Malgré un réveil tardif, les Verts n'ont pas pu revenir au score à Bordeaux et se sont donc inclinés 3 buts à 2. Au delà du résultat, les Stéphanois ont montré un style de jeu assez inhabituel, surtout lors de la première période. Voici une tentative de décryptage.
En conférence de presse après le matchs, Galtier a souligné la désorganisation dont on a fait preuve lors de la deuxième période, tout en mentionnant la qualité du jeu développé lors de la première. Et l'impression visuelle en première mi-temps a été assez claire : des Stéphanois en train de faire le jeu et étouffer les Girondins jusqu'à un but contre le cours du jeu sur coup de pied arrêté. Et même si cette animation offensive mise en place en début de match n'a pas fait mouche, elle était assez élaborée pour mériter une analyse détaillée.
Double pivot
Le terme de double pivot est en général utilisé pour un milieu à deux axiaux qui jouent à la même hauteur sur le terrain (donc un 4-4-2 ou un 4-2-3-1). Ces deux milieux ce projettent en attaque à tour de rôle, quand un monte l'autre reste couvrir derrière. On peut imaginer ce genre de mouvement dans un système 4-3-3 à pointe basse aussi, comme celui utilisés par les Verts à Bordeaux :
Avec des absences au milieu du terrain, Galtier a du associer Pajot et Corgnet à ce poste. Le style de jeu du premier consiste exactement dans ce genre de course verticale et le deuxième est naturellement plus porté vers l'attaque. Les projections vers l'avant, dans l'espace entre les lignes, étaient donc un élément auquel on aurait pu raisonnablement s'attendre dans la tactique stéphanoise.
Deux pivots et des ailiers inversés
Et non seulement ces deux milieux se sont projetés, mais ils ne l'ont pas fait à tour de rôle, comme dans un double-pivot standard. Aidés par la présence d'un milieu reculé, Selnaes, ils se sont projetés souvent en même temps. Et, élément assez inhabituel, leur but n'était pas d'occuper l'espace entre les lignes. Non, leur but était de se placer dans la défense, sur la même ligne que l'avant-centre.
La raison pour ce placement des deux milieux axiaux vient de la nouvelle utilisation des ailiers : comme lors des matchs précédents, Galtier utilise deux ailiers inversés qui sont en plus des fins manieurs du ballon, Hamouma (droitier) à gauche et Tannane (gaucher) à droite. Leur rôle est d'être des meneurs de jeu entre les lignes. Et en plaçant des milieux avec les défenseurs adverses, les Verts empêchent les latéraux bordelais de suivre leurs adversaires directs :
Deut pivots, ailiers inversés et des latéraux qui montent
Les ailiers qui piquent vers l'intérieur, les milieux axiaux qui montent dans la défense et qui obligent ainsi les latéraux à les serrer avec les centraux, ça libère les côtés pour des montées de nos latéraux. Voici par exemple le début d'une attaque Verte à la 6ème minute :
Une attaque standard, Selnaes descend au niveau de la défense pour aider avec la relance (il y a deux Bordelais pour faire du pressing en dehors du cadre). Hamouma, Beric, Tannane sont pris par les quatre défenseurs et Corgnet et Pajot commencent à se placer derrière la première ligne de 4. Après une première tentative de jeu sur la gauche, le jeu est déplacé sur la droite et, après seulement 15 secondes, la configuration stéphanoise a complètement changé :
La défense bordelaise est occupée par Corgnet, Beric et Pajot. Hamouma s'est placé entre les lignes, obligeant ainsi les deux milieux axiaux adverses à reculer, Tannane quitte son côté en portant le ballon, laissant la place pour la montée de KTC. Le but est simple : aucun défenseur ne peut monter sur Hamouma, ils ont chacun un adversaire, donc la passe de Tannane le trouve dans un belle position de meneur de jeu, capable de tirer ou passer plus loin vers Beric ou Pajot.
Dans un autre exemple, cinq minutes plus tard, on joue côté gauche, avec la montée de Polomat cette fois-ci :
On voit Hamouma resté sur son côté, aidé par la montée de Polomat, mais Tannane est bien placé dans l'axe, dans un endroit abandonné par les milieux bordelais, qui n'avaient pas d'autre choix que de descendre avec Corgnet et Pajot dans la surface.
Pourquoi on a perdu ?
Est-ce que cette tactique et ce positionnement moins habituel de nos joueurs ont fonctionné ? Au vu de la physionomie de la première période, on dirait que oui. Les Girondins ont été forcés à jouer bas et ont été constamment sous pression (8 ballons dégagés de la surface ou juste devant dans les premières 12 minutes). Le but marqué sur coup de pied arrêté est juste un fait de jeu qui ne dépend pas de la tactique mise en place. On a vraiment assisté à une première mi-temps avec beaucoup de mouvements et des courses dans le vide de la part de nos Verts, beaucoup plus que ce dont nous avions habitude.
Qu'est-ce qui n'a pas marché ? Si dans les exemples ci-dessus, il y avait à chaque fois un des deux latéraux qui montait et l'autre non, ça n'a plus été le cas après la pause. La montée simultanée des deux latéraux, combinée avec le positionnement haut de Pajot et Corgnet, plus leur incapacité de se replacer vite à la perte du ballon (fatigue pour le premier ? habitude pour le deuxième ?), ont fait qu'il n'y avait plus d'équilibre dans notre jeu et toute perte de balle était très dangereuse.
Cette situation a été résolue par Galtier avec des changements, mais aussi en figeant la position des joueurs : KTC n'avait plus le droit de monter, il restait avec la défense, mais Polomat si, fort heureusement. Le double piston a été cassé aussi, Pajot étant obligé de rester à côté de Selnaes et Corgnet a été remplacé par Tannane, puis Söderlund, rendant ainsi naturel son positionnement dans la défense. Malheureusement, le rééquilibrage est intervenu trop tard, le mal était fait.
Ça faisait long temps que nous n'avons pas vu une telle animation offensive de la part de nos joueurs, avec des courses dans le vide et des déplacements intelligents pour créer des décalages. C'est venu avec le prix d'une défaite (et encore, si la frappe de Pajot entrait dans le temps additionnel...), mais ça reste très prometteur, une fois l'équilibre attaque-défense trouvé.