On l’avait vu dans le derby, on l’a revu hier ; pas sûr qu’on le revoit de sitôt.
On ne reviendra pas outre-mesure sur les équipes de départ et sur la première période : l’excellent site Chroniques tactiques l’a très bien fait. En revanche, votre serviteur ne partage pas du tout l’affirmation selon laquelle la remise en cause du 3-5-2 serait un faux procès. Et on ne parlera pas théorie, mais concret en s’appuyant sur la deuxième mi-temps (assez différente), l’expérimentation lors du derby à Gerland l’année passée et l’historique des matches ASSE-PSG des deux dernières saisons.
1- La deuxième période : l’aveu du plantage
Après la pause, on reprend comme avant. Pour le dire vite : faux-rythme général dans lequel les Verts font illusion, mais quand Paris daigne accélérer un peu, ça tremble de partout. Dès la 55’, Christophe Galtier décide de changer ses cartouches offensives : exit Erding et Lemoine, bienvenue Gradel et Corgnet. Tout en conservant le schéma général du 3-5-2, le milieu stéphanois tourne : la base est désormais constituée d’une paire Clément/Cohade, avec Corgnet en soutien des deux attaquants. L’effet escompté est immédiatement atteint : les Verts pressent plus et accélèrent le rythme du match. Sauf que l’organisation défensive étant largement bancale, et Paris en ayant gardé sous le pied, le match terne avec un score un peu sévère se transforme en naufrage. Trois buts, au moins deux autres occasions franches, et Ruffier qui n’évite le combo pénalty-expulsion que grâce à la mansuétude d’un M. Turpin qui n’a certainement pas voulu porter le coup de grâce : si l’on devait élire le pire quart d’heure de l’ère Galtier, celui-ci serait un candidat crédible.
A la 73’, on arrête les frais : Diomandé remplace Ricky, et Sainté passe en 4-2-3-1 (KMP/Corgnet dans l’axe, Gradel à gauche, Diomandé à droite). Le match est joué et Paris gère tranquillement ; il n’empêche que Sainté frappe 5 fois au but après cette réorganisation contre seulement 3 fois auparavant ; et ne concède plus qu’1 frappe (contre… 12 dans l’ancienne configuration). Le mieux est trop évident pour ne pas creuser un peu.
2- Le derby en 3-5-2 : victorieux, mais des limites
Pourtant, le 3-5-2, on avait déjà vu dans un match à haute pression à l’extérieur, et ça avait bien fonctionné. Au-delà du résultat, cependant, le contenu n’avait pas été de toute beauté, loin de là ! J'essaierais de ne pas paraphraser ce que j’avais écrit dans les paragraphes II et III à l’époque, mais sans solution de jeu long pour soulager l’équipe et avec des joueurs de couloirs usés par le match de jeudi, il était impossible d’arriver à construire des actions dignes de ce nom dimanche. De plus, ce système ne peut donner son plein régime que si les milieux et les attaquants axiaux dézonent pour apporter le surnombre sur le côté : or, si Cohade le faisait à gauche et Ricky à droite, Lemoine et Erding sont restés scotchés dans l’axe – consigne passée sans doute pour assurer les arrières.
Venons-y, à la question défensive. A Lyon, le grand intérêt du 3-5-2 résidait dans son adaptation parfaite pour contrer le 4-4-2 losange de Rémi Garde. Il avait pourtant fallu une petite réorganisation du pressing pour tenir le 6 adverse, Ferri, un peu trop seul pour distribuer le jeu rhodanien. Or, on l’a vu et bien vu, Paris ne joue pas de la même façon : côté neutralisation, dimanche, c’est passé à côté. Et le 6 adverse était bien trop seul - Thiago Motta n'ayant au passage pas qu'une classe de plus que Ferri...
3- La solution théorique, on la connaissait !
Cette lourde défaite à Paris marque d’autant plus que les Verts nous avaient habitués la saison dernière à poser de gros problèmes au PSG de Laurent Blanc, grâce à un positionnement en 4-2-3-1. A l’aller notamment (qui aurait été largement remporté sans l’expulsion de Lemoine à l’heure de jeu), la solidité défensive du bloc organisé autour de deux lignes de quatre avait permis d’annihiler le jeu tout en mouvement des attaquants parisiens grâce à un quadrillage équilibré du terrain. Mieux : il permettait de prendre l’avantage sur les côtés, le point faible de Paris. Associé à une grosse présence dans l’axe de l’attaque (excellents Corgnet et Brandao, à la fois à la réception des relances stéphanoises mais surtout comme poisons des défenseurs parisiens et de Thiago Motta en phase de possession), les Verts étaient objectivement plus forts.
Quant au retour, il a été perdu en première période par un positionnement trop bas et attentiste, une ouverture du score sur un malentendu (déjà…) et une performance banale du duo Corgnet/Brandao.
Bref, la solution était connue face à un PSG, qui n’a pour ainsi dire pas changé : deux lignes de 4 solides pour prendre le PSG à son jeu sur les côtés associées à une présence forte dans l’axe, le tout saupoudré d'un fort engagement physique, et dès lors il y a un coup à jouer.
4- Un pari conjoncturel ?
Il serait par trop surprenant que Christophe Galtier et son staff n’aient pas eu tout ça en tête au moment de préparer le match. Le contexte devient sans doute la principale raison de ce choix si peu productif : sixième match d’un mois réputé difficile physiquement car consécutif à la préparation foncière d’avant-saison ; 120 minutes dans les pattes trois jours plus tôt : la fatigue devait être générale dans l’effectif. Notamment du côté des ailiers, poste où l’on sait qu’il est difficile d’enchaîner les efforts sur la durée sans baisse de régime. Voilà sans doute l’une des raisons du choix étonnant de Galette : jouer sans ailier.
Mais pourquoi KMP titulaire alors, alors que KTC semblait tout indiqué ? Sans doute à cause de l’absence de Perrin. Face à un trident Ibrahimovic/Cavani/Lucas Moura, jouer à l’apprenti-sorcier en positionnant un néophyte en défense centrale est compliqué, surtout que Pogba n’est déjà pas considéré comme une assurance tous risque. Et qui restait disponible, alors, pour occuper le côté droit dans un rôle aussi exigeant ?
Bref, on l’aura compris : il n’y avait sans doute pas de solution optimale ; il fallait arbitrer entre plusieurs possibilités désavantageuses. Le choix fait dimanche s’est avéré mauvais ; à retenir. On comprend mieux en tout cas la boutade de Galtier sur le recrutement de joueurs supplémentaires. En tenant compte de la mise à l'écart de Mollo, du repositionnement de Tabanou et de la non-intégration (pour le moment) des jeunes, le nombre d'ailiers n'est en effet pas pléthorique.
En conclusion, on rappellera que contre Karabükspor, le passage en 3-5-2 après la 77’ au retour a été déterminant dans la qualification, mettant fin à vingt minutes de domination inquiétante des turcs et installant une attaque-défense à notre avantage. Mais il s’agissait d’une réponse au pari de Kafkas, qui à la mi-temps était lui-même passé en 3-5-2 : en d'autres termes, un choix opportuniste payant. On ne peut pas gagner ses paris à tous les coups.