Santini sans retenue
13/06/2018
Rare dans les médias, Jacques Santini se lâche dans un long entretien paru sur le site de So Foot. Extraits.
"Il y a eu deux époques hélas pour moi.De 1971 à août 1973, j’avais gagné ma place au sein du milieu stéphanois, malgré la concurrence. J’étais plutôt un numéro dix, dans un 4-3-3 au milieu très offensif. Je marquais beaucoup de buts à l’époque. Mais la blessure m’a fait perdre un peu de puissance et de vivacité, donc je me suis retrouvé dans des zones où marquer n’était pas une priorité. Et je suis tombé avec Larqué et plus tard Platini, des garçons qui ne laissaient que des miettes pour les coups francs et les penaltys, alors qu’avant, je marquais surtout sur coup de pied arrêté. Après ma convalescence, je me suis identifié à Clodoaldo, le milieu de terrain de la grande équipe du Brésil en 1970. C’est pour ça que j’avais pris le numéro 5 à Saint-Étienne.
Dans le vestiaire stéphanois, si on traçait une ligne, Franche-Comté et Nord étaient réunis. Après, ça allait de Toulouse à Bayonne et il y avait tous les Sudistes : Lopez, Repellini, Revelli. C’est vrai que Christian et moi-même, on ne parlait pas trop, on subissait le bagou des sudistes et on les chambrait également en retour. Adolescent, c’est important de montrer qu’on ne se laisse pas toujours faire. Quant aux pros, ils nous amenaient leurs chaussures le lundi en nous disant : je les veux pour jouer le samedi ou le dimanche. C’est ce qu’on appelle ou ce qu’on appelait dans les grandes écoles le bizutage des nouveaux. Lorsque la majorité des coéquipiers sont partis et qu’il est arrivé une génération avec laquelle on ne s’entendait pas trop, comme avec Rep, ce genre de joueurs, on n’avait pas été éduqués comme eux, donc ça ne s’est pas très bien passé dans le vestiaire, mais cela ne nous a pas empêchés d’être champions en 1981, date hélas du dernier titre de l’ASSE.
Il y a des dates qu’on n’oublie pas. Le 7 août 1973, c’était le premier match de la saison au Vélodrome. Les Marseillais avec leur virilité, leur méchanceté... C’était l’époque où j’évoluais au milieu avec Larqué et Bereta. On les avait étouffés, et Zvunka, poussé par deux ou trois Marseillais m’a... Aujourd’hui, si on était aux États-Unis, il y aurait possibilité de porter plainte. Il n’avait même pas été puni, aujourd’hui il prendrait entre quatre et six mois. Les deux pieds sur mon genou, sous les yeux de mes parents qui étaient au match. Pour moi, il y a toujours eu ce point d’interrogation : où serais-je arrivé si je n’avais pas eu cette grave blessure. Il m’a fallu presque 18 mois pour redevenir compétitif. Robert Herbin n’était pas comme les entraîneurs de l’époque, adepte du turn over. Je suis sûr que j’ai loupé entre 60 et 80 matchs toutes compétitions confondues.
Je n'ai jamais pardonné à Zvunka, jamais. Du moins, je n’en ai jamais eu l’occasion, mais dès lors qu’on jouait l’un contre l’autre, il faisait en sorte de vite changer de côté parce qu’il savait que moi ou des coéquipiers pouvions le sanctionner. Quarante-quatre jours dans le plâtre. Les points de suture que j’ai eu étaient tellement serrés que je n’ai plus jamais réussi à m’accroupir. les séances de kiné, lorsqu'il me faisait porter des poids, ont été très difficiles, j’ai hurlé, les autres patients se demandaient qui il égorgeait. À mon retour, les copains étaient en route pour le premier doublé et s’entraînaient pendant que je faisais des tours de terrain. Là, je me suis dit : « Putain, accroche-toi. »
Quand Herbin a voulu me prêter à Lille, il n’y a plus eu de copain, j’ai pris le mors aux dents et je me suis dit : « Ah il veut me prêter, il va voir ! » Trois semaines après, je faisais une passe à Revelli et on gagnait le derby. Mais même après ça, Herbin était... C’est pour ça que notre relation a toujours été difficile, je ne comprenais pas. Je faisais un bon match, je marquais deux buts, et la rencontre suivante, il me remettait sur banc. Mais bon, il fallait le respecter. Je lui expliquais mon ressenti, ensuite on se concentrait sur le match suivant. Mais bon, il n’y avait pas que moi. Il n’y avait quasiment que des internationaux dans l’équipe pour 12 joueurs sur la feuille de match. Maintenant, c’est plus facile, il y en a 18.
Hélas, Élie Baup m’a fait un enfant dans le dos comme on dit. Il a voulu jouer sa carte personnelle en me sacrifiant aux yeux des dirigeants et futurs dirigeants de l’époque. Quand j’ai fait des fautes par le passé, c’était moi qui faisais le premier pas. Il ne l’a jamais fait et pense qu’il a eu raison de me faire ça, mais c’est sa vie. D’ailleurs, il a de la chance, il est à beIN. Je me demande ce qu’il faut faire pour être à l’antenne comme le font certains. Lors de mes deux années comme entraîneur à Saint-Étienne, peu de gens m’avaient aidé et beaucoup s’étaient réjouis de mon départ. Ça m’a servi de motivation à l'OL.
J’ai gagné la première Coupe de la Ligue de l'OL, Lyon n’avait pas gagné de titre depuis la Coupe de France 1973. J’ai gagné le premier titre de champion de France en 2002 et j’ai préparé le terrain pour la suite, ce qui n’est pas vraiment reconnu de la part de la direction lyonnaise, au contraire des supporters. J’aimerais sincèrement si on me le proposait remettre quelques clubs à niveau en France en tant que directeur sportif. À Saint-Étienne, à Lyon ou même un club de L2 ou à Nîmes qui remonte. Faire une année comme Ranieri, faire un deal et remonter, je ne dirais pas non, non plus."
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