Abdel Bouhazama nous présente Axel Kacou, seizième joueur passé sous ses ordres à avoir signé pro à l'ASSE.
Comment décrirais-tu ce gardien ?
C'est un gardien félin. Sur sa ligne, il sort très vite. Axel est très grand, a de bons réflexes. Il a un bon pied gauche, une bonne frappe de balle. Il a tout de suite connu toutes les sélections de jeunes en équipe de France. A la différence de Ben, il avait déjà des prédispositions naturelles. Le petit bémol que je mettais, on en parlait avec Gilbert Ceccarelli, c'était par moment une certaine forme de nonchalance. Avec ce côté africain baba-cool, on avait l'impression que la pression glissait sur lui. Mais quand on discutait avec lui, il nous disait qu'il avait la pression et qu'il était vraiment déterminé à réussir. Il prend les choses avec beaucoup de recul. Avec les autres formateurs, on lui disait de montrer de la détermination. On avait l'impression, sans doute faussée, qu'il acceptait comme par fatalité la hiérarchie en place chez les gardiens, là où dautres veulent tout casser pour s'imposer. On le poussait à bousculer cette hiérarchie, à ne pas se contenter de jouer en U19.
Comme Ben, Axel a participé à la belle aventure de la Gambardella…
C'est en effet un garçon qui a fait partie de l'épopée de Gambardella en 2012 mais le gardien numéro un était Jérémy Vachoux. Quand je faisais appel à Axel en championnat, il avait par moment des petites sautes de concentration. Il lui est arrivé de commettre quelques petites fautes de main, on avait l'impression qu'il sortait un peu du match. Mais Gilbert Ceccarelli l'a fait progresser dans cette rigueur et cette concentration requises pour un gardien. Quand on domine, la concentration du gardien n'est pas la même que celle du gardien dont la formation est dominée. Quand un gardien est actif et sollicité, c'est plus facile de rester concentré. Mais quand il est peu mis à contribution, il doit rester vigilant et réussir le seul ou les deux seuls arrêts qu'il aura à faire. C'est dans ce domaine qu'Axel était perfectible.
Axel sait se faire respecter et commander sa défense ?
Oui mais il n'exprime pas sa détermination d'une manière verbale, en criant, en sautant ou en gueulant. Il intériorise beaucoup. C'est sa nature, il faut l'accepter tel quel. Il est très cool, très détaché. Mais en fait il avait cette peur de mal faire, cette hantise de ne pas signer de contrat pro. Mais il l'a décroché, c'est mérité. Il a été appelé en sélection ivoirienne et a récemment particulier au tournoi de Toulon. J'ai vu quelques matches, je l'ai trouvé très bon, vraiment convaincant dans ses interventions. Je ne suis pas surpris qu'il ait signé pro. Je suis content qu'il ait réussi à signer pro. J'ai essayé de le faire venir à Angers, on cherchait un troisième gardien et j'avais glissé son nom au cas où Saint-Etienne ne le conservait pas. Je ne suis pas surpris qu'il ait signé pro mais je pensais qu'il aurait peut-être pu signer trois ans. Peut-être qu'ils lui ont proposé le challenge de faire ses preuves rapidement, de lui mettre une forme de pression pour aller chercher les choses lui-même. C'est peut-être un mal pour bien.
Humainement, comment décrirais-tu Axel ?
Axel est un garçon adorable, qui était toujours avec Ben Karamoko. Ils sont arrivés tous les deux en 2010 au centre de formation en provenance de deux clubs franciliens : Alfortville pour Ben et Ivry pour Axel, qui est passé par l'INF Clairefontaine. Ils sont restés très proches, ce sont deux frangins. C'est d'ailleurs un beau clin d'œil qu'ils aient signé leur premier contrat pro ensemble. Mais ces deux garçons sont différents. Ben est quelqu'un de très expressif, on l'entend de sa grosse voix, moi je l'appelais Bisounours (rires). Axel lui est très calme, très posé, très réfléchi. Mais quand tu vois les deux armoires à glace, quand tu les croises dans le couloir au self ou au vestiaire, tu leur demandes s'ils peuvent s'écarter un peu pour pouvoir passer. Là pour le coup ils se ressemblent, ce sont deux forces de la nature.
Et Axel, tu le surnommais comment ?
Je n'avais pas vraiment de surnom pour Axel, même s'il m'est arrivé de l'appeler Axel casse tout (rires). Comme Axel est un garçon non pas timide mais réservé, j'avais toujours un peu peur d'être maladroit avec lui, je faisais très attention. Il a besoin plus que d'autres d'être dans le dialogue, dans l'entretien individuel. Il ne fallait pas l'agresser devant le groupe, alors qu'on pouvait titiller Ben, le toucher dans son orgueil devant les autres. Les deux ont de l'orgueil mais c'est un orgueil bien placé. Ben avait plus de facilités à accepter les critiques devant un groupe, de se faire un peu attaquer à l'entraînement. Alors qu'avec Axel, j'avais l'impression que ça le desservait. Il fallait être plus dans le dialogue, c'est ce que j'ai fait sur les conseils de Gilbert Ceccarelli qui le connaissait mieux que moi.
Quelques semaines avant Axel, un autre gardien a signé pro, le jeune Anthony Maisonnial. C'est rarissime qu'un club fasse signer pro deux gardiens la même année. Qu'en penses-tu ?
Quand t'as des gardiens de qualité qui ont des aptitudes pour jouer au haut niveau, peu importe le nombre ! Moi j'aimerais avoir des problèmes de riches comme peut l'avoir l'ASSE ! (rires) Vu de l'extérieur ça peut paraître surprenant de faire signer pro deux jeunes gardiens la même année mais personnellement je trouve ça valorisant. Il y a aujourd'hui une grosse exigeance à Saint-Etienne. Quand la concurrence est forte, on privilégie souvent le joueur le plus jeune, c'est peut-être ce qui explique qu'Anthony Maisonnial ait signé pour trois ans. Quoi qu'il en soit, Sainté peut se féliciter de compter dans son effectif pro des jeunes qui sont de très bons gardiens. Ce que je trouve intéressant, c'est qu'ils ont deux profils vraiment différents. J'ai suivi un peu l'évolution du petit Antho, je l'ai vu notamment en sélection et en Gambardella contre l'OL. A la différence d'Axel Kacou, il a plus besoin de se canaliser. On dit parfois que les très bons gardiens sont un peu "kamikazes" dans leur tête, un peu fous-fous, exubérants. Anthony Maisonnial a de la personnalité mais Axel est lui aussi un très bon gardien.
Avec les signatures de Ben et Axel, ça fait 16 joueurs passés sous tes ordres* qui ont décroché un contrat pro dans leur club formateur. Mais l'ASSE n'est que 20ème au classement des centres de formation récemment dévoilé par la FFF. Ça t'inspire quoi ?
Ce classement a toujours été controversé, il est parfois arrangeant et parfois il peut desservir. Plusieurs critères sont pris en compte : le nombre de diplômes scolaires obtenus par les joueurs du centre de formation, le nombre, la qualification et l’ancienneté des éducateurs sous contrat au centre de formation, le nombre de matches officiels joués en sélection nationale par les joueurs du centre de formation, le nombre de joueurs ayant signé un contrat professionnel mais aussi le nombre de matches joués avec l’équipe professionnelle du club par les joueurs formés au club. Des clubs comme Lyon et Rennes sont bien classés car ils font jouer beaucoup de joueurs issus du centre de formation. Ce critère leur permet de comptabiliser beaucoup de points. Lyon a fait jouer beaucoup de ses jeunes par la force des choses compte tenu de la conjoncture économique.
En 2009, l'ASSE était sixième au classement des centre de formation, parce qu'à l'époque pas mal de garçons formés au club jouaient en L1.
Oui, il y avait notamment Janot, Dabo, Benalouane, Perrin, Gomis, Rivière sans oublier Yoann Andreu, qu'on vient de faire signer au SCO d'Angers. Pour moi, cette 20e place en 2015 ne reflète pas concrètement la qualité de la formation stéphanoise. On peut en dire de même de Sochaux, qui dégringole à la 19e place alors que le club a remporté haut la main la Coupe Gambardella le mois dernier. Ceci étant, Sainté peut s'améliorer. Je suis d'accord avec Roland Romeyer, qui a encore déclaré récemment que la formation est l'ADN du club. Pour moi, c'est l'un des piliers du projet club que doit avoir l'ASSE. A mon sens Sainté s'est installé non pas dans le premier tiers mais dans le premier quart du championnat de L1. Le mérite en revient à Christophe Galtier. Aujourd'hui le niveau d'exigence est donc devenu beaucoup plus important en termes de formation.
*Josuha Guilavogui, Loris Néry, Faouzi Ghoulam, Kurt Zouma, Ismaël Diomandé, Idriss Saadi, Kevin Mayi, Pierre-Yves Polomat, Allan Saint-Maximin, Jonathan Bamba, Nathan Dekoké, Maxence Chapuis, Jerrold Nyemeck, Dylan Saint-Louis, Ben Karamoko, Axel Kacou.