A quelques jours d'un Saint-Etienne/Lens qui ne le laissera pas insensible, Jean-Guy Wallemme a accepté de répondre aux questions des potonautes.

Jean-Guy, ça te fait quoi de savoir que t'as le même prénom que mon père ? (kicjp)

Ah bon ? En fait, ça ne me surprend pas plus que ça. « Jean-Guy » n’est pas un prénom très courant, certes, mais j’en connais quelques-uns. On ne choisit pas son prénom, les parents de votre père ont eu la même inspiration que mes parents !

Quelle est ta plus grande joie en tant que joueur ? (kicjp)

Le titre de champion de France avec Lens en 1998, une première dans l’histoire club. On a été sacrés lors de la dernière journée du championnat, en devançant Metz au goal-average. Ce titre a été une sorte d’apothéose, il a récompensé notre superbe saison, notre régularité.

Quel est ton plus grand regret en tant que joueur ? Et avec le recul, qu'est ce que tu aurais voulu changer ? (kicjp)

Mon plus grand regret, c’est d’avoir loupé le titre à Lyon lors de la dernière journée de la saison 2001-2002. C’était le dernier match de ma carrière, on a longtemps été en tête du championnat et on se fait coiffer au poteau par l’OL. Mais bon, en début de saison on ne pensait pas que Lens jouerait les premiers rôles ! Lyon a gagné le championnat pour la première fois de son histoire. Je pense que la qualité de son banc a fait la différence. Déjà à l’époque, les remplaçants lyonnais étaient souvent décisifs. Cette tendance s’est d’ailleurs accentuée depuis, comme le montre la récente victoire lyonnaise à Bordeaux. Je regrette également de n’avoir pas pu poursuivre mon aventure stéphanoise, je pense qu’on aura l’occasion d’en reparler lors de cette interview.

Jean-Guy, eu égard à ta formidable carrière faite tout à la fois de talent, de courage et d'abnégation, ne regrettes-tu pas de ne pas avoir effectué une toute autre carrière, en particulier en équipe de France ? (Moufles)

Je compte plusieurs sélections en Espoirs et en équipe A’. Mais c’est vrai que je n’ai jamais été appelé en équipe A. Je n’en tire aucune amertume. J’ai fait partie de la première présélection d’Aimé Jacquet, mais c’en est resté là. A mon époque, sept ou huit défenseurs centraux pouvaient prétendre à une place en équipe de France. Dans le contexte actuel, j’aurais sans doute eu plus de chances d’être sollicité. La charnière centrale française qui a joué la dernière coupe du monde (Thuram/Gallas) n’était pas composée de défenseurs centraux de formation. Et même en 1998, je pense qu’il n’aurait pas été scandaleux de me donner ma chance. Je n’ai pas été choisi, mais je pense que je n’avais rien à envier à Franck Leboeuf par exemple.

Bravo pour l'ensemble de ta carrière qui à mon avis aurait mérité une reconnaissance internationale soit en club soit en équipe de France .... Ne regrettes tu pas de ne pas avoir "succombé " aux sirènes étrangères ? (patounet)

J’ai joué quelques mois à Coventry. Même si mon expérience en Angleterre a été assez courte, j’ai été heureux de découvrir un nouveau championnat, un nouveau pays. Comme à Lens et à Sainté, j’ai eu la chance de jouer dans des stades pleins et j’ai aimé la ferveur des supporters anglais. Je pense que le championnat anglais a gagné en qualité avec l’apport des techniciens européens : le kick and rush d’antan a cédé la place à un jeu plus construit, plus élaboré.

Jean Guy, l'humilité, l'attachement à un club et le don de soi... Cela existe-t-il toujours vraiment de nos jours dans le football professionnel moderne ? (vertderage)

C’est de plus en plus compliqué. Je me suis efforcé de défendre ces valeurs tout au long de ma carrière. A Lens bien sûr, mais aussi chez les Verts car j’aurais voulu rester à Saint-Etienne. Je me sentais bien à l’ASSE, j’aime la passion que ce club suscite. Comme à Lens, les supporters sont fidèles et aiment vibrer pour leur équipe. J’adorais jouer dans un tel environnement, devant un tel public. Ce contexte pousse à donner le meilleur de soi-même et à rester fidèle à ses couleurs. J’ai essayé de montrer l’exemple, mais je constate qu’il n’est pas toujours suivi aujourd’hui pour plusieurs raisons : l’exposition médiatique s’est accentuée, les enjeux financiers sont de plus en plus importants, de nombreux managers et agents favorisent les changements de club. De nos jours, un footballeur professionnel qui ne joue pas a souvent tendance à vouloir partir, au lieu de mettre les bouchées doubles à l’entraînement pour tenter de gagner sa place.

En outre, certains effectifs professionnels comptent aujourd’hui 25 à 30 joueurs : du coup, de plus en plus de joueurs sont payés … pour ne pas jouer ! Même si cette situation peut être confortable financièrement, ce n’est pas stimulant pour un joueur et ça favorise les changements de club. Je constate aussi qu’avant, les dirigeants qui voulaient garder leurs joueurs se faisaient respecter. Désormais, certains joueurs n’hésitent plus à entrer en conflit avec leurs dirigeants et vont au clash dans l’espoir de changer de club.

Toutes ces raisons expliquent qu’il est de plus en plus difficile de rester fidèle à un club. Malgré tout, en France, les mouvements de joueurs restent raisonnables, ça ne bouge pas énormément parce que les clubs sont contrôlés par la DNCG. Le problème, c’est que cette instance n’existe pas dans les autres pays européens. Un club comme le Real Madrid peut dépenser l’argent qu’il n’a pas : forcément ça fausse la donne et nos meilleurs joueurs sont régulièrement pillés par les clubs des grands championnats européens.

As-tu des regrets par rapport à la deuxième partie de la saison 2000-2001 au cours de laquelle tu as choisi de devenir entraîneur-joueur aux côtés de Rudi Garcia ? (Karamba)

J’ai en effet choisi de devenir entraîneur-joueur parce qu’il s’agissait d’un tournant dans la vie du club. Nouzaret a été remercié en début de saison après quelques journées. Toshack, son successeur a entraîné l’équipe une dizaine de fois avant de se barrer comme un voleur début janvier à trois jours de notre premier match de reprise, un déplacement à Ajaccio en Coupe de la Ligue. Les dirigeants n’ont pas consulté les joueurs avant de virer Nouzaret, on nous a imposé Toshack sans nous demander notre avis. On en a eu marre d’être pris en otages… A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles : après avoir consulté mes coéquipiers pour m’assurer qu’ils soutenaient ma démarche sans réserve, j’ai proposé aux dirigeants de prendre en charge l’équipe avec Rudi Garcia. Les joueurs et les dirigeants m’ont fait part de leur total soutien lors du stage à la Grande-Motte, qui a eu lieu entre le départ de Toshack et le match à Ajaccio. En tant que capitaine, j’ai jugé que je devais prendre mes responsabilités dans la période de crise que traversait le club. Au terme de ma première saison stéphanoise, les dirigeants m’avaient promis une reconversion au sein du club. Quelque part, j’ai anticipé cette reconversion en prenant cette initiative en cours de saison. J’ai dit aux joueurs que j’étais prêt à quitter le terrain pour mieux me consacrer à ma tâche de co-entraîneur avec Rudi. Mais mes coéquipiers ont insisté pour que je reste avec eux sur le terrain.

Lors de mon premier match en tant qu’entraîneur-joueur, on gagne contre Ajaccio en coupe de la Ligue dans la prolongation. Je me souviens qu’on était retourné en Corse deux semaines plus tard pour rencontrer une autre équipe d’Ajaccio en coupe de France. On a réussi à gagner ce nouveau match piège, encore en prolongation. Le retour avait été hippique, heu épique (rires). Le lapsus est révélateur car j’aime beaucoup les chevaux. Le retour avait donc été épique, car on avait balancé des pavés sur notre bus. Entre ces deux victoires en Corse, on a gagné le premier match de reprise en championnat en venant à bout du PSG dans une ambiance exceptionnelle. Lors de ce match contre Paris, j’avais senti une osmose entre le public, les gamins et les cadres de l’équipe. On était bien parti pour sortir le club de la crise. Si ma mémoire est bonne on comptait 31 points à l’époque. Trois jours plus tard, on apprenait qu’on n’avait plus que 24 points ! Cette pénalité de sept points liée à l’affaire des faux passeports a été très dure à encaisser. La tâche est devenue compliquée voire impossible. Englués en bas de tableau, nous étions en concurrence avec quelques grosses écuries mal classées comme Marseille, Auxerre et Lens, qui luttaient également pour ne pas descendre. Notre équipe a été obligée de prendre des risques pour tenter de remonter. On a hélas concédé quelques défaites. C’est alors que certains dirigeants ont essayé de se dédouaner sur les joueurs, ils nous reprochaient de ne pas tout donner sur le terrain pour se maintenir. Révolté par ces discours infondés, j’ai pris les devants et suis allé voir le Président Bompard dans son bureau. Je lui ai dit mes quatre vérités … J’ignore si les dirigeants stéphanois étaient responsables de l’affaire des faux passeports mais une chose est sûre : les joueurs eux ne l’étaient pas et ne renonçaient pas sur le terrain malgré le contexte très pesant. J’ai dit au Président que tout le monde devait assumer sa part de responsabilité et qu’il fallait rester tous solidaires pour tenter de sauver le club de la relégation. Mon message n’a pas été entendu et j’ai été écarté lors des derniers matches de la saison. Dans les faits, Rudi Garcia est devenu le seul entraîneur, il avait plus d’affinités que moi avec Alex et Aloisio, qui sont revenus en fin de saison après avoir purgé leur suspension. Il parlait espagnol avec eux. Alex était pétri de talent mais il ne s’est plus trop senti. C’était un branleur, un p’tit vicieux qui a endormi Aloisio. José était pourtant un super mec mais bon …

La fin de ma période stéphanoise me laisse évidemment des regrets, car il y avait une belle aventure à vivre à Saint-Etienne. J’ai été déçu par l’attitude de certaines personnes au sein du club, je n’attendais pas spécialement de remerciements mais au moins un peu de reconnaissance. Pour ma part, j’ai essayé de donner le meilleur de moi-même sur le terrain comme en dehors pour aider le club à s’en sortir. Je suis allé voir les gens en face quand j’avais quelque chose à leur dire.

La descente était-elle inévitable ? (Karamba)

La descente n’était pas inévitable mais comme je l’ai dit cette pénalité de sept points représentait un lourd handicap. Ce retrait de points nous a été préjudiciable. Cette affaire des faux passeports a été très difficile à gérer pour les joueurs. On avait un sentiment d’injustice car on n’avait rien à se reprocher et malgré ça on nous sanctionnait sévèrement.

On a été privé pendant plusieurs matches de nos attaquants titulaires Alex et Aloisio, suspendus à cause de cette affaire des faux passeports. Du coup, nos arguments offensifs étaient forcément limités.

Si on ne nous avait pas enlevé ces sept points, on se maintenait. Et puis c’est de la connerie cette sanction ! Quand on y réfléchit, pourquoi sept points et pas deux ou trois ? Pfff !

En veux-tu beaucoup à Toschack ? (Karamba)

Oui j’en veux à Toshack. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il s’est sauvé comme un voleur. Un tel comportement n’est pas acceptable. Le président l’a choisi sans nous concerter, il avait peut-être gardé un bon souvenir de son match contre Saint-Etienne dans les années 1970 … Toshack ne parlait quasiment pas français, c’est à peine s’il disait bonjour. J’ai connu des entraîneurs plus respectueux de leurs joueurs. En fait, il nous connaissait ni d’Eve ni d’Adam. A mon avis, il est venu à Saint-Etienne pour se refaire la cerise et se faire de la thune. Il était bien logé tous frais payés dans un des meilleurs hôtels de la région, à Montrond-les-Bains je crois. Malgré son gros vécu d’entraîneur, son bilan à Sainté a été assez moyen, on a fait pas mal de nuls. Et un beau jour, on l’a vu arriver avec toutes ses affaires dans un camion et zou, il est parti sans s’attarder ! Bon, maintenant, il est peut-être parti parce qu’il a su des choses que j’ignore sur cette histoire de faux passeports … Quoi qu’il en soit, il n’avait pas le droit de nous laisser en plan de la sorte à la fin de la trêve hivernale, à trois jours d’un match officiel !

Il a filé à l’anglaise, un comble pour un Gallois ! Quels souvenirs gardes tu de ta collaboration avec Rudi Garcia à Sainté (José)

Notre collaboration a été provoquée par les événements. Je pense que Rudi a été un peu déçu de ne pas devenir l’entraîneur de l’équipe après le limogeage de Nouzaret, puis de devoir partager les fonctions d’entraîneur avec moi après la fuite de Toshack. Dans un premier temps, on a travaillé de concert pour tenter de sortir le club de l’ornière. Suite à mon entretien avec Bompard et ma mise à l’écart, Rudi a joué sa carte personnelle en fin de saison. C’est dommage car le pari qu’on avait fait tous les deux était de sauver le club ensemble. Mais bon, c’est comme ça. Comme je l’ai évoqué tout à l’heure, il avait certaines affinités avec les vedettes brésiliennes Alex et Aloisio.

Ceci étant, je considère que c’est un bon entraîneur : il fait du très bon boulot avec Dijon. Il a fait monter ce club en Ligue 2. Rudi est ambitieux et je pense que Dijon aura une belle carte à jouer cette saison. Cette équipe pourrait être un outsider pour la montée en Ligue 1.

Que penses-tu de la formule de l'entraîneur-joueur ? Au plus haut niveau, n'est-elle pas condamnée à l'échec ? (José)

Pas forcément. On n’a pas eu les résultats escomptés lorsque j’ai été entraîneur-joueur à Saint-Etienne, mais le contexte était plombé par l’extra-sportif. Dans un environnement plus serein, ça aurait peut-être pu fonctionner. Mais je pense que cette formule n’est pas idéale au plus haut niveau. Quand on a deux choses à faire, il y a forcément une des deux qu’on fait moins bien que l’autre. Diriger une équipe, c'est très prenant. Du coup, il est difficile de garder son influx, son jus et toute la lucidité nécessaire à un joueur de haut niveau. J'en avais conscience avant de devenir entraîneur joueur : en fait, j'étais disposé à faire un trait sur ma carrière de joueur, mais mes coéquipiers ont vraiment insisté pour que je continue de jouer. En substance, ils m'ont dit : "on sait que t'es un mec clean, on n'acceptera sans problème que tu nous sortes en cours de match si tu estimes que c'est nécessaire".

Que penses tu de la carrière sur le déclin de deux espoirs du club : Lucien Mettomo et Pape Sarr (Manchot)

Lucien était un garçon talentueux, je me souviens des nombreux matches qu’on a joués ensemble en défense centrale. Courtisé par un club anglais, il a connu un revers dans sa tentative de transfert et je me souviens de coups de gueule mémorable de Nouzaret envers lui. Lulu a également été blessé, et ensuite il a eu du mal à revenir. J’ai retrouvé avec plaisir Pape Sarr à Lens, lors de ma dernière saison de joueur. Je sais que maintenant il joue à Brest, en Ligue 2. Le parcours de Mettomo et Sarr peut sembler décevant, mais c’est peut-être en partie lié à la saison 2000-2001. L’affaire des faux passeports et la relégation en D2 ont fait beaucoup de mal au club, beaucoup de peine aux supporters. Elles ont également freiné l’élan de nombreux joueurs. Ce n’est pas évident de se remettre d’une saison aussi éprouvante, d’une telle mésaventure …

Avec un peu de recul, t'attendais-tu à un tel parcours pour Jérémie Janot et Julien Sablé à l'époque où tu les as côtoyés ? (vertderage)

Sincèrement, le parcours de Jérémie et de Juju ne me surprend pas. Jérémie est un gagneur, il est très costaud mentalement. Il avait déjà ces qualités quand je l’ai connu à Sainté. Ma première saison stéphanoise, c’était la doublure d’Alonzo mais il a fait quelques matches. La saison suivante, il a eu plus de temps de jeu et il en a profité pour essayer de me tuer à Auxerre ! (rires). Je suis content de voir qu’il est devenu un des meilleurs gardiens du championnat de France.

Quant à Julien, on connaît tous ses qualités : il a un cœur énorme et se bat avec beaucoup d'abnégation sur un terrain. Il a vécu énormément de choses avec l’ASSE, et je pensais vraiment qu’il allait partir à l’intersaison. Mais il s’est sans doute rendu compte que s’il avait suivi Baup, il n’aurait pas vraiment gagné au change sportivement, sans faire injure à Toulouse.

Saint-Etienne, Lens... As tu déjà comparé les deux clubs, leurs forces et leurs faiblesses ? Si oui, tu peux nous résumer tes pensées ? (Greenwood)

Ces deux clubs se ressemblent. D’abord par la fidélité des supporters. A ce niveau là, il n’y a pas d’équivalent en France. Le Racing Club de Lens comme l’Association Sportive de Saint-Etienne suscitent un engouement extraordinaire. Les deux clubs bénéficient d’une grande popularité et d’un très fort capital sympathie. Saint-Etienne a été précurseur en matière de formation, mais son centre à l’Etrat n’a pas beaucoup évolué. Par contre, Lens a fait un effort conséquent : son centre de formation est doté d’infrastructures modernes. Globalement, les structures des deux clubs sont similaires. Lens a un plus gros budget et de plus grosses ambitions. Saint-Etienne se cherche un petit peu. Il y a toujours en filigrane ce passé prestigieux que l’ASSE peine à retrouver. Je pense que les dirigeants comme les supporters stéphanois doivent s’armer de patience. A mon avis, les nombreux changements d’entraîneurs voire de dirigeants au cours des dix dernières années n’ont pas facilité la progression du club.

Le meilleur des deux publics, pour les avoir côtoyés ... A ton avis ? (Karras n°15)

J’utilise mon joker (rires). Franchement, c’est très dur de répondre à cette question. A mes yeux, ce sont les deux meilleurs publics de France. J’ai adoré joué à Geoffroy Guichard comme à Bollaert. Il y a une grosse différence entre les deux stades : dans le Chaudron, c’est chaud dans toutes les tribunes, et notamment dans les 2 kops situés derrière les buts. Les Magic Fans et les Green Angels mettent une énorme ambiance. A Lens, l’ambiance est plus localisée, car le kop est dans l’axe central. Le public marseillais est également réputé pour sa ferveur mais c’est différent, je suis moins bien placé pour porter une appréciation car je n’ai pas joué à l’OM.

Tu as connu Lens, puis Saint-Etienne, deux clubs possédant les meilleurs publics de France. Quelle est la véritable influence du public sur la performance d'un joueur au cours d'un match ? (Losciste)

Je pense que ça dépend des joueurs. Personnellement, ça m’a toujours sublimé de jouer devant un public fervent. Mais il existe aussi des « joueurs d’entraînement » qui perdent leurs moyens quand ils évoluent devant du public. Ce phénomène existe aussi bien dans le monde pro que dans le monde amateur. Certains joueurs ne supportent pas la pression du public, les sifflets, les applaudissements.

En tant qu'entraîneur et ancien joueur très expérimenté, comment expliques-tu que, de façon générale, les équipes ne possèdent pas le même état d'esprit selon qu'elles évoluent à domicile ou à l'extérieur ? (Losciste)

Même si j’étais défenseur lors de ma carrière de joueur, je suis un entraîneur plutôt porté sur l’offensive, et j’essaye de faire abstraction du fait que mon équipe joue à domicile ou à l’extérieur. Mais c’est vrai que de façon générale, les équipes n’ont pas la même approche selon qu’elles évoluent à la maison ou en dehors de leurs bases. A domicile, les footballeurs jouent devant leurs proches, leurs amis, la famille. Ils ont leurs repères. Peut-être que ça les pousse à se surpasser davantage qu’à l’extérieur.

Tu as connu les derbies Lille - Lens, et Saint-Etienne- Lyon. En France, y a t'il la place pour deux grands clubs pour une même région, alors qu'à l'étranger, il y en a parfois plusieurs pour une même ville ? (Losciste)

C’est vrai que la France est sans doute le seul pays dont la capitale n’a qu’un seul club dans l’élite ! A Madrid (Atletico et Real), Rome (AS Roma et Lazio) sans même parler de Londres, il y a de la place pour plusieurs clubs de haut niveau au sein d’une grande ville ! En France, je pense malgré tout qu’il y a de la place pour deux grands clubs au sein d’une même région. Pourquoi pas Lille et Lens dans la région Nord-Pas-de-Calais, et Saint-Etienne et Lyon dans la région Rhône-Alpes ? Actuellement, ces clubs ne boxent pas tous dans la même catégorie mais je pense qu’ils ont tous leur place en première moitié de tableau de Ligue. Ensuite, tout dépend la définition du « grand club » : si le critère est la qualification en Ligue des Champions, ça devient en effet plus difficile. Mais à moyen terme ce n’est pas complètement inenvisageable.

Est-il devenu aujourd'hui inconcevable de voir un grand club dans une ville de taille moyenne ? L'inflation exponentielle des budgets dans le football moderne nécessite-elle obligatoirement la concentration des clubs puissants dans les grandes métropoles comme Lyon ou Lille au détriment des villes secondaires comme Saint-Etienne ou Lens comme on le constate dans les autres nations européennes où les grands clubs se trouvent tous dans les capitales régionales ou nationales ? (TapisVert)

Lens montre que ce n’est pas inconcevable de voir un grand club dans une ville moyenne. Lens est une ville modeste, qui compte seulement 38.000 habitants. Mais ce club a un gros budget et l’ambition de faire partie des grosses écuries du championnat de France. Certes, les résultats sportifs ne sont pas encore au niveau des ambitions mais ça va peut-être venir ! A une autre échelle, Saint-Etienne compte environ 200.000 habitants mais sa grande popularité peut l’aider à acquérir un statut de grand club. On parle souvent de la grande diversité des plaques d’immatriculation les soirs de match aux alentours du Stade geoffroy Guichard mais ce n’est pas une légende. Saint-Etienne compte de nombreux supporters dans toute la France. Certes, ce n’est pas une grande métropole comme Lyon mais Sainté a des arguments à faire valoir.

Penses-tu qu'on puisse établir un parallèle entre les rivalités Lens/Losc et Asse/Ol et leurs évolutions respectives ? En effet dans le nord comme en Rhône-Alpes le club historiquement et symboliquement associé à la ville bourgeoise semble prendre l'ascendant sportivement sur le club populaire. Les rapports de force traditionnels entre ces clubs rivaux sont aujourd'hui inversés et de manière apparemment durable. Peut-on y voir un symptôme supplémentaire de l'évolution globale du football moderne où les gestionnaires et les économistes ont écarté du pouvoir les passionnés ? (TapisVert)

Je ne partage pas entièrement ce point de vue en ce qui concerne Lens et Lille. Depuis quelques années, Lille supplante Lens au classement mais cette tendance n’est pas forcément durable, en tout cas pas irréversible. Par ailleurs, il faut souligner qu’il y a des gens passionnés au LOSC : Claude Puel, qui comme moi n’était pas un grand technicien mais a été fidèle à ses couleurs durant sa carrière de joueur, effectue un vrai boulot de passionné depuis qu’il a pris les commandes de l’équipe lilloise. Il obtient des résultats remarquables avec une équipe assez jeune composée de plusieurs joueurs de la région.

Jean-Guy, penses-tu qu'à moyen ou long terme, les clubs français parviendront de nouveau à conserver leurs meilleurs joueurs, pour enfin réduire l'écart qui nous sépare des trois meilleurs championnats européens ? (Losciste)

Hélas, j’ai bien peur que non. Tant qu’il n’y aura pas une DNCG à l’échelon européen et en l’absence d’harmonisation entre les fiscalités des différents pays européens, je vois mal comment les clubs français arriveraient à conserver leurs meilleurs joueurs.

Quel est ton sentiment sur la politique menée actuellement par les dirigeants lensois ? (Gusztav)

Lorsque Lens a été sacré champion de France en 1998, on aurait pu considérer que ce titre était exceptionnel mais que le statut du club restait inchangé. Les dirigeants lensois ont vu les choses différemment : Lens venait de signer son entrée dans la cour des grands, il fallait désormais y rester et s’y affirmer. Gervais Martel a donc changé d’optique et revu à la hausse les ambitions du club en mettant beaucoup d’argent sur la table.

Jean-Guy, comment expliques-tu que Lens peine à s'installer dans le top cinq français depuis le titre de 1999 ? (Parasar)

Dans le football, un gros budget ne garantit pas toujours de bons résultats sur le terrain. Les résultats lensois sont perfectibles, certes, mais ils restent corrects : depuis le titre de 1998, Lens a toujours fini dans les huit premiers du championnat (sauf l’année où est est descendu avec Sainté). L’an dernier, le RC Lens a fini à la quatrième place. Ceci étant, c’est vrai que le club peine à s’installer dans le top cinq. C’est peut-être lié au fait que le club a un peu délaissé les joueurs régionaux pour faire appel à de nombreux joueurs extérieurs. Par ailleurs certaines recrues lensoises ont déçu.

Que penses-tu du sbire d'Aulas qui dirige le RCL ? (Stef)

Ce n’est pas le sbire d’Aulas, ils sont amis, c’est tout. C’est vrai que Gervais Martel essaie de s’inspirer de la politique menée par Jean-Michel Aulas mais Lens n’a pas la même puissance financière que l’OL. Les deux clubs ne boxent pas tout à fait dans la même catégorie et l’agglomération lensoise n’a pas le même poids que l’agglomération lyonnaise.

Jean-Guy, quel est ton sentiment à propos du rassemblement annuel des Témoins de Jéhovah au Stade Bollaert ? (deadken)

Les médias en ont pas mal parlé il y a quelques semaines, mais cette manifestation ne date pas d’aujourd’hui. Quand je jouais à Lens, les témoins de Jéhovah louaient déjà le stade un week-end par an, et on devait quitter les lieux. Franchement, ça ne me dérange pas plus que ça, le club est libre de louer le stade à qui il veut. En fait, je ne connais pas les Témoins de Jéhovah.

Sincèrement, as tu déjà vu des pratiques de dopage dans les clubs dans lesquels tu es passé ? (balbo)

Non !

Penses-tu que le physique lyonnais que tout le monde loue est le fruit de pratiques illicites ? Le parcours surprise de l'équipe de France fait-il apparaître le spectre du dopage sur le football français, et notamment son préparateur physique ? (balbo)

Les joueurs lyonnais ont une très bonne condition physique, les Bleus ont montré les mêmes qualités lors de la coupe du monde : rien d’étonnant à cela, ils avaient le même préparateur physique, Robert Duverne. Personnellement, je n’ai pas vécu de dopage, je n’ai pas vu de pratiques douteuses donc je me garderai bien d’émettre des soupçons sans aucune preuve. Ce n’est pas dans ma nature. L’augmentation du nombre de matches n’est pas évidente à gérer, mais avec un bon travail de récupération et une excellente hygiène de vie, il est tout à fait possible de répéter des performances de haut niveau. Il y a eu des contrôles anti-dopage lors de la coupe du Monde, et à ma connaissance ils n’ont rien révélé.

À la lumière de ta carrière, qu'est-ce qui fait qu'un "jeune espoir" se révèle ou non au niveau pro ? (Gusztav)

Avant tout le travail ! Un jeune espoir doit bosser dur et se remettre continuellement en question s’il veut se révéler au niveau professionnel. A mon sens, il faut se fixer des objectifs à la fois clairs, précis et ambitieux sans être démesurés. Ensuite, il faut savoir gérer mentalement les matches de haut niveau. Comme je le disais précédemment, certains joueurs d’entraînement n’arrivent pas à se lâcher en compétition, n’ont pas la force mentale pour gérer la pression d’un public ou d’un environnement hostiles. Pour se révéler chez les pros, un jeune espoir doit aussi garder la tête sur les épaules et gérer la présence des agents de joueurs et des medias. L’entourage familial d’un jeune joueur est également important, il peut être utile pour gérer les moments d’euphorie comme les moments délicats.

Comment vois-tu ton avenir ? (Le Sphinx)

J’entraîne actuellement l’équipe de Roye, qui évolue dans le championnat CFA. Mon but est de diriger plus tard une équipe professionnelle. Ce ne sera pas évident, car de nombreux entraîneurs sont sur le carreau. Je suis en train de parfaire ma formation d’entraîneur, je passe le DEPF (Diplôme d’Entraîneur Professionnel de Football). Je considère que je suis toujours en phase d’apprentissage, et mon objectif est d’aller le plus haut possible. J’aimerais entraîner un club de ligue 1 ou de ligue 2, mais je sais que je dois continuer de faire mes preuves à l’échelon inférieur.

Jean-Guy, tu as laissé un souvenir impérissable à Lens. Un retour dans le Pas-de-Calais est-il possible ? As tu encore de la famille dans le bassin minier ? (Greenwood)

Mes enfants habitent dans le bassin minier et mes parents sont dans le Nord. Un retour dans le Pas-de-Calais n’est pas à exclure. Je suis retourné à Lens pour terminer ma carrière de joueur, j’étais dans les murs du club mais la politique des dirigeants a évolué depuis quelques années. Les enjeux financiers étant de plus en plus forts, la pression augmente, il faut avoir des résultats le plus tôt possible.

En ce début de saison, dessine nous ton tableau des forces en présence de la L1 ? (Gusztav)

Doté d’un effectif pléthorique et de qualité, Lyon est évidemment le grand favori de ce championnat. L’OL a frappé fort en s’imposant sur le terrain de Bordeaux, un de ses concurrents potentiels mais la compétition est loin d’être finie, heureusement ! Tout le monde voudra faire chuter l’ogre lyonnais. Mentalement, c’est difficile de rester longtemps au sommet. Lyon pourrait connaître des difficultés cette année à museler la concurrence car à mon avis, l’objectif principal du club sera la Ligue des champions. Aulas rêve de remporter cette compétition, il a fait venir Gérard Houllier à Lyon pour atteindre cet objectif. Du coup, l’OL pourrait laisser quelques plumes en championnat.

Marseille est un concurrent sérieux pour Lyon, mais mon avis il faudrait que l’OM recrute un ou deux joueurs supplémentaires pour rivaliser avec Lyon. Lille peut-être un sérieux outsider. Cette équipe a fini deux fois de suite dans le trio de tête, elle a un excellent entraîneur et semble a priori avoir une belle marge de progression. Une autre équipe pourrait se révéler cette année, chaque saison réservant son lot de bonnes surprises et de déceptions.

Jean Guy, que penses tu du ticket Hasek-Roussey à l'ASSE ? (Le Sphinx)

Je ne connais pas bien Ivan Hasek, j’ai dû croiser sa route quand il jouait à Strasbourg. Quant à Laurent Roussey, il s’agit d’un retour à la maison. En tant qu’adjoint de Claude Puel, il a été à bonne école à mon avis ! J’espère que les dirigeants et les supporters se montreront patients avec ce ticket Hasek-Roussey.

Jean-Guy, ton entente avec ton jeune coéquipier Didier Sénac a pris l'eau contre Lille. Ne craignez-vous pas revivre le même cauchemar face au duo Piquionne-Ilan dimanche soir ? (ange vert)

(Rires), non je n’ai pas pris l’eau contre Lille, j’ai vu le match dans mon fauteuil, comme Didier je pense ! Je m’attends à un match ouvert et plaisant ce dimanche. Les deux équipes ont des joueurs offensifs de talent. Saint-Etienne a fait un bon début de championnat mais Lens a ses chances : certes, Jérémie Janot est en pleine bourre en ce moment, il a sorti des parades décisives contre Monaco et Nancy. Si Jérémie s’est mis autant en évidence depuis le début de la saison, ça veut dire que la défense des Verts n’est pas imperméable.