El Pibe de Oro Diego Armando Maradona
La Mano de Dios
Club Atletico Boca Juniors
Estadio Alberto J. Armando
Brandsen 805. La Boca.
Buenos Aires
Argentina

San Esteban, le 30 octobre 2006

Mon Cher Diego,
Mon Cher Maître,

Je vous écris sans attendre votre réponse à ma dernière lettre, car aujourd’hui est un grand jour pour le football argentin puisque notre pays a souhaité vous rendre un vibrant hommage en coulant un bronze à votre image, une statue du Dieu que vous fûtes, que vous êtes et que vous resterez, une œuvre de plus de trois mètres de haut, souhaitée par vos admirateurs de Mar del Plata, et qui va désormais trôner à la Bombonera, dans le musée de Boca Juniors, dont il va falloir rehausser le toit. Je profite de cet évènement pour vous réitérer toute mon admiration et mon plus grand respect, et pour vous souhaiter un très bon quarante-sixième anniversaire, une excellente santé et une bonne fortune.

Comme je n’avais pas été prévenu de cette réalisation, je n’ai pas participé à la souscription lancée dans tout le pays depuis mon départ. Aussi, vous allez recevoir très bientôt ma contribution tardive par charter séparé, sous la forme de 100 milliards de pesos en petites coupures, bien rangées dans une centaine de colis, en espérant que lorsque vous les recevrez ils auront encore quelque valeur, et qu’ils n’auront pas rétréci en Bourse.

Vous souvenez-vous de cette chanson à votre gloire, La Mano de Dios, que nous avons chanté tous ensemble, vous-même, Rodrigo et le public, dans une Bombonera qui débordait ? J’aimerais la chanter ici à nouveau, comme je la chante souvent lorsque je n’ai pas trop le moral, ou pour me donner la force d’avancer lorsque j’ai ce con de Marek au cul, le chien affamé du coachtchèque, ou bien encore quand je suis simplement heureux, si rarement, et je sais que vous la chanterez avec moi. À cet effet, vous constaterez que j’ai fait plastifier ma lettre de manière à ce que vos larmes ne se mélangent pas à l’encre, et qu’elle reste lisible.

En una villa nació, fue deseo de Dios,
crecer y sobrevivir a la humilde expresión.
Enfrentar la adversidad
con afán de ganarse a cada paso la vida.


En un potrero forjó una zurda inmortal
con experiencia sedienta ambición de llegar.
De cebollita soñaba jugar un Mundial
y consagrarse en Primera,
tal vez jugando pudiera a su familia ayudar...

A poco que debutó
"Maradó, Maradó",
la 12 fue quien coreó
"Maradó, Maradó".
Su sueño tenía una estrella
llena de gol y gambetas...
y todo el pueblo cantó:
"Maradó, Maradó",
nació la mano de Dios,
"Maradó, Maradó".
Sembró alegría en el pueblo,
regó de gloria este suelo...

Carga una cruz en los hombros por ser el mejor,
por no venderse jamás al poder enfrentó.
Curiosa debilidad, si Jesús tropezó,
por qué él no habría de hacerlo.

La fama le presentó una blanca mujer
de misterioso sabor y prohibido placer,
que lo hizo adicto al deseo de usarla otra vez
involucrando su vida.
Y es un partido que un día el Diego está por ganar...

A poco que debutó
"Maradó, Maradó",
la 12 fue quien coreó
"Maradó, Maradó".
Su sueño tenía una estrella
llena de gol y gambetas...
y todo el pueblo cantó:
"Maradó, Maradó",
nació la mano de Dios,
"Maradó, Maradó".
Sembró alegría en el pueblo,
regó de gloria este suelo...

Olé, olé, olé, olé, Diego, Diego !

Te quiero, Diego !


la canción es por aquí ---> www.diegomaradona.com/cultura/audio/rodrigo/rodrigo.html


Mon Cher Maître, je profite de cette lettre pour vous raconter les évènements qui se sont déroulés dans ma vie depuis mes derniers propos. Vous souvenez-vous du fâcheux Général Videla qui dirigea notre pays d’une main de fer durant les années de dictature de la junte militaire ? Vous l’avez mieux connu que moi. J’étais tout juste né lorsqu’il avait le pouvoir, mais mon père m’a raconté ses méthodes sinistres. Eh bien, Maître, je crois bien qu’il a fait des émules en France, en la personne de l’Attila des quartiers chics qui attise les quartiers chocs et qui veut gouverner la France, si les Français ne lui bottent pas les fesses avant. Ministre d’Etat de son état et de l’Intérieur à l’occasion, de la Répression démocratique du désordre par anticipation, et des Coups de pied aux Cultes, il a créé, entre autres, des milices spéciales pour la protection de la quenelle survitaminée, et pour la sauvegarde du football lyonnais. Ses miliciens, qui se signalent par leurs uniformes caractéristiques : maillots jaunes cocu et shorts noirs, se sont adjoints des journalistes qui sont censés expliquer qu’il n’existe qu’une équipe de football que tout le monde doit applaudir dans un premier temps, puis aimer démesurément ensuite: la Juventus de Lugdunum. Leurs chefs s’appellent Freddy-la-Moustache et Jean-Michel. Je vous en ai déjà parlé. Mais il s’avère aujourd’hui qu’ils ont de hautes fonctions auprès de la nouvelle junte. Jean-Michel se dédouble grâce à sa tête bicéphale : il est ainsi parfois Jean-Michel-la-Quenelle, et quelquefois Jean-Michel-Èrèmeucé, un agent double, passé à l’ennemi. Ils sont partout. Jean-Michel-la-Quenelle pervertit les gens dès leur prime jeunesse, par une propagande et un commerce actif. Quand il visite les écoles à Lyon, les écoliers entonnent l’hymne lyonnais :

Jean-Michel nous voilà !
Devant toi, le sauveur des quenelles
Nous jurons, nous, tes gars
De servir et de suivre tes pas
Jean-Michel, Jean-Michel nous voilà !
Tsoin ! Tsoin !


Et quand on n’applaudit pas suffisamment, quand on ne chante pas avec conviction ou quand on n’aime pas à la folie, on reçoit un blâme sous forme d’un carton jaune, puis une exclusion sous l’apparence d’un carton rouge, avant la relégation à Cayenne pour y éternuer dans un climat humide et poivré. Les Lyonnais, qui sont heureux comme des Papes et cons comme des paniers, sont très obéissants et lèche-culs. Pour se faire bien voir de leur sbire, ils ont tous dans leur cuisine la photo de Jean-Michel recto verso. La semaine, ils regardent le côté pile de Jean-Michel-la-Quenelle, et le dimanche matin le côté face de Jean-Michel-Èrèmeucé qui leur bourre le mou, les caresse dans le sens du poil et propage la bonne parole du premier. Jean-Michel-la-Quenelle est paraît-il en contact avec Dieu. À ce propos, Maître, vous qui êtes introduit dans ces lointaines stratosphères, peut-être pourriez-vous en toucher un mot à votre patron afin qu’il remette de l’ordre dans ce bordel. Jean-Michel-la-Quenelle, comme tous les dictateurs, s’est construit un entourage de gens dévoués à sa botte. Il les a choisi de longue date en fonction de leur degré d’abrutissement et leur taux d’alcoolémie, et a cultivé leur vice. Le plus connu et le plus gravement atteint est Nanard-Lacombe-la Gueule-en-Pente, qui doit son sobriquet à son esprit en chute libre. Certains se sont échappés des griffes du dictateur, mais les séquelles sont terribles. Comme Jacquot-de-Tottenham, qui cherche un club désespérément, ou encore Paul-la-Couenne qui a réussi a trouver asile dans le club le plus tartignol d’Ecosse, les Glasgow Rangers. Ben oui, Maître, il n’y a qu’une équipe de football à Glasgow, ce sont les Verts du Celtic.

Bon, moi en tout cas, j’avais déjà des doutes car je me rendais bien compte que lors de certains matches du début de saison l’arbitrage n’était pas très cathodique, mais depuis le derby perdu, volé par nos voisins avec l’aide du milicien, j’ai désormais la certitude qu’il se passe quelque chose de louche. Vous allez voir par vous-même.

La semaine dernière nous avons joué ici dans le Chaudron contre l’équipe du Mans, composée de charcutiers, de comédiens, de pionniers de l’aviation et de basketteurs dans la surface de réparation. Nous avons fort bien joué et avons eu la chance de marquer deux buts qui ne pouvaient souffrir d’aucune contestation. Mais j’ai bien entendu l’arbitre qui consultait après chaque but ses juges de touche, et qui gueulait après eux comme une oie qui voit un pot de rillettes, leur reprochant leur mauvaise volonté et leur manque d’imagination pour inventer une faute, un sourire jugé malsain ou je-ne-sais-quoi encore. Il leur disait : Mais qu’est-ce que je vais lui dire, moi, à Jean-Michel ? Malgré cela, nous avons tenu bon. Cela a été laborieux, car l’un des Manchots — qui n’ont pas les mains dans leurs poches — a arrêté des deux avant-bras, le ballon qui filait dans les buts à la suite d’une action de Piquionne, en simulant un dérapage sur une plaque de verglas ; le même Piquionne a été expulsé pour avoir coupé la course d’un autre Manchot, qui nous a exécuté une Lindbergh, figure aérienne qui se termine en rase motte et cabrioles ; Marek Heinz, le pot’tchèque du coachtchèque, à ne pas confondre je le rappelle avec le doberman tout aussi tchèque, a marqué un but en partant à la limite du hors jeu, et la vision restreinte de l’arbitre de touche n’a retenu l’action qu’au-delà de la limite, le but étant ainsi refusé. Même notre CDD-CDI ( Capitaine-de-Droit-Divin-à-Contrat-à-Durée-Indeterminée ) ne pouvait pas s’exprimer auprès du milicien qui lui ordonna de se taire à la manière d’un Obersturmführer wagnerien.

Enfin nous étions bien content de cette victoire difficilement obtenue. La Résistance à l’oppresseur s’organise grâce à quelques volontaires courageux. Les deux Ducons qui nous dirigent ont choisi quant à eux le silence. De Gaulle, à Londres, lui au moins faisait des déclarations.

Nous avons continué notre préparation basée sur l’aspect culturel de l’adversaire. Cette technique, Maître, me refile des crises de foie. Après ces immondes rillettes bien grasses, il nous a fallu coucher pendant deux jours avec de l’aïl au lit, dans l’attente des Marseillais pour le match de la Coupe de la Ligue. Je ne vous dis même pas, la gueule des mouches dans les vestiaires… Aucune n’a survécu à notre odeur. Avant d’entrer sur le terrain, lorsque j’ai dit bonjour à Ribéry, mon haleine a produit sur son visage une expression de dégoût et d’effroi qui s’est figée d’une manière définitive en un rictus de Quasimodo qui a perdu les clefs de Notre-Dame. Les Marseillais ont tellement été indisposés par l’odeur qu’ils ont été obligés d’aligner les réservistes. Ce qui a rééquilibré le débat puisque nous-mêmes faisions dans la réserve. Ainsi, avec notre beau jeu, notre volonté, un arbitre résistant qui a osé expulser Oruma, nous avons gagné le match par 4 buts à 1. Comme quoi avec un arbitre honnête on peut gagner. Ça rassure. Ainsi, la technique du coachtchèque pour appréhender les matches s’est révélée efficace.

Par contre Maître, ce que je n’ai pas compris, c’est qu’en arrivant au stade, avec Feindouno, après avoir regardé à la télévision les Feux de l’amour, moi pour apprendre le français et Pascal pour s’instruire, nous mangions tranquillement une glace à la framboise pour nous changer le goût de l’ail, lorsque deux CRS nous ont appréhendé pour confisquer nos cornets, craignant que l’on s’en servent de porte-voix. Ils avaient fait encore plus fort, en séquestrant des employés de la DDE qui posaient des quilles oranges aux abords du stade, avec comme motif : trouble de l’ordre public et de la tranquillité des oreilles chastes par distribution de porte-voix mal embouchés sans autorisation préfectorale. Ainsi, la moitié du stade, qui fut privée également de ses porte-voix habituels,, se retrouva aphone. Je vous le dis, Maître, Attila est partout.

Comme on ne change pas une technique et une équipe qui gagnent, nous avons continué sur notre lancée en nous tapant des andouillettes à tous les repas. Feindouno était exempté de cette corvée, étant lui-même une andouille, le coachtchèque a eu peur d’une indigestion aggravée. Et puis, j’ai fait une connerie monumentale. Comme j’étais chargé de préparer les maillots Verts pour le match, je n’en ai emmené que trois, puisqu’on m’avait dit qu’on jouait à trois. Madre de Dios ! L’engeulade ! En tchèque ! Terrible ! Ce qui a fait dire à Diawara une chose que je n’ai pas pigée, comme quoi il y avait bien plus con que lui. Nous avons finalement décidé de nous rabattre vers l’usine Petit Bateau qui est dans le secteur, et nous avons joué avec des maillots blancs de leur fabrication. Nous n’aurions jamais dû. Nous avons rencontré une telle tempête que nous avons coulé. Plutôt nous avons été coulé, par un récidiviste, le milicien Lannoy. Freddy-la-Moustache nous a joué la scène finale de la Guerre de Troie, avec son cheval plein de cartons, de vacheries, d’erreurs volontaires, d’évidences niées. Piquionne a été une nouvelle fois expulsé alors qu’il n’avait rien fait. Les Troyens, faibles, pour ne pas dire nuls, nous ont battu, profitant de notre désarroi et de notre fatigue, et en se foutant de notre gueule. Triste soirée. Plein de blessés, de suspendus, de joueurs vexés. La Résistance est entrée dans sa seconde phase. L’attaque. Voici l’appel du 31 octobre 2006 que nous lancerons demain depuis Londres, par sécurité. Je vous le livre en avant-première.

Stéphanoises, Stéphanois,
Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête de la Ligue, ont formé un gouvernement. Ce gouvernement, alléguant la défaite du football, s'est compromis avec l'ennemi Lyonnais pour nous faire cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force maléfique de l'ennemi.
Infiniment plus que leur technique, ce sont les cartons jaunes, les cartons rouges, les expulsions qui nous font reculer au point de nous amener là où nous en sommes aujourd'hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L'espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !
Croyez-nous, nous qui vous parlons en connaissance de cause nous vous disons que rien n'est perdu pour les Verts. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car les Verts ne sont pas seuls ! Ils ne sont pas seuls ! Ils ne sont pas seuls ! Ils ont un vaste public derrière eux. Ils peuvent faire bloc avec d’autres clubs et continuer la lutte. Il peuvent sans limite utiliser leur image positive dans le pays.
Cette guerre n'est pas limitée au territoire malheureux de Geoffroy Guichard. Cette guerre n'est pas tranchée. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n'empêchent pas qu'il y a, dans l'univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un
jour nos ennemis. Foudroyés aujourd'hui par la force de leur milice, nous pourrons vaincre dans l'avenir par une force supérieure. Notre destin est là.
Nous, Résistants Verts, lançons cet appel de Londres, et invitons les supporters et sympathisants Verts où qu’ils se trouvent à nous rejoindre dans notre juste cause.
Quoi qu'il arrive, la flamme de la Résistance Verte ne doit pas s'éteindre et ne s'éteindra pas.
Demain, comme aujourd'hui, nous parlerons à la Radio de Londres.


Voila, mon Cher Maître, j’espère que vous êtes fier de moi, et que vous reconnaissez ici l’âme argentine qui se révolte toujours contre l’adversité.

Il va me falloir vous laisser à présent, car j’entends le coachtchèque qui m’appelle pour aller semer des violettes dans l’attente de la réception de Toulouse, et je n’ai vraiment pas envie de finir cette tâche la nuit à la lumière des projecteurs, d’autant que c’est encore moi qui vais payer la facture d’électricité. Et puis, il faut que je me repose, car avec tout le cassoulet qu’on va se taper durant cette semaine, mon foie va avoir du mal à résister, lui. Mais, bon, le coachadjoint nous a dit qu’on avancera plus vite, car c’est en mangeant du cassoulet que les ingénieurs français ont inventé la fusée Arianne. Je n’ai pas trop compris. Mais je n’ai rien dit parce que je veux pas non plus me le mettre à dos.

J’attends de vos nouvelles très bientôt, et je reste, Maître, votre humble et dévoué serviteur.

Daniel Ruben BILOS.