Depuis début février, les Verts sont revenus dans un système 4-1-4-1 (ou 4-3-3) pour retrouver une sérénité défensive. Si les résultats sont là - aucune défaite en six matchs - la question se pose : ont-ils un point faible dans ce système ?
4-1-4-1 contre 4-2-3-1
Pour identifier l'éventuel point faible des Verts en 4-3-3, il faut d'abord regarder le système de l'adversaire. Souvent il joue en 4-2-3-1 - ce fut le cas des deux derniers matchs, contre Bâle et à Marseille. Comme déjà rappelé dans un article précédent, ces deux systèmes sont symétriques :
Pour qu'une formation qui défend en 4-1-4-1 soit donc mise en danger, il faut qu'un surnombre soit créé par l'adversaire. Soit par l'exploit technique individuel (un joueur qui se fait éliminer par son adversaire direct), soit par un jeu de passes et de mouvement. L'exemple type est l'ailier qui pique vers l'intérieur, amenant avec lui son défenseur et créant ainsi un espace dans lequel le 10 ou le latéral peuvent faire un appel :
Bien évidemment, la réponse défensive vient par la communication et par le déplacement intelligent : soit chaque défenseur suit son adversaire direct, soit chacun reste dans sa zone en prenant en charge un autre adversaire. Dans tous les cas, l'objectif initial d'avoir un défenseur central de plus que les attaquants sert exactement ce genre de situation. Si un latéral est éliminé, le défenseur central va le couvrir. Si un milieu est éliminé, le défenseur latéral peut monter d'un cran pour empêcher l'adversaire de tirer.
Bâle et OM
Voilà pour la théorie. Elle est importante parce que si on regarde les deux derniers matchs des Verts, on peut observer des similitudes. Tout d'abord, les deux adversaires utilisent le même système 4-2-3-1 et font preuve d'une meilleure maîtrise du ballon que l'ASSE (55.1% pour Bâle, 57% pour OM avant le carton rouge). Cette possession leur a permis de construire des attaques en appuyant toujours sur ce mouvement type. Un ailier pique vers le centre (Embolo pour Bâle, Thauvin et plus rarement Nkoudou pour OM), ce qui crée des mouvements. Et, malheureusement, assez souvent le bloc vert n'arrive pas à bien colmater les espaces créés par ces appels.
22ème minute du match à Marseille
Prenons un exemple dans le dernier match des Verts, à Marseille. Sur cette capture d'écran on peut bien voir le bloc stéphanois en 4-1-4-1, presque parfaitement aligné, sauf KTC (DD) qui monte chercher leur ailier gauche Nkoudou (AG). Notre sentinelle, Selnaes ("6") et leur meneur, Cabella ("10") sont entre les lignes :
12 secondes plus tard, leur AG fait un appel vers l'intérieur, suivi par son adversaire direct, KTC (DD). Leur défenseur gauche (DG) fait l'appel dans l'espace laissé libre, suivi par son adversaire direct, Tannane (AD). Selnaes coulisse aussi un peu pour colmater la brèche si besoin. A noter par contre que leur ailier droit (Thauvin, AD) a aussi piqué vers l'intérieur, entre les lignes - son adversaire direct (Assou-Ekotto - DG) le suit, mais préfère rester dans la ligne avec la défense. Pour l'instant ce sont des déplacements standard, le bloc stéphanois couvre bien :
Par contre, 9 secondes plus tard, une situation de déséquilibre a été créée au centre du terrain. Comme l'AG marseillais est très central, KTC a dû le laisser et a repris son poste. Selnaes est resté orienté vers la droite de notre défense, tout comme les deux autres milieux - c'est presque normal, vu que le jeu est sur ce côté. Mais les deux ailiers et le "10" marseillais sont tous de l'autre côté: surnombre des Verts dans un périmètre, surnombre de l'OM dans un autre:
Bahebeck, notre AG, n'a pas le choix, il doit serrer au centre pour combler le sous-nombre. Et 13 secondes plus tard, le décalage parfait est trouvé sur le côte droit de l'attaque :
A noter qu'à ce moment-là, le bloc stéphanois était de nouveau aligné, on voit bien le 4-1-4-1 et tous les marseillais sont dans des positions normales. Mais Selnaes se retrouve entre les lignes sans adversaire, Bahebeck doit serrer au milieu et donc le défenseur droit marseillais est complètement libre. Il est ensuite trouvé, Assou-Ekotto doit monter sur lui, ce qui libère Thauvin (AD) qui reçoit le ballon dans la surface, centre, frappe de Nkoudou et gros arrêt de Ruffier.
Une superbe attaque préparée par l'OM, le tout parti avec des appels vers l'intérieur faits par les ailiers marseillais, réponse correcte du bloc stéphanois qui se positionne pour combler les trous, repositionnement standard des ailiers marseillais et... repositionnement lent du bloc vert qui n'arrive pas à coulisser assez vite. A noter également que pendant tout ce temps, Sall n'a jamais eu d'adversaire, il n'a jamais pris le "9" marseillais pour libérer Pogba qui aurait pu libérer Assou-Ekotto qui aurait pu combler le sous-nombre. Autrement dit, le surnombre en défense centrale, censé aider dans ce genre de situations, n'a jamais été utilisé...
Les appels d'Embolo et Bjornasson
On ne va pas détailler une phase de jeu pour le match contre Bâle, mais il suffit de regarder deux captures d'écran pour montrer le positionnement d'Embolo (qui à ce moment là jouait ailier gauche, pas droit) et l'appel de Bjornasson (numéro 8, mais qui joue en poste de "10") :
Bjornasson se place inteligement derière Lemoine (MC), pas dans la zone de Clément (notre "6"), donc il aspire le premier quand Embolo fait son appel. Et quand KTC (DD) renonce à suivre son adversaire parce qu'il avait trop reculé, le bloc stéphanois est cassé:
Lemoine laissera le "10" à KTC, mais il reviendra lentement vers sa zone. Clément sera pris entre le milieu central et la zone vide de Lemoine, peu importe ce qu'il choisit, un déséquilibre à été créé.
Ce type de mouvement a été répété sans cesse pendant les phases de domination suisse et a créé l'impression d'une domination de leur milieu. Sauf que cette domination n'est pas venue directement de leurs 3 milieux centraux, mais plus de leur ailier qui leur a prêté un coup de main. Il suffit pour cela de regarder les endroits où Embolo a touché le ballon pendant la première mi-temps :
Il a joué 38 ballons, plus que n'importe quel stéphanois sur la première période. Et à titre de comparaison, nous deux ailiers ont joué ensemble 40 ballons avec un placement plus standard:
Conclusions
Je ne crois pas que c'est le hasard qui fait que les deux derniers adversaires des Verts, avec un profil similaire (capables de faire le jeu) ont usé de la même tactique pour déstabiliser le bloc stéphanois. Ils ont clairement identifié un point faible de notre système défensif et ils ont essayé de l'exploiter. Mais il y a des raisons pour être optimiste. Dieu va bientôt revenir et sa vision du jeu et sa communication vont beaucoup aider le bloc défensif à colmater les brèches. Si les problèmes défensifs des Verts dans ce genre de situation ont été visibles à la télé, il est fort probable que Galtier en soit conscient et qu'il prenne des mesures. Et il ne faut pas oublier qu'il faut un certain type d'adversaire pour appuyer sur ce point faible: bientôt on ne rencontrera plus que des adversaires "plus faibles", qui ne seront pas capables de produire le jeu contre nous et donc de chercher à nous mettre dans des situations défavorables régulièrement.