Dans le foot actuel l'argent est un élément incontournable : non seulement combien on en a, mais aussi comment on l'utilise.


En pleine période estivale, quand les rumeurs des transferts et les montants farfelus circulent dans tous les sens, un petit tour d'horizon sur l'envergure financière de l'ASSE peut être utile. Sans forcément reprendre les analyses des comptes publiés dans le passé, cet article présente un comparatif des saisons précédentes et avec d'autres clubs. Et même si quand on parle argent dans le foot on fait souvent référence au budget, le focus est fait sur un autre aspect financier, la masse salariale.
 

Revenus et coûts

 
C'est peut-être ironique en cette période de mercato, mais les premiers chiffres auxquels on s'intéresse ne contiennent pas les transferts des joueurs. Ainsi, on compare les revenus (l'argent qui entre au club) et les coûts (l'argent qui sort du club) pour tout sauf les mutations :

 
Les revenus du club proviennent surtout des droits télé, des sponsors, de la billetterie ou de la vente des différents produits. Les coûts sont liés au fonctionnement du club, par exemple des loyers, mais surtout des salaires. On observe un changement radical dans les revenus des Verts pour les saisons  2014-2017, avec les phases de poule de Ligue Europa (primes de l'UEFA, droits télé, billetterie, sponsors), encore plus si on sort des poules. Les revenus baissent dès qu'on ne joue plus l'Europe, restant pourtant à un niveau sensiblement plus haut qu'il y a 5 ans. Quant aux coûts, pendant les années européennes ils sont du niveau des revenus, pour la saison 2016-17 les Verts réalisant même un joli profit. Par contre, les années sans Europe, le club observe un léger déficit, de quelques millions annuels.

Pour un club en auto-financement, sans un propriétaire qui peut rajouter de l'argent quand il y a besoin, ce déficit peut être comblé par des fonds propres (argent mis de côté quand les années ont été positives), par un emprunt (augmentant donc les coûts des années suivantes) ou par les transferts. Ainsi, si on regarde la balance des derniers mercatos...
 
 
... on voit que le club a sensiblement plus vendu qu'acheté lors des saisons sans Coupe d'Europe. Ce sont les chiffres réels, les vraies sommes dépensées ou encaissées par l'ASSE sur chaque exercice comptable. Les simulations réalisées par les supporters lors de chaque mercato ("je vends lui à 10M et j'achète deux autres à 5M chaque") n'est rien qu'un jeu, qui ne prend pas en compte que le paiement peut se faire sur plusieurs années, qu'il y a plein de clauses et bonus qui modifient les sommes et que quelqu'un doit payer les intermédiaires. Bref, à l'exception de la saison 2016-17 quand le club a eu des entrées plus grandes que ses coûts, les Verts ont toujours généré des revenus grâce aux transferts des joueurs - ceci reste malheureusement une obligation, sauf changement important dans la structure financière du club.


Salaires

 
Le budget d'un club est souvent utilisé comme référence pour estimer la qualité de l'effectif, mais un indicateur plus précis se trouve dans le volume de salaires payés par le club. L'idéal serait de calculer le salaire moyen du 11 titulaire, ou celui du groupe pro, en excluant donc tous les autres salariés du club et en prenant en compte la taille de l'effectif. Mais comme on n'a pas accès à ces données, on se contente de comparer la masse salariale de l'ASSE sur les dernières saisons :

 
Comme pour les revenus du club, on observe une différence nette avant et après avoir commencé à jouer régulièrement l'Europe. Sauf que pour les salaires, les Verts ont eu besoin d'une saison européenne pour se rendre compte des besoins quantitatives de l'effectif, c'est ainsi à partir de la saison 2015-16 que la masse salariale a augmenté de manière significative. Quant à la saison 2017-18, sans Coupe d'Europe, elle reste dans les montants des précédentes : beaucoup de joueurs en première partie de saison, dégraissage mais arrivées des gros salaires en deuxième.

Un autre indicateur intéressant est le pourcentage des revenus qu'un club met dans les salaires. Il était très haut les saisons 2012-2014, mais il a largement baissé lors des saisons européennes. La hausse des revenus ne s'est pas reflétée dans une hausse propotionnelle des salaires : le club a utilisé l'argent en plus pour acheter des joueurs, mais pas des hauts salaires. Quantité, pas qualité. La saison 2018-19 devrait être intéressante à analyser de ce point de vue, mais pour l'instant les chiffres ne sont pas publics.

L'année 2017-18 a été particulière pour l'ASSE, surtout avec le changement radical de politique sportive en cours de saison. Après une première moitié compliquée, les Stéphanois ont redressé la barre et ont fini le championnat à une place correcte, 7e. Et si on regarde la masse salariale des équipes classées entre la 3e et la 8e place...
 
 
... on voit que les Verts ont même surperformé. Quand des clubs comme Lyon et Marseille paient autour de 120 millions de salaires, il n'y a aucune surprise de finir derrière eux avec seulement 46 millions de masse salariale. Tout simplement, ce ne sont pas les mêmes joueurs qu'on vise. Même si moins impressionnante, la différence avec Bordeaux et Nice reste quand-même importante : ils ont eu une masse salariale 30% plus grande que les Verts ! Pour compléter, on a rajouté le 5e club français en terme de masse salariale sur cette saison, Lille, et sa piètre 17e place.


Pour continuer la comparaison, on regarde le pourcentage des revenus que chaque club utilise pour payer des salaires :
 
 
Tous les clubs ont des coûts supplémentaires, étant obligés de payer d'autres choses que des salaires. Ainsi, quand un club dépasse la barre des 80%, il est fort probable que les revenus ne compensent pas les coûts totaux, donc le club doit faire appel à un autre financement, souvent de l'argent injecté par un riche propriétaire. Lille reste un cas d'école d'investissement : financement externe pour payer des salaires bien au delà des revenus "normaux", misant tout sur les profits des ventes des joueurs.

 

Influence sur le sportif

 
L'argent ne fait pas tout, mais dans le sport professionnel, plus on en a, plus grandes sont les chances d'avoir des bons résultats. Tout simplement parce qu'on peut payer des plus gros salaires, qui font venir des meilleurs joueurs. Enfin, si on ne se trompe pas dans le recrutement. Par exemple, si on compare les résultats de l'ASSE sur les 6 dernières saisons...

 
... on observe que les trois saisons où les Stéphanois ont dépassé la barre de 60 points en Ligue 1 (69 même, deux fois sur trois) ont été celles avec le moins de salaires payés. Les Verts ont payé beaucoup plus cher chaque point pris lors des saisons suivantes. Pour être complet, on devrait aussi prendre en compte les points en Coupe d'Europe, mais le comparatif devient impossible.

Et si on compare l'ASSE avec les autres équipes de la saison 2017-18...
 

... on voit de nouveau apparaître ce fameux plafond. Les "gros" se permettent de payer un million et demi de salaire pour chaque point pris, pendant que les Verts n'ont jamais dépassé la barre d'un million. De ce point de vue, l'investissement de Rennes a été aussi payant que celui de l'ASSE, pendant que Bordeaux et Nice ont payé plus sans avoir des résultats sportifs proportionnels. En on n'en parle même pas de l'accident sportif lillois.


Après tous ces chiffres et graphiques, quelques observations ressortent facilement. Les saisons avec participation en Coupe d'Europe amènent une hausse importante des revenus pour le club. Pour un club où les propriétaires ne peuvent pas combler le déficit, une balance positive lors du mercato est presque une obligation et le pourcentage de la masse salariale ne doit pas être trop haut. Voir les salaires augmenter peut être synonyme de réussite sportive, mais pas forcément : les Verts ont su par le passé faire mieux que d'autres, qui payaient des salaires plus élevés. Comment on utilise l'argent, quels joueurs on paye avec, est presque plus important que les montants qu'on peut aligner... mais il existe néanmoins un réel plafond en championnat et finir devant un "gros" reste un exploit de ce point de vue.