La victoire des Verts lors de leur match en retard contre Strasbourg est largement méritée, mais encore une fois la prestation du corps arbitral fait polémique.


 
Comme le dit Jean-Louis Gasset en conférence de presse après le match, "on ne peut pas parler toutes les semaines de la VAR". Et pourtant, il est difficile de ne pas le faire, l'utilisation de l'arbitrage vidéo changeant une décision de l'arbitre qui était tout sauf une erreur manifeste - à moins qu'on considère qu'une décision en faveur de l'ASSE est par essence une erreur manifeste...

Ce serait vraiment dommage de ne retenir que ça du match contre Strasbourg, surtout qu'il contient une impressionnante démonstration de foot de la part des Stéphanois en première période. Dans cette analyse on va donc parler foot, et pas d'autre chose, et on regardera de plus près le jeu développé par les Verts en 1MT. Mais avant cela le contexte : les systèmes tactiques en place.
 

Systèmes de jeu

 
Comme à leur récente habitude, les Verts ont aligné une équipe en 3-4-1-2 avec Cabella en soutien des deux attaquants :


Debuchy étant sur le banc (probablement préservé pour la réception de Paris), c'est KMP qui prend la place de piston droit. Diony ayant ressenti une gêne musculaire, Beric est aligné en pointe à côté de Khazri. Et au milieu, la nouvelle paire titulaire de l'ASSE, M'Vila - Aït Bennasser, est alignée pour la première fois. Ce système correspond parfaitement à celui de Strasbourg (3-5-2) et tout laisse penser que la clé du match résidera dans les duels 1-contre-1 dans les couloirs et dans le contrôle du milieu. Mais comme on le verra plus tard, l'approche tactique stéphanoise a été différente en première période. Et comme ça a bien marché, les Alsaciens menés de 2 buts à la pause, on dû s'adapter.

Les deux pistons sont sortis et Strasbourg a évolué en 4-4-2 en deuxième période, alors que les Verts n'ont rien changé :


Ce changement et la détermination qui a changé de côté ont équilibré les débats en 2MT. Et la seule adaptation tactique qui est encore intervenue a été la sortie de Cabella, touché, et l'entrée de Debuchy en piston droit, ce qui a repositionné KMP au milieu : 
 
 
Le couteau suisse stéphanois a dézoné nettement moins que Cabella, il a tenu sa place à côté d'Aït Bennasser, puis de Vada, ce qui a permis de rééquilibrer les débats au centre du terrain. Et malgré un but concédé par l'ASSE sur CPA, cette deuxième période a été assez équilibrée : 50% de possession, 74-75% de passes réussies par chacune des équipes, plus de tirs pour Strasbourg (5 à 2), mais le même nombre dans le jeu (2) et le même nombre de tirs cadrés (1).

Bref, confrontation équilibrée en 2MT, ce qui contraste énormément avec la 1MT : 74% de possession pour les Verts, 90% de passes réussies, 9 tirs (dont 5 cadrés). Et le premier quart d'heure des Stéphanois est encore plus impressionnant, 78% de possession, 95% de passes réussies (sur 134 tentées en 15 minutes !). Une domination totale qui mérite le détour.
 
 

La première période

 
Pour mieux comprendre l'animation offensive stéphanoise en première période et l'emprise que les Verts ont eu sur le jeu, regardons quelques exemples. Le premier commence à la 3e :


Les défenseurs de l'ASSE se passent le ballon, de Kolo vers Perrin via Subotic. Les pistons dans les couloirs, M'Vila et Aït Bennasser au centre, Cabella, Beric et Khazri dans la défense. Le dernier décroche pour offrir une solution de passe au capitaine mais celui-ci préfère un long ballon en profondeur à destination de Beric. Un défenseur adverse le récupère facilement...


... mais il est de suite pris par le pressing de Beric et Cabella. Le Strasbourgeois arrive à le sortir de la surface jusqu'à un de ses milieux mais le pressing haut continue :


Silva, M'Vila, Aït Bennasser empêchent la passe vers l'avant, c'est le piston gauche qui est recherché. Mais avant que le ballon ne quitte les pieds du milieu, KMP démarre sa course. Il intercepte le ballon, entre dans la surface et centre pour Khazri qui est surpris et concède une sortie de but. Le dégagement du gardien est facilement gagné par M'Vila, le ballon arrive à Gabriel Silva...


... qui joue avec Kolo. Les Verts entament alors une nouvelle attaque. Le jeu est déplacé vers la droite avec Aït Bennasser, Subotic et Perrin. La ligne des deux attaquants adverses n'empêche pas la relance mais le triangle au milieu colle bien à M'Vila et Cabella. Le capitaine stéphanois monte balle au pied...
 

... et Khazri qui décroche de nouveau pour lui offrir une solution, est cette fois servi. Dès qu'il a décroché, embarquant avec lui un défenseur, Cabella plonge dans cet espace libéré, même s'il était très loin au départ de l'action. Les Alsaciens sont disciplinés tactiquement, le triangle au milieu reste toujours en place mais la sentinelle ne sert à rien. Même s'ils se trouvent bien serrés entre deux lignes adverses, Aït Bennasser et M'Vila sont régulièrement recherchés par leurs coéquipiers. Le premier reçoit le ballon de Khazri et oriente de suite le jeu à gauche où le décalage est créé :


Cabella, Khazri et KMP se trouvent à droite, la défense penche de ce côté. La sentinelle garde une zone de terrain complètement abandonné, on se dirige vers un duel un-contre-un à gauche entre Silva et son adversaire direct. C'était sans compter sur Kolo qui amène le surnombre, son une-deux avec le latéral brésilien le lançant dans le couloir :


Son centre recherche Beric, les défenseurs qui coulissent de l'autre côté laissent de l'espace entre eux et le placement de l'avant-centre est parfait, pour l'ouverture du score.



Quelques minutes plus tard, Kolo est Subotic s'échangent le ballon...


... et ils combinent ensuite avec M'Vila et Aït Bennasser. Le triangle des milieux adverses est toujours en place mais il n'y a toujours aucun stéphanois dans l'axe entre les lignes : Khazri est à côté de Gabriel Silva et Cabella vers KMP. Le premier décroche, comme dans l'exemple précédent, et il est servi par Kolo :


Ironie du sort, la sentinelle adverse était montée pour aider ses coéquipiers contre les trois milieux stéphanois, mais dès que Khazri a bougé suivi par un adversaire, Cabella a commencé à courir vers l'espace laissé libre par le défenseur :


Il n'est pas servi - Khazri porte un peu le ballon vers l'axe et change de côté, recherchant KMP. L'appel de Cabella avait resserré la défense du côté opposé, le piston gauche de Strasbourg sort vers son adversaire direct, s'éloignant du reste de la défense : c'est précisément là que Khazri se place, traversant ainsi tout le terrain :


KMP temporise, puis fait un une-deux avec Khazri, avant de décaler vers M'Vila dans l'axe : le bloc adverse est de nouveau en place. Mais comme KMP est maintenant axial, ce bloc se déplace d'un côté...


... et Khazri se trouve tout seul à droite où il est trouvé par la transversale de M'Vila. Il temporise à son tour et joue en retrait avec Perrin. Si sur l'image précédente on voit bien KMP et Cabella plein axe, 10 secondes plus tard...


... ils se trouvent à droite à côté de Khazri ! Mais Perrin décide de jouer avec ses compères dans la défense et après plusieurs échanges, Subotic reçoit le ballon :


Les trois stéphanois se trouvent toujours à droite, contre un seul pauvre latéral, Cabella fait des grands signes. Ce n'est pas lui qui est recherché par la longue passe en profondeur, mais KMP qui met en retrait pour Khazri, ce dernier centrant au deuxième poteau : le goal adverse capte le ballon. Il le dégage et après deux passes la possession est de nouveau perdue, Ruffier héritant de la balle. Il relance de suite à droite :


Bloc parfaitement en place des deux côtés. Le ballon circule de la droite vers la gauche par des passes courtes, il y a un grand espace entre les milieux et les attaquants adverses. Gabriel Silva remet à M'Vila qui combine avec Aït Bennasser :


Un une-deux, et comme M'Vila est monté plus haut, c'est son coéquipier qui descend pour recevoir de nouveau la balle à la suite d'une talonnade - apparemment ces deux joueurs n'ont pas d'automatismes...


Aït Bennasser écarte vers Cabella qui laisse passer le ballon jusqu'à KMP. Et ça recommence :
 

Khazri décroche, échange le ballon avec KMP, puis s'excentre carrément. Cabella plonge dans le dos du défenseur, le latéral stéphanois aussi. Ils continuent de combiner à trois dans le couloir et comme les adversaires avaient bien coulissé...


... Khazri écarte vers ses milieux axiaux. Le ballon repasse par la défense, arrive à Subotic et le bloc adverse se déplace vers l'axe...


... et bien sûr Cabella, Khazri et KMP sont restés à droite. Le dernier est de nouveau recherché par un long ballon en profondeur. Il contrôle dans la surface...

 
... mais cette fois-ci ne joue pas en retrait sur Khazri. Il profite de l'appel de Beric pour repiquer vers l'axe et frapper - son tir est repoussé par un défenseur, l'arbitre siffle penalty, finalement annulé à raison après recours à la vidéo.



Un autre exemple intervient à la 25e avec une touche de Silva pour M'Vila et un ballon envoyé vers la défense :


Le jeu est écarté vers la droite jusqu'à Perrin qui combine avec KMP dans son couloir, ce dernier remettant à Subotic :


Pour la suite de l'action, il est intéressant de suivre le positionnement de Cabella et Aït Bennasser, très axiaux à cet instant, sur la ligne médiane. Subotic joue de nouveau avec Perrin...


... qui joue avec KMP, qui remet dans l'axe à Subotic. Aucun changement au centre du terrain. Comme il n'y a pas de pressing, le défenseur serbe monte balle au pied, ce qui fait reculer tout le bloc adverse :


Cabella et Aït Bennasser sont plus haut mais toujours très axiaux. Quant à Khazri, il est très excentré, en vrai joueur de couloir, à l'extérieur même de KMP - il profite du fait que le seul joueur de couloir adverse était monté suivre son adversaire direct. Le ballon arrive jusqu'à Khazri à droite...


... ce qui déclenche le mouvement des deux milieux axiaux stéphanois vers ce côté. Un seul milieu adverse a suivi, les deux autres restant l'un à côté de l'autre dans l'axe, et ne servant en fait à rien. A 4 contre 3 sur ce côté, les Verts combinent : Khazri redonne à KMP et repique vers l'axe...


... et c'est au tour de Cabella de s'excentrer et recevoir le ballon. Les appels de Khazri et KMP déplacent trois adversaires, Cabella et Aït Bennasser font un une-deux pour éliminer le quatrième, qui bouscule le numéro 7 de l'ASSE. Sur le coup franc frappé par Khazri, KMP place un superbe coup de tête sorti in extrémis par le gardien adverse. Beric récupère le ballon, son premier centre est repoussé mais le deuxième trouve Perrin qui marque le deuxième but stéphanois.


Qu'ont donc tous ces exemples en commun ? Un bloc strasbourgeois bien en place avec une forte densité dans l'axe. Une équipe stéphanoise avec trois éléments offensifs dont un fixe dans la défense et deux autres très mobiles qui se déplacent un peu partout sur le terrain. Partout sauf dans l'axe - plutôt sur les côtés donc, amenant du surnombre et créant ainsi des décalages. Et des mouvements clairement répétés à l'entraînement, puisque si récurrents : Khazri qui décroche et Cabella qui plonge dans l'espace, surnombre sur le côté droit et passe en profondeur de Subotic pour KMP, etc. Mais surtout, une grande maîtrise technique, des déplacements, de la volonté de produire du jeu. Bref, du beau football.

 
 

Conclusions

 
Une victoire est toujours appréciable, surtout quand elle vient après une petite disette (1 nul et 3 défaites sur les 4 derniers matchs) et avant la réception de l'ogre parisien. Et surtout quand elle permet aux Verts de se replacer 4e en championnat, à égale distance (3 points) de la 3e place et de leurs poursuivants. Mais au delà du résultat, la manière est très importante aussi, et le foot produit par l'ASSE lors de la première période a été tout simplement impressionnant. Et il a permis de prendre un avantage suffisant pour compenser une baisse de régime après la pause. Ça ne suffira pas à chaque fois, c'est sûr, surtout quand le niveau en face sera plus élevé - la marge sera plus faible et les faits de jeu contraires auront une incidence plus importante sur le résultat. Mais après la frustration d'il y a quelques jours, les Stephanois ont trouvé la meilleure réponse possible : ils se sont montrés forts mentalement et ils ont joué au foot, du beau foot en plus. Et ça, personne ne peut leur enlever...