Et comme un Chaudron en ébullition. Parce que non seulement les Verts ont gagné pour la première fois à domicile cette saison, mais ils l'ont fait à la dernière minute, contre le vilain rival historique !


Le titre de cette analyse n'est pas original, il a été utilisé il y a deux saisons pour le premier derby de Gasset à la tête de l'ASSE, quand Debuchy a égalisé à la dernière minute, à Lyon. Mais ce n'était pas une victoire. Et il ne faut pas oublier le dernier derby à domicile, quand les Vilains ont gagné avec un but dans le temps additionnel. Bref, ces matchs se décident souvent dans les dernières minutes, et c'est donc encore plus réjouissant que cette fois-ci ça tourne en faveur des Stéphanois.

Comment gagne-t-on un derby à la dernière minute ? En étant très solides pendant le match, comme le souligne Claude Puel, qui commence de la meilleure des manières dans son rôle de manager sportif du club : "les joueurs ont été extraordinaires, très disciplinés, ils ont mis beaucoup d'intensité et de cohésion dans leur match". Et en ayant un peu de chance à la fin : "il y avait beaucoup de fatigue, on s'est fait prendre un petit peu dans notre dos. On aurait pu perdre le match, on le gagne à la 90e mais ça vient récompenser toute notre abnégation et de notre part un très gros match"

Regardons tous ces éléments en détail.

 

1MT : Bien fermé au milieu

 
Pour son premier match à la tête des Verts, le staff technique a fait le choix d'une défense à 3, un système 3-4-1-2 avec plusieurs surprises dans la composition :


En pointe, Diony et Abi ont démarré leur premier match de la saison (de sa carrière en pro pour le second), Boudebouz en soutien des attaquants, Trauco et Bouanga en pistons. Un petit détail tactique a été l'inversion de la paire M'Vila - Youssouf au milieu, le premier passant à droite, ce qui a rendu compliqué le marquage individuel prévu sur lui. Côté Lyon, le système tactique a été similaire, un 5-3-2, et l'approche stéphanoise pour le contrer est visible sur l'image précédente : le trio du milieu adverse est enfermé par les 2 milieux et 3 offensifs (très disciplinés) de l'ASSE.

Les défenseurs adverses sont donc obligés de se passer le ballon, faute de solutions...


... et ils le font pendant de longues secondes, de gauche à droite et inversement, pendant que le bloc stéphanois coulisse très bien :


Ainsi, après de très nombreuses passes latérales au centre du terrain, sans autre solution...


... un défenseur balance un long ballon vers ses attaquants. C'est facilement repoussé de la tête par Saliba, mais c'est un Lyonnais qui récupère la balle :


Il essaye de combiner avec Depay, mais Perrin jaillit et intercepte, décalant ensuite Bouanga à droite, qui trouve Abi un peu plus haut :


Le jeune attaquant se joue de son défenseur et le contre stéphanois peut être dangereux, il ne restait plus que deux défenseurs et Boudebouz et Diony offraient des solutions. Malheureusement, Abi est fauché par le défenseur (qui écope d'un jaune) et le contre est arrêté.

Le coup franc est joué par Saliba avec Perrin...


... qui combine avec Youssouf, avant que Saliba n'écarte de l'autre côté, sur Kolo et Trauco. Les Verts ne se jettent pas en attaque, le ballon revient dans les pieds des défenseurs :


Trauco-Youssouf-Perrin, le premier quitte la ligne de touche et rentre un peu dans l'axe pour ouvrir une possibilité de passe à son capitaine. Les deux échangent des passes verticales...


... comme si de rien n'y était, comme s'il n'y avait pas de bloc adverse en place. Ce qui est partiellement vrai, la défense à 5 est en place, mais les deux attaquants ne coupent aucun angle de passe et le trio des milieux ne couvre pas grande chose. Le jeu devrait aller de l'autre côté, un circuit de passes Youssouf-M'Vila-Boudebouz contournerait complètement les milieux adverses et créerait un décalage. Mais ça ne sera pas le cas dans cet exemple, Perrin et Trauco jouant avec Diony, très excentré...


... qui combine avec Youssouf. Le une-deux fonctionne très bien parce que Trauco repique dans l'axe fixant le piston droit adverse. Il est recherché par Diony...


... et le ballon arrive à Youssouf, qui percute balle au pied, pendant qu'au deuxième poteau ses coéquipiers sont libres. Il trouve Boudebouz...

 
... mais malheureusement son tir est repoussé sur le poteau par le très vilain gardien, avant que le ballon soit dégagé en corner, pour la plus grosse occasion de la première période. Ce long exemple est représentatif du rapport de forces en 1MT, avec une possession lyonnaise (60%) complètement stérile (aucun tir tenté en dehors d'un coup franc direct de très loin après la demi-heure de jeu). Le bloc stéphanois très discipliné a complètement anéanti l'animation offensive adverse...


2MT : Des espaces dans les défenses

 
De retour des vestiaires, les Verts ont mis le pied sur le ballon, avec 64% de possession. Toujours plus dangereux (4 tirs stéphanois contre 0 lyonnais dans les 25 premières minutes de la 2MT), ils pouvaient néanmoins se faire surprendre dès qu'ils n'étaient pas en place, comme dans cet exemple à la 54e :


Les trois offensifs stéphanois (Diony-Boudebouz-Abi) sont alignés, mais très haut, il n'y a pas de bloc proprement dit. En plus, le défenseur central gauche adverse est très excentré, quand il reçoit le ballon, Bouanga monte le chercher, même si ce n'était pas son adversaire direct. Jeu long sur le piston gauche...


... et déviation pour un milieu central, qui a plongé dans le dos de Saliba, sorti couvrir Bouanga. M'Vila suit son adversaire direct, mais il est trop court et comme Perrin rate son tacle, le Lyonnais s'échappe vers le but. Heureusement, Kolo est en couverture : il réussit son tacle et le ballon arrive dans les gants de Jessy Moulin. Qui prend son temps avant de relancer, ce qui laisse le temps aux adversaires de former leur bloc :


Sauf que deux passes verticales (le circuit Youssouf-M'Vila-Boudebouz...) suffisent pour traverser le rideau des attaquants et le triangle des milieux. Boudebouz se trouve donc face au jeu, la défense à 5 adverse est en train de reculer...


... et Bouanga est parfaitement lancé en profondeur dans son couloir. Il s'y joue de son adversaire direct, puis d'un autre, avant de finalement armer une frappe au premier poteau, déviée en corner par le gardien.



A partir de la 70e le rapport de force a de nouveau changé. Les Lyonnais ont repris la possession (57%) et sont enfin devenus dangereux, avec 4 tirs à 0 dans les 20 dernières minutes du temps réglementaire. Pendant ce temps, le premier changement stéphanois a vu Khazri prendre la place de Diony, le bloc compact au milieu toujours en place :


Pour le deuxième changement, Beric est entré à la place d'Abi. Mais en même temps, les adversaires sont réduits à 10, avec le piston gauche blessé après les trois changements effectués. Ils défendent donc en 4-4-1, comme dans cet exemple à la 86e :


Côté stéphanois, il y a toujours la défense à 3, le deux avant-centres, les deux pistons et le trio au milieu Youssouf-M'Vila-Boudebouz. Le premier cherche Bouanga avec un long ballon en profondeur, mais c'est une sortie de but. Le gardien adverse dégage côté droit...


... où le ballon est initialement gagné par ses coéquipiers, avant que Perrin n'intervienne pour le pousser jusqu'à Khazri. La passe de l'attaquant stéphanois n'est pas précise, la possession redevient lyonnaise :


Depay décroche pour offrir une solution, Perrin sort sur lui (l'autre AC est marqué par Kolo). De l'autre côté, Bouanga est trop haut et le même milieu central que dans l'exemple précédent se place dans son dos. Perrin suit son adversaire direct assez haut mais ne peut pas l'empêcher de lancer en profondeur son coéquipier ...


... qui élimine Saliba avec un contrôle orienté et se présente devant Moulin. Il rate heureusement le cadre.

A peine 2 minutes plus tard, la possession est stéphanoise, dans la moitié adverse :


Perrin-Saliba-M'Vila-Youssouf-Kolo, des passes latérales pour chercher une faille dans le bloc adverse, toujours en 4-4-1. Et c'est juste une question de temps avant de trouver une solution de passe vers l'avant, puisque les 5 offensifs de l'ASSE (deux attaquants, deux pistons, un "10") se trouvent très haut. Le ballon circule maintenant de gauche à droite...


... et les défenseurs adverses se trouvent en 4-contre-4, avec Boudebouz complètement oublié dans le couloir. Il est trouvé par M'Vila, mais son centre est repoussé par un défenseur en touche. Ce n'est pas grave, il a droit à une deuxième chance quand il reçoit le ballon de Bouanga :


Il travaille son adversaire direct, pendant que ses coéquipiers attendent le centre - on voit bien comment le piston droit adverse a du mal à se positionner. Dans une défense à 4, il devrait être aligné avec ses coéquipiers, mais dans un système à 5, il a un adversaire direct à chercher, Trauco. Et pendant que Boudebouz s'amuse avec le milieu adverse...


... ce positionnement du piston droit lyonnais est fatal. Il ne serre pas Beric, qui se place dans le dos du dernier défenseur central, d'où il place sa tête gagnante, qui délivre le Chaudron.
 


Conclusions

 
Grâce à ce but à la dernière minute, les Verts ont gagné un match (pas n'importe lequel !), mais ils ont surtout conclu une très belle semaine, avec 7 points pris en 3 matchs. Si la victoire dans la souffrance à Nîmes leur a fait du bien au moral, s'ils ont réussi leur premier match plein contre Wolfsburg, le fait d'avoir enfoncé leur rival représente un énorme boost de confiance. Même si le nouvel entraîneur de l'ASSE a raison de tempérer ("ça ne doit pas occulter qu'on a beaucoup de travail, beaucoup de choses à régler en termes de jeu"), même si le chantier du renouveau commence à peine, il démarre sur de bonnes bases. De quoi passer une belle trêve internationale et attendre avec impatience la suite...