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La saison 1969-70 est sûrement l’une des plus remarquables de l’ASSE. Elle a marqué mon adolescence et je pense que les Verts avaient, cette année-là les moyens d’aller titiller les plus grands d’Europe.
En tous cas, cette saison-là, les Lyonnais étaient renvoyés à ce qu'ils ont toujours le mieux été: la banlieue de Saint-Étienne...
La feuille de match
Dimanche 5 octobre - Championnat de France de D1 - Stade Gerland
9e journée: OL 1-7 ASSE
Spectateurs: 24.256 - Arbitre: M. Frauciel
Buteurs: Revelli H. (21e, 85e), Ravanello (CSC 35e), Larqué (48e), Polny (49e) Keita (53e, 54e) pour l'ASSE. Perrin (88e) pour l'OL
Lyon: Chauveau - Flohic, Ravanello, Lhomme, Baeza - Prost, Perrin - N. Rambert, Guy, Chiesa, Rambert. Entraîneur: Aimé Mignot
ASSE: Carnus - Durkovic, Bosquier, Broissart, Polny - Jacquet (Larqué 34e), Herbin - Samardzic, H. Revelli, Keita, Bereta. Entraîneur: Albert Batteux
Les faits du match
Septembre 1969. Dans la France post-68 qui vient de voir le général de Gaulle démissionner suite à son échec au référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat, et être remplacé par son ancien premier ministre Georges Pompidou, le football est loin d’avoir l’audience qu’il a aujourd’hui. Je me souviens encore du vieux poste radio avec lequel mon père écoutait les informations de la Suisse romande. Moi, il me servait pour écouter les exploits de mes Verts préférés.
A cette époque, L’ASSE dominait sans partage le football français. Elle avait été championne en 1964, 1967, 1968 (doublé), 1969 avec un panache certain et des joueurs d’exception. Mais le meilleur était à venir en 1969-70. Dès le 1er tour de Coupe d’Europe, les Verts signaient leur premier exploit en éliminant le Bayern Munich de Maier, Beckenbauer, Müller. Les Allemands avaient sombré au match retour à Geoffroy Guichard.
Quatre jours plus tard, le dimanche 5 octobre, pour le compte de la 9e journée du championnat, les Stéphanois se déplaçaient chez leur éternel rival lyonnais. Ils étaient déjà en tête du classement avec 3 points d’avance sur Strasbourg. L'OL, au milieu du tableau, accusait déjà 5 points de retard.
Ce derby avait été suivi par 25.000 spectateurs, sûrement appâtés par la remarquable victoire sur le Bayern. A l’époque, ce derby avait une résonance régionale alors qu'aujourd’hui, grâce aux moyens modernes de communication, il dépasse largement les limites de la région. Bien sûr, l'Olympique Lyonnais n’était pas une formation de haute lignée, mais verser dans la démonstration et être efficace comme le fut l’ASSE ce jour-là, supposait une grande maîtrise et une classe certaine.
Serge Chiesa, suivi par Keita ne peut rien faire
ce dimanche à Gerland (photo l'Équipe)
Les Lyonnais firent front durant une vingtaine de minutes avant de s’effondrer, minés par un rival riche de talents, d’expérience et pratiquant un jeu collectif bien rôdé. Il faut souligner le parfait état d’esprit des Stéphanois, cette tendance au soutien, à la solidarité qui marque évidemment les périodes euphoriques, à moins qu’elle ne les provoque. Cette solidarité sans faille sera la marque de cette équipe qui, sept ans plus tard grimpera au sommet de l’Europe. En ce dimanche d'octobre, la conduite de Hervé Revelli, en pleine forme, allait être exemplaire.
S’il marqua le premier but sur pénalty, il laissa à Georges Polny, qui venait de lui faire une ouverture, une balle que le blond arrière put frapper en pleine course. Toute la défense lyonnaise, le gardien Chauveau y compris, s’était portée au devant de Revelli quand il exécuta sa passe en arrière. Tout le monde resta sur place sauf… Polny qui marquait là son premier but en Vert.
Salif Keita est à Gerland comme dans son jardin
A la 56e minute, Revelli fit le même cadeau à Salif Keita: suite à un coup-franc tiré par Spasoje Samardzic, il était devant le but, Chauveau le surveillant quand il sautait, et décida de laisser la balle au Malien qui marqua d’une pichenette. C’était déjà le 6ème but et on n'avait pas atteint l'heure de jeu !
Le Yougoslave Samardzic avait doublé la mise en poussant Ravanello à marquer contre son camp après une frappe dans un angle impossible à la 35e minute, Jean-Michel Larqué (qui avait remplacé Aimé Jacquet à la 34e) avait obtenu le troisième but d’un puissant tir et Keita le cinquième après un échange avec les deux sus-nommés. Hervé Revelli allait se charger lui même de réaliser le septième et dernier après un contrôle en pleine course. Ouvrir et fermer la marche, la marque des grands.
L'arrière-garde stéphanoise ne laisse rien passer
Le succès sur le Bayern avait certainement mis les Verts en confiance, mais la rentrée de Robert Herbin y était aussi pour beaucoup. Saint-Étienne s’était épanoui, en se livrant, sans fantaisie certes, mais sans réticence à un jeu tourné vers l’offensive. Il faut dire que la présence de Samardzic, arrivé à l’intersaison, avait donné à l’attaque une assise technique plus forte encore et l’avait rééquilibrée sur le côté droit (le gauche étant occupé par Georges Bereta). Ce Yougoslave était entreprenant, actif, déroutant pour ses adversaires directs. Epaulé par l’homogène tandem Revelli-Keita, et par le solide gaucher Bereta, il était un plus pour l’attaque stéphanoise, complémentaire, utilisant les permutations pour échapper au marquage individuel strict. Quant à la défense, elle avait fait preuve de sa sûreté habituelle, ne laissant qu'à Perrin la satisfaction de sauver l'honneur en toute fin de match.
Polny s’était montré un valeureux contre-attaquant, Vladimir Durkovic avait muselé Rambert et soutenu son ami Samardzic sur le flanc droit, Bernard Bosquier, toujours dynamique avait excellé dans la relance, bien épaulé par José Broissart, arrivé de Sedan à l’intersaison et déjà bien adapté au style stéphanois.
C’était certainement le meilleur Saint-Étienne de la décennie, et même l'un des meilleurs de son histoire, dirigé par la sage conduite d’Albert Batteux, un Saint-Etienne qui allait dominer la saison de la tête et des épaules, terminant avec 11 points d’avance sur le rival marseillais, écrasant Nantes sur le score de 5-0 en finale de la Coupe de France, et reléguant le voisin lyonnais au rôle de figurant.
Finalement, cette saison-là, il n'aura manqué qu’un parcours en Coupe d’Europe, celui-ci étant brusquement interrompu par le Legia Varsovie dès les huitièmes de finale...
Le portier Yves Chauveau aura vécu un enfer face aux
artilleurs stéphanois (photo le Progrès)
Ils ont dit
Hervé Revelli: "Les Lyonnais avaient assisté au match contre le Bayern et avaient déclaré que vu les efforts fournis, ils allaient nous manger dimanche, qu'on serait trop fatigués. On a donc décidé de leur répondre sur le terrain, on est parti à Lyon en mission.(...) A la sortie du terrain, on leur a dit: "Vous voyez, on n'est même pas fatigués et si vous voulez, on peut refaire un autre match pour vous montrer qu'on est capable d'aller beaucoup plus loin". Mais ils n'avaient pas tort: on était vraiment cuits"
Yves Chauveau: "Prendre 7 buts à domicile, qui plus est dans le Derby, on en sort pas indemne. Si seulement à la fin du match, j'avais pu entrer dans un trou de souris pour me terrer quelque temps... Malheureusement, cela ne s'est pas arrêté là. Les Stéphanois en ont remis une couche lors du match retour, j'ai encaissé cette fois 6 buts (ndlr: victoire 6-0). Cela faisait 13 buts en deux rencontres, heureusement qu'à l'époque, ça ne chambrait pas trop..."
Spasoje Samardzic: "Ce fut trop facile. Je ne veux pas être méchant avec les Lyonnais mais ils ne m'ont pas donné l'impression d'être à leur place en 1ère division"
Aimé Mignot: "Je regrette d'avoir offert au public un si pitoyable spectacle. Pour ces gens-là, croyez-moi, je suis consterné"
Georges Carnus: "J'étais en concurrence avec Yves Chauveau en équipe de France. J'ai dit à Keita que ma sélection était dans ses pieds. Il m'a répondu de ne pas me casser la tête, qu'il allait s'en occuper. Après le match, je n'ai pu que le remercier"
Le CR du Progrès du lendemain
Le Saviez-vous?
- C'est le 35e derby de l'histoire et bien entendu la plus grosse rouste jamais infligée dans l'histoire de cette confrontation.
- Si les Verts finiront Champions de France pour leur 4e titre, avec 28 buts de Hervé Revelli (meilleur buteur du championnat), les Lyonnais termineront la saison 1969-70 à 15e place, en tant que premiers non-reléguables.
- L'avant-centre lyonnais André Guy avait opéré à l'ASSE de 1962 à 1965. Durant ces 3 saisons il avait marqué... 60 buts (dont un quadruplé) !
- Aimé Jacquet quittera plus tard l'ASSE pour Lyon. Le natif de Sail-sous-Couzan entraînera même les Gones pendant 4 saisons, imité par son coéquipier Robert Herbin qui sera lyonnais durant la saison 1984-85. Cette saison-là, les Verts s'imposeront 5-1 à Gerland.
- José Broissart, passé par Beauvais, le Racing Club de France et qui venait de Sedan, quittera l'ASSE en 1973 pour Bastia puis Lyon. Il deviendra ensuite le responsable du Centre de Formation de l'OL avant de prendre en mains celui de Monaco. Il prendra sa retraite en 2006.
- Aucun lien entre André Perrin, le buteur lyonnais et Loïc Perrin, Julien Perrin ou Alain Perrin. C'est bon, on en a connu assez des Perrin...