Après avoir donné le coup d'envoi du match qui a opposé ses deux derniers clubs samedi dernier au Roazhon Park, l'ancien milieu de terrain stéphanois Patrick Rampillon nous a livré ses impressions.
Que retiens-tu de tes vertes années ?
J’avais déjà fait un essai à l’ASSE avec mon frère Gilles quand j’avais 14 ans. A cette époque-là c’était l’embryon des centres de formation avec les Christian Lopez, Christian Synaeghel et autres Alain Merchadier qui avaient 16 ou 17 ans. Quelques années plus tard, après avoir évolué à Cholet et au Stade Reims, je suis revenu pour de bon à Saint-Etienne. J’ai passé deux ans extraordinaires. Je suis arrivé en 1977, un an après la fameuse épopée des Verts. J’ai côtoyé des individus que qualité avec lesquels je suis toujours en contact : les Curkovic, Piazza, Revelli, Rocheteau. Je me suis inspiré de ce que Robert Herbin, Pierre Garonnaire et Roger Rocher avaient mis en place. Ça respirait de l’enthousiasme, de la générosité, un esprit de corps et un esprit collectif qui m’ont toujours séduit. Robert Herbin nous laissait parfois diriger des séances. Je me suis inspiré de la qualité de ses entraînements. L’âme formatrice m’est venue pour une bonne part sur les terrains de l’ASSE.
Tu as très peu joué en équipe première avec les Verts.
Je n’ai joué que deux matches en première division, deux victoires 1-0 à Geoffroy-Guichard. La première, c’était lors d’un derby remporté grâce à un but de Dominique Rocheteau. J’étais entré en jeu à la place de Jacques Santini. La seconde c’était contre Troyes et j’étais titulaire. J’ai également pris part à un match de Coupe de France remporté aux tirs au but contre Angers. J’ai très peu joué mais peu importe, j’ai vécu pleinement cette expérience avec le groupe pro. Quand on m’a fait venir, à l’époque, c’était plus pour encadrer les jeunes comme Jean-François Larios, Jean-Louis Zanon, Yves Colleu, Thierry Oleksiak, Jean Castaneda, Laurent Roussey, Laurent Paganelli… Je savais quel était mon niveau, j’en ai confirmation lors de mon passage à Saint-Etienne. Je savais que je n’étais pas fait pour rester tout en haut de l’élite du foot français.
As-tu eu l’opportunité de revenir dans le Forez ? Toi qui as dirigé pendant plus de vingt ans un centre de formation qui s’est hissé au sommet du football français, as-tu été approché par les décideurs stéphanois pour devenir le nouveau boss de L’Etrat ?
J’ai été en contacts avec d’autres clubs français comme les Girondins de Bordeaux et l’Olympique de Marseille mais l’ASSE ne m’a jamais sollicité. J’ai eu par contre pas mal de contacts à l’étranger : Dubaï, le Shakthar Donetsk entre autres…
A défaut de t’avoir sollicité, l’ASSE a recruté plusieurs joueurs formés à Rennes. Content d’avoir revu Yann M’Vila samedi dernier au Roazhon Park ?
Bien sûr, et je suis content de le voir aujourd’hui se relancer à Saint-Etienne. Il a été désiré par Jean-Louis Gasset et son staff, je le sens en confiance. Je pense qu’il a fait une grosse réflexion sur les écarts qu’il a faits lors de sa carrière. Quand je vois son match contre Rennes, je me dis qu’il peut redevenir un joueur de très haut niveau.
T’as eu l’occasion de reparler avec lui de son parcours chaotique ?
Je ne vais pas rappeler les écarts qu’il a eus lorsqu’il a commencé à jouer avec les pros. Moi j’ai laissé le staff pro et la direction du club s’en occuper. Ça ne m’a pas empêché de lui dire ses quatre vérités ou de hausser le ton. Quand on aime quelqu’un et qu’on veut lui rendre service, il faut lui dire la vérité. Son ascension fulgurante marquée par ses sélections en équipe de France a fait qu’il a un entourage, une famille, une direction prise… Malgré les conseils et les remontrances, il a voulu suivre une voie qu’il regrette aujourd’hui d’avoir empruntée.
Tu as déclaré dans Ouest-France que tu portais une part de responsabilité. Peux-tu nous en dire plus ?
Quand on est directeur d’un centre de formation et qu’on a un talent comme ça, ne pas le voir au très haut niveau dans le temps par rapport à ce qu’il avait montré… Moi et le Stade rennais, on peut se reprocher quelque chose. Le talent, on ne le forme pas mais il faut bien l’accompagner. Est-ce que Yann a été bien accompagné par sa famille, par son entourage, par le club ? On peut se poser des questions. On aurait peut-être pu lui apporter autre chose. A-t-on été trop gentil avec lui, le club aurait-il dû à un moment-donné taper du poing sur la table un peu plus ? Je suis obligé de me poser ces questions…
Qu’as-tu pensé de son match contre Rennes ?
J’ai toujours les yeux de l’amour le concernant. Forcément, quand on va chercher un gamin de 13 ou 14 ans, on garde un œil très attentif sur son évolution. J’ai été séduit par sa prestation de samedi dernier. Quand je vois ses déplacements par rapport aux autres, ses interventions défensives par anticipation. Quand je le vois orienter par son jeu long. Quand je le vois trouver des angles de passes. Quand je le vois transpercer les lignes… Il a toujours ce talent-là ! Pour avoir discuté avec Frédéric Paquet et surtout Dominique Rocheteau avant le match, je pense qu’il a encore une marge. Jean-Louis Gasset va encore lui apporter certainement quelque chose. Même si Saint-Etienne considère qu’il n’est peut-être qu’à 60 voire 80% - ce qui peut-être vrai, je ne le vois pas tous les jours à l’entraînement – on voit que c’est rapidement devenu un élément très important de l’équipe. Il va avoir une influence grandissante. On n’a jamais rien pu lui reprocher, partout où il est passé il a toujours fait l’unanimité parce qu’il respecte le jeu, le collectif. Il a du talent, point final.
Quid de Kévin Théophile-Catherine ?
J’ai le souvenir d’un gamin qui a été trop introverti à une certaine période, qui avait un manque de confiance en lui. Il a une histoire de vie particulière. Kévin n’a pas été épargné par les épreuves, il a perdu un membre de sa famille très tôt. C’est un garçon qui a été marqué par pas mal de choses. Il est dans la générosité, dans le respect du collectif. Il est toujours présent, n’a jamais triché. Lui aussi fait l’unanimité chez tous les entraîneurs qu’il a eus. C’est un gamin très discret, qui ne fait jamais parler de lui. Cette saison on a surtout parlé de son geste malheureux sur Ismaïla Sarr à Geoffroy-Guichard. J’étais au match, c’est vrai qu’il aurait pu avoir une sanction plus lourde mais il ne faut pas lui en vouloir. Ce n’est vraiment pas un garçon méchant.
Tu apprécies également Vincent Pajot.
En ce qui concerne Vincent, j’ai le souvenir d’avoir remis le maillot d’Oswaldo Piazza à sa maman, qui était supportrice des Verts depuis longtemps. Mais il a signé au Stade Rennais, les Verts n’étaient pas dessus quand on l’a fait signer à 16 ou 17 ans. Il aime courir, il aime jouer, lui aussi a une bonne mentalité et un bon état d’esprit. C’est un garçon qui n’avait pas toujours la justesse dans le geste. Il y en a qui réussissent 9 passes sur 10. Lui, quand il en tente 40, il en fait 30 de bonnes. Son pourcentage est quand même encore bon. Il aime le ballon et se rendre disponible. Il réussit une belle carrière.
La saison dernière, l’ASSE comptait un autre joueur formé à Rennes...
Les Verts ont vraiment bon goût ! Ils ne se sont pas trompés en allant chercher Kévin Théophile-Catherine, Vincent Pajot et Yann M’Vila. C’est vrai que Fabien Lemoine les a précédés et fait partie de ces garçons que j’ai recrutés à 14 ou 15 ans. Fabien, ce n’était peut-être pas un talent à l’état pur comme Yann, mais il avait un tel état d’esprit, une telle intelligence, qu’il a grandi avec son temps de jeu. Il accumulé un nombre de matches énorme en L1 et maintenant en L2. On connaît son histoire. Il a laissé son rein laissé sur le terrain mais il y met du cœur. Son abnégation force le respect.
Qui est le prochain sur la liste ?
(Rires) C’est vrai qu’il y a pas mal d’anciens de chez nous à Saint-Etienne. C’est une période donnée, peut-être une coïncidence. Il y a quelques joueurs formés au Stade Rennais qui jouent dans d’autres équipes de L1. Je pense notamment à votre prochain adversaire, Guingamp, où évoluent Etienne Didot et Jimmy Briand. Je ne sais pas qui sera le prochain joueur formé à Rennes qui rejoindra Saint-Etienne, ça dépend des besoins du club. Si les décideurs stéphanois ont fait venir Fabien Lemoine, Kévin Théophile-Catherine, Vincent Pajot et Yann M’Vila, c’est certainement qu’ils n’avaient pas dans leur vivier de formation ces profils-là à L’Etrat. Tant mieux pour ces joueurs s’ils réussissent sous le maillot vert. C’est une bonne marque de fabrique. On forme des joueurs de haut-niveau bien sûr pour le club mais dont profitent aussi d’autres clubs en France et à l’étranger. Ils ont fait leur chemin mais le mérite leur en revient. La réussite, ils la construisent.
Quelle analyse fais-tu du match nul entre Rennes et Saint-Etienne ?
Comme je l’ai dit le lendemain au président Olivier Létang, on a vu une belle équipe de Saint-Etienne organisée à la Gasset. On a vu que l’ASSE avait des joueurs de qualité, le mercato hivernal a fait beaucoup de bien aux Verts. Aujourd’hui, il y a une consistance d’équipe. Intelligemment, les Stéphanois nous ont un petit peu attendus et ont été très dangereux. Ils nous ont parfois transpercés, j’ai notamment souvenance de ce contre où Jonathan Bamba a raté une balle de break face à Koubek. On n’a pas fait un mauvais match mais on l’a échappé belle. Saint-Etienne a eu plusieurs occasions de mettre ce 2-0. Cette équipe stéphanoise va certainement se rapprocher de l’Europe très rapidement avec cette qualité de jeu, cette consistance, cette cohérence. L’ASSE fait partie des trois ou quatre meilleures équipes qu’on ait vues cette saison au Stade Rennais. L’équipe est bien structurée, il y a une complémentarité intéressante dans cette équipe. On sent un collectif, des bases de travail et il y a des joueurs de talent capable de faire la différence.
Merci à Patrick pour sa disponibilité