Les Verts ont perdu leur match à Strasbourg - résultat totalement prévisible avant le coup d'envoi, mais tellement immérité compte tenu de leur prestation...


10 joueurs positifs au Covid-19, 4 autres blessés. 8 membres du staff positifs aussi, dont l'entraîneur principal et ses deux adjoints. Même pas une feuille de match complète, seulement 18 joueurs aptes, dont un seul gardien, entraînés par le responsable technique du centre de formation. Sur les 6 joueurs de champ titulaires formés au club, les plus expérimentés étaient Camara et Nordin, 22 ans. Les 4 entrants (3 formés au club) étaient tous âgés de 18 ou 19 ans.
 
Peu d'expérience donc, et avec une semaine de préparation particulière - les Stéphanois n'avaient pas beaucoup de chances pour gagner ce match, mais ils les ont jouées à fond. Comme le dit Laurent Huard, entraîneur du jour, "on est plutôt fiers de ce qu'ils ont fait. (...) on est déçus pour les joueurs car ils méritaient mieux vu leur prestation. Même s'il nous a manqué un peu de réussite dans les derniers mètres, on a maîtrisé le jeu".
 
Les Verts ont dominé le début du match, avec une large possession dans les premières 10 minutes (69%) et des belles sorties de balle. Cette domination a été conclue par un penalty raté par Boudebouz, ce qui a changé la physionomie de la partie ensuite : 59% de possession pour Strasbourg et 5 tirs à 0 jusqu'à l'ouverture du score à la demi-heure de jeu.
 
La possession a été stéphanoise lors de la deuxième période, qui a eu deux moitiés bien différentes, avant et après les changements effectués à la 64e minute. Avant, les Verts ont eu 57% du temps le ballon, mais ont subi les attaques adverses (7-2 tirs pour Strasbourg). Après les entrées d'Aouchiche et Rivera et un changement de système, le ballon a été largement stéphanois (70% possession jusqu'à la fin du match), mais le danger a aussi changé de camp, 4-1 tirs pour l'ASSE, sans réussite.
 
Voici quelques exemples de ce match bien particulier.
 
 

4-4-2 losange

 
Si le 11 de départ ne contenait pas beaucoup de surprises, la profondeur du groupe ne laissant pas beaucoup des choix, c'est un système inhabituel qui a été proposé par les Verts :
 
 
Un 4-4-2 losange, avec Nordin et Krasso devant, avec Gourna-Douath, Gabard, Moueffek et Boudebouz au milieu et une défense à 4 Sissoko - Sow - Camara - Trauco. Des joueurs pas à leur place ou même découvrant pour la première fois une pelouse de Ligue 1, dans un système expérimental. Et pourtant, un système qu'ils ont plutôt bien animé.
 
Offensivement, le nombre des milieux a permis aux Verts de bien combiner au centre du terrain. Mais leurs meilleures occasions ont été provoquées par la capacité de Moueffek à casser les lignes balle au pied. Ses projections vers l'avant ont éliminé plusieurs adversaires, comme dans cet exemple après 7 minutes de jeu :
 
 
Un des avant-centres de Strasbourg est trouvé dans la surface stéphanoise, mais sa remise est imprécise et facilement récupérée par Moueffek. Les Verts sont tous très bas, en plus des 4 défenseurs les 4 milieux sont dans ou autour de la surface, pendant qu'il n'y a que 4 Strasbourgeois dans la même zone. On ne peut donc pas parler de contre proprement dit...
 
 
... mais la remontée de Moueffek élimine plusieurs joueurs. Ils résiste à 3 adversaires et trouve Nordin qui prolonge jusqu'à Krasso. Les Strasbourgeois ont été éliminés et ils doivent maintenant courir vers leur propre but :
 

 Ce qu'ils font moins bien que Moueffek, qui a continué sa course et qui se trouve à la réception du ballon en profondeur de Krasso. Un défenseur rate son interception, le goal adverse rate sa sortie ... et Boudebouz rate le penalty obtenu par son jeune coéquipier.
 
Le 4-4-2 losange est un système fait pour avoir la possession, la densité des joueurs dans l'axe facilite le jeu de passes. Il est difficile à maîtriser parce que ce n'est pas évident de défendre, surtout dans les couloirs (il n'y a pas d'ailier pour aider le latéral). Quand Strasbourg a commencé à avoir la possession après le premier quart d'heure, des failles ont pu être trouvée sur les côtés :
 
 
Sur cette image on voit que Strasbourg évoluait aussi en 4-4-2 losange - probablement une des raison de ce choix par les staff stéphanois - mais avec une animation légèrement différente et plus huilée. Dans ce cas, en créant du surnombre dans un couloir. Dans cet exemple à la 18e, le ballon circule entre les défenseurs de droite à gauche, pendant qu'un des deux milieux relayeurs s'est excentré à gauche. Le bloc des Verts doit donc coulisser : 
 
 
Krasso joue le rôle défensif d'un ailier et défend sur le latéral gauche, Sissoko sort sur le milieu excentré, Sow suit son avant-centre. Le "10" adverse fait un appel dans le dos de ces deux défenseurs, mais il est suivi par son adversaire direct, Gourna-Douath. Ce côté est fermé, donc le ballon est renvoyé aux défenseurs...
 

 ... qui changent de côté, jusqu'au latéral droit. Il est complètement libre, c'est normal, Nordin (qui aurait pu défendre comme Krasso) ou Gabard (qui a souvent tenu le couloir) sont encore loin. C'est donc Trauco qui sort sur le latéral strasbourgeois, donc l'autre avant-centre fait un appel dans son dos. Il est suivi et dépossédé par Camara.
 
Ce type d'attaque a été répété plusieurs fois dans la première demi-heure de jeu, les Verts ayant du mal à boucher les deux couloirs. L'action du but a été préparée de la même manière, ce même latéral droit se trouvant dans un fauteuil pour centrer une fois pour un duel aérien entre son avant-centre et Moulin, puis une deuxième pour la reprise gagnante de ce même avant-centre...
 
 

Passage en 4-2-3-1

 
Dans les vingt premières minutes de la 2MT, les Verts ont subi un gros temps fort adverse, étant incapables de ressortir le ballon de leur camp, en le perdant régulièrement avant la ligne médiane. Les entrées d'Aouchiche et Rivera pour Moueffek (blessé) et Boudebouz ont provoqué un réajustement tactique :
 
 
Les protégés de Huard sont passés en 4-2-3-1, avec Aouchiche à gauche et Rivera dans l'axe. Ainsi, dans cet exemple à la 65e, quand le ballon circule dans la défense adverse, les Verts peuvent mettre en place un pressing :
 
 
Le latéral droit adverse à un adversaire direct, Aouchiche, qui le presse, pendant que Gabard et Rivera lui coupent les possibilités de passe. Il balance donc un ballon devant et après une intervention de Trauco, le ballon sort en touche. La remise en jeu est à destination d'un avant-centre...
 
 
... qui essaye de provoquer balle au pied, mais Trauco s'impose de nouveau et le ballon est récupéré par les Stéphanois :
 
 
Il y a un contre-pressing strasbourgeois, donc Aouchiche joue en arrière avec Camara, qui écarte avec Moulin...
 
 
... qui retrouve Aouchiche avec une belle passe lobée. Appui sur Gabard dans l'axe et Rivera est trouvé plus haut - les Verts sont sortis du pressing adverse et peuvent même en profiter :
 

Les adversaires défendent de nouveau en reculant. Rivera lance Aouchiche dans le couloir gauche et son centre à destination de Krasso est arrêté par la main d'un défenseur. 
 
Une minute plus tard, un centre de la droite est arrêté par une autre main dans la surface. Encore une minute plus tard, une action similaire n'est pas conclue par un centre, mais par une passe en profondeur de Gabard pour Krasso, qui manque son face-à-face avec le goal adverse. 
 
Les Verts ne marquent pas, ont des faits de jeu contraires, mais ils sont quand-même sortis du temps fort adverse et ont repris le contrôle du match. Contrôle qu'ils ne vont plus lâcher jusqu'à la fin, mais toujours sans réussite. 
 
 
 

Conclusions

 
C'est incroyable que ce match ait pu se jouer et c'est encore plus surprenant de voir cette jeune équipe inexpérimentée évoluer à ce niveau. Si le visage affiché a été une belle surprise, le résultat était attendu, il n'y avait aucune équité sportive préservée. Et cette crise de résultats risque d'être un gros problème pour le reste de la saison. Il y a clairement du talent dans ce groupe, même quand il manque beaucoup de monde. Les Verts jouent bien au ballon et ils proposent du jeu, parfois même du très beau. Mais ils laissent toujours beaucoup de points en route et si parfois le maintien est obtenu avec du beau jeu, il n'est jamais obtenu sans les résultats. Avec toutes les absences et les coupures d'entraînement associées, les prochaines semaines seront difficiles pour le groupe. Il faudra donc faire le dos rond pendant cette période pour ensuite espérer que le retard au classement ne sera pas trop important et qu'enfin la chance sourira aux audacieux avant la fin de la saison...