Dans ce second volet de l'entretien qu'il a accordé à Poteaux Carrés, Sylvain Armand évoque sa reconversion avant d'aborder le match au sommet qui opposera ses deux anciens clubs ce samedi dans le Chaudron.


Après avoir raccroché les crampons en 2017, tu es resté au Stade Rennais pour entamer ta reconversion.

J’avais étudié en cours de saison avec le président, Monsieur Ruello, la possibilité de signer une saison supplémentaire. Mais vu comme ça se passait avec Monsieur Gourcuff… Faut reconnaître qu’il n’y avait pas une bonne entente du fait de ses choix, de ses décisions de ne quasiment jamais me retenir dans le groupe. C’était pour moi une grosse déception, je ne me voyais pas poursuivre une saison de plus. Je pense que lui non plus ne l’aurait pas voulu. C’est là que j’ai dit à Monsieur Ruello que je souhaitais faire ma reconversion au Stade Rennais. Je me sentais bien ici, ma famille aussi.

Le club a accepté. Ce n’était pas la reconversion que j’aurais dû avoir tout de suite, je pense que Monsieur Gourcuff ne voulait pas me voir trop du côté du sportif… On m’a mis un peu dans le recrutement, j’ai appris au contact de Jean-Luc Buisine. Quand Olivier Létang est arrivé cinq mois après, il m’a nommé coordinateur sportif. C’est là que j’ai vraiment appris un très beau rôle, un rôle très important. Peut-être un rôle de l’ombre, je crois que beaucoup de personnes ne savaient pas ce que je faisais là-bas.

Tu faisais quoi là-bas au juste ?

Je faisais énormément de choses. Je m’occupais des joueurs de l’académie susceptibles de passer pro, donc à partir de 17 ans. Je rencontrais les parents, présentais le projet du club. Je donnais les idées de ce que l’on pouvait changer dans le club pour montrer une image un peu plus professionnelle, un peu plus grande. C’est moi qui faisais le tampon entre le coach, les joueurs et le président. Je faisais toutes les réunions sportives avec le président. Quand il n’était pas là, c’est moi qui les animais avec le directeur général. Je représentais aussi le club lors des Coupes d’Europe.

J’appelais tous les joueurs qu’on devait faire venir. Je les rencontrais à Paris avec leurs agents. J’organisais les visites médicales avec le docteur à Paris. Je mettais ensuite les joueurs en relation avec le team manager. J’organisais aussi avec ce dernier les matches amicaux, les stages de préparation. Je m’occupais au final de pas mal de choses qui touchent à l’équipe professionnelle. Je m’occupais aussi des joueurs qui devaient partir au mercato pour les aider à quitter le club dans les meilleures conditions possibles et à trouver des accords.

Tu as été licencié le 22 juin dernier. C’est dû au changement de présidence ou à des mésententes avec Julien Stephan ? Les médias ont rapporté qu’il n’avait pas apprécié une de tes déclarations sur le site officiel du club. Pour rappel, tu avais déclaré au moment où le club traversait une mauvaise passe sportive : « Nous sommes sereins, mais on ne va pas pouvoir se cacher et se trouver des excuses en permanence. »

Le changement de direction a joué, c’est une certitude. Il y a eu un changement de projet du club dans la façon de faire au quotidien. Après, je crois qu’on a fait beaucoup de cinéma avec l’article que j’ai fait et qui soi-disant n’aurait pas plu à Julien Stéphan. En effet ça ne lui a pas plu mais je ne vois pas pourquoi, je n’ai jamais cité son nom ni qui que ce soit dedans. Peut-être que lui a remué le couteau dans la plaie pour se protéger. Je ne sais pas pourquoi il a mal pris un article où il n’y avait rien d’extraordinaire. Bref… Tout simplement, je ne faisais plus partie du projet du coach, je pense que c’est lui qui a décidé et qu’il ne voulait plus travailler avec moi.

Ça fait partie du football. On sait très bien qu’à partir du moment où on touche à l’effectif professionnel, on est exposé à devoir partir au bout de quelques années. Ça fait partie du milieu. Après, je pense qu’il y a des gens qui auraient pu venir me le dire clairement et humainement en face au lieu que ce soit le nouveau président qui le fasse très peu de temps après son arrivée. J’ai quand même toujours travaillé pour le club, j’ai toujours essayé d’être droit. On va dire que la fin n’a pas été aussi belle que ce je pensais. J’ai malgré tout collaboré trois ans avec le président, pendant cette période on a gagné la Coupe de France. J’insiste là-dessus, si Olivier Létang n’était pas arrivé un jour ou l’autre au Stade Rennais, jamais le club en serait là aujourd’hui.

Trois mois après ton éviction, dans quel état d’esprit es-tu aujourd’hui ? T’as encore les boules ou t’es déjà passé à autre chose ?

Je suis obligé de positiver aujourd’hui. Bien évidemment, ça fout les boules quand on t’oblige à partir alors que t’as contribué à mettre en place un projet qui marchait bien. Autant quand ça marche mal, le fait qu’un entraîneur ou un président parte, c’est le football. Mais quand tout marche bien, que le club n’a jamais été aussi haut qu’il l’a été à l’époque où on a limogé Olivier Létang, j’ai du mal à comprendre la façon de faire. Moi je savais pertinemment que je n’allais pas tarder à suivre. On m’avait dit que j’allais rester, que j’allais faire des choses parce que je travaille bien. Ça a été le contraire, il y a eu beaucoup de non-dits. Ce n’est pas très grave. Au début, bien sûr qu’on est déçu mais ça fait partie du milieu. Ça ne sert à rien de ressasser, t’es obligé de positiver. La vie ne s’arrête pas là !

Quels sont tes projets désormais ? Aimerais-tu exercer ces mêmes fonctions de coordinateur sportif dans un autre club, dans un autre environnement ?

J’ai beaucoup réfléchi. Les staffs sont faits, c’est pour ça que le timing de mon limogeage n’était pas bon non plus. Si on m’avait demandé de partir dès le mois de mars, ça aurait pu me permettre de retourner plus rapidement. En plus avec le contexte sanitaire ce n’était pas évident de voir les matches. Aujourd’hui je travaille pour la chaîne Téléfoot, ça me permet de rester dans le milieu. Je fais partie de leur équipe de consultants, comme Loïc. Je trouve ça sympa de leur part de m’avoir sollicité et je trouve ça aussi très intéressant.

Maintenant, bien évidemment que le rôle que j’ai eu au Stade Rennais m’a beaucoup plu. Il y avait des responsabilités, beaucoup de travail. J’ai énormément appris. Je me suis éclaté là-dedans donc c’est un poste que j’aimerais retrouver aussi. J’ai passé aussi mon diplôme de manager général à Limoges.

Ironie de l'histoire, tu es donc allé à Limoges avant de te faire limoger…

(Rires) Oui, je me suis inscrit il y a trois ans, deux mois avant l’arrivée d’Olivier Létang au Stade Rennais. J’ai passé ma formation en parallèle de mes missions. J’ai beaucoup appris lors de cette formation et j’ai aussi beaucoup appris sur le tas en travaillant avec Olivier. Il a cette exigence, ce souci du détail. J’ai pris mon pied dans ce rôle de coordinateur. Je suis en train de réfléchir pour voir si je ne vais pas passer aussi le diplôme d’entraîneur, ça me permettrait d’avoir le panel de tout le sportif. En tout cas sache que je suis le marché ! (rires)

Exercer à nouveau le rôle de coordinateur sportif, ça me botterait, je trouve que ce poste n’est pas assez mis en valeur. Je ne sais pas comment les autres clubs travaillent avec un coordinateur sportif. Je pense que ça implique d’avoir normalement une bonne relation avec le président et le coach. J'estime que ça peut fonctionner et en plus nous on a l’expérience. Je pense aussi à Loïc qui est en train de passer son diplôme de manager.

Loïc t’a demandé des conseils ? Avoir ce diplôme est un passage obligé pour exercer des responsabilités au sein d’un club ?

Un passage obligé, peut-être pas, mais c’est un diplôme extraordinaire. Ça te permet d’avoir un relationnel, un réseau, t’as des formateurs de grande qualité avec un énorme savoir-faire. On apprend beaucoup sur le fonctionnement des clubs, du foot mais aussi des autres sports comme le cyclisme, le handball, le basket, le rugby. J’ai apprécié de côtoyer des sportifs venant de différentes disciplines, j’ai créé des liens forts avec eux.

On a discuté avec Loïc de ce rôle de coordinateur sportif, bien avant qu’il annonce officiellement l‘arrêt de sa carrière de joueur. On a échangé après le match des Verts à Rennes de décembre dernier. Loïc était sorti sur blessure à la mi-temps à cause de son genou. On a discuté beaucoup. Après je pense qu’il faut une entente avec le coach, avec le président aussi. Moi j’avais une très bonne entente avec Olivier Létang. J’avais aussi une bonne entente avec le coach à part peut-être à la fin... Je ne sais pas quelles sont les relations de Loïc avec son équipe et son président mais bien évidemment c’est un rôle qui pourrait lui aller.

Loïc est intelligent, il connaît très bien le club, il a l’expérience. C’est aussi quelqu’un de posé, de calme. Ce n’est pas quelqu’un qui va s’emballer ou péter un plomb à la première contrariété. Quand on est dans ce milieu-là, avec beaucoup de monde, beaucoup d’agents, il faut savoir rester calme. Est-ce que Loïc voudra de ce rôle de coordinateur sportif, je ne sais pas. Dans un premier temps il va faire le tour des services du club, ça va lui permettre de murir son projet de reconversion. Quoi qu’il en soit je lui souhaite bon courage dans la nouvelle aventure qu’il va vivre là-bas.

Tu as connu la montée en puissance du Stade Rennais dans le paysage du football français. Ce club évoluait dans un certain anonymat et avait l’image d’un loser du fait de ses finales perdues. Il a récemment changé de statut en gagnant la Coupe de France et en se qualifiant pour la Ligue des Champions. Comment as-tu vécu de l’intérieur cette évolution ?

À un degré moindre, et même si le contexte est différent, un peu comme quand j’étais joueur au PSG lorsque les Qataris sont arrivés. Au risque de me répéter, le changement de statut du Stade Rennais est dû en bonne partie au fait qu’un président, Olivier Létang, est arrivé avec beaucoup d’exigence. On a réussi car il y avait cette exigence, le moindre détail comptait. On a inculqué la haine de la défaite à n’importe quelle personne du club, pas uniquement aux joueurs.

Olivier suivait les joueurs en permanence, parfois il leur tapait sur les doigts mais il savait aussi les féliciter ou les prendre dans son bureau quand ça n’allait pas. Il a contribué à faire monter le club, que ce soit en termes d’images ou de résultats. Il a voulu que l’image du club s’améliore en changeant les terrains, en mettant tous les vestiaires aux couleurs du club, pour qu’on sache qu’on est au Stade Rennais.

Tout ça démontrait l’investissement qu’il voulait mettre et surtout la réussite qu’il voulait. Quand il est arrivé je me souviens qu’il disait qu’il n’avait pas de temps à perdre, qu’il voulait essayer de réussir vite, qu’il avait des projets pour faire grandir le club, pour le faire progresser. Sous sa présidence, il y a eu trois qualifications pour la Coupe d’Europe, ce qui n’était pas arrivé depuis énormément d’années. Le club a eu des résultats.

Notamment une Coupe de France remportée de belle manière face au QSG !

C’est vrai que la victoire en Coupe de France a été un moment fort et a pu changer le regard que les gens avaient sur le Stade Rennais. C’est un trophée qu’on attendait tous mais qui n’était pas forcément attendu contre le PSG. Nous au club, on y croyait mais à l’extérieur les gens étaient plutôt défaitistes. Ils disaient : « On n’a pas gagné contre Guingamp, on n’a pas gagné contre Saint-Etienne, ce n’est pas contre Paris qu’on va gagner une finale ! » Beaucoup de personnes ne sont pas venues à cette finale et m’ont dit : « Putain, j’étais aux deux autres finales mais pas à celle-ci ! »

Et finalement on a soulevé cette Coupe de France. Il y avait une grande équipe en face, Paris était hyper favori, on était mené 2-0 et on a su créer l’exploit en faisant un super match. Ce trophée récompense un travail de plusieurs années, on a mis le club sur une belle autoroute. On a laissé un club sain et performant tant d’un point de vue sportif que financier. Au Stade Rennais de surfer sur cette vague pour continuer tout le boulot qui a été fait. C’est juste dommage d’avoir mis de côté ceux qui ont fait une bonne partie de ce travail-là.

Tu as mis en exergue le rôle important joué par Olivier Létang dans la progression du Stade Rennais mais l’entraîneur et les joueurs y ont aussi contribué, non ?

Bien sûr, c’est une réussite collective. Nous on a réussi avec Sabri Lamouchi et on a réussi avec Julien Stéphan. Chacun dans son domaine doit être compétent pour qu’un club progresse vraiment. Sabri l’a été, Julien l’a été et l’est encore, la plupart des joueurs qu’on a recrutés aussi. Même si on a fait quelques erreurs, on a fait plus de bons choix dans le recrutement. Après, dans un club, le président c’est comme le commandant dans un navire.

Le président peut peut-être saouler certaines personnes, ça a été certainement le cas au Stade Rennais. Mais au bout d’un moment, si on veut que ça réussisse et si ça a réussi, c’est parce que, oui, on est tout le temps sur le dos des gens, tout le temps en train de piquer les gens car on veut la réussite du club, ce n’est pas pour emmerder qui que ce soit. On a fait ça pour le bien du club, pour le bien des salariés.
Chaque composante du club a joué son rôle à merveille dans cette progression du Stade Rennais, que soient les entraîneurs, le team manager, les kinés, les docteurs, etc. Je suis en phase avec toi quand tu dis que c’est une réussite collective. J’ai mis l’accent sur le rôle du président car c’est lui qui est à, la tête du club. C’est Olivier Létang qui a fait les choix, c’était lui le décideur de tout. Ses décisions ont été bonnes. Aujourd’hui on ne peut pas lui enlever tout le travail qui a été fait.

S’il a heureusement connu le scénario inverse lors de sa demi-finale de Coupe de France à Sainté, Le Stade Rennais a plusieurs fois arraché la victoire en fin de match, parfois après avoir été mené comme on l’a encore vu le week-end dernier.

On a voulu inculquer la haine de la défaite. Il a fallu le rabâcher, le répéter. Tout le monde l’a intégré et j’espère pour le club que ça va continuer. Effectivement, on a vu le week-end dernier que Rennes a encore gagné après avoir été mené. C’est aussi grâce à cette force de caractère que le club a réussi à remporter la Coupe de France l’année dernière et a pu gagner des points précieux en fin de match la saison passée, ponctuée d’une belle troisième place.

Avec cette belle dynamique, j’ai senti que le regard du monde du foot sur le Stade Rennais avait changé ces dernières années. Quand tu arrives à faire venir des joueurs comme Mbaye Niang, Clément Grenier, Hatem Ben Arfa – même s’il n’est resté qu’une année – Steven Nzonzi. Ils ne seraient jamais venus auparavant, ils sont venus grâce au projet qui leur a été clairement exposé, qui était défini pour eux. Le fait qu’ils aient rejoint le Stade Rennais n’est pas anodin, le club est devenu plus attractif.

Le fait de pouvoir conserver – sauf coup de théâtre de cette fin de mercato - le très convoité Eduardo Camavinga en est une autre preuve ?

Exactement ! Pourquoi il a décidé de rester au club ? Parce qu’il s’y sent bien, déjà. Je trouve que c’est une belle marque de reconnaissance envers le club qui l’a formé, qui l’a emmené en haut de l’affiche. Non seulement ce gamin est très doué mais en plus il est très intelligent. Tout le monde a vu qu’il réussirait très, très jeune. Son éclosion n’est pas une surprise pour nous qui le suivons depuis longtemps, ça fait sept ans qu’il est au club. Après, on ne va pas se voiler la face, Eduardo est resté aussi car il y a la Coupe d’Europe. Jouer la Ligue des Champions, qui plus est avec son club formateur, c’est forcément stimulant.

Quels souvenirs gardes-tu de ta collaboration avec Jean-Luc Buisine, qui chapeaute désormais la cellule de recrutement de l’ASSE ?

J’ai eu de très bonnes relations avec Jean-Luc, déjà quand j’étais joueur. C’est lui qui m’a orienté, qui m’a poussé à passer mon diplôme de manager général. Je l’en remercie d’ailleurs. J’ai travaillé pendant trois mois dans les bureaux avec Jean-Luc, je me suis bien « amusé » avec lui, j’ai beaucoup appris. Il m’a appris à regarder des matches, il m’a expliqué comment se passaient les déplacements, comment procéder pour observer un joueur, comment adapter le recrutement au projet du club.

C’était très instructif d’apprendre à ses côtés, malheureusement il a ensuite quitté le club. Mais je suis content qu’il ait retrouvé un autre projet intéressant à l’ASSE. Il a fait venir de bons joueurs à Rennes et les Verts vont profiter de sa grande expérience dans le domaine du recrutement. Jean-Luc a un bon œil, il s’investit, il voyage beaucoup et voit un paquet de matches. J’ai vraiment le souvenir de quelqu’un de performant et de compétent.

À Sainté, il a reformé avec Claude Puel et Xavier Thuilot le trio qui avait fait le bonheur des Dogues. Que t’inspire le nouveau cycle en train de se mettre en place à l’ASSE ? Dans un contexte économique contraint, le club a pris le parti de s’appuyer beaucoup sur les jeunes…

Ça me fait un peu penser au cycle qu’on avait eu au FC Nantes l’année où on a été champion de France. Je ne veux pas dire que les Verts seront champions de France vingt ans après le dernier sacre des Canaris mais je me souviens que Nantes faisait beaucoup confiance aux jeunes quand je suis arrivé là-bas : Mickaël Landreau, Marama Vahirua, Hassan Ahamada, Mathieu Berson, Pascal Delhommeau, Yves Deroff, Charles Devineau, Salomon Olembe et j’en oublie… On était très nombreux à avoir à peine une vingtaine d’années. On avait vraiment une équipe très jeune, avec quelques anciens comme Stéphane Ziani, Nestor Fabbri, Viorel Moldovan. Le Sainté que je vois cette saison me fait un peu penser à ça.

Aujourd’hui, c’est l’insouciance des jeunes Verts qui va leur permettre d’aller vers le haut, de jouer. Bien sûr, ils vont parfois faire des erreurs mais ce qui se passe actuellement à l’ASSE est très intéressant. On voit par exemple qu’Yvann Maçon est en train de se révéler au poste de latéral gauche. Il fait un bon début de saison. Il y a certes un contexte économique qui te pousse à faire jouer les jeunes mais indépendamment de ça, quand t’as des jeunes de talent dans ton effectif, autant en profiter. Bien sûr, tout le monde était un peu surpris de l’éviction de Ruffier et du fait que d’autres joueurs expérimentés soient poussés vers la sortie, mais ça s’inscrit dans la nouvelle politique du club.

Je vois bien sûr d’un bon œil cette confiance accordée aux jeunes. Moi j’ai été jeune, et j’ai pu percer dans le monde professionnel parce que le FC Nantes m’a laissé ma chance. Quand on voit le match des Verts à Nantes ou même à Marseille et qu’ils finissent avec des numéros sans nom, ça veut dire qu’il y a du potentiel, un bon vivier de jeunes à Sainté. Après, est-ce que cette belle dynamique va durer toute la saison, personne ne peut le dire. Mais c’est prometteur. Les Verts ont souffert en seconde période à Nantes mais à leur décharge c’était leur troisième match en huit jours et ils n’avaient eu que deux jours et demi pour récupérer après leur belle victoire à Marseille.

Dans ce contexte sanitaire pas évident qui a perturbé la préparation de tous les clubs, je trouve que les Verts s’en sont bien sortis et ont montré de belles choses en ce début de saison. Bien évidemment, je pense qu’ils auront à un moment ou un autre des moments plus difficiles cette saison et il ne faut pas s’enflammer. Jessy Moulin l’a très bien dit.

T’as vu tous les matches des Verts cette saison ? Qu’est-ce qui t’a marqué en les voyant jouer ?

J’ai juste raté le match contre Lorient. J’étais bien sûr à la finale de Coupe de France. Et j’ai vu les matches des Verts contre Strasbourg, Marseille et Nantes. Je trouve qu’ils courent beaucoup plus ensemble que la saison dernière. Ils font davantage les efforts les uns pour les autres, ils sont plus agressifs, plus structurés. Je pense évidemment que le travail de Claude leur permet de faire ça. C’est un entraîneur très exigeant, il ne les lâche pas. On voit que les Verts sont à la fois à l’écoute et insouciants. Il y de la rigueur et de la fraîcheur.

Les Verts n’ont peut-être pas aujourd’hui l’expérience pour essayer de gérer, pour garder le ballon un peu plus d'un côté que de l'autre, pour anticiper les choses. Ils font plus à l’énergie. Mais quand tu vois leur match à Marseille, ils n’ont pas concédé beaucoup d’occasions. Dans leur temps faible du début de seconde période, ils ont laissé passer l’orage. J’ai vu une équipe soudée, des joueurs agressifs. C’est une équipe qui sait marquer très rapidement, on l’a vu surtout lors des deux derniers matches.

À quel type de match t’attends-tu ce samedi pour le match au sommet de la Ligue 1 ?

Je m’attends à un match serré. Il opposera deux équipes en pleine confiance. Saint-Etienne aura eu cette fois une semaine pour préparer ce choc. Ce qui est dommage, mais on n’y peut rien hélas, c’est que cette belle affiche entre les deux premiers se jouera devant très peu de public. Le Chaudron sans un public nombreux ce n’est pas vraiment le Chaudron. Il me tarde de revoir des stades pleins. J’espère que ce sera un beau match. Je verrais bien un match nul, comme il y en a toujours eu dans le Chaudron entre les deux équipes en L1 depuis six ou sept ans.

Ton cœur sera davantage rouge et noir que vert pour ce match ?

Non, je ne travaille plus là-bas. J’adore les joueurs du Stade Rennais car je les connais quasiment tous. Certains qu’on avait voulu faire venir l’année dernière ne sont arrivés que cette année. J’adore tous les joueurs donc bien évidemment je souhaite qu’ils continuent sur leur lancée, ça voudra dire que tout ce qu’on a mis en place pendant trois ans n’a pas été fait pour rien. J’ai bien sûr gardé beaucoup de contacts au Stade Rennais, on s’appelle régulièrement et énormément. Malheureusement, il y a juste deux ou trois personnes à qui j’en veux un petit peu. Mais ça, c’est le football. C’est comme avec Saint-Etienne, il n’y a pas de rancœur. Moi je vis encore à Rennes et je veux que le club marche bien car c’est un club qui a des supporters et aussi des salariés qui travaillent corps et âme depuis des années. Tous ces gens-là méritent de voir le club au plus haut.

Redoutes-tu que le bon début de championnat des Verts ne soit qu’un feu de paille ou penses-tu au contraire que Santé peut être l’équipe surprise de la saison ?

Je pense que ça peut être une équipe surprise. Personne ne les attendait à faire ce début de championnat-là vu la saison passée, les départs qu’il y a eu et ce nouveau groupe rajeuni. Je ne pense pas que ce début de saison prometteur ne soit qu’un feu de paille. Maintenant, c’est aux gens là-bas, et je n’ai pas de conseil à leur donner, d’être ne permanence derrière le dos des joueurs pour éviter qu’ils s’enflamment au bout de deux ou trois bons matches. On peut compter sur Claude Puel, sur son staff mais aussi sur les joueurs expérimentés de l’équipe pour être vigilant là-dessus. Il y a dans l’effectif des anciens qui connaissent bien la maison, je pense notamment à Jessy. Ils sont écoutés, ils tiennent et tiendront très bien leur rôle. Le Verts peuvent faire une saison plus que correcte, très bonne ! En tout cas c’est tout le mal que je leur souhaite. Ce serait bien de revoir les Verts en Coupe d’Europe.

Qui vois-tu faire la différence ce samedi côté stéphanois ? Penses-tu que Romain va provoquer un penalty comme le 6 décembre 2015 ?



Tu es taquin ! (rires) Maintenant avec le VAR, ce sera un peu plus délicat pour Romain ! (Rires) C’est vrai que j’avais pété un boulon quand l’arbitre avait sifflé ce péno qui avait permis aux Verts d’égaliser en fin de match dans le Chaudron. Près de cinq ans plus tard, je considère toujours que je n’ai pas fait faute sur Romain. Je l’ai redit à Jérémy Clément la dernière fois qu’on s’est revu. Déjà, je ne ressens pas le contact. Et surtout, c’est ce qu’avais vu et revu dans les vidéos d’avant-match : Romain, c’est quelqu’un qui arrive et qui vient s’empaler sur le joueur sans qu’on ait le temps de tendre la jambe ou quoi. Il joue beaucoup là-dessus et comme par hasard l’arbitre est tombé dans le panneau ce jour-là. C’est ça qui m’a frustré, j’ai ressenti de l’injustice. On gagnait 1-0 en plus…

Pour une fois, Nicolas Rainville avait pourtant pris une bonne décision et pourtant ce péno a fait jaser. Ton entraîneur de l’époque Philippe Montanier l’avait contesté et l’ASSE avait publié un communiqué pour défendre notre gai Luron !

Tu sais, j’aime beaucoup Romain. J’en ai rigolé à la fin du match. Quand c’est fini, c’est fini. On le connait un petit peu, on va dire qu’il joue bien le coup… En fait cette action me fait un peu penser à celle qu’on a vue dimanche dernier lors du contact entre Ludovic Blas et Kolo. Si on siffle péno contre moi, alors on doit aussi siffler péno contre Kolo ! (rires) C’est à l’appréciation de l’arbitre mais pour moi y’a pas péno ! Kolo il arrive, il ne tend pas le bras ni le pied. Il s’arrête juste, l’autre il lui tombe dessus.

Pour en revenir à Romain, même s’il a fait une rentrée difficile à Nantes car il était un peu esseulé devant, il peut faire la différence samedi au même titre que Denis Bouanga. Ce sont des joueurs importants, comme Jessy, comme Mathieu qui est hélas blessé. J’ai vu que Charles Abi est lui aussi blessé, c’est dommage. Je le trouve intéressant ce jeune. Il est costaud, il pèse sur les défenses, il me fait un peu penser à Bafé Gomis. Il a cette capacité à garder le ballon dos au but. Il s’arrache, il se bat. J’espère qu’il aura aussi les mêmes qualités de buteur.

S’il est remis de ses douleurs au genou, peut-être que Wesley Fofana fera la différence samedi. Que penses-tu de ses velléités de départ ?

C’est le problème de la génération d’aujourd’hui et de leurs conseillers. Je ne sais pas comment est entouré Wesley Fofana. Mais souvent les agents et l’entourage poussent les jeunes à aller ailleurs parce qu’il y a plus d’argent. Maintenant, le meilleur exemple à suivre, c’est Camavinga. Lui aussi fait l’objet de sollicitations mais il sait se montrer patient. Certes, il a l’occasion de jouer la Ligue des Champions dès cette saison alors que Wesley Fofana n’a pas cette possibilité avec Saint-Etienne. Cama est sollicité mais il prend son temps, il fait le bon choix de rester cette saison au Stade Rennais. Je trouverais ça dommage que Fofana quitte les Verts dès cette saison.

Au vu de sa saison dernière et du match que j’ai pu voir contre Paris en Coupe de France, je ne suis pas surpris que Wesley Fofana ait des propositions. C’est un très bon joueur, il deviendra un très grand défenseur central mais il devrait prendre son temps. Je ne connais pas le dossier mais j’aimerais le voir rester à Sainté. Dans le foot d’aujourd’hui, on donne tout de suite des sommes astronomiques aux très bons jeunes. Avant il fallait se battre, faire deux ou trois saisons pour être récompensé. Pour postuler à l’équipe de France il fallait au moins une saison et demi. Aujourd’hui au bout de trois ou quatre bons matches, on évoque déjà l’équipe de France. Dans le foot mondialisé d’aujourd’hui, comme on donne tout tout de suite, dans la tête de beaucoup dès qu’il y a une grosse proposition, il faut y aller. C’est le milieu du foot d’aujourd’hui, c’est difficile de lutter contre ça mais ce n’est pas une fatalité. L’exemple de Camavinga est là pour le prouver.

 

Merci à Sylvain pour sa disponibilité