De Guerre Lasse, Bonjour Tristesse, Un chagrin de passage, Dans un mois dans un an…

A se demander si Françoise Sagan n’était pas une inconditionnelle des Verts… Cette mélancolie érigée en art de vivre, ce blues aussi tenace que digne, cette fierté qui nous relève, et ce destin qui nous fait sans cesse retomber, c’est l’histoire contemporaine de l’ASSE, celle qu’on vit depuis 25 ans.

En football, c’est évident, le comble du romantisme est de supporter les Verts.

De Guerre Lasse. Oui, parce qu’à l’heure des comptes, on ne peut que constater qu’une troisième fois seulement en plus de 25 ans l’ASSE alignait cette saison un effectif suffisamment étoffé et riche en qualité pour briguer une coupe d’europe. Mais la génération Feindouno-Camara-Piquionne rejoindra au cimetière des illusions celle de Blanc-Moravcik-Cyprien-Bell-Wolfarth et celle d’Alex-Aloisio-Pedron, sans avoir cette fois-ci d’excuse extra sportive à faire valoir. Ce qui est pire…. Car cette saison, pas de faux passeports, pas de gestion financière hasardeuse, non, simplement un méli-mélo d’ingrédients qui sépare une équipe à potentiel d’une équipe à palmarès. Un mélange d’insuffisances qui donne ce sentiment que ça prend l’eau et ça sent le gaz à tous les étages du club. Tour d’horizon… bouché :

La Direction :
S’il faut louer la réussite financière du tandem Caïazzo-Romeyer, la stratégie sportive laisse à désirer. La réussite d’un club tient à sa faculté de se donner une ligne directrice et à choisir les bons hommes pour la suivre. Si la ligne (le fameux plan à 5 ans) semble cohérente, sa mise en œuvre est cafouilleuse. Pourquoi la Direction n’a-t-elle pas su conserver un Directeur Sportif aussi talentueux que Comolli, et comment peut-elle justifier les départs en 3 saisons d’entraineurs (Antonetti, Baup et bientôt Hasek) reconnus dans le monde du foot et n’ayant pas démérité à Saint-Etienne ? Cette instabilité interpelle les supporters mais également les joueurs (cf les envies de départ de Sablé l’an dernier), et entretient l’image d’une AS Saint-Etienne incorrigible, éternellement minée par les conflits internes, dont la bisbille Roussey/Hasek serait la dernière triste illustration. A l’heure où l’argent est la clé de toute grande ambition dans le football, le spectacle du panier de crabes stéphanois contribue certainement à décourager les investisseurs potentiels.
Enfin, dans cette triste fin de saison où chacun s’interroge sur l’avenir du club, on ne peut que regretter l’assourdissant silence de la Direction. Trop de communication tue la communication disait-on l’an dernier. Et pas de communication ?

Le staff technique :
A l’automne au regard de l’insolente complémentarité du trio Féfé-Ilan-Piniok et des prouesses de Janot, le top 5 semblait objectivement dans nos cordes malgré un système en 442 à risques. Mais Piniok s’en est allé et avec lui l’ensemble de notre plan de jeu. Car notre ex-esclave jouait (très bien il faut l’admettre) le rôle de cache-misère pour une équipe sans maîtrise collective. Hasek n’aura pas su pallier cette absence faute d’avoir bâti un autre plan de jeu que de longs ballons vers un pivot que Gomis, malgré toutes ses qualités, n’est pas. L’efficacité de l’ASSE jusqu’à Noël aura tenu à la qualité de ses individualités. Son milieu de terrain plus riche en quantité que la saison passée a perdu en qualité avec le départ du maestro Zokora. Et dans ce secteur où se décide le sort des matchs nous n’avons jamais su faire la loi. Ironie de l’histoire, alors qu’il ne méritait aux yeux des supporters que le goudron et les plumes, Elie Baup et son prudent système à trois milieux défensifs est presque regretté. Car s’il était frileux, l’homme à casquette en avait au moins un, de système, et plutôt efficace en plus…

Les joueurs :
On connaît le comique de répétition. Nos joueurs ont inventé et popularisé le concept de Tragique de répétition. Ils se sont acharnés à négocier tous les tournants de la saison à la Sacha Distel faisant de leur championnat une Nationale bordée de platanes portant les traces de nos illusions européennes. A force de couacs s’est insinuée l’idée que la culture de la gagne n’avait plus droit de cité à Sainté. Que la rage de vaincre transpirait si bien dans les interviews et si peu sur le terrain. L’impardonnable illustration de cette coupable gentillesse reste le dernier derby. Mais même en moins spectaculaires, les sympathiques matchs amicaux joués contre Sedan, au Mans, à Lorient et à Valenciennes accréditent la même thèse. Nos joueurs sont gentils, plutôt bons manieurs de ballons pour certains, mais n’ont pas le mental qui transforme de très bons joueurs en champions, pas l’envie qui transcende, pas l’esprit qui renverse les montagnes. Ces joueurs là avaient rendez vous avec l’histoire du club. Ils l’ont lamentablement raté.


Dirigeants, entraîneurs, joueurs portent donc la responsabilité collégiale d’une saison qui s’achève en queue de poisson. Une de plus. Une de trop peut être. Car qui n’avance pas recule. Nos joueurs cadres s’interrogent sur l’intérêt de rempiler une saison de plus alors que le flou artistique règne au sein du club. Pourtant à l’heure des comptes, cette troisième génération « sacrifiée » a un avantage sur ses devancières : pas de grosse faute à expier, pas de purgatoire (D2) à visiter, il « suffit » pour redémarrer de gérer intelligemment l’intersaison. Les guillemets ont leur importance. Oui la gestion financière du club permet d’espérer des lendemains qui chantent. Mais il conviendra pour cela de ne pas renouveler les erreurs. Rapidement assainir l’ambiance au sein du staff technique, rassurer les joueurs cadres susceptibles de désespérer de ce club (Janot, Camara…) et cibler le recrutement en privilégiant la qualité à la quantité.
C’est jouable. Pour un club intelligemment dirigé c’est jouable…