Toujours vert à 85 ans, Jean Oleksiak a remporté la première Coupe de France de l'histoire de l'ASSE. A dix jours de la septième (on y croit !), le papa de Thierry n'a rien oublié. Entretien.
Quels souvenirs gardes-tu de la finale de Coupe de France remportée en 1962 ?
Cette finale de Coupe de France remportée en 1962 contre Nancy reste un grand souvenir. On avait perdu deux ans auparavant la finale contre Monaco après prolongation alors qu’on avait pris l’avantage à quelques minutes de la fin du temps réglementaire. J’étais déjà titulaire lors de ce match mais je n’aurais pas dû jouer contre Nancy. Comme Kees Rijvers s’est blessé à l’entraînement, je l’ai remplacé. On avait été tellement déçu en 1960 qu’on a un peu serré les boulons pour gagner en 1962. C’est Jean-Claude Baulu qui nous a libérés en inscrivant l’unique but à cinq minutes de la fin.
Après avoir gagné le premier titre de champion de France de l’ASSE en 1957, j’ai eu le bonheur de soulever la première Coupe de France remportée par le club. C’était merveilleux. Du match en lui-même, je ne garde que quelques images. Je me rappelle surtout de notre retour à Saint-Etienne. Il y avait foule, c’était fabuleux de pouvoir communier avec nos supporters. Je me souviens bien de cette époque car mon fils Thierry est né cette saison-là. J’ai vécu de belles émotions. Récemment l’un de mes amis m’a fait suivre la photo que vous avez mis sur internet pour illustrer la finale, ça m’a fait plaisir de revoir notre joie quand on a soulevé la Coupe. C'est une compétition magnifique, c'est merveilleux de soulever ce trophée.
J'ai vécu des moments très forts lors de cette finale de 1962. J'ai pu serrer la main du Président de la République qui était Charles de Gaulle. C’est un souvenir extraordinaire. Mon père, qui était réfugié politique polonais, avait une admiration sans borne pour le Général de Gaulle, il me l’a transmise. La première finale, c’était le ministre de l’intérieur Roger Frey. Ce n’était pas pareil. Pour nous, les Polonais, Charles de Gaulle était un type extraordinaire. J’ai eu le plaisir d’inviter à cette finale ma mère et mon père, retraité mineur. Ils habitaient à Houdain dans le Pas-de-Calais et ils ont assisté à ma victoire à Colombes. Ça aussi c’est formidable comme souvenir !
Tel Janus (pas Kupcewicz), les Verts ont montré deux visages cette saison 1961-1962 : victorieux en Coupe de France, relégués en championnat !
C’est vrai. En première division, c’était une saison sans réussite. Quand on méritait de gagner, on faisait match nul. Quand on méritait de faire match nul, on perdait avec un but d’écart. Mais le président Roger Rocher nous a réunis à la fin de la saison. Il nous a dit : « Vous êtes descendus ensemble, vous remonterez ensemble ». C’est ce qui s’est passé. On a fini champion de deuxième division en 1963. Et la saison suivante, l’ASSE a remporté son deuxième titre de champion de première division ! Entretemps j’étais parti à Lille, où j’ai d’ailleurs été à nouveau champion de deuxième division.
Tu avais déjà failli signer au LOSC avant de t’engager avec les Verts en 1955…
Exact. Mais je n’ai jamais compris pourquoi j’ai atterri à Lille en 1963. J’étais en vacances à Juan-les-Pins en juillet, j’ouvre L’Equipe sur la plage et je lis « Oleksiak transféré à Lille. » Je n’avais eu aucun contact avec eux. A l’époque on était obligé de partir dès lors que le club ne voulait plus de vous. Mais c’est vrai que j’avais déjà failli être Lillois dès 1955. J’avais même eu un accord de non sollicitation avec eux mais Lille ne l’avait pas envoyé à la Ligue car ils en avaient trop. Saint-Etienne l’a su car Alex Fontanilles était à la Ligue à l’époque. Pierre Garonnaire et Charles Paret ont sauté sur l'occasion, ils sont venus me chercher à Houdain.
Tu as gagné les deux premiers titres majeurs de l’ASSE aux côté d’un certain Robert Herbin.
En effet ! J’ai bien sûr été affecté par sa disparition. Il avait quatre ans de moins que moi. Roby c’est un type que j’ai vu arriver à Saint-Etienne en 1957. Il n’a pas joué tout de suite mais j’ai quand même fait un paquet de matches avec lui à partir de 1958, notamment les deux finales de Coupe de France. Roby était un peu spécial mais on avait des relations très cordiales quand on se voyait. C’était un très bon coéquipier mais il était en retrait dans la vie civile qu’on pouvait avoir. Avec pas mal de joueurs j’avais des relations en dehors du football. Avec Roby, non, c’était le football et rien d’autre.
C’est Roby qui a lancé la carrière de ton fils Thierry.
Tout à fait. Thierry avait 18 ans à l’époque, et il a fait ses grands débuts en Coupe d’Europe en 1979, à Geoffroy-Guichard contre Eindhoven. Un moment extraordinaire pour lui qui m’a rendu très fier bien sûr. On m’a rappelé à cette occasion que j’avais été le premier joueur de l’histoire du club à avoir marqué dans le Chaudron en Coupe d’Europe. C’était contre Glasgow en 1957, on avait gagné 2-1 mais les Ecossais avaient gagné 3-1 à l’aller. Thierry a été gâté pour son premier match en pro, il a gagné 6-0 contre le PSV. Il y avait déjà 3-0 après cinq minutes de jeu ! C’était phénoménal. Thierry fait partie de la dernière équipe stéphanoise à avoir remporté le titre de champion de France de première division. Cela va bientôt faire 40 ans, comme le temps passe !
Vois-tu les Verts soulever la Coupe de France pour la 7e fois de leur histoire le 24 juillet contre le PSG ?
Je l’espère. Je suis resté supporter des Verts, j’habite à Saint-Etienne et je pars au vert six mois par an à Beauzac, en Haute-Loire. Mais depuis que Thierry a quitté le club et ensuite suivi Christophe Galtier au LOSC, je ne vais plus aux matches. J’ai quelques difficultés à me déplacer car j’ai des problèmes au genou. Je pense que les Verts ont leurs chances. C’est un bon match à jouer et un match n’est jamais perdu d’avance. Les Verts vont donner le maximum pour cette finale. Ce serait formidable de la gagner. En plus ça permettrait à Loïc Perrin de finir en apothéose. Je suis admiratif de ce joueur, je l’ai toujours apprécié. Il a une carrière extraordinaire à Saint-Etienne. Je regrette simplement que Claude Puel ait mis Stéphane Ruffier sur la touche. Ce gardien mériterait quand même de la reconnaissance, il a apporté énormément à l’ASSE. Je trouve que le club n’a pas assez de reconnaissance pour lui en ce moment.
Merci à Jean pour sa disponibilité