Ancien défenseur central des Verts et ex-capitaine du Nîmes Olympique, Daniel Sanlaville nous a livré ses impressions après avoir assisté au match nul vendredi dernier aux Costières.
Peux-tu nous rappeler ton parcours de joueur ?
J’ai fait toute ma formation et mes débuts en pro à Grenoble, où j’ai joué ensuite plusieurs saisons en deuxième division. Grenoble m’a prêté à Nîmes la saison 1970-1971 avant de me transférer à Saint-Etienne où j’ai évolué deux saisons. Albert Batteux, qui m’avait formé à Grenoble, m’a fait venir chez les Verts pour succéder à Bernard Bosquier, parti à l’OM avec Georges Carnus. J’ai signé trois ans à l’ASSE mais je ne suis pas resté la dernière année suite à l’arrivée d’Oswaldo Piazza. Moi je voulais jouer, je ne voulais pas rester à Sainté en tant que remplaçant. J’avais 24 ou 25 ans à ce moment-là, j’avais besoin de jouer. Nancy et Lille m’on alors sollicité mais ma femme étant nîmoise, j’ai préféré revenir au Nîmes Olympique. J’ai enchaîné cinq saisons dans l’élite là-bas, avant de terminer ma carrière de joueur en deuxième division, à Rouen puis à Toulouse.
Quels souvenirs gardes-tu de tes vertes années ?
La fierté d’avoir évolué dans le plus gros club français de l’époque. L’ASSE était un club très bien structuré comparé à tous les autres clubs français, notamment à Nîmes ou c’était archaïque. Saint-Etienne avait déjà un passé derrière lui. Le club s’était déjà forgé un beau palmarès sous la houlette de Jean Snella et d’Albert Batteux. Saint-Etienne, c’était formidable. C’était toute une ambiance. Il y avait beaucoup d’étrangers. Il y avait les mines avec les Polonais. Il y avait les Africains, les Italiens, des amoureux du football. C’étaient aussi des ouvriers, des gens pas très aisés qui adoraient l’ASSE. J’ai eu la chance de jouer avec Curkovic, Rocheteau, Larqué, Bathenay, Revelli, Santini, Janvion, Piazza, Bereta, Sarramagna… Certains étaient déjà des vedettes, d’autres le sont devenus. La première année, j’ai joué avec Roby, c’était le capitaine de l’équipe. La deuxième année, suite au départ d’Abert Batteux, Roby est devenu l’entraîneur.
Tu es resté en contact avec certains de tes anciens coéquipiers stéphanois ?
Bin sûr, je retourne souvent à Saint-Etienne. Je vais chez Patrick Revelli. Je vais souvent aussi à Cannes voire Christian Lopez. Toutes les années, on fait une compétition de golf. Le président, c’est Christian Lopez et le vice-président, c’est Jean-Michel Larqué. La femme de Jean-Michel est la marraine de mon fils et moi je suis le parrain de son fils. Je suis donc très proche de la famille Larqué. Je vois souvent les anciens Verts et encore aujourd’hui je suis avec intérêt les matches des Verts, que ce soit à la télé ou au stade. Je vais voir leurs matches à Marseille, à Lyon, à Nîmes et il m’arrive aussi de retourner voir des matches à Saint-Etienne.
Je suppose que l’attention que tu portes au Nîmes Olympique est au moins aussi forte que celle que tu as pour nos Verts !
Evidemment. J’ai joué sept saisons là-bas, dont deux ans capitaine. On était une équipe de copains, je suppose que maintenant c’est pareil, les joueurs actuels ont l’air de bien s’entendre. On jouait les premiers rôles en première division, c’était plaisant. Et le stade Jean-Bouin, ce n’était pas le stade des Costières, hein ! Jean-Bouin c’était mythique, les gens avaient peur de venir jouer chez nous. C’était super sympa. Ce n’est plus du tout la même époque, les temps ont changé, mais les Nîmois et ceux qui vivent aux alentours ont l’impression que l’équipe actuelle nous a un petit peu « copié ». Ils jouent avec les valeurs qu’on avait. On n’était pas supers joueurs comparés à ceux de Marseille, Nantes et Saint-Etienne. Mais on se battait 90 minutes comme le font les Crocodiles d’aujourd’hui. Les supporters nîmois sont demandeurs de ça, ils veulent que les joueurs se donnent. On avait la chance de gagner souvent, les gens étaient heureux quand ils sortaient du stade. J’ai eu l’occasion de revenir au Nîmes Olympique bien après la fin de ma carrière de joueur quand le club est monté avec Pierre Mosca et Bernard Boissier. Je suis devenu « le troisième entraîneur » du Nîmes Olympique. J’étais chargé du recrutement et de la supervision de tous les adversaires du club. J’ai exercé ces missions quelques années jusqu’à ce que Dominique Bathenay arrive en 2000-2001. Même si je suis Bressan, je suis installé à Nîmes depuis 47 ans car je suis retourné y vivre dès la fin de ma carrière professionnelle. Depuis plus de cinq ans, je suis président du golf de Nîmes Vacquerolles.
Ton équipe n’avait pas épargné les Verts huit jours avant la finale de la Coupe d’Europe. Blessés lors de ce match, Christian Synaeghel et Gérard Farison avaient dû déclarer forfait à Glasgow. Comment as-tu vécu ce match viril mais pas très correct des Crocodiles et les polémiques qui en ont suivi ?
Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler il y a deux ans dans L’Equipe et il y a quelques jours sur France Bleu Gard Lozère, ces polémiques n’étaient pas toute justifiées. J’ai trouvé ça injuste qu’on stigmatise à ce point les Crocodiles. Des tacles comme celui dont a été victime Christian Synaeghel, ça arrive tous les week-ends en L1 comme dans d’autres championnats. On a en a vu un ou deux comme ça de chaque côté vendredi dernier aux Costières. Dans le feu de l’action, n’importe qui peut se faire blesser. Parfois il y a juste un dixième de seconde de retard, et plutôt que de prendre le ballon, tu prends la cheville. Je rappelle par ailleurs qu’on ne voulait pas jouer ce match contre Saint-Etienne à ce moment-là, c’est Roby qui a insisté pour qu’il ait lieu huit jours avant la finale pour que son équipe garde le rythme de la compétition. Saint-Etienne n’avait pas l’habitude d’être accroché à la maison. Les Verts ont bénéficié d’un penalty imaginaire qui les a remis dans le match, c’est ça qui a un peu mis le feu. Mais ça n’excuse par le geste qui a blessé Gérard Farison. Personnellement je n’ai pas eu de problème avec les joueurs stéphanois. A la sortie du stade, notre car a été caillassé. C’était chaud. Moi je suis sorti avec Jean-Michel Larqué, les gens se souvenaient de moi et ils m’ont épargné.
Que penses-tu du début de saison des Nîmois ?
Pour avoir vu quasiment tous leurs matches soit au stade, soit à la télévision, je trouve que Nîmes joue avec du talent. Je suis impressionné car je dois reconnaître que j’étais un peu sceptique au départ sur les chances du Nîmes Olympique de bien figurer dans l’élite. Il y a une telle différence entre la L2 et la L1 que j’avais un peu des doutes sur le maintien de l’équipe. Je suis persuadé désormais qu’ils peuvent y arriver. Bien sûr, il ne faudrait pas trop qu’il y ait de blessés car Nîmes a un effectif plus limité que bon nombre de clubs de l’élite. Mais je suis assez confiant car il s’avère que les joueurs ont encore progressé. Je ne le connais pas personnellement mais Bernard Blaquart fait du bon boulot avec ses joueurs. Il les connaît pour la plupart depuis longtemps. C’est une équipe jeune, qui court. Il la fait jouer sur ses qualités qui compensent ses défauts. Les équipes de première division sont un peu surprises car elles n’ont pas l’habitude d’être bousculées par un promu.
Les Verts en ont fait les frais vendredi dernier en seconde période.
Effectivement, j’ai assisté à cette rencontre. J’ai vu un bon match. Les Verts ouvrent le score très vite, ils ont ensuite eu plusieurs occasions de tuer le match mais ils n’ont pas su le faire. Anthony Briançon notamment a fait un sauvetage qui a permis aux Nîmois de rester dans le match. La deuxième mi-temps a clairement été à l’avantage du Nîmes Olympique, même si l’ASSE a eu également des occasions en fin de match. Le nul me semble équitable. C’était un match plaisant, rien à voir avec le match nul où Guingamp n’avait pas joué. Saint-Etienne est venu pour jouer aux Costières. Les Verts sont venus pour gagner… mais ils ont failli perdre ! Moi j’ai bien aimé ce match. Je ne sais pas ce que va donner leur prochaine confrontation dès mercredi. Le contexte sera très différent, la Coupe de la Ligue ce n’est pas le championnat. Je ne sais pas quelle sera la motivation des joueurs, je suppose que les deux entraîneurs vont faire tourner. J’espère que le match sera aussi sympa à regarder que celui de vendredi.
Quel est ton avis sur le début de saison des Verts ?
Il est pas mal même s'il n'y a pas de quoi sauter au plafond. J'avais déjà vu leur match précédent contre Rennes, ils avaient été plus que moyens. Ils auraient dû perdre. Ils n'ont pas fait un très bon match. Je les ai vus aussi contre Montpellier. Ils ont fait un match nul et vierge sur la pelouse pourrie du stade de La Mosson. C'était là encore un match très moyen, en tout cas fermé. J'ai également regardé le match des Verts contre Lille. Ils ont bien débuté mais dès qu'ils ont concédé l'ouverture du score, ils ont flanché. Mais à côté de ça ils ont quand même fait quelques bons matches et ils avaient réussi une série de trois victoires consécutives. Offensivement, cette équipe dépend beaucoup de Rémy Cabella et Wahbi Khazri car les autres attaquants ne sont pas trop dans le coup. Derrière, Loïc Perrin commence à devenir un peu "vieux" donc la défense centrale est un petit peu à la rue. Loïc Perrin est en déclin mais je trouve qu'il n'est pas aidé par des milieux de terrain qui ne défendent pas beaucoup. Quand tu perds la bataille du milieu, t'es en danger en défense. On l'a vu à un plus haut niveau ce dimanche lors du clasico. Le Real Madrid a été humilié alors que Sergio Ramos est l'un des meilleurs défenseurs du monde. Ramos c'est quand même bien plus fort que Perrin mais lui aussi a souffert, d'une part parce qu'il était un peu dedans, mais aussi parce qu'il n'a pas été aidé par ses milieux de terrain.
Es-tu surpris de voir Sainté jouer sans numéro 9 de formation ?
C'est vrai qu'à Nîmes les Verts ont encore joué sans pur attaquant de pointe. Cabella jouait côté gauche et Khazri de l'autre côté, il n'y avait pas d'avant-centre fixe comme à Nîmes avec Guillaume ou Ripart. Les défenseurs nîmois ont été surpris. Ils étaient trois en défense contre deux joueurs qui jouaient en attaque mais pas dans l'axe. C'est un peu délicat mais il faut dire que Loïs Diony et Robert Beric, destinés à la base à jouer en neuf, n'ont pas vraiment donné satisfaction depuis le début de saison. Les gars jouent avec leur talent, avec leurs moyens. Ce ne sont pas des très grands joueurs mais ils sont solidaires. Par contre les Verts ont de la chance de pouvoir compter sur Stéphane Ruffier. Je l'ai encore trouvé très fort vendredi. S'il y a bien un poste où il n'y à rien à redire et aucune question à se poser à Sainté, c'est bien au poste de gardien de but !
Malgré leur prestation contrastée aux Costières, es-tu optimiste pour les Verts cette saison ?
Je vois les Verts finir dans les huit premiers, comme toutes ces dernières années. Je pense qu'ils peuvent viser l'Europa League et ambitionner de gagner la Coupe de France ou la Coupe de la Ligue. Mais pas mal d'autres clubs ont les mêmes visées. Le Paris-Saint-Germain sera encore champion, ensuite c'est sûr et certain qu'il y aura Lyon. Après, ça va se jouer entre Montpellier, Marseille, Lille, Saint-Etienne. Nantes et Bordeaux ne marchent pas bien, Rennes vient de perdre, Monaco est relégable. J'ai oublié Nice mais je ne les vois pas européens. Vu les problèmes rencontrés par meurs concurrents concurrents même s'ils ne sont pas enthousiasmants cette saison, les Verts sont armés pour jouer la quatrième ou la cinquième place. Je ne les vois pas sur le podium.
Que manque-t-il à Sainté pour jouer le podium ?
Je pense qu'il manque un grand défenseur central. Même si la charnière Perrin-Subotic a globalement donné satisfaction la saison dernière, on voit bien qu'elle est à la peine cette saison. Surtout Loïc Perrin, qui n'est plus le patron de la défense. Les Verts ont des latéraux plutôt bons mais c'est moins important . Je pense qu'il manque également un taulier au milieu de terrain pour que Rémy Cabella et Wahbi Khazri puissent s'exprimer au mieux. Yann M'Vila et Ole Selnaes, c'est pas mal, mais il faudrait un relayeur, un joueur fort dans l'impact et dans le pressing avec un gros volume de jeu. Un relayeur à la Blaise Matuidi. Un gars qui aille au charbon pour gratter les ballons et servir dans les meilleures conditions les joueurs offensifs. Je pense que ça stabiliserait l'équipe. Mais l'ASSE a un groupe de qualité, Jean-Louis Gasset fait quand même bien jouer son équipe.
Merci à Daniel pour sa disponibilité