Le Haka Vert...

SENHOR JOSÉ ALOISIO DA SILVA
SÃO PAULO FUTEBOL CLUBE
Estádio do Morumbi, Cícero Pompeu de Toledo
Praça Roberto Gomes Pedrosa 1
2006 SÃO PAULO
BRASIL


Saint Etienne, le 11 novembre 2006.

Mon Cher José !

Je commence à écrire cette lettre dans l’avion du retour qui nous ramène de Nantes où nous avons disputé ce soir un match du championnat. Mais je t’en reparlerai plus loin.

Nous sommes le 11 novembre encore pendant quelques minutes, et je profite de l’occasion pour avoir une pensée émue pour tous ceux qui sont morts sur les champs de bataille au début du vingtième siècle, et je leur rends un vibrant hommage car ce n’est pas tous les jours qu’on peut mettre une branlée aux Allemands sans l’aide de l’arbitre. Parce qu'après il y a eut Schumacher...

Il y a bien longtemps que je n’ai eu de tes nouvelles. J’apprends pas le web que ton club de São Paulo est en tête du championnat brésilien avec une confortable avance de 7 points sur le second, après avoir battu allègrement Botafogo par 3 buts à zéro. Je te félicite car je vois que tu n’a rien perdu de ta superbe, en alignant les buts et les passes décisives, malgré pas mal de temps passé à te soigner, et je suis certain que tu seras champion du pays.

Il est temps à présent que je te raconte les récents évènements à Saint Etienne durant cette dernière quinzaine.
Mais avant, une petite page de publicité.

Le récitant : « Cafétéria Casino, déjeuner rapide ou dîner en famille, c’est 230 restaurants prêts à vous accueillir ! Fouilla ! »
Mémé Jacquet : « Hop ! »
Le chœur : « Hahahahahahaha ! »
Mémé Jacquet : « Tu voâs ! »
Le chœur : « Ca coûte pas plus cher de bien manger ! »

Samedi dernier, nous avons accueilli le Tarlouze Football Club, qui porte bien son nom puisque tous les joueurs jouent en rose. Le short reste encore noir, mais il paraît que sans tarder ils jouerons tout en rose et en barboteuse. L’entraîneur, coach Elie, était chez nous l’an dernier avant de partir sur la terre de ses origines pour entraîner un club où l'on récupère toutes les brêles que l'on ne veut plus ailleurs. L’an dernier, il y avait là-bas Moreira, parti à Rennes chez des encore plus brêles, car il avait peur de la concurrence avec coach Elie, qui est un grand connaisseur en brêles, chèvres, biques et biquettes. Maintenant il y a Berglouglou, un Lyonnais, dont je te ferais grâce de la description, bien trop évidente, et qui est résumée en un mot : celui de ses origines, Berglouglou, donc, qui est là-bas depuis deux ans. Il avait été repéré par le recruteur tarlouzien lorsque, un soir de pleine lune, il s’attaquait avec des quenelles à la statue des chevaliers cathares sur une aire d’autoroute. Le recruteur le sauva de justesse du fourgon des pompiers qui voulait l’embarquer à l’hôpital psychiatrique du Puy, d’où sortent d’ailleurs, par le jeu des remises de peine, les Lyonnais Coupet et Govou. Depuis, Berglouglou, qui doit tout aux tarlouziens, est dévoué corps et âmes à ce club. Enfin c’est vite dit, puisque d’âme il n’a pas, ni d’esprit d’ailleurs. Il serait plutôt dans le genre néant avec de la viande autour. Il y a aussi Battles, qui, après sa séparation avec Paul McCartney et Ringo Starr, avait joué à l’Olympique de Marseille, avant d’être renvoyé par le public du stade Vélodrome jusqu'ici. Et puis, et surtout, il y a Barthez, qui n’a pas encore la qualification requise pour joueur à Tarlouze, car son séjour à Marseille ne l’avait pas encore assez abîmé. Alors, en attendant que la nécessité prêche en sa faveur, il suit l’équipe tarlouzienne de partout, et il reste planqué sur les parkings des stades dans sa voiture, au cas où on l’appellerait en dernière minute.


Il apparaîtrait même, aux dernières nouvelles, que sa qualification ne serait pas l’obstacle principal à sa titularisation, mais que le blocage viendrait de coach Elie qui ne serait pas d’accord avec le pourcentage de la commission qui lui reviendrait en cas de signature.

Mais oui, mon Cher José, c’est le football moderne. Dans chaque équipe il y a désormais quelques personnages qui touchent sur tout, et aux Tarlouze Football Club, question de toucher, c’est encore mieux qu’ailleurs, si je puis dire.

Excuse-moi, José, mais il faut bien vivre. Une petite page de publicité.

Le récitant : « Le Pouchkin Kafé vous fait gagner une bouteille de Champagne pour 4 personnes en VIP tous les vendredis ! Fouilla ! Parking pour véhicules lourds, encombrants et 4X4. Retour à domicile assuré par nos hotesses en cas d’ivresse aggravée. Bichette ! »
Mémé Jacquet : « Hop ! »
Le chœur : « Hihihihihihihi ! »
Mémé Jacquet : « Tu voâs ! »
Feindouno : « Ca coûte pas plus cher de bien danser ! »

Je trouve cette pub scandaleuse. Je ne suis pas le seul dans ce cas. En effet, tous les joueurs et le staff ont signé une pétition afin que le Pouchkin Kafé reporte la gain de la bouteille de Champagne du Vendredi soir, veille de match, au Dimanche soir, jour de fermeture, de manière à ce que Feindouno ne soit pas incité à en ingurgiter plus que de convenance.

Bon, revenons au match contre Tarlouze. Nous avons joué une très belle partie, par un froid gothique, devant un stade quasiment plein. Comme à Sochaux, sauf que là-bas le stade était plein de vides et le froid y était chauffé. Beaucoup de titulaires étaient absents. Notamment Fred Piquionne qui était une nouvelle fois victime du contrat crapuleux qui lie les arbitres inféodés à nos voisins. Un autre absent de marque : le CDD, capitaine de droit divin, qui ne jouait pas en raison d’une blessure. Heureusement qu’il nous reste les blessures pour nous débarrasser de lui de temps à autre, car il nous faudrait prendre une nouvelle Bastille, et d’ici le prochain 14 juillet ça risque de faire long, surtout au niveau des coups francs tirés dans les nuages. Sais-tu, José, que lorsque le CDD tire les coups francs, il attend le sifflet de l’arbitre, enfin pas toujours, et surtout, il attend que quelqu’un lui gueule dans les oreilles : « Pull !  Â». Alors il ne faut pas s’étonner que même les Rafale de l’Armée de l’Air ne survolent plus Geoffroy Guichard. Autre absent de marque. Moi. Bien que j’aie joué durant les dernières minutes. Ainsi, avec les remplaçants qui sont meilleurs que les titulaires, du moins pour ce qui concerne Marek Heinz et Johan Hautcoeur, nous avons littéralement écrasé les Tarlouziens par 3 à 0. Coach Elie en avait la casquette toute émoustillée. Deux buts de Gomis, pour qui nous cherchons une manucure d’urgence, car depuis qu’il se prend pour une panthère, il raye toutes les peintures de l’Etrat avec ses ongles ainsi que les sièges en cuir de ma voiture. Plus un but de la tête de Vincent Hognon, qui a, paraît-il, enfin suivi les conseils de Coach Elie qui trouvait qu’il ne marquait pas assez de la tête. Coach Elie est en effet un spécialiste en conseils à effets différés. En tout cas, nous avons passé un excellent dimanche.

Jusqu’à ce que le coachtchèque apprenne que les Blacks de Nouvelle-Zélande venaient jouer chez les cons d’en face. De là, ni une ni deux, nous avons eu un stage de HAKA durant toute le semaine, plus des cours de cuisine pour faire des Beurrais nantais, en vue due la préparation du match à Nantes. Les deux Ducon, le Premier et le Second, étaient exemptés des cours de cuisine, étant beurrés de naissance tous les deux. Donc, nous avons passé la semaine à nous taper sur les cuisses en chantant des trucs pas possibles, en ayant les yeux exorbités et l’air méchant. Et comme, nous n’avions pas suffisamment l’air agressif, le coachtchèque a fait participer son doberman Marek à côtés de Feindouno, qui tapait par terre des deux pattes, et donnait le rythme en remuant sa queue coupée court et ses oreilles taillées. Je parle du chien bien naturelemment.

Excuse-moi, José, une petite page de pub.

https://www.youtube.com/watch?v=9psdihIvrWw&eurl=

KA MAAAATÉ ! KA MATÉ !

KA ORA, KA ORA !

KA MATÉ ! KA MATÉ !
KA ORA, KA ORA !

TENEI TÉ TANGATA PU'RU-HURU
NA'A NEI TIKI MAI WHAKA-WHITI TÉ
RA! HUPANÉ ! KA-UPANÉ !
A HUPANÉ ! KA-UPANÉ !
WHITI TÉ RA !
HI !

Forever Sport ! Adidas !

Ainsi, vendredi soir nous étions au point. Tu nous aurais vu, José, en arc de cercle, à taper sur nos cuisses et à crier comme des beauseigne. Un vrai commando de combat. Nous avons néanmoins rencontré un gros problème samedi matin, à l’aéroport intercontinental de Bouthéon, car lorsque le pilote et l’équipage nous ont vu pousser notre chant de guerre sur la piste avant de monter dans l’avion, ils ont refusé de nous emmener. Feindouno a bien proposé de piloter lui-même, mais comme il avait un regard lubrique, qu’il était secoué de spasmes et de rires maladifs et que de plus les responsables de l’Aviation Civile n’avaient pas d’alcotest sur eux pour les vérifications d’usages, usage subitement dépassé par l’urgence, nous nous vîmes contraint de trouver un équipage. Ce qui fut fait très rapidement par Ducon Premier qui usa de ses relations chez Manpower pour en décarucher un. Un équipage tchèque, très spécialisé dans les transports de troupes d’élites aéroportées en territoire ennemi. Tu sais, José, un Tchèque c’est terrible, surtout quand ça parle. Alors tout un équipage, je te laisse imaginer.
Nous décolâmes enfin, et durant le vol nous dûmes nous plaquer au sol car le copilote, équipé d’une mitrailleuse lourde, lassé par nos chants incessants et nos sauts en l’air qui faisaient bouger l’avion dangereusement, nous tînt en respect en tirant régulièrement au dessus de nos têtes.

Je ne te dis même pas quel fut notre soulagement en arrivant à Nantes, et en abandonnant notre avion. Une fois à l’hôtel, les choses sérieusement commencèrent. Le coachtchèque, pour argumenter son discours et ses recommandations, énuméra tous les noms des joueurs de Nantes, et pour chacun, il prît un petit beurre nantais dans sa main, et le broya en nous demanda d’imaginer qu’il s’agissait-là du joueur et non d’un biscuit. Ce qui pour les Nantais est la même chose.
De plus, pour faire monter l’agressivité, le coachtchèque a demandé à Jérémie Janot, grand expert en cris de toutes sortes, de revoir le texte, en lui donnant des couleurs anti-gones. Le résultat fut surprenant. Tu vas tout de suite en voir le résultat d’ailleurs.
Une petite page de pub.

HAKA VERT

KA MAAAATÉ ! KA MATÉ !

KA ORA, KA ORA !

KA MATÉ ! KA TAPÉ MALOUDA !
KA NIKÉ JUNINHO !
KA MATÉ ! KA MATÉ COUPET !

KA ORA, KA ORA !

TENEI TÉ TANGATA PU'RU-HURU

PU’URU-HURU GOVOU
CRIS CRIS KA MATÉ CAREW

NA'A NEI TIKI MAI WHAKA-WHITI TÉ
RA! HUPANÉ ! KA-UPANÉ !
A HUPANÉ ! KA-UPANÉ !
WHITI TÉ RA !
HI !

Forever Sport ! Adidas !

C’est beau, hein, José ? Ce serait même parfait si Feindouno avait appris les paroles correctement et ne persistait pas dans sa version qui transforme notre chant de guerre en une véritable cacophonie. Je te la livre, tu vas voir par toi-même.

Pub

KA MAAAATÉ ! KA MATÉ !

KA ORA, KA ORA !

KA MATÉ ! KA DANSÉ FÉFÉ !
KÉ BOURRÉ FÉFÉ, KÉ BEURRÉ !
KA MATÉ ! KA MATÉ FÉFÉ !
MAKÉ POUCH, MAKÉ POUCHKIN, FÉFÉ !
PAN PAN KUKU FÉFÉ !

KA ORA, KA ORA !

TENEI TÉ TANGATA PU'RU-HURU

NA'A NEI TIKI MAI WHAKA-WHITI TÉ
RA! HUPANÉ ! KA-UPANÉ !
A HUPANÉ ! KA-UPANÉ !
WHITI TÉ RA !
HI !

Forever Sport ! Adidas !

Revenons à des choses plus sérieuses, José. Nous avons donc joué ce match au stade de la Beaujoire, qui devrait être rebaptisé la Mangeoire, tant le public là-bas est un public de veaux. J’étais habitué à autre chose da sa part. À de la convivialité, à de la courtoisie, à de la somnolence, la seule caractéristique qu’il ait conservé d’ailleurs. Pour le reste, nous avons dû subir sans cesse durant le match cette chanson misérable, inventée par nos voisins lyonnais, proposant de venir à Geoffroy Guichard pour voir jouer les bâtards verts. Les difficultés d’un club permettent les écarts, les excès, on peut le comprendre, mais je crois quand même qu’il ne faut pas se tromper d’ennemi. Et un petit tour des Nantais en ligue 2, qu’ils n’ont jamais connue, juste un petit tour en enfer, serait sans doute bénéfique pour améliorer leurs appréciations.

Nous avons assez bien joué. Même, nous avons senti durant tout le match que nous pouvions le gagner, que nous devions le gagner. Mais les lacunes du CDD aidant, ma mauvaise forme, le dilettantisme des uns, la maladresse des autres, la malhonnêteté de l’arbitre ont fait que nous avons dû concéder le match nul. Rien ne nous permir de gagner. Ni le match courageux, combattif, exemplaire de Piquionne — qui, je ne sais trop par quel miracle, a franchi un pas vers une dimension qu’on ne lui imaginait plus — ni la hargne de Janot qui a failli marquer un but et qui par une talonnade peu académique offrit une balle en or à Hognon. Rien ne permit la victoire. C’est ainsi. Il est quand même heureux que nous ayions pu ramener un point, et que, pour la bonne morale sportive, Nantes n’en ait pas récolté trois.

Pub.

Le récitant : « KB JARDIN
Les couleurs passent, pas le Vert…
Les plus grands l’ont porté : Battiston, Janvion, Lopez, Rep, Platini…
Le maillot collector de 1981 est en vente, dépêche-toi, c’est une édition limitée ! Fouilla ! »
Mémé Jacquet : « Hop »
Le Choeur : « Whouaaaaah ! »
Mémé Jacquet : « Tu voâs ! »
Feindouno : « Ca coûte pas plus cher de bien changer ! »

Voilà, mon Cher José, les toutes dernières nouvelles. Nous voici en vue de l’aéroport. Il va me falloir conclure cette lettre avant de participer à la prière collective pour aider le pilote qui a gagné son brevet de pilotage en participant à un jeu télévisé, et qui crie, avant qu'on ait touché le sol, qu'il est debout sur les pédales de frein et que ca ne répond pas.

En attendant je me demande bien ce que le coachtchèque va nous mijoter pour préparer le prochain match contre Nice.

Je te raconterai très prochainement dans une autre lettre. Mon Cher José, en attendant, porte-toi bien.
Que ton ciel reste clair !
Mes amitiés à Alex Dias.

Bien amicalement

Ilan Araujo Dall'Igna