On a gagné ! On a gagné ! On a, on a, on a gagné ! Et c'est mérité. Replongeons dans le bonheur.


Cette finale, elle a déjà été vue et revue par un certain nombre de potonautes - sinon presque tous. Comme d’habitude, attachons-nous cependant à essayer de comprendre ces structures latentes qui encadrent l’écriture du scénario de cette valse d’un soir, en trois temps bien entendu.

Ca commence, donc, par un éclat de chaque côté (Ruffier est décisif devant Erding après 28 secondes ; Clerc dans la foulée manque le cadre de très peu), mais il s’agit en fait d’un faux départ : dans ce premier quart d’heure, les deux équipes se neutralisent. Cela permet d’admirer à loisir cette nouvelle tenue, toute verte de la tête aux pieds, arborée par les Ligériens. Il faut dire que, compte tenu des blessures, chaque coach a aligné sa meilleure équipe.

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Une surprise pourtant côté Vert : Zouma est titulaire à la place de Bayal. Galtier expliquera après coup son choix par la volonté de contrer le jeu de tête d’Alou Diarra. Or, l’ex-international est sur le banc – et on aurait pu s’y attendre : Pajot, de retour de blessure il y a un mois et demi, lui a piqué sa place et restait sur trois titularisations consécutives. Ce 4-2-3-1 breton est clairement asymétrique : alors que Pitroipa joue l’électron libre pour venir aider Féret et Erding, Diallo, son pendant en gauche, a plutôt tendance à rester proche de ses milieux, afin de permettre à Makoun de se positionner « à la Clément » (proche de sa charnière) et à Mavinga de se projeter depuis l’arrière.

Pendant ce round d’observation, les deux équipes vont largement sauter le milieu du terrain – Rennes par stratégie choisie, Saint-Etienne par nécessité : en effet, les Rouges poussent le pressing très haut. On voit déjà que Brandao est dans un bon jour, mais pour l’instant ça ne paie pas. D’ailleurs, la ligne des trois attaquants stéphanois s’attache d’abord à bien défendre, et y réussit bien. Rennes se procure une nouvelle situation dangereuse à la 12’, sur un coup-franc à 25 mètres, mais Ruffier réussit sa première sortie. Brandao marque un peu plus de cinq minutes plus tard sur la première occasion dans le jeu des Verts.


On va gagner, ça c'est juré !

Il faut dire que Saint-Etienne a progressivement pris la mesure du match en posant le pied sur le ballon et en utilisant mieux la largeur du terrain. Mais aussi, et c’est important, en se positionnant dans ses 40 mètres : les deux lignes de 4 avec Guilavogui en bouche-trou intermédiaire et Brandao devant en harceleur font merveille. Cela permet d’empêcher les très mobiles Féret et Pitroipa de trouver des espaces (on se souvient que c’avait été un des gros problèmes en championnat, que d’empêcher les créateurs bretons de se placer entre les lignes…) Les relanceurs rennais sont ainsi sans solution. Lorsque, désemparés, ces derniers allongent dans la boîte, les défenseurs Verts gagnent leurs duels aériens. Ajoutez à cela un gros impact physique, et vous obtenez un bloc quasi infranchissable.

Reste alors à attaquer, et à ce petit jeu les Verts ont deux armes principales : la vitesse des ailiers, capables de partir dans le dos très rapidement ; et Brandao en pivot, qui montre à quelques reprises ses qualités techniques - quelques jongles, et voilà comment une passe dos au but se transforme en course vers le but. Pour renforcer encore la pression sur les rennais, l’ailier opposé vient systématiquement dans l’axe, laissant le couloir au latéral. Les Verts se procurent des corners (très bien tirés pour une fois, et quasi-systématiquement pour François Clerc au début de match), mais c’est sur un contre rapidement mené (Guilavogui dans la profondeur pour Aubame qui centre pour Brandao) que Costil sort le grand jeu pour éviter le break (26’). Plus le temps avance, plus les Verts développent leur jeu offensif habituel ; on assiste enfin à la première « spéciale piston » réussie à la 29’. Enfin, Mollo démontre sa qualité de passe longue par des transversales au millimètre, qui déséquilibrent l’équipe adverse.

Cependant, c’est bien Rennes qui garde principalement le ballon, mais de manière stérile. Pour ne rien arranger, Erding se blesse (24’) ; son remplaçant, Cheick Diarra, n’a pas le même niveau. Féret et Pitroipa sont parfois contraints de redescendre dans le rond central pour toucher le ballon. Cependant, les hommes d’Antonetti auront deux situations intéressantes :
- Sur la première (40’), ils profitent que les stéphanois soient sortis de leurs bases arrières pour placer un contre dangereux ; Mavinga, seul car Aubame qui pioche déjà l’a laissé sans marquage, peut centrer, mais la reprise acrobatique finale de Cheick Diarra n’est pas dangereuse.
- La seconde (45+1) est un coup-franc : Féret cadre, mais Ruffier veille sur sa ligne.

La mi-temps arrive : le rêve se rapproche. Et les Verts veulent assurer la victoire : ça se voit d’entrée en seconde période. Mollo fait la différence côté gauche, mais Cohade vendange le centre en retrait (46’). A la 53’, le corner de Mollo trouve encore François Clerc, mais Pitroipa sauve sur sa ligne. Ca fait trois balles de break ratées ; et en face, Féret rappelle qu’un malheur sur coup de pied arrêté est vite arrivé, d’autant que les Rennais obtiennent facilement des coups-francs dangereux (48’, 54’). Mais il faudra compter sans le capitaine, Danzé, blessé et remplacé par Apam (57’), qui n’est pas un latéral et n’apportera pas beaucoup offensivement.



Dur, dur de tenir 90 minutes

La dernière demi-heure va se révéler très, très longue. La ligne des trois attaquants stéphanois va petit à petit sombrer physiquement. Cohade et Lemoine compensent un temps, mais avant la fin les stéphanois n’arriveront plus à sortir le ballon. C’est Aubame le premier à lâcher prise ; Brandao, extrêmement généreux, va tout donner, jusqu’à prendre l’aile gauche pour suivre les quelques montées d’Apam - mais il sera bientôt presque inopérant. Mollo aussi finit sur les rotules, et laisse sa place à Hamouma à la 73’. L’ex-caennais, décevant offensivement, s’acquittera en revanche plutôt bien du sale boulot devant Mavinga. Le problème, c’est que cette fatigue fragilise aussi le bloc défensif. Non seulement, les vagues rennaises reviennent de plus en plus vite ; mais en plus, les espaces commencent à s’ouvrir – on ne défend pas aussi bien à 8 + 2 cramés qu’à 10, même avec toute la solidarité du monde…

En face, Jean II Makoun prend ses responsabilités. L’ex-vilain laisse la tâche de sentinelle à Pajot et prend le jeu à son compte. Si Féret et Pitroipa restent décevants, Sadio Diallo se révèle très remuant ; mais c’est uniquement sur coups de pied arrêtés que Rennes inquiète les Verts (64’, 72’, 86’, 90’+3). Ruffier sera impeccable presque à chaque fois, et notamment décisif sur la reprise de Diallo sur le coup-franc mal dégagé à la 86’. Et l'on ne parle même pas de Perrin, qui assuma avec détermination et talent son rôle de capitaine.


« Et Paris qui bat la mesure / Laisse enfin éclater sa joie »

Enfin, les deux tiers du Stade de France exultent : l’arbitre a sifflé la fin du match. Le public, qui a d’autant plus donné de la voix que les Verts souffraient sur la pelouse, comme pour compenser par la force de leurs encouragements la faiblesse grandissante de ses protégés, peut lui aussi être fier de son match. Les chorégraphies des groupes Ultra reprises sur trois étages touchèrent au grandiose ; les chants résonnèrent encore longtemps dans une enceinte pourtant si peu chaleureuse habituellement. Christophe Galtier à genoux sur la pelouse puis à côté de Perrin pour soulever la coupe ; Zouma poussant le désormais mythique cri de guerre avec 50.000 personnes pour le reprendre ; Mollo s’attardant vers les supporters, ne voulant pas rentrer aux vestiaires pour profiter un peu plus de ce moment unique ; la joie de tous, remplaçants compris, des enfants émerveillés... Puis les chants de bonheur dans le RER, le quartier de la gare de Lyon tout vert en attendant le départ des TGV, et encore le lendemain des maillots, des écharpes croisées à Paris, sous le soleil printanier, et ce rêve réalisé : enfin l’ASSE a gagné quelque chose ; enfin les jeunes générations connaissent le goût de la victoire ; enfin, le « Qui c’est les plus forts » n’est plus une madeleine de Proust.


LE BUT : BRANDAO, 18’

Ca commence d’abord par un jaillissement de Lemoine au milieu de terrain ; la balle traîne alors vers le poteau de corner, Danzé dégage mais Aubame dévie en touche. Sur la remise en jeu, Aubame, Mollo, Cohade, Guilavogui et Brison, tous resserrés sur le côté gauche, font le pressing ; la bataille fait rage le long de la ligne de touche. Finalement, le ballon échoit à Mollo qui lance Aubame en profondeur d’un subtil extérieur du gauche ; le meilleur buteur stéphanois réussit un amour de centre lobé, lui aussi de l’extérieur du pied. Geste difficile, mais parfaitement dosé : Costil saute main opposée, mais est trop court. Derrière lui, Brandao, esseulé, prend son temps, s’applique et marque. Plat du pied, sécurité.