Ancien entraîneur des gardiens de l'ASSE, Albert Rust nous a livré ses impressions après avoir assisté à la victoire des Verts à la Mosson.


Que deviens-tu Albert ?
Je suis adjoint aux sports à Saint-Georges d'Orques, une commune de 6 600 habitants, proche de Montpellier. Je m'occupe des jeunes gardiens le mercredi après-midi. Je donne un petit coup de main au club, car le terrain me manque toujours un petit peu et je prends beaucoup de plaisir en entraînant les jeunes gardiens. Autrement, je suis en retraite et n'ai plus d'activité au niveau du football professionnel. J’ai fait partie du staff de l’équipe de France des féminines en 2015 et 2016. En 2015, on a fait la Coupe du monde au Canada, et, en 2016, les Jeux olympiques au Brésil. Ça a été pour moi une surprise, je ne m'y attendais pas du tout. J'avais été sollicité par Philippe Bergeroo, le sélectionneur à l'époque et ça a été une très bonne expérience.

Tu fais partie des joueurs qui ont rendu hommage à Loulou vendredi dernier juste avant le match des Verts à Montpellier. Peux-tu nous rappeler ton passage à Montpellier ?
Une quarantaine d'anciens joueurs passés par Montpellier ont en effet été sollicités pour un hommage à Louis Nicollin. Il y avait notamment mon ancien coéquipier montpelliérain Kader Ferhaoui, qui portait le maillot de Loïc Perrin. Moi suis venu avec un maillot de Sochaux. On a rendu hommage à Loulou dans son jardin, à la Mosson, et tous les maillots finiront dans son fameux musée. Louis Nicollin était une personne très généreuse. Franchement, il avait le cœur sur la main. Quand il avait quelque chose à dire, il le disait. Il jouait franc-jeu et c'était appréciable, même si parfois c'était assez virulent. Au moins, on savait à quoi s'en tenir.

Tu as joué trois saisons à Montpellier, de 1987 à 1990. Du côté de Sainté on garde un douloureux souvenir de la première car Montpellier avait écrasé les Verts 5-0 à la Mosson avec un triplé de Roger Milla…
On a vécu une saison exceptionnelle pour un promu. C'est vrai que, souvent, les adversaires repartaient de La Mosson avec plusieurs buts dans leurs valises. Lors de l’avant-dernière journée l’OM en avait pris quatre, Thierry Laurey avait mis un doublé à Joseph-Antoine Bell. On a terminé la saison en trombe au point de décrocher une troisième place qualificative pour la coupe UEFA. On avait une très belle équipe, de très bons joueurs, Laurent Blanc, Gérard Bernardet, Jean-Claude Lemoult et j'en oublie… C'est une saison qui a marqué le club. Cette année-là, Sainté a fait également une belle saison en finissant quatrième. Mais à l’époque cette place n’était pas qualificative pour la Coupe d’Europe.

Tu as ponctué ta période montpelliéraine de la plus belle des manières, en remportant la Coupe de France.
Oui, je m'en souviens très bien, et on va encore parler de Saint-Etienne puisqu'en demi-finale, on joue à Geoffroy Guichard. On gagne 1-0, sous une pluie torrentielle avec un but d’Eric Cantona. Je me souviens d'un arrêt en fin de match, à bout portant. Il y avait 45 000 spectateurs dans le stade, c'était magnifique. Ça avait été un match de très bon niveau.

 

 

La finale contre le Racing a correspondu avec le dernier match de ma carrière. On a gagné après prolongation avec un but de Kader Ferhaoui et un coup-franc de Laurent Blanc qui touche la barre et rebondit sur le dos d'Olmeta. L'année d'après, je suis parti pour dépanner à Monaco, mais je n'ai pas joué. J'étais dans l'effectif. C'était Arsène Wenger qui entraînait. Ça a été le trait d'union entre ma carrière de joueur et d'entraîneur, une année très enrichissante.

Après l’hommage rendu à Loulou, il y a eu une minute d’applaudissements en l’honneur de Henri Michel juste avant le coup d’envoi du match entre Montpellier et Sainté. Tu l'as bien connu puisque tu as été Champion olympique sous sa direction, et plus tard, tu as été son adjoint.
Effectivement, j'ai travaillé trois fois avec Henri : une fois, bien sûr, avec les Olympiques ce qui a débouché sur la médaille d'or en 1984 aux JO de Los Angeles. J'ai été son adjoint ensuite, à deux reprises : lors de la CAN au Mali, il entraînait la Tunisie, et j'ai également eu une petite expérience avec Henri dans un club d'Arabie Saoudite. C’était un grand homme, un homme exceptionnel. Très généreux, trop gentil, je pense, par moments. Il aurait mérité de faire une carrière beaucoup plus grande au niveau du poste d'entraîneur en France, mais c'était un gars qui disait ce qu'il pensait. Par moments, cela ne plaisait pas. C'est ce qui l'a amené à prendre son bâton de pèlerin et à partir en Afrique où il a entraîné beaucoup d'équipes nationales.

Quelle analyse fais-tu de la victoire des Verts à Montpellier ?
Disons que Saint-Étienne n'a pas fait un grand match. On sait que les Verts étaient venus pour gagner, et ils ont accompli leur mission. Ils ont su gagner en étant quand même solides, mais, de leur part, ce n'était pas une grosse prestation. Ils ont su faire preuve de réalisme et Montpellier les a beaucoup aidés. Je pense que, sur le match, le nul aurait été logique, mais, c'est comme ça, ils ont été réalistes, à l'image de ce qu'ils font depuis la trêve. Les Verts ont pas mal de réussite mais ils font quand même une série assez exceptionnelle. Le Saint-Étienne actuel n'a rien à voir avec le Saint-Étienne d'avant la trêve. Comme quoi, quand on change le staff et qu'on fait venir cinq joueurs de qualité, tout de suite, ça métamorphose l'équipe, et là, je crois que le mercato réalisé a été assez exceptionnel.

Des joueurs te plaisent particulièrement au sein de cet effectif stéphanois ?
Oui, mais on voit surtout un collectif, et, depuis la trêve, un très bon état d'esprit. C'est une équipe de compétiteurs, et après, il y a de très bons joueurs : Ruffier est toujours égal à lui-même, c'est un bon gardien. On voit l'apport de Debuchy, de Subotic, un défenseur que je connaissais depuis longtemps puisqu'il a joué à Dortmund, et il y a d'autres très bons joueurs. Je ne vais pas en sortir un plus qu'un autre. Mais c'est surtout le collectif, c'est une équipe qui est très, très bien organisée, qui sait rester disciplinée pendant une heure et demie. Moi, je vois bien les Verts finir cinquièmes. C'est leur régularité actuelle qui me fait dire ça. On est à trois matchs de la fin, il n’y a pas de raison que ça ne dure pas. Sainté est mon favori pour la 5e place.

Tu as été un peu plus de deux ans entraîneur des gardiens professionnels de l’ASSE. Que retiens-tu de cette experience? Gardes-tu une certaine rancoeur d’avoir été viré ?
Non je n’ai pas de rancœur, c’est sûr que cela c’est mal terminé, humainement parlant je vais dire. Après ça c’est fini aux prud’hommes, mais bon tout est réglé [ndp2 : l’ASSE a été condamnée par la Cour d’Appel de Lyon en juillet 2015 pour licenciement abusif]. Il n’y a pas eu de souci, mais c’est surtout humainement que ça c’est mal passé. Pour moi maintenant c’est du passé, c’est le milieu du football qui veut cela. Il faut avancer maintenant et cela ne m’empêche pas de suivre l’équipe de Saint-Etienne, qui peut se targuer d’avoir des supporters assez exceptionnels.

Que retiens-tu de positif dans ton expérience stéphanoise ?
Pour ma part, déjà, c’est le club. A Saint-Etienne, tout le monde vit pour le club. C’est l’ambiance, les gens aiment le foot, ce sont des passionnés. En ce qui me concerne , j’ai passé tout de même deux bonnes années en tant qu’entraîneur des gardiens de buts. Cela a été une sorte de reconversion, ayant toujours été entraîneur Saint-Etienne m’a permis de me reconvertir et de continuer de rester toujours au haut niveau. C’est ce que je retiens de mon passage à Sainté. J’ai quand même côtoyé de sacrés joueurs à l’ASSE : Aubameyang, Payet, Matuidi, ce n’est pas rien et donc pour moi cela a été une expérience très enrichissante. Et malgré la fin j’en garde un très bon souvenir.

Pour quelles raisons as-tu été prié de quitter Sainté ? Stéphane Ruffier ne souhaitait plus poursuivre votre collaboration ?
Ce qui a entrainé mon départ, je ne sais pas trop car je venais de signer deux ans de plus et puis voilà, au début de la saison au bout de deux mois, les dirigeants ont pris une décision… Je ne sais toujours pas pourquoi. Je ne sais pas si cette décision a été le fait de telle ou telle personne. Je ne tiens même pas à le savoir. Dans le milieu du football on s’attend à tout. Mon regret est que j’avais prolongé de deux ans, et que cela n’a pas été à son terme mais bon, on va dire que c’est la vie, voilà, c’est comme ça !

Ton éviction n’est pas liée à des relations qui se seraient tendues avec Stéphane Ruffier ?
Cela s’est toujours bien passé avec Stéphane, mais je ne sais pas si c’est de son fait. Après lorsque l’on ne veut plus d’une personne la moindre des choses est de se réunir autour d’une table et de se dire les vérités entre quatre yeux. Cela n’a pas été le cas…

Comment décrirais-tu le gardien Stéphane Ruffier ?
J’ai toujours dit que c’était un gardien très régulier, très constant, qui fait très peu de fautes. Ses erreurs sont très rares. Il est à Saint-Etienne, je sais qu’il aspirait certainement à aller plus haut, dans un club européen. Je ne sais pas si c’est le fait de ses qualités mentales… C’est un compétiteur, mais pour jouer au plus haut niveau, il manque peut-être quelque chose, je ne sais pas. En tout cas il réalise quand même une très belle carrière.

De nombreux supporters stéphanois trouvent injuste de ne pas le voir chez les Bleus et dans la liste des gardiens nommés aux trophées de l’UNFP. T’en penses quoi ?
Stéphane a été en équipe de France, je ne sais pas comment cela s’est passé chez les Bleus. En ce qui concerne les trophées UNFP, Stéphane Ruffier a fait partie des nommés plusieurs années. Mais il y a des jeunes qui arrivent, il y a des gardiens déjà en place. Cette année les nommés sont Mandanda, Aréola, Lopes et Lecomte ? Stéphane pourrait parfaitement faire partie de cette liste, c’est clair. Je crois que les nommés sont choisis par les joueurs et les entraineurs. Peut-être que le caractère et la personnalité de Stéphane gênent certaines personnes, je ne sais pas. En France on n’aime pas les gars qui ont du caractère. Mais je pense qu’il passe au-dessus de cela. Il assure sa carrière et je crois que Saint-Etienne est très content d’avoir un gardien comme Stéphane.

A ton avis qu’est-ce qu’il lui manque pour être encore plus haut et arriver dans un club qui joue la Ligue des champions ? A-t-il encore quelques lacunes rédhibitoires. On l’a encore vu à la Mosson, son jeu au pied sur les dégagements reste perfectible, non ?
Sans doute, même s’il a fait des progrès dans ce domaine. Il arrive des matchs où l’on ne sent pas le truc, comme à La Mosson. C’est vrai que vendredi dernier, sur six mètres, il a dégagé trois ou quatre fois en touche. Ce sont des choses qui arrivent. C’est aussi un manque de concentration à un moment donné, et pour être au très haut niveau il faut être hyper concentré en permanence. Il a aussi à progresser de ce côté-là, bien qu’il se soit déjà amélioré dans ce domaine. Au niveau de son jeu, il a tout, c’est un très bon gardien, il en impose vraiment dans sa cage. Je pense qu’il pourrait être encore être un peu plus performant dans ses sorties aériennes, mais là on va chercher la petite bête. C’est vrai que dans les grands clubs, il y a de très grands gardiens de but.

Quels souvenirs gardes-tu de ta collaboration avec Jérémie Janot ?
Une très bonne image de sa part. Un vrai pro. Ce n’était pas un grand gardien par la taille mais il compensait énormément avec sa phénoménale détente. Quand on voit la carrière qu’il a faite avec cette taille-là, c’est exceptionnel ! Je suis très heureux de l’avoir côtoyé à l’ASSE. J’ai vu qu’après avoir entraîné les gardiens du centre de formation de l’ASSE, il s’occupe désormais des gardiens pros de l’AJA. Je suis content pour lui. Je n’ai que des bons souvenirs avec lui. C’était une bonne chose d’avoir un tel numéro, ça permettait de maintenir Stéphane Ruffier sous pression. Jérémie avait bien compris qu’il était le numéro deux mais ça ne l’empêchait pas de beaucoup bosser, ça obligeait Stéphane à être toujours au taquet. C’est ce qu’on demande à un numéro deux, pousser le numéro un dans ses retranchements, l’empêcher de se reposer sur ses lauriers. Jérémie a très bien accompli sa tâche. Il avait de bonnes relations avec Stéphane.

Un mot pour finir sur Jessy Moulin.
Jessy s’est bien mis dans la peau du numéro 2, et d’ailleurs Saint-Etienne le lui rend bien car il a plusieurs fois prolongé son contrat. C’est mérité car c’est un bosseur. Jessy est à l’écoute, travaille énormément de façon à être prêt à chaque fois que l’on fera appel à lui. Il a répondu présent à chaque fois que Saint-Etienne a eu besoin de ses services. Je ne retiens que des bonnes choses de mon passage à ses côtés.

 

Merci à Albert pour sa disponibilité et aux potonautes Stéphanois et robby76 pour la retranscription