Quelques semaines ont passé depuis la finale de la Coupe de la Ligue. Tout a été dit sur l'aspect sportif de l'événement. Mais il reste sans doute encore beaucoup d'histoires dans l'Histoire à raconter sur cette journée pas comme les autres. Des histoires personnelles comme celle-ci....



Dimanche 21 avril 2013, Marseille.
Au petit matin, j'arrive en vue du Vieux-Port. La veille, au bout de la nuit, l'AS Saint-Etienne a mis fin à 32 ans de disette en remportant enfin un trophée, la Coupe de la Ligue. Mais je ne le sais pas encore.

En vacances, quelque peu coupé du monde depuis deux jours, sans accès à internet ni à un téléviseur, je n'ai pas essayé de joindre qui que ce soit, je ne me suis pas incrusté chez le propriétaire de l'appartement voisin pour voir le match chez lui, je n'ai pas cherché de bar retransmettant le match dans la cité phocéenne. Je n'ai sans doute rien fait pour connaître le résultat du match plus tôt parce que j'avais des tas de choses à faire. Sûrement aussi parce que j'avoue ne plus regarder le football avec le même oeil passionné qu'auparavant, même s'il y a toujours un pincement au coeur au moment de savoir "ce qu'ont fait" les Verts. Et peut-être aussi un peu par superstition, pour que cette fois-ci soit la bonne, l'ASSE depuis trois décennies étant souvent passée tout près sans aller au bout.

Ce matin-là donc, je me suis dit que j'apprendrais le résultat du match en découvrant les Unes des quotidiens dans un kiosque à journaux. A l'ancienne, en quelque sorte. Alors, du vert ou du rouge sur les photos des quotidiens ? En marchant dans la rue, j'étais à l'affût d'un signe, d'un indice pouvant me mettre sur la voie. Ce n'est que plus tard que je me demanderai si le signe le plus évident n'était pas, finalement, de me trouver précisément à Marseille, la ville encore tenante du titre quelques heures plus tôt, qui avait remporté cette même coupe juste un an auparavant grâce à un but de .... Brandao.
J'approchais du Vieux-Port et je n'avais pas encore croisé de marchand de journaux. J'essayais alors de capter des bribes de conversation, me disant que dans une ville de foot comme Marseille des tas de gens avaient certainement regardé le match et allaient en parler entre eux ce matin. Mais rien. Aucune certitude.

Arrivé au marché aux poissons du Vieux-Port, enfin un indice parvient à mes oreilles. Un vieux pêcheur buriné trônant derrière son étal, sourire en coin, interpelle en ces termes l'un de ses collègues ridé et porteur d'un bonnet de l'OM :
- Et alors ! Brandao ! Les Epinards !
Brandao, ok. Il parle bien du match d'hier. Les Epinards, ok. C'est sans doute une manière de désigner les Verts dans le jargon des supporters de la Canebière. Mais qu'a-t-il voulu dire exactement ? Brandao a-t-il été le héros de la soirée, comme l'année précédente, en offrant la Coupe à Saint-Etienne ? Ou au contraire a-t-il été le fossoyeur des ambitions vertes en manquant un but tout fait, en se faisant expulser, en expédiant un tir au but décisif dans les nuages ? Le doute était permis, d'autant que le public marseillais, moqueur, n'était pas toujours tendre avec le Brésilien lorsqu'il évoluait sous les couleurs sudistes !



Enfin un kiosque à journaux. J'aperçois de loin du vert, plusieurs maillots verts, et la Une de l'Equipe avec le titre "Les anges verts". Cette fois c'est sûr, l'ASSE a gagné la finale. Sur quel score ? 1-0, c'est suffisant. Une finale "ça ne se joue pas, ça se gagne". Dire que j'avais 6 ans la dernière fois que les Verts ont gagné quelque chose de significatif à l'échelon national, si l'on excepte les titres de Ligue 2. C'est con, mais à ce moment-là je me suis dit que des tas de mecs qui ne se connaissent pas avaient dû échanger des longs "OUAIIIIIIIIIIIIIS" sur le forum et qu'il devait y avoir une ambiance incroyable la nuit précédente dans les rues de Saint-Etienne, ainsi qu'aux abords du Stade de France.

Alors certes, ce n'est que la Coupe de la Ligue. C'est une coupe qui n'a pas le prestige ni l'histoire de la Coupe de France, une coupe "en bois" comme on dit parfois, qui est organisée de manière discutable, avec des têtes de série. C'est une compétition contre laquelle on a souvent pesté car elle alourdit le calendrier, car elle met aux prises des équipes qui n'alignent pas toujours leurs titulaires, car elle émane d'une institution (la Ligue Nationale) avec laquelle l'ASSE a souvent eu maille à partir. Je me rappelle du slogan "Gagnons leur coupe" affiché à Geoffroy-Guichard lors d'une demi-finale il y a quelques années, et reconnaissons que cette coupe n'est pas soudainement devenue magnifique parce que l'ASSE a marqué un but de plus que Rennes en finale. Mais bon, ça reste un titre. Un petit titre certes, mais quand on en attend un depuis 32 ans, on prend. Et on espère surtout qu'il en appellera d'autres.

C'est en effet à cela que j'ai pensé, devant le kiosque à journaux du Vieux-Port une fois le résultat connu. L'ASSE a réappris à gagner le 20 avril 2013. Elle possède dans son effectif des joueurs comme Clerc, Brandao, Clément qui ont remporté des titres avec d'autres clubs et qui ont un rôle primordial à jouer auprès de leurs camarades pour leur insuffler ce goût de la gagne. Cette Coupe de la Ligue 2013, elle restera un bon souvenir, mais espérons-le pas un souvenir auquel on fera encore référence dans trente ans ; souhaitons que ce ne soit qu'une étape vers d'autres victoires plus prestigieuses. 

Quelques semaines après cette verte matinée sur le Vieux-Port de Marseille, maintenant que la saison 2012-2013 a rendu tous ses verdicts, il ne faut peut-être pas non plus échafauder trop de plans sur l'avenir. Pour l'heure il faut encore savourer, se dire qu'après tous les moments difficiles que le club a traversés c'est tout simplement un beau moment de voir un Stade de France pratiquement tout vert, de voir les rues de Saint-Etienne couvertes de monde pour célébrer un trophée. De se dire que le vert est peut-être redevenu ce 20 avril la couleur des espoirs les plus fous.

 

Timick.