Sportivement, l’ASSE se pérennise dans le haut du panier. Financièrement, l’embourgeoisement devient très sensible. Chiffres à l’appui.
Un jour on lit que l’ASSE dispose d’un budget de 50 millions, le lendemain c’est 55 et le surlendemain Bernard Caïazzo évoque 70 millions… Picsou n’y retrouverait plus ses neveux dans le coffre-fort. Il était donc nécessaire de s’y coller, à partir d’une source sûre : les comptes officiels des clubs, publiés par la DNCG, sur la période 2011-2014 (ceux de la saison qui s’achève ne seront sans doute pas disponible avant le printemps 2016).
D’abord, qu’est-ce que le budget, terme flou s’il en est ? Nous nous intéresserons d’abord très précisément aux « charges hors mutations ». Elles recouvrent en effet l’ensemble des dépenses courantes du club, à l’exception de celles liées aux transferts. Par commodité, c’est cela qu’il faudra comprendre par « budget » dans la suite de l’article.
Nous complèterons ces données avec l’examen du « résultat des opérations hors mutations », c’est-à-dire le trou à combler chaque année pour assurer l’exploitation du club (par exemple, par la vente de joueurs). Nous l’appellerons « déficit structurel », là encore par commodité.
Ceci fait, nous devrions donc disposer de deux très bons indicateurs du train de vie de l’ASSE. Avant de nous lancer, une dernière précision, et de taille : les chiffres rendus publics ne concerne pas seulement le club professionnel, mais incluent l’ensemble des structures gravitant autour de l’ASSE (dont l’association, par exemple). Cela vaut également pour les autres clubs utilisés à titre de comparaison.
LE BUDGET : LES CHARGES HORS MUTATIONS
Les données brutes sont éloquentes : de 55,2M€ en 2012, le budget augmente de 8,5% dès 2012/13 pour atteindre quasiment les 60M€. L’accélération sensible devient explosion en 2013/14 : en dépassant les 71M€, le club a augmenté ses dépenses courantes de près de 19% en une saison ! Au total, entre 2011 et 2014, l’ASSE a accru son budget de presque 30%.
Graph 1 : Comparaison de l’évolution des charges hors mutations des « outsiders » entre 2011 et 2014. En abscisse : saisons. En ordonnées : budget, en K€. Dans le tableau, les écarts sont en %age.
Le graphique ci-dessus permet de comparer l’ASSE aux clubs plus ou moins censés boxer dans la même catégorie. La tendance est à une baisse légère : Bordeaux juste au dessus de 80M€, Rennes autour de 56M€. Pour les Loulou Boys, l’anomalie de la saison 2012/13 correspond à leur participation à la C1, le club retrouvant son étiage habituel à 50M€ dès la saison suivante.
Seul Lille est obligé de faire des économies substantielles de l’ordre de 10M€, pour tomber à 115M€ de budget, montant démesuré comparé à ses résultats sportifs.
LE DEFICIT STRUCTUREL : LE RESULTAT HORS MUTATIONS
Pour l’ASSE, on retrouve l’accélération extrêmement visible de 2013/2014 : le déficit structurel aux alentours de 10M€ en 11/12 et 12/13, augmente de façon spectaculaire en à peine une saison pour atteindre quasiment les 18M€. Il semble bien qu’en 2013, à la suite de la victoire en Coupe de la Ligue et avec la perspective de la coupe d'Europe, les dirigeants aient décidé de prendre des risques.
Graph 2 : Comparaison de l’évolution du résultat hors mutations des « outsiders » entre 2011 et 2014. En abscisse : saisons. En ordonnées : résultat, en K€. Dans le tableau, les écarts sont en %age.
Côté concurrence, dans des proportions très différentes les unes des autres, on retrouve une trajectoire similaire à Sainté, Bordeaux et à Lille : une baisse du déficit structurel en 12/13, avant une très nette augmentation en 13/14, extrêmement inquiétante à Lille. Bordeaux affichait en 2014 un déficit structurel de l’ordre de 15M€, tandis qu’à Lille, on fait trois fois pire (45M€ !).
Le cas montpelliérain est intéressant : partant d’un résultat bénéficiaire correspondant à l’année du titre, puis accusant un léger déficit grâce à la manne de la C1, le club à Loulou affiche dorénavant un déficit structurel d’environ 11M€, bien comparable au reste du groupe étudié.
Enfin, Rennes voit sa situation se dégrader fortement (-13M€ en 2014), sans avoir de résultats satisfaisants.
CONCLUSION : VERS UN CHANGEMENT DE DIMENSION ?
Bilan des courses : le train de vie a augmenté de façon spectaculaire, passant de 55M€ à 71M€ en trois saisons, ce qui est une exception remarquable dans le championnat si on laisse de côté les super-dopés qui ont cette année trusté les quatre premières places.
Si le déficit structurel annuel a lui augmenté de 7M€ pour atteindre quasiment les 18M€, ce qui n’est pas une bonne nouvelle, on pourra se consoler de deux façons : d’abord en remarquant qu’il s’agit d’une tendance partagée par les autres outsiders ; ensuite, qu’il y a forcément eu une augmentation des produits hors transfert de presque 10M€, ce que nous relevions déjà lors d’un potin en avril, lors de la parution des comptes.
Avec un peu d’optimisme, on peut donc imaginer que l’ASSE est en phase d’accélération, et que les résultats aidant, les recettes viendront à terme compenser l’augmentation des dépenses, et permettre d’atteindre un nouveau palier budgétaire, où l’ASSE ne sera plus regardée de haut par Bordeaux.
Il faudra le confirmer dans la durée : nous sommes peut-être en train de vivre un changement de dimension financière.