtais plus de regarder la pendule. Le public nous a fortement aidé. On était comme porté"

André Fefeu, ancien ailier de l'ASSE: "Depuis que je joue au football, je n'ai jamais vu une équipe française se battre pareillement"

Robert Herbin: "Ce sont mes joueurs qu’il faut féliciter. Les gars étaient révoltés après l'arbitrage du match aller. Dorénavant, nous devons tous les respecter. Je me permettrais de dire que la qualification contre Hajduk vient encore de plus loin et que ce match fut encore plus sublime, plus passionné que celui contre le Bayern. Le rythme a été plus intense, plus soutenu, de la première à la dernière minute, et cela a duré plus longtemps"


Pelouse envahie et joueurs exténués au coup de sifflet final

Le Saviez-vous ?
- C'est le 26e match européen de l'ASSE et le premier à voir une prolongation se disputer. Le suivant qui en verra une se déroulera également à Geoffroy-Guichard et sera encore plus mythique...

- Si Gérard Farison était censé être absent pour ce match, son coéquipier Alain Merchadier est absent de dernière minute en raison d'un pépin physique qui l'oblige à déclarer forfait peu avant le coup d'envoi. Remplacé par le jeune Janvion, il déclarera les larmes aux yeux: "Je dois être honnête avec mon club. J'ai une tendinite à la hanche, que je soigne en vain depuis 15 jours. Alors, il vaut mieux que je m'abstienne"

- Le coup d'envoi du match est donné par deux anciens gardiens de l'ASSE: Georges Carnus et Claude Abbes.

- Insolite: deux joueurs stéphanois (Georges Bereta et Christian Lopez) souffrent de crampes durant les prolongations, ce qui explique pourquoi Bereta refusera de tirer et laissera à Triantafilos le fameux coup-franc qui donnera la qualification à l'ASSE. Merchadier blessé à l'échauffement, Robert Herbin ne peut procéder qu'à deux changements durant le match même si une solution de secours est envisagée: "Je n'avais plus de remplaçant et les joueurs m'avaient demandé de m'inscrire sur la feuille de match. Mais nerveusement, je n'ai pas pu. Pensez ! Je venais de fumer quatre paquets de cigarettes en deux jours".

- Nantes ayant été éliminé par les Tchécoslovaques du Banik Ostrava et l'OL par les Allemands du Borussia Monchengladbach en Coupe de l'UEFA (Monaco étant déjà sorti de la C2), l'ASSE devient donc le dernier représentant français en Coupe d'Europe de la saison. Au prochain tour, ils devront affronter les rugueux Polonais du Ruch Chorzow qui viennent d'éliminer Fenerbahce (2-1, 2-0)

- C'est ce soir-là que l'ASSE gagne ses galons de Chaudron. La presse française, l'Équipe en tête, utilisera et popularisera cette métaphore jusqu'à en faire le surnom officiel de Geoffroy-Guichard.


La une de L'Équipe du lendemain

Sources
OM4ever
- Blog Sur la route des Verts
- Le Progrès du 07/11/1974