Dans le foot actuel l'argent est un élément incontournable : non seulement combien on en a, mais aussi comment il est utilisé.
En pleine période de confinement, ça discute beaucoup sur la probable crise économique qui suivra celle d'ordre sanitaire. Les enjeux financiers sont importants, le manque des revenus peut être fatal à pas mal d'entreprises, dont les clubs de foot. Surtout ceux qui sont très dépendants des revenus extérieurs comme les droits télé. D'où la pression que les principaux intéressés mettent sur la reprise de la saison, peu importe les contraintes du calendrier.
Voici donc un petit tour d'horizon sur l'envergure financière de l'ASSE et l'utilisation qui est faite de son argent. Cette analyse reprend celle de juin 2019 en rajoutant le bilan comptable de la saison 2018-19, rendu public il y a quelques semaines.
Voici donc un petit tour d'horizon sur l'envergure financière de l'ASSE et l'utilisation qui est faite de son argent. Cette analyse reprend celle de juin 2019 en rajoutant le bilan comptable de la saison 2018-19, rendu public il y a quelques semaines.
Revenus et coûts
Même si ce sont les montants les plus véhiculés dans la presse et dans les discussions entre les supporters, les chiffres des transferts des joueurs ne sont pas inclus dans la première analyse. Ainsi, on compare les revenus (l'argent qui entre au club) et les coûts (l'argent qui sort du club) pour tout sauf les mutations :
Les revenus du club proviennent surtout des droits télé (57% du total la saison dernière), des sponsors (25,4%), de la billetterie (8,3%) ou de la vente des différents produits (9,3%). Les coûts sont liés au fonctionnement du club, par exemple des loyers, mais surtout des salaires.
Le club a observé une hausse de ses revenus lors des saisons européennes 2014-2017 avec les phases de poule de Ligue Europa (primes de l'UEFA, droits télé, billetterie, sponsors). Ces revenus ont logiquement baissé lors de la 1e saison sans Europe (2017-18), mais sont revenus à un niveau haut la saison dernière, même sans la Coupe d'Europe. Ceci provient partiellement des droits télé liés à un meilleur classement (+2M), mais surtout d'une impressionnante hausse de la recette des sponsors : passant de 10 à 19 millions euros d'une saison à l'autre.
Quant aux coûts, à l'exception de la saison 2016-17, le club observe souvent un léger déficit, de quelques millions annuels. Pour un club en auto-financement, sans un propriétaire qui peut rajouter de l'argent quand il y a besoin, ce déficit peut être comblé par des fonds propres (argent mis de côté quand les années ont été positives), par un emprunt (augmentant donc les coûts des années suivantes) ou par les transferts. Ainsi, si on regarde la balance des derniers mercatos...
Le club a observé une hausse de ses revenus lors des saisons européennes 2014-2017 avec les phases de poule de Ligue Europa (primes de l'UEFA, droits télé, billetterie, sponsors). Ces revenus ont logiquement baissé lors de la 1e saison sans Europe (2017-18), mais sont revenus à un niveau haut la saison dernière, même sans la Coupe d'Europe. Ceci provient partiellement des droits télé liés à un meilleur classement (+2M), mais surtout d'une impressionnante hausse de la recette des sponsors : passant de 10 à 19 millions euros d'une saison à l'autre.
Quant aux coûts, à l'exception de la saison 2016-17, le club observe souvent un léger déficit, de quelques millions annuels. Pour un club en auto-financement, sans un propriétaire qui peut rajouter de l'argent quand il y a besoin, ce déficit peut être comblé par des fonds propres (argent mis de côté quand les années ont été positives), par un emprunt (augmentant donc les coûts des années suivantes) ou par les transferts. Ainsi, si on regarde la balance des derniers mercatos...
... on voit que le club a sensiblement plus vendu qu'acheté lors des saisons sans Coupe d'Europe. Ce sont les chiffres réels, les vraies sommes dépensées ou encaissées par l'ASSE sur chaque exercice comptable. La simulation réalisée par les supporters lors de chaque mercato ("je vends lui à 10M et j'achète deux autres à 5M chaque") n'est rien qu'un jeu, qui ne prend pas en compte que le paiement peut se faire sur plusieurs années, qu'il y a plein de clauses et bonus qui modifient les sommes et que quelqu'un doit payer les intermédiaires. Bref, à l'exception de la saison 2016-17 quand le club a eu des entrées plus grandes que ses coûts, les Verts ont toujours généré des revenus grâce aux transferts des joueurs - ceci reste malheureusement une obligation, sauf changement important dans la structure financière du club.
Salaires
Le budget d'un club est souvent utilisé comme référence pour estimer la qualité de l'effectif, mais un indicateur plus précis se trouve dans le volume de salaires payés par le club. L'idéal serait de calculer le salaire moyen du 11 titulaire, ou celui du groupe pro, en excluant donc tous les autres salariés du club et en prenant en compte la taille de l'effectif. Mais comme on n'a pas accès à ces données, on se contente de comparer la masse salariale de l'ASSE sur les dernières saisons :
Comme pour les revenus du club, on observe une différence nette avant et après avoir commencé à jouer régulièrement l'Europe. Sauf que pour les salaires, les Verts ont eu besoin d'une saison européenne pour se rendre compte des besoins quantitatives de l'effectif, c'est ainsi à partir de la saison 2015-16 que la masse salariale a augmenté de manière significative. Quant à la saison 2017-18, sans Coupe d'Europe, elle reste dans les montants des précédentes : beaucoup de joueurs en première partie de saison, dégraissage mais arrivées des gros salaires en deuxième. Et ces gros salaires ont fait passer pour la première fois le cap de 50M de masse salariale la saison dernière, avec une hausse de 15%.
Sur les deux saisons précédentes, les salaires ont augmenté, mais les revenus totaux du club aussi, la proportion restant plus au moins la même : 72-73%, ce qui reste normal pour un club de ce type, comme nous le verrons plus bas. Par contre, il y a bien eu un changement de politique sportive, la hausse des salaires doit être relativisée par le nombre des joueurs utilisés. En 2016-17, 21 joueurs ont joué 97% du temps de jeu total possible, mais en 2017-18, seulement 18 joueurs ont été nécessaires pour 99% du temps de jeu possible. Ces chiffres prennent en compte les mouvements au mercato d'hiver (par exemple Beric qui revient de prêt et Söderlund qui part sont comptés comme un seul joueur et leur temps de jeu cumulé). Bref, si on doit rapporter la masse salariale aux nombre de joueurs utilisés et à leur temps de jeu, les Verts ont payé 2,9 millions par joueur utilisé la saison dernière, contre seulement 2,1 la saison d'avant : une hausse de 38%. Moins de joueurs, payés plus cher.
Est-ce que ce changement de politique salariale et sportive a été gagnant ? Les Stéphanois ont fait une de leur meilleures saisons, finissant à la 4e place. Et si on regarde la masse salariale des équipes importantes du championnat...
Sur les deux saisons précédentes, les salaires ont augmenté, mais les revenus totaux du club aussi, la proportion restant plus au moins la même : 72-73%, ce qui reste normal pour un club de ce type, comme nous le verrons plus bas. Par contre, il y a bien eu un changement de politique sportive, la hausse des salaires doit être relativisée par le nombre des joueurs utilisés. En 2016-17, 21 joueurs ont joué 97% du temps de jeu total possible, mais en 2017-18, seulement 18 joueurs ont été nécessaires pour 99% du temps de jeu possible. Ces chiffres prennent en compte les mouvements au mercato d'hiver (par exemple Beric qui revient de prêt et Söderlund qui part sont comptés comme un seul joueur et leur temps de jeu cumulé). Bref, si on doit rapporter la masse salariale aux nombre de joueurs utilisés et à leur temps de jeu, les Verts ont payé 2,9 millions par joueur utilisé la saison dernière, contre seulement 2,1 la saison d'avant : une hausse de 38%. Moins de joueurs, payés plus cher.
Est-ce que ce changement de politique salariale et sportive a été gagnant ? Les Stéphanois ont fait une de leur meilleures saisons, finissant à la 4e place. Et si on regarde la masse salariale des équipes importantes du championnat...
... on voit que les Verts ont réellement surperformé. Quand des clubs comme Lyon et Marseille paient autour de 130 millions de salaires, il est logique de finir derrière eux avec seulement 53 millions de masse salariale. Tout simplement, ce ne sont pas les mêmes joueurs qu'on vise. Même si moins impressionnante, la différence avec Rennes reste quand-même importante : ils ont eu une masse salariale 18% plus grande que les Verts ! Pour compléter, on a rajouté le club français qui paye le plus de salaires (après Paris) sur cette saison, Monaco, et sa piètre 17e place.
Pour continuer la comparaison, on regarde le pourcentage des revenus que chaque club utilise pour payer des salaires :
Tous les clubs ont des coûts supplémentaires, étant obligés de payer d'autres choses que des salaires. Ainsi, quand un club dépasse la barre des 80%, il est fort probable que les revenus ne compensent pas les coûts totaux, donc le club doit faire appel à un autre financement, souvent de l'argent injecté par un riche propriétaire. Lille et Monaco restent des cas particuliers : financement externe pour payer des salaires bien au delà des revenus "normaux", misant tout sur les profits des ventes des joueurs.
L'argent ne fait pas tout, mais dans le sport professionnel, plus on en a, plus grandes sont les chances d'avoir des bons résultats. Tout simplement parce qu'on peut payer des plus gros salaires, qui font venir des meilleurs joueurs. Enfin, si on ne se trompe pas dans le recrutement. Si on compare l'ASSE avec les autres équipes de la saison 2018-19...
... on voit apparaître ce fameux plafond. Les trois "gros" (hors Paris) se permettent de payer deux millions de salaire pour chaque point pris, pendant que les Verts n'ont jamais dépassé la barre d'un million. Et ils restent même assez loin, pendant que Lille s'y approche et Rennes a passé le million par point. En on n'en parle même pas de l'accident sportif monégasque.
Conclusions
Après tous ces chiffres et graphiques, quelques observations ressortent facilement. Après la hausse importante des revenus lors des saisons européennes, le club a vu ses revenus rester au niveau grâce aux contrats publicitaires. Pour un club où les propriétaires ne peuvent pas combler le déficit, une balance positive lors du mercato est presque une obligation et le pourcentage de la masse salariale ne doit pas être trop haut. Sur les deux dernières saisons, la masse salariale de l'ASSE a fait un bond de +15%, mais si on considère le nombre des joueurs utilisés, on arrive même à une hausse de +38% par joueur. Mais même avec cette augmentation, les Stéphanois ne jouent toujours pas dans la cour des grands : il existe un réel plafond en championnat et finir devant un "gros" reste un exploit de ce point de vue.
Pour finir, une petite analyse du fameux prêt contracté par les propriétaires stéphanois à l'été 2018. La dette financière du club a fait un bond de 16 millions (passant de 17,8 à 33,9M). Et les disponibilités sont passées de 11,6 à 28,8M. Il est donc probable que même sans d'autres augmentations de la masse salariale, les coûts du club ne feront qu'augmenter - il faudra rembourser cet emprunt. Il faudra donc augmenter les revenus aussi, soit par une grosse vente (Saliba à l'été 2019), soit par une hausse des droits télé (théoriquement à partir de 2020-21). Et il faudra surtout éviter une réduction importante de ces revenus, d'où la bataille actuelle pour finir la saison coûte que coûte. Comme les droits télé représentent plus de la moitié des revenus, le club peut avoir très mal si les diffuseurs ne payent pas les dernières tranches ou si le nouveau diffuseur ne tiendra pas ses engagements.
Pour faire simple : à l'été 2019, le club avait des dettes cumulées de presque 60M d'euros, de l'argent disponible de 29M, 12M de fonds propres et rien dans le compte courant des actionnaires. En période normale, ce n'est pas un problème : les actifs (joueurs vendables, droits télés à venir) compensent largement la dette... Mais si ce système s'ecroule, le club sera dans une très mauvaise posture : les propriétaires actuels n'ont pas la surface financière pour combler ce déficit.