Il y a dans la chute du club quelque chose d’inexorable.
La conviction se forge, alimentée par ce sentiment de déjà vu, de déjà vécu, que nous allons à la catastrophe et que rien ni personne n’y pourra rien.
Certains disent qu’on reconnaît un grand club à sa faculté à traverser sans encombre les crises. A sa faculté à faire le dos rond, préserver l’essentiel, garder la tête froide dans l’adversité, prendre les décisions justes et efficaces, faire bloc, pour forcer le funeste destin à passer son chemin.
Tout le contraire de notre club qui s’y entend en matière d’accélération de chute. C’en est même fascinant, cette impression que du premier caillou dans la chaussure jusqu’au coup de grâce en mai, notre chemin de croix est déjà tout tracé. Les étapes sont connues. Ceux qui ont vécu 1996 ou 2001 savent tout du long supplice moral que sont nos descentes aux enfers. Passant de la colère à la résignation, de l’écoeurement à la déprime, nous portons notre souffrance avec la conviction qu’une malédiction éternelle nous a frappés.
Cette terrible sensation qu’on pourrait résumer par l’(oh hisse) éculé mais si souvent à-propos on sera toujours las. Le peuple vert est tellement collectivement imprégné de cela que nombreux sont ceux qui prédisent le pire en mai prochain.
Nous ne sommes pourtant qu’à mi-parcours, et s’il semble bien illusoire d’imaginer que la saison puisse encore être une réussite, il est tout à fait possible d’échapper au pire, qui, faut-il le rappeler n’est jamais sûr. A ce stade, compte tenu de nos moyens sportifs et financiers, il n’est pas interdit d’imaginer que la saison se termine sans larmes, à une anonyme 10 ou 12ème place. Rien de glorieux certes, mais à l’échelle d’une décennie et demi de gouvernance, rien d’infâmant pour nos dirigeants s’ils arrivent enfin à passer en douceur la main. Peut-être même pourra-t-on se dire tranquillement sous le soleil de mai, qu’elles étaient bien ridicules nos angoisses de décembre, et que cette crise hivernale aura finalement permis d’accélérer une transition tellement nécessaire.
Tout l’enjeu pour Bozzo et Roro est là : montrer qu’avec eux aux manettes depuis 2004, le club a grandi, quand tout nous incite à penser le contraire et quand tout porte à croire, hélas, que les belles années de Galette n’étaient qu’une parenthèse enchantée pour un club en chantier, éternellement. Une parenthèse qui, sitôt refermée dans un fracas assourdissant, nous laisse de nouveau retrouver un niveau sportif cohérent avec la qualité de nos deux présidents.
La qualité de nos dirigeants… qu’on pourrait résumer en rappelant que passer tant d’années dans le top 5 de la Ligue 1, avec tous les bénéfices en terme d’images que cela a amenés au moins jusqu’à il y a deux ans, et n’avoir pas su faire progresser ce club, dans ses structures (mode de rémunération, organisation du recrutement, pilotage de la formation, préparation physique et accompagnement médical, stratégie de communication et poids dans les instances, relation aux supporters, gestion du stade…) est un crime contre l’ASSE et une insulte à l’esprit d’entreprise et au management.
A la notable exception de sa situation financière, l’analyse en profondeur des composantes du club amène au constat clair et net que nos deux dirigeants n’ont pas la carrure, qu’ils ont aussi peu d’idées que de pétrole. Chacun à sa façon, très différente en l’occurrence, Romeyer et Caïazzo portent le poids de cet échec-là.
En 2013, 2014, Sainté, fort d’une image redorée, avait une opportunité en or de passer la cinquième. Tout était réuni pour franchir un cap. La comparaison est douloureuse, mais faute de talent et d’ambition, nos deux clowns ont refusé de tenter ce qu’un Aulas, s’appuyant sur une situation assainie de son club, avait su faire il y a plus de 15 ans en invitant Pathé à sa table.
Et qu’on arrête enfin de dire que tout cela aurait été impossible dans le contexte stéphanois. En quoi un investisseur de calibre serait freiné par l’économie ou la démographie de Sainté quand le modèle des grands clubs d’aujourd’hui repose sur une image vendue nationalement et internationalement ? Dès lors qu’il est établi que l’argent d’un club vient aujourd’hui des droits télé et des investisseurs, en quoi le contexte stéphanois serait un handicap indépassable ?
Mais il n’est plus temps d’ergoter sur notre potentiel économique, sur notre pouvoir d’attractivité. Heckle et Jeckle, tout le montre, n’ont pas eu le talent de faire grandir le club. Il ne leur reste plus qu’à éviter de l’envoyer dans le mur.
Six mois après avoir pris les rênes du club et pondu une charte ridicule, Brok et Chnok laissaient partir Frédéric Antonetti. Anto, comme Galette était un vrai meneur d’hommes avec des valeurs, qui avait su si bien comprendre Sainté et conduire ce club à la réussite. Anto, comme Galette malgré son succès n’avait pas reçu de Caïazzo et Romeyer les moyens de grandir avec le club. Anto, comme Galette, deux hommes de grande qualité s’en sont donc allés.
Pendant 14 ans, Caïazzo, Romeyer, deux dirigeants de piètre qualité, sont restés.
Un an avant leur arrivée au club, ce soir de janvier 2003 à l’issue de la réception de Gueugnon et de la terrible claque sous la neige du Chaudron, Anto, digne, avait lancé : « Nous devons désormais sauver le club et tous nous en aller ».
Romeyer, Caïazzo, vous savez ce qu’il vous reste à faire.