Deuxième mi-temps tranquille en Corse : six jaunes… Ça peut sembler beaucoup dans une rencontre quasi-jouée, mais, paradoxalement, ces avertissements ont montré la qualité psychologique de Bartolomeu Varela.
En bonus : Du hors-jeu sur une touche et de la stupidité du fair-play…
En exclu, Poteaux-Carrés vous livre la retranscription des propos des différents acteurs dans le secret des vestiaires du stade de Furiani samedi dernier. Dans le camp des locaux, les citrons devaient être bien acides, après un premier acte complètement à sens unique. Frédéric Hantz : "B... de m… les gars, on n'y est pas du tout ! Alors, au retour sur la pelouse, je veux voir des guerriers ! Il faut leur montrer qu'ici, c'est Furiani" ! Du côté de Galette, le score n'incite pas à l'euphorie, d'autant qu'il a rappelé le contexte corse à ses jeunes troupes toute la semaine : "Les gars, c'est bien mais pas gagné. Ils vont vouloir vous mettre le feu d'entrée et il faudra savoir répondre au défi, montrer qu'on en a" ! Chez les arbitres, on ne savoure pas une première période sans accroc. Varela entend que tout le monde reste concentré : "Clairement, Bastia va vouloir se reprendre, quitte à sortir la boîte à gifles. À nous d'être vigilants et présents sur tous les points chauds" !
Ces consignes ne tardent pas à montrer leurs premiers résultats. Dès la 48ème minute, un tacle appuyé - mais régulier - de Lemoine sur Palmieri donne lieu à une chaude réaction du Corse. Résultat, s'organise la VRAIE spécialité corse, bien plus que le fromage ou la charcuterie : l'attroupement sur pré vert. Immédiatement, une dizaine de joueurs s'agglutine autour du point chaud. Sachant que ce genre d'événement peut facilement dégénérer, Varela adopte la bonne attitude : plutôt que se jeter dans la mêlée pour séparer les énervés, il se donne un peu de recul, histoire de ne rien manquer si des coups partent. Une fois le calme revenu, il prend la bonne décision en avertissant les deux joueurs à l'origine de l'incident. Le tout, notons-le, sans aucune agressivité, l'idée étant juste de montrer 1) que l'arbitre est présent et a tout vu 2) que l'incident n'était pas si grave, l'important étant simplement que tout le monde retrouve son calme.
Mais le jeu de celui qui a la plus grosse n'est pas terminé. Moins de cinq minutes plus tard, Ruffier intervient devant Maoulida qui laisse vaguement traîner le pied. Le gardien stéphanois réagit vivement et commence à brancher le Bastiais. Nouvel attroupement avec un portier que l'on sent très énervé sur cette action. Même tactique adoptée par l'arbitre : je recule et j'observe. Le calme revient assez vite et, une fois encore, il opte pour une sanction équilibrée avec deux cartons jaunes. Souvent, ce genre de gestion apparaît comme un pis-aller car renvoyer les belligérants dos à dos n'est parfois pas le plus pertinent, surtout si les torts ne sont pas équitablement partagés mais, dans ce cas précis et concernant uniquement des accrochages d'égos, il s'agissait sans doute de la meilleure chose à faire. Et la suite du match se chargera de le démontrer puisqu'aucune faute n'entraînera de réaction de la part de la victime et les deux autres cartons distribués à des Bastiais étant pour des contacts sérieux et des interventions commises plus par dépit qu'énervement : l'arbitre avait donné le ton dès le retour des vestiaires. Car, je pense l'avoir rappelé à plusieurs reprises, les cartons ne sont pas uniquement adressés aux joueurs qui les reçoivent. Ils fixent des limites à l'ensemble des acteurs sur ce que l'arbitre tolèrera ou pas.
En fait, ce qui est peut-être plus important en terme de gestion du match et de personnalité de l'arbitre, ce n'est pas tant les cartons distribués mais la finesse de son analyse "psychologique". À peine son avertissement reçu, Maoulida, calmé, part se replacer au contraire de Ruffier qui continue à parler, faire de grands gestes… Et là , l'arbitre passe encore une dizaine de secondes à l'apaiser, très sereinement. Sans doute lui a-t-il rappelé qu'il était là pour le protéger et qu'il n'était pas nécessaire de vouloir se faire justice lui-même, surtout que les Verts menant 2-0, le meilleur service que le gardien pouvait rendre à son équipe était de rester dans son match. D'autres sifflets auraient pu tenter de raisonner Ruffier de façon plus musclée, en jouant plus sur l'autorité (dans le jargon arbitral, on parle de "gérer à la gueule") : comme devant un feu, on peut tenter de l'éteindre en l'arrosant doucement ou, au contraire, en comptant sur le souffle d'une explosion pour souffler la flamme. En pompier avisé, Varela a opté pour la première solution et elle s'est avérée payante, mais, qu'on se comprenne bien, la seconde n'est pas totalement à proscrire, selon les circonstances. Certes, du point de vue du public ou du téléspectateur, elle peut sembler excessive, mais très souvent très efficace avec le joueur concerné. C'est là où la personnalité de l'arbitre et son feeling rentrent fortement en jeu : à quel moment et avec quel joueur faut-il adopter quelle attitude ? L'arbitre de la Ligue de Bretagne nous a montré par le passé (Voir l'article sur VAFC - ASSE la saison dernière), qu'il était clairement dans une démarche d'apaisement et de calme et cela fonctionne le plus souvent parce qu'il est vraiment à l'aise dans ce cadre et n'a pas à forcer sa nature pour adopter ce genre d'attitude.
Mais Varela ne s'arrêtera pas là car il va faire coïncider ses actes avec ses paroles. À quelques minutes de la fin, un ballon relâché par Ruffier et le cafouillage qui s'en suit donne des sueurs froides aux supporters stéphanois. Or, quand le gardien est au sol à chercher à maîtriser le ballon dans une position qu'on sait très dangereuse pour lui, qui traîne dans le coin ? Maoulida, bien sûr ! Si vous avez l'occasion de revoir cette séquence, je vous invite vraiment à le faire en suivant l'arbitre plutôt que le ballon car ce qu'il fait est digne du très haut niveau, à la fois en terme de technique d'arbitrage et de gestion pédagogique des joueurs. J'ai fait quelques captures, mais l'action mérite vraiment un visionage d'ensemble. Elle se décompose ainsi :
1) Au moment où Ruffier doit capter facilement le ballon, l'arbitre est très proche de la surface, de façon conforme avec le placement recommandé dans les dernières consignes aux arbitres.
2) Contrairement au match de VA où, on s'en souvient, il avait anticipé son replacement et manqué la main du défenseur nordiste dans la surface, Varela reste vigilant et actif. Du coup, il n'est pas surpris par le ballon relâché, car il l'avait imaginé comme une chose possible. Il restera en mouvement pendant toute l'action, d'ailleurs.
3) Finalement, le ballon est relâché et commence une partie de billard. On observe que l'arbitre se rapproche petit à petit des acteurs pour finalement terminer en plein milieu de la surface, une zone où, en principe, il convient de limiter au maximum sa présence pour éviter tout risque d'interférence avec le jeu. Il se décale également vers la gauche en contournant les joueurs qui pourraient le masquer. Il bénéficie donc en permanence de l'angle de vue optimal et, surtout, il marque sa présence pour Ruffier et Maoulida, puisqu'un contentieux existe entre les deux joueurs.
4) Une fois le ballon bloqué, au lieu de se replacer, il se rapproche encore et va prendre des nouvelles du gardien, alors que le ballon est encore en jeu. Il a bien vu que Ruffier n'avait pris aucun coup mais il lui montre ce qu'il lui a dit à la 55ème : il est présent pour le protéger.
5) Résultat, une possible réaction de Brison venu vivement porter éventuellement assistance à son gardien est empêchée. Celui-ci va même relever Maoulida alors qu'il était venu pour tout autre chose visiblement !
Cette action fait partie des choses invisibles pour le spectateur mais d'une importance capitale dans la gestion d'un match. Elle marque vraiment ce qui est demandé aux arbitres dans la gestion de leurs matchs : présence, anticipation et parfaite lecture du jeu et des joueurs. Le tout à la 85ème après dix bons kilomètres parcourus, ce qui démontre aussi la très bonne condition physique de l'arbitre qui a encore les jambes et la lucidité pour interpréter de la bonne façon plusieurs paramètres différents en simultané. S'il avait eu une décision à prendre (pénalty, faute d'un attaquant, cartons...), il aurait de toute façon été dans un fauteuil et n'aurait pas laissé la place à la confusion ou à la contestation puisqu'il était LÀ. Le seul risque pris est de toucher le ballon dans la partie de billard mais il a su le minorer en s'écartant légèrement de la mêlée. Et sa gestion du cas Ruffier est la cerise sur le gâteau. Contrairement aux deux points chauds précédents, où il s'est tenu à l'écart, il a volontairement montré sa présence moins d'une demi-seconde après la fin de l'action : aucun mouvement d'humeur possible de quiconque et pas de décision irréparable à prendre. Je le répète, c'est du très, très haut niveau !
[BONUS] Du hors-jeu sur une touche et de la stupidité du fair-play...
Lors de la deuxième mi-temps à Toulouse, les Verts sont en train de prendre le bouillon. Une touche est rapidement jouée en profondeur et offre une très belle opportunité aux Toulousains mais l'arbitre siffle de façon incompréhensible... un hors-jeu. Or, la Loi XI est très claire sur ce point : un joueur en position de hors-jeu ne doit pas être sanctionné s'il reçoit le ballon directement sur une rentrée de touche. Cette erreur est très surement due à un défaut de concentration de l'assistant (et il a probablement entendu parler du pays au moment du débriefing avec son observateur). L'arbitre était-il obligé de siffler ? En fait, non puisqu'il est seul maître à bord. En effet, constatant qu'un assistant se trompe, il peut tout à fait passer outre sa signalisation et laisser le jeu se poursuivre. Seulement, l'endroit où l'action se déroule sur le terrain et la vitesse d'exécution est un facteur à prendre en compte : dans cette zone et sur une touche, l'arbitre tourne forcément le dos à son assistant et n'a donc, provisoirement, que le "bip" du drapeau comme signal possible (l'oreillette étant à utiliser dans un second temps). Mettons-nous un instant à la place de Fautrel : il suit cette action prometteuse et entend le "bip" de son assistant. Celui-ci peut être en train de lui signaler n'importe quoi, y compris deux joueurs en train d'échanger des coups à l'opposé. Le réflexe va donc être de siffler immédiatement.
La suite sera par contre totalement conforme aux règles : s'apercevant qu'une erreur a été commise, l'arbitre fait reprendre par la remise en jeu préconisée dans une telle circonstance : une balle à terre à l'endroit où se trouvait le ballon au moment de l'arrêt. S'il avait fait jouer le hors-jeu par les Stéphanois, il s'exposait à une réserve technique.
Tant mieux pour les Verts qui bénéficient donc de cette erreur alors qu'un but était tout à fait possible sur cette attaque éclair. Par contre, le manque de connaissance et de bon sens des joueurs toulousains est criant sur cette balle à terre ! Pourquoi laisser le ballon aux Stéphanois qui le rendront à 70m de leur but ? Qu'on se fasse des politesses lorsque le jeu a été arrêté pour un joueur blessé peut se comprendre mais, ici, s'agissant d'une erreur de l'arbitre, pourquoi ne pas disputer le ballon ? Rappelons que la Loi VIII qui concerne la balle à terre ne précise pas le nombre de joueurs autorisés à disputer le ballon : on peut tout à fait aller tenter de le récupérer...
Pitchdobrasil
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