L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford
Esthétique, mélancolique, charismatique... les superlatifs pourraient abonder si les défauts ne venaient pas ternir cette interminable oeuvre de Andrew Dominik. Le film se traîne durant 2h40 et de nombreuses séquences semblent, à l'image de son protagoniste principal, chercher leur raison d'être. L'image est superbe, l'interprétation irréprochable (excellents Brad Pitt et Casey Affleck). Mais il est difficile de rester accroché à un film qui ne raconte que la mélancolie et les regrets d'un homme fatigué et les états d'âme d'un cowboy en herbe pendant presque trois heures - surtout si la nuit précédente a été courte.
La psychologie de Jesse James reste néanmoins très intéressante. Porté par un Brad Pitt très inspiré depuis Babel, la personnalité du cowboy est un mystère qui suscite crainte et fascination, attachement et agacement. Etrange envoûtement que subit Robert Ford, troublé par les exploits de cet idole qu'il a désormais sous les yeux. Casey Affleck, qui a hérité du talent dans la famille Affleck, incarne ce bonhomme antipathique qui nous crispe les entrailles et démange nos phalanges. Sa fragilité et sa naïveté du départ ne nous émeut guère car il conserve cette part d'ambiguité qui agace et nous fait craindre la déloyauté à plein nez.
Le début et la fin sont remarquables. La mise en scène de l'assassinat est une véritable réussite, tout comme cette attaque du train où le réalisateur exploite judicieusement les ombres et les lumières. Dommage alors qu'il faille attendre deux bonnes heures entre les deux durant lesquelles tout n'est que blablas de saloon - comprendre donc blagues cocasses, règlements de compte, suspicion, insultes et mise au défi - et séquences contemplatives. C'est ma foi fort sympathique, parfois touchant et plutôt bon dans l'ensemble, avec une photographie sublime, mais occasionnellement assez lassant.
Un western moderne intéressant, qu'il aurait été bon de raccourcir parfois, afin d'éviter de perdre le spectateur en chemin et de risquer qu'il ne passe à côté d'une conclusion de qualité. Car, malgré cette mode très GusVanSantienne, éterniser une scène ne lui permet pas inévitablement de gagner en profondeur ou en intérêt.