Évidemment, un match qui démarre par une décision aussi décisive qu'une exclusion dès la 3ème minute ne peut être que particulier pour l'arbitre. La conduite d'un match repose surtout sur deux piliers majeurs : la gestion globale (cohérence, hiérarchie des sanctions...) et la gestion des points chauds. Arrêtons-nous sur ce deuxième point et sur les décisions majeures prises par les arbitres lors de ce Valenciennes – Saint-Etienne.


Avant d'attaquer la liste de ces temps forts, je précise que j'étais dans le parcage hier soir. Le fait d'être au stade est un avantage indéniable pour l'observation globale des choses, même si, forcément, l'angle de vue n'est pas toujours optimal. Au final, je vais tâcher de mettre en lumière des points que la réalisation télé n'aura pas forcément permis de saisir pour le téléspectateur.

3ème : L'expulsion de Sanchez est-elle justifiée ?

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Côté droit de la défense, Fabien Lemoine amorce la remontée du ballon. Sanchez vient alors de face, semelle en avant et touche le milieu stéphanois à la cheville. Clairement, on est dans le cadre d'une faute grossière, à savoir une faute commise avec un « excès d'engagement » : le geste n'est pas maîtrisé un seul instant, est réalisé avec une force disproportionné et provoque une blessure grave. La mise en danger de l'intégrité physique de l'adversaire est évidente (et même avérée, le Stéphanois étant évacué sur civière). La décision de Bartolomeu Varela ne souffre donc d'aucune contestation.

Ce qui est intéressant à analyser est l'attitude de l'arbitre. N'oublions pas le contexte : on joue la troisième minute, en plein dans le round d'observation où les deux équipes prennent la mesure l'une de l'autre. Il est extrêmement rare d'assister à une faute aussi importante si tôt dans un match. Varela prend immédiatement la mesure de la situation. Il est très proche de l'action et immédiatement sur place afin d'éviter que des tensions naissent entre les joueurs. Dès qu'il a « sécurisé » le périmètre – bien aidé par des joueurs pas franchement vindicatifs, priorité au blessé avec l'intervention des soigneurs. Ces éléments ont peut-être échappé au téléspectateur qui a dû avoir alors des ralentis, mais, vu du stade, l'exclusion en elle-même a dû mettre une bonne minute à être prononcée. L'arbitre a pris le temps d'analyser la situation, de s'enquérir de la santé du blessé auprès des soigneurs, de probablement consulter les trois autres par l'oreillette. Bref, il a profité du temps qui lui était offert par les soins à Lemoine pour mûrir une décision dont il sait qu'elle changera forcément la face du match. Il s'offre même le luxe de signifier son expulsion à Sanchez avec un calme olympien, le Valenciennois étant visiblement un peu choqué par le résultat de son geste. Clairement, du point de vue arbitral, c'est du très haut niveau.

34ème : L'expulsion de Mignot est-elle justifiée ? 

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L'ASSE récupère assez sereinement un ballon à l'entrée de sa surface. Ebondo est un peu pressé, mais a le temps de transmettre dans l'axe à Mignot. Seulement, il rate sa passe qui est interceptée par Kadir. Le Valenciennois prend de vitesse le défenseur central qui le tacle, provoquant sa chute alors qu'il allait se présenter seul face à Ruffier.

Pas besoin de s'attarder longuement sur cette action. La faute du Vert est incontestable, quand bien même le joueur de VA ne fait évidemment aucun effort pour éviter le contact. L'ancien Auxerrois se rend donc coupable d'un anéantissement d'une occasion de but manifeste d’un adversaire se dirigeant vers le but en commettant une faute passible d’un coup franc ou d’un penalty. La pédagogie étant souvent l'art de la répétition, rappelons toutefois que la notion de « dernier défenseur » régulièrement employée dans ce genre de situation n'est qu'un élément d'appréciation. Ici, Ebondo est peu ou prou sur la même ligne que Mignot au moment de la faute. Ce qui importe n'est donc pas que la faute ait été commise par le dernier défenseur, mais bien la capacité d'autres joueurs à intervenir. Albin n'avait aucune chance de défendre et Kadir allait bien en direction du but : rouge logique.

En fait, cette action est remarquable sur un seul point. Si on observe les images, on constate une absence : l'arbitre n'est pas vraiment proche de l'action, c'est le moins qu'on puisse dire. Avant de se moquer de la condition physique de Varela, il faut se rappeler du début de l'action. Les Verts doivent en principe s'en sortir tranquillement. L'arbitre a donc anticipé son replacement afin d'être présent à la retombée du dégagement attendu. Finalement, la faute est très nette et est justement sifflée mais c'est une piqûre de rappel : l'imprévu présente toujours des risques en matière de football comme d'arbitrage et la 86ème minute ne contredira pas ce fait.

 
37ème : Penalty ou pas pour VA ?

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Apparemment, les commentateurs se sont montrés absolument formels sur cette action où Danic percute d'abord dans la surface stéphanoise avant de percuter... Guilavogui. Pourtant, ils passent complètement à côté d'un point sur lequel les images sont au moins aussi parlantes : le milieu défensif détourne le ballon avant le contact entre les deux joueurs. Que dit la règle ? 

Au final, la chute du Valenciennois est spectaculaire, du fait de sa vitesse surtout, mais l'important est bien que le Stéphanois intervient sans réel danger et détourne bien le ballon, qui reste l'enjeu principal du football. La Loi XII sanctionne un croche-pied d'un coup-franc direct ou penalty, mais, pour cela, il faut avoir touché le joueur adverse avant le ballon. Là encore, en regardant le positionnement de Varela – parfait, cette fois – on observe qu'il est parfaitement à même de voir et juger dans l'instant. L'absence de geste ou de signalisation de sa part me laisse à penser qu'il a tout vu (le ballon détourné, le contact) et qu'il estime simplement qu'il n'y a ni matière à siffler penalty, ni à sanctionner une simulation.

Petite parenthèse dans la continuité directe de l'action : VA avait récupéré le ballon, frappé au but. Or, Danic était en train de gesticuler . S'il s'était replacé, le ballon lui serait parvenu dans une position idéale en pleine surface, avec une opportunité énorme d'ouvrir le score. Au lieu de ça, il est signalé hors jeu. Certes, il est assez humain de réagir à ce qu'on ressent comme une injustice, mais cela rappelle que, dans l'immense majorité des cas, la contestation ne sert à rien, à part perdre sa concentration et, pour le coup, une grosse occasion.


69ème : Hors-jeu ou pas sur le but de VA ?

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Les Valenciennois développent une belle attaque collective plein axe. À 25 mètres, Danic lance Kadir en profondeur sur le côté. Celui-ci centre pour Aboubakar qui marque à bout portant. Le buteur, en position de hors-jeu plein axe sur le décalage de Danic sur la droite avait retrouvé une position régulière au moment du centre.

Au vu de la règle du hors-jeu, il n'y a rien à dire sur le but valenciennois : l'assistant DOIT juger que le ballon n'étant pas adressé à Aboubakar et celui-ci ne le disputant pas, sa position de hors-jeu n'est pas sanctionnable. Ensuite, le centre doit être traité comme un second temps dans l'action, complètement indépendant du premier. Il s'agit de la fameuse notion de « hors jeu passif » inscrite dans la règle depuis 2005.


86ème : Main sanctionnable ou pas d'Isimat dans la surface ?

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Autre situation sujette à caution dans les dernières minutes, à la suite d'une action un peu confuse. Un centre raté d'Aubameyang est détourné de la tête vers ses buts par un Valenciennois. Totalement seul et en principe tranquille, Isimat queute sa tête et le ballon lui tombe sur la main. L'arbitre ne bronche pas.

Il y a toujours tant à dire sur les situations de main. Et les différentes consignes n'ont finalement pas clarifié une situation déjà très compliquée. Concrètement, la première et principale chose que l'arbitre doit juger est le côté volontaire de la main. Cependant, « volontaire » ne signifie pas forcément que le joueur avait l'intention de jouer le ballon de la mimine. À la base, une main « réflexe » n'est pas vraiment « volontaire » mais sanctionnable. Depuis peu, on a ajouté la notion de « ne pas chercher à éviter le contact » liée à celle de « position du bras non naturelle ». Très franchement, après avoir revu les images, je suis un peu moins affirmatif qu'à chaud là-dessus. Je pense néanmoins qu'à la place de Varela, j'aurais sifflé cette main, au moins parce qu'elle est énorme.

En fait, l'important est, comme souvent, ailleurs. Observons la position de l'arbitre sur l'action – qui est le positionnement souhaité et recommandé – en essayant d'imaginer son angle de vue. A priori, il ne peut tout simplement pas voir la main, masqué par le corps d'Isimat. On peut ajouter qu'une fois de plus, l'action est tellement anodine que Varela et son assistant doivent à ce moment-là penser à se replacer et ne sont donc pas forcément totalement concentrés sur la tête en retrait. Du parcage, on a vu un arbitre central qui n'avait visiblement pas détecté la main et un assistant faisant un vague geste indiquant de jouer, mais le peu de conviction qu'il y a mis me laisse à penser qu'il est tout sauf sûr de lui.


En conclusion, un match avec cinq décisions décisives à prendre est assez rare. Le trio de Varela s'en est plutôt bien tiré, n'influençant pas négativement le résultat du match, ce qui est l'objectif premier des arbitres. Surtout, l'analyse et la réaction de la troisième minute est réellement un chef d'oeuvre remarquable, à montrer dans toutes les écoles d'arbitrage : décision, timing et attitude ont été simplement parfaits.

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