Ex-joueur des Verts et de Bordeaux, et maintenant Président de l'Association des Anciens Girondins aux côtés de Marius Trésor et Christian Montes, le milieu de terrain international français Roland Guillas (81 ans) a répondu à nos questions.


Vous avez joué deux saisons à Saint-Etienne (1960-1962), quels souvenirs gardez-vous de cette période ?
Saint-Etienne a été marquant pour moi car j'y ai gagné la première Coupe de France du club ! J'avais déjà participé deux fois à cette compétition avec Bordeaux mais nous avions perdu, et là on gagne lors de ma seconde saison. Mais le plus triste, c'est que nous sommes descendus en deuxième division cette même saison. Je suis alors parti à Grenoble qui montait en première division et cherchait un international français. Mais j'aurais dû rester à Sainté car c'était un très grand club où il y avait tout, c'était l'idéal ! Si nous n'étions pas descendus je serais resté, et si c'était à refaire, je pense que je serais resté dans tous les cas.

 

Quels sont les joueurs qui vont ont marqué à Saint-Etienne ?
Il y'en a eu beaucoup ! J'en vois au moins deux ou trois : Rachid Mekloufi et Salif Keita déjà ; ils sont arrivés après que je suis parti mais je les ai tout de même bien connus. Il il y a Aimé Jacquet aussi, qui a démarré avec moi en professionnel et qui est devenu international plus tard. Nous avions dans l'ensemble une belle équipe : il y avait Robert Herbin, Richard Tylinski, René Domingo notre capitaine… et Jean-Claude Baulu qui marque le but de la victoire en finale de coupe de France. Partout où on passait, on nous disait qu'on avait la meilleure équipe, et pourtant on perdait toujours 1-0, 2-1... Alors qu'en Coupe de France on a gagné tous nos matchs. Le football est parfois bizarre, je crois qu'il n'y a pas grand-chose à comprendre… en témoigne la saison de Saint-Etienne.

 

Vous regardez encore les matchs de vos anciennes équipes ?

Oui, je suis toujours en contact avec Saint-Etienne, Lorient, et même Grenoble. Aujourd'hui que ce soit Bordeaux ou Saint-Etienne, ils sont obligés de finir dans les 5 premiers pour avoir une certaine crédibilité, car ce sont des villes de football et c'est ce qu'attendent leurs supporteurs.

 

Vous ne regrettez pas le foot d'autrefois ?

Tout a changé dans le football à cause de l'argent. Les mentalités par exemple : nous étions beaucoup plus décontractés à notre époque. Il était aussi beaucoup plus facile de jouer au foot car aujourd'hui le jeu va beaucoup plus vite. C'est une bonne chose, mais à condition d'avoir des joueurs de qualité qui peuvent assurer les passes ; ça va parfois trop vite pour certains. Il y a donc beaucoup plus de déchet. Finalement, d'un côté ça s'est amélioré car le jeu va plus vite, mais en même temps cela a compliqué la circulation du ballon ; certains joueurs ont su s'adapter, mais pour celui qui n'a pas de qualités techniques, c'est beaucoup plus dur maintenant.

 

Quels sont vos souvenirs en tant que professionnel chez les Girondins ?

J'en ai eu beaucoup. J'ai débarqué à Bordeaux à 17 ans, puis j'ai démarré à 18 ans à Nancy. Et l'entraineur m'a alors rapidement installé titulaire ; je n'avais pourtant pas imaginé devenir professionnel un jour. Puis j'ai eu des propositions de l'AS Roma quand j'avais 19 ans ; mais j'étais bien à Bordeaux donc je n'avais pas envie de partir à l'étranger sans savoir si j'allais réussir à m'adapter.

 

Ce fut un bon choix, vous avez eu une belle carrière…

Oui, j'ai eu une belle mais surtout très longue carrière : j'ai arrêté de jouer au football en amateur à 48 ans ! J'ai pu jouer à Bordeaux et Saint-Etienne, être international [9 sélections, ndp²], gagner la Coupe de France, et j'aurais pu gagner d'autres trophées, mais malheureusement ça ne se passe pas toujours comme on veut. Mon plus grand regret, c'est de ne pas avoir fait une seule coupe du monde, mais encore une fois, on ne réussit pas tout ce que l'on souhaite… À l'époque, j'étais surnommé le "pequeno Kopa" (le petit Kopa) ! En fait, c'est pendant les championnats du monde militaire au Portugal qu'un journaliste local m'a surnommé ainsi ; ce surnom a alors été repris par les journalistes puis m'a suivi jusqu'à sa mort. C'était un plus pour moi d'être surnommé ainsi car je démarrais tout juste. Mais je n'ai jamais essayé de me comparer à lui car c'est quand même Raymond Kopa, un très grand joueur, alors que moi je débutais dans le football.

 

Vous avez pu côtoyer Jean-Louis Gasset à Bordeaux ?

Je le connais bien, oui. C'est un gars super, et il l'a encore prouvé en venant aider Saint-Etienne. Je l'ai rencontré lorsque je m'occupais du recrutement des Girondins : on se retrouvait alors souvent à Paris puisque lui s'occupait d'une équipe qui venait jouer régulièrement. On a alors commencé à sympathiser et j'ai pu le côtoyer à nouveau lorsqu'il est venu avec Laurent Blanc à Bordeaux. C'est là que j'ai eu confirmation qu'il est presque idéal pour le football : il crée une certaine décontraction chez les joueurs qui leur apporte un véritable plus. Laurent Blanc avait dû sentir cela lui aussi puisqu'il l'a pris comme adjoint. Jean-Louis a pu apporter de l'expérience à Laurent Blanc qui n'avait plus qu'à superviser les joueurs, car pour le reste, il faisait entièrement confiance à Jean-Louis Gasset.

 

Que retenez-vous de l'ASSE ?

Je regrette beaucoup Saint-Etienne, et la meilleure des preuves est que j'ai ramené une femme de là-bas : mon épouse. Maintenant je suis à Bordeaux, et même si Roland Romeyer m'invite toujours pour visiter le musée des Verts, je n'y suis toujours pas allé.

 

Ça aurait été une belle occasion ce weekend pour le match entre vos deux clubs de cœur…

Oui, mais malheureusement j'ai eu quelques problèmes de santé, donc je suis en train de me rétablir. Mais j'espère revenir à Saint-Etienne avant de mourir car cette ville où je me trouvais très bien a dû beaucoup changer…

 

Merci à Roland Guillas pour sa disponibilité.