Quatorzième épisode des confessions d'Helder Postiga à son docteur, par Rising42.


Alloooooooo Docteuuuuuuur !

C’est Helder Postiga !

Bêêêêêêêêêêêêêêêêêh !!!…

Pardon ?… Quoi ?… Aaah, vous entendez des chèvres ?… Normal, Docteur, je vous téléphone de Roquefort. J’ai demandé une journée au coach pour suivre un stage d’intégration. Ben oui, mon intégration. Bêêêêêêêêêh !… Pourquoi ?… Je vous explique, Docteur.

Jeudi dernier, nous sommes revenus de Milan avec Fred Piquionne, comme vous le savez. Nous nous étions bien amusés… Nous étions devenus complices… Moi, j’étais content de cette aventure à deux, parce que je pensais que mes liens avec Fred allaient se resserrer et puis que notre entente allait enfin s‘étayer sur des bases de confiance. Lorsque je suis venu à Saint-Etienne, j’ai cru tout d’abord avoir débarqué dans un asile de fous ; c’est d’ailleurs pour cela que nous nous sommes connus, Docteur. Mais ce que je n’avais pas compris, c’est qu’en réalité j’étais venu jouer dans un équipe composée pour majorité de chèvres…. Et une chèvre, Docteur, ça ne pense pas, ça saute en l’air, et qui plus est c’est con comme un balai… Vous me suivez ?… Donc, après le match contre Monaco, durant lequel j’ai joué tout seul ou presque, comme d’habitude, j’ai compris que si on ne jouait pas avec moi c’est parce que je n’étais pas assez intégré, pas assez chèvre, en quelque sorte. D‘ailleurs, même le coach nous a dit, un jour, dans les vestiaires, qu‘on allait le faire devenir chèvre… Vous voyez… Lui même il y songe... Alors, j’ai pensé, qu’étant le dernier venu avec Basto, c’était à moi de faire l’effort de m’adapter afin d’être accepté. Basto, lui, a déjà joué en France, ce qui fait qu’il est très à l’aise dans toutes les situations qui se présentent à lui. Mais, moi, je suis très novice en matière d’ovin. Donc, j’ai décidé de faire un stage… J’en ai parlé au coach, et je lui ai demandé où il fallait aller pour trouver la plus importante densité de chèvres au mètre carré, en dehors de l‘équipe stéphanoise de cette année. Il m’a répondu que bien sûr ici j’étais servi, surtout au premier étage avec les deux affolés à l’écharpe verte, mais que si je voulais véritablement me nourrir d’une expérience enrichissante, il fallait que j’aille voir un peu ailleurs : il me donna le choix entre la Corse et Roquefort. J’ai choisi Roquefort, car je garde une expérience stressante des menaces corses que j’avais subies il y a quelques mois, et de plus j’ai vu des reportages à la télévision expliquant que les Corses n’aimaient pas les immigrés. Bêêêêêêêêêêh !!!… Voilà, Docteur, vous savez tout...

C’est génial ici, Docteur… Que des biquettes qui sautent les barrières et qui font des têtes cadrées… Remarquez, elles n’ont pas de mal, puisqu’il n’y a pas de cadre… C’est quand même bizarre que le coach m’ait conseillé ce stage ici, sans cadre… Moi je suis habitué à cadrer… Aaaaah, vous avez raison, Docteur… Je suis bête, fouilla !… Si je suis venu ici, c’est précisément pour m’adapter aux autres, donc pour ne pas cadrer… Bêêêêêêêêêêêh !!!

Bon, comme j’ai quelques minutes pendant la traite, je vais en profiter pour vous raconter ma fin de semaine.

Donc, samedi soir, nous avons joué un match international contre une équipe étrangère : Mocano. Une Principauté bananière… Dirigée par un Prince, bien sympa… Un peu… Euh… Nooon… Pas Lyonnais… Mais pas loin… Enfin on ne sait pas trop…. Des rumeurs… Une chose est sûre, c’est qu’il travaille au recrutement futur du club de football en fabricant lui-même les joueurs africains monégasques pour 2020. Je trouve que l’idée est excellente… De plus, ça ne coûte pas cher…Il faut juste leur payer la bouffe et l’école… L’intérêt avec ce système c’est que si les joueurs veulent avoir accès à l’héritage à la disparition du Père Prince Président, ils sont obligés de jouer à fond durant toute leur carrière. Il faudrait que j’en parle au petit excité à l’écharpe verte, qui ne sait plus quoi imaginer pour être original et se faire remarquer. Seulement, c’est sûr, Docteur, vous avez raison, il faut quand même une sacré santé pour engendrer toute une équipe, avec les remplaçants… Mais, bon, il y a plein d’avantages : les allocations diverses, les bourses pour les études… Et plein de choses encore auxquelles je ne pense même pas.
Sinon à part le Prince, il y a la grande sœur, Lacorine de Mocano… Sans intérêt… Elle ne s’intéresse pas au foot, et le seul sport qu’elle pratique, c’est d’agiter la quincaillerie qu’elle trimballe autour de son grand cou, et de surveiller son Schumacher de mari qui marche toujours dans son dos.
Enfin, il y a la petite sÅ“ur… Stéphanie de Mocano, aussi de Mocano. Ouiiiiii, Docteur… Ils sont tous de là-bas… Alors, elle, c’est un cas. Elle a des relations ultra rapides… Une tornade… Un ouragan… Elle aurait fait un super avant-centre, avec des sprints de cinquante mètres et hop... Le ballon au fond des filets... Tout en se tapant le gardien et la défense en même temps. En fait, elle voulait être gardien de but… Mais sa devise étant : Entrez c’est ouvert , sa future carrière n’a pas fait long feu. Remarquez, Docteur, que si la devise avait été : Entrez c’est tout vert , elle aurait pu espérer une carrière chez nous.
L’entraîneur de Mocano est aussi étranger, Italien, Francesco Mandoline. Il a remplacé le plus grand entraîneur européen de tous les temps, Didier Dei Campi, qui a joué un peu partout où il y avait des seringues, notamment à Marseille et à la Juventus. Et puis, il a démissionné en début de saison, parce que le Real de Madrid voulait l’embaucher, mais une fois à Bernabeu, il n’a pas voulu rester à cause des seringues qui n’étaient pas fabriquées par la marque avec laquelle il a signé un contrat.
À part ça, Mocano est une équipe qui est encore pire que la nôtre. Enfin non, pas pire, mais pire pareil que nous, si vous voyez ce que je veux dire. En plus là-bas, les joueurs sont très bien payés. Ils ne payent pas d’impôts. Ils font leurs courses au Casino … Même que parfois ils passent à la caisse avec un caddy, on leur en donne sept gratuits. Ce sont des chèvres de luxe. Bien mieux payées que nous. Donc, nous avons un certain mérite d’être à leur hauteur au classement. Ici, à Saint Etienne, les joueurs sont mal payés, sauf les remplaçants qui ne jouent jamais et qui roulent en voitures de luxe, alors que les titulaires prennent le tram. À l’exception de Piquionneta qui ne prend rien du tout… Lui, il court… Ici, Docteur, il vaut mieux ne pas être titulaire, croyez-moi… C’est la belle vie… Sauf si on s’appelle Mazure ou Gomis… Dans leur cas, c’est dur… Cette semaine, Mazure a égalisé la pelouse avec une paire de ciseau… Il faut bien qu’il s’occupe… Et Gomis, un jeune d‘avenir à mon goût, et un jeune con au goût du coach, ramasse les brins d’herbe coupée avec une pince à sucre… Il faut bien qu’il s’occupe aussi. Pour arriver à vivre dignement, ils font comme en Angleterre, ils cumulent les emplois. Mazure joue les arrêts de jeu les soirs de pleine lune et s’occupe de l’entretien du stade, des voitures du staff et de ses collègues ainsi que du cirage des chaussures de Piquionninho. Gomis joue dans deux équipes : le mercredi en CFA et le Dimanche en fin de match en Ligue 1, et en plus il est obligé de marquer des buts pour arrondir ses fins de mois, car le petit frisé à l’écharpe verte lui donne un billet de 20 euros à chaque but, discrètement de la main à la main, comme le dresseur donne un poisson à son otarie. Le problème pour Gomis, c’est quand il marque trop de buts, comme cette semaine… Alors, le coach ne le fait plus jouer pour qu’il ne gagne pas trop d’argent, car il pense qu’il ne faut pas habituer les jeunes à gagner de l’argent trop facilement pour ne pas qu’ils soient gâtés. Van Piquionnoy, lui, n’est plus un jeune, et de plus il est maladroit de ses mains, comme de ses pieds d’ailleurs… Il n’est adroit que de sa tête, mais pas à plus de trente centimètres de l‘objectif… Il faudrait que le club lui paye une paire de lunettes ou un chien d’aveugle, mais le petit excité à l’écharpe verte n’a pas d’argent, à cause d’Omar qui mange beaucoup trop de croquettes au bœuf de la pampa argentine livrées par avion spécial. C‘est donc pourquoi Vennegor of Piquionnink joue tous les matches puisqu‘il n‘est bon à rien d‘autre. Il est ainsi payé pour courir, et donner aux supporters l’impression qu’il se passe quelque chose durant les matches. Docteur, savez-vous qu’il a un grand talent de mime… Souvent il imite à la perfection l’attitude de l’attaquant déçu, désespéré, ou de Gaulle, les bras en V, lorsqu’il criait aux Québecois : Je vous ai compris, ou bien Jeanne d’Arc sur le bûcher, ou encore un Messerschmitt en piqué qui se trompe de cible. Mais il a encore de bien beaux rôles en réserve. Mais heureusement, Del Piquionno est le meilleur buteur de l’équipe, avec cinq buts… Il est le Canada Dry du football… Il ressemble à un buteur, mais ce n’est pas un buteur.
Un autre aussi qui est payé à ne rien faire, si ce n’est de participer au décor, c’est Feindouno… Un copain du coach… Acheté en solde à Bordeaux l’an dernier… Mais lui, il est génial… Il paraît que l’an dernier les supporters ont pu parfois le constater . Mais il a le génie rare, car, pour ma part, je n’ai jamais rien vu de tel. Déjà quand je suis arrivé, il partait en stage de momification en Egypte, et quand il est revenu, il avait tellement bien assimilé les cours là-bas, qu’il était totalement momifié. Moi je vous le dis, Docteur, rien ne peut le dérider. Même le petit frisé au maillot vert a essayé les carottes, les chèques en blanc, les menaces… Rien… Plus rien… Le coach le fait jouer parce que dans le cas contraire, le Président de la République de Guinée, un copain à lui, n’achètera pas les deux Mirage IV d'occase que les Français espèrent lui vendre, avant d’aller les détruire une fois livrés… Enfin, une histoire de commerce international auquel je ne comprends strictement rien. Enfin, voilà, Docteur, c’est particulier chez les Verts. Plus on avance et plus on recule. Moi je ne sais pas si je vais rester. Enfin, je fais quand même tout ce qu’il faut pour ne pas partir, puisque je suis à Roquefort.

Comment ?… Vous voulez que je vous parle du match?… J’ai pas grand chose à dire… Si ce n’est que c’était la première fois que je jouais devant un stade pratiquement plein. Superbe. Enfin, je parle du public… Le match… Euh… Je l’ai joué seul. Donc je n’ai pas été très bon. C’est difficile, Docteur, d’attendre des ballons… Même pas des bons ballons !… Juste des ballons !.. Après, moi, je me débrouille !… C’est mon job !… Mais, on ne veut pas me laisser travailler.
Donc, vraiment rien à dire, sauf trois têtes d’Ibrapiquionnovitch qui a mis la première balle un mètre qinquante au dessus de la cage, la deuxième à un mètre, et la dernière sur la barre transversale. S’il y en avait eu d’autres, la quatrième aurait été dans les bras du gardien, la cinquième dégagée sur la ligne par un défenseur et la sixième à l’intérieur des cages, mais refusée pour un hors jeu. Mocano a marqué contre le cours du jeu… Et les parias des Verts ont égalisé : but de Gomis sur une belle passe de Mazure… Salué par un public frondeur et moqueur quelques minutes auparavant… Je suis tellement dégoûté, Docteur, que je n’ai rien d’autre à ajouter. Peut-être que mon stage avec les chèvres aveyronnaises sera le déclic nécessaire pour comprendre le jeu stéphanois. L’espoir fait vivre.

Bon, je vais devoir vous laisser…

Bêêêêêêêêêêh!…

Le troupeau arrive pour la soupe…

Bêêêêêêêêh!…

Je vous rappelle un de ces jours pour vous donner des nouvelles. D’ici là, Docteur, portez-vous bien.

Auteur : Rising42