Ancien attaquant des Verts, l'entraîneur adjoint de Bordeaux Alain Bénédet s'est confié aux potonautes avant d'accueillir Sainté ce dimanche à 17h00.


Peux-tu nous rappeler le contexte de ton arrivée à Sainté lors de l'été 1986 ?

 

Je suis arrivé en provenance de Toulon, qui m'avait repéré en troisième division alors que j'évoluais à Albi. Ma première année à Toulon, j'avais un statut amateur. Le matin je m'entrainais avec les pros et l'après-midi je travaillais à la mairie. Cette année-là j'ai marqué 14 buts en deuxième division. J'ai signé stagiaire et la deuxième année on est monté en première division. Après je suis passé pro. Après quatre ou cinq ans au club, j'ai demandé à me faire prêter pour changer d'air. Pierre Garonnaire me suivait depuis deux ou trois ans. J'étais également sollicité par Starsbourg mais j'ai choisi de rejoindre les Verts.

 

Quels souvenirs gardes-tu de ton unique saison sous le maillot vert ?

 

Je garde de très bons souvenirs de mon passage à Saint-Etienne. Avoir la chance de jouer dans ce club, ce n'est pas donné à tout le monde ! C'est une chance extraordinaire. Ça reste un club mythique. J'ai côtoyé des gloires du club comme Georges Bereta, les frères Revelli. Pour moi c'était des idoles. Adolescent, je suivais avec passion leurs exploits européens. Piazza, Curkovic... je les revois encore comme si c'était hier ! C'est Saint-Etienne qui a lancé le football français. C'est fabuleux de connaître ce club de l'intérieur et de jouer dans le Chaudron. J'ai beaucoup apprécié l'ambiance à Geoffroy-Guichard. J'avais la chair de poule quand j'étais sur le terrain. J'ai aussi apprécié les structures très avancées de l'ASSE. On arrivait juste les mains dans les poches, tout était lavé, les bains étaient coulés, tout était prêt. C'était vraiment une organisation que les clubs allemands avaient déjà mais en France seul Saint-Etienne avait cette structure-là.

 

En tant que joueur stéphanois, as-tu gardé des souvenirs précis de match en tête ?

 

Sous la houlette de Henry Kasperczak, j'ai joué plus d'une trentaine de matches. Bien sûr je ne les ai pas tous en mémoire mais j'ai gardé en tête quelques images marquantes. Je me souviens notamment d'un but que j'ai mis en tout de début de saison en Coupe de la Ligue. J'avais marqué contre Auxerre d'un tir de 40 mètres, le ballon avait fini sa course dans la lunette de Bruno Martini. Pour moi qui venais tout juste d'arriver à Geoffroy-Guichard, c'était fabuleux ! Je me souviens aussi de mes débuts en championnat contre Nancy, c'était à Geoffroy-Guichard et j'avais remplacé Robert Jacques dans le dernier quart d'heure. J'ai aussi en mémoire un match anniversaire du club où on avait joué contre le Dynamo Kiev. Il y avait Blokhine, Belanov. Des noms qui ronflaient dur ! L'an dernier on a joué avec Bordeaux contre Kiev, ça m'a permis de revoir Blokhine. Je me souviens du but victorieux que j'ai marqué d'une tête plongeante contre Lens à Geoffroy-Guichard juste avant la trêve. Il y avait un certain Francis Gillot en face ! (rires) Il tombait de la neige, le soir-même c'était l'arbre de Noël du club. Et bien sûr je n'oublie pas le doublé que j'ai mis de la tête contre le Matra Racing, toujours dans le Chaudron.

 

Quels joueurs t'ont le plus marqué quand tu évoluais à Sainté ?

 

On était un petit noyau à se voir souvent : il y avait Jean-François Daniel, Jean-Luc Ribar et Gilles Peycelon. J'ai aussi du plaisir à revoir les autres. Au match aller, j'ai revu Eric Clavelloux, ça m'a fait drôle ! J'ai entendu qu'il m'appelait à Geoffroy-Guichard, c'était sympa de se retrouver après toutes ces années. J'ai revu aussi Patrice Ferri récemment à Bordeaux, il était venu commenter un match. Je me souviens qu'il avait une bonne patte gauche. On s'est fait la bise. Sur le terrain, il y avait aussi une bonne entente en attaque entre Robert Jacques et Krimau. Ils m'ont marqué. Merry était un joueur qui ne frappait jamais fort devant le but, il mettait toujours le plat du pied. Robert Jacques était une vraie mobylette, il l'avait déjà démontré auparavant à Nancy et au PSG. On avait une très belle équipe, il y avait une belle ambiance mais c'était difficile. C'était une année de transition. Le club venait de retrouver l'élite, il fallait qu'on se maintienne à tout prix. Quand je suis arrivé à Saint-Etienne, on était beaucoup de nouveaux. Christian Dafreville qui venait de Martigues, Hervé Musquère et plein d'autres. On a mis un ou deux mois à créer une cohésion entre nous. Les anciens Verts n'avaient pas trop apprécié que le club prenne autant de nouveaux joueurs. Une fois que la mayonnaise a pris, ça a été mieux.

 

Quelques mots sur ton ancien coéquipier Georgi Slavkov, décédé en début de semaine d'une crise cardiaque ?

 

Tu m'apprends cette bien triste nouvelle ! C'était notre meneur de jeu. Il était arrivé en même temps que Georgi Dimitrov, qui était le capitaine de l'équipe nationale de Bulgarie. Lui c'était un monument, il était vraiment solide derrière. Slavkov a eu lui plus de mal à s'intégrer, il n'était pas au mieux. Il avait été pourtant élu Soulier d'Or quelques années auparavant. Il était très gentil, très discret, très attachant. Il a eu des difficultés à s'imposer à Saint-Etienne mais on sentait un joueur d'un énorme potentiel. Il avait une vista dans le jeu extraordinaire.

 

Tu as eu l'opportunité de rester à Sainté, pourquoi as-tu préférer revenir à Toulon ?

 

Au mois de février, Pierre Garonnaire est venu me voir pour me dire que le club voulait me garder et racheter le contrat que j'avais avec Toulon. Mi-mai, ne voyant rien venir, je suis allé voir Garonnaire. Il m'a annoncé que Robert Herbin revenait. Beaucoup de Stéphanois ne souhaitaient pas qu'il revienne. Herbin a dit : "si Bénédet veut rester, il jouera arrière droit. Sinon il part." Je suis parti car j'avais trop de sensations devant à l'époque. Peut-être qu'en étant reconverti à l'arrière j'aurais eu une autre carrière comme Eric Di Méco ou Jean-Luc Sassus par exemple. Mais je ne le sentais pas, j'ai préféré retourné à Toulon pour finir mon contrat.

 

Quelles sont les principales qualités de Francis Gillot, que tu côtoies depuis sept ans ?

 

C'est quelqu'un de droit. Il n'a qu'une parole. Il dit les choses comme on doit les dire. Il n'y va pas par quatre chemin, il dit les choses comme il les pense. C'est vrai que de l'extérieur ça peut être quelque chose de surprenant. Mais c'est réfléchi, c'est quelqu'un de très intelligent. Tout le monde dit "il est froid, il est triste." Dans le foot aujourd'hui on juge beaucoup les entraîneurs par leur apparence. Bien sûr c'est quelqu'un qui ne va pas sauter au plafond au bord de la touche. Comme bon nombre d'entraîneurs il reste très concentré en bord de touche. En fait Francis a beaucoup d'humour. C'est un Chti : de façade il peut sembler froid mais il a beaucoup de cœur. Avec Francis, on a une confiance réciproque dans le travail. On ne s'est jamais accroché en sept ans de collaboration. On est en phase. Franchement, travailler avec lui est vraiment un régal. On est responsabilisé dans son travail, on partage beaucoup de choses. On a du plaisir à travailler ensemble.

 

Comment expliques-tu la mauvaise passe que traverse Bordeaux ? Rassure-nous, elle va se poursuivre dimanche, n'est-ce pas ?

 

Je ne pense pas ! (Rires) Il va bien falloir arrêter l'hémorragie. Et ce dès ce week-end, je suis désolé ! On reste sur quatre défaites. Il faut vite stopper cette mauvaise série. A La trêve, on était quatrième mais Francis avait annoncé qu'il appréhendait le mois de janvier voire début février compte tenu du calendrier qui nous attendait, sachant qu'en plus Jussie et Diabaté s'étaient blessés sur le dernier match de l'année contre Marseille. Ce sont nos deux meilleurs buteurs. Il fallait donc que l'on retrouve une certaine assise dans l'équipe. On a fait un mauvais début d'année 2014. On s'est certes qualifié pour les 16èmes de finale de Coupe de France mais c'était dans la douleur contre Raon-L'Etape. Ensuite on a perdu contre Toulouse, Paris et Bastia. On a mal négocié ces matches, le doute s'est installé dans l'équipe, comme ça nous était déjà arrivé en septembre dernier. A l'époque on avait su trouver ensuite notre rythme de croisière, on avait rééquilibré l'équipe et on est reparti de l'avant. On veut s'appuyer là-dessus pour préparer au mieux la réception de Saint-Etienne ce dimanche. Après notre élimination par l'Ile Rousse en 16ème de finale de Coupe de France, les joueurs se sont remis en question. En corse, on s'est procuré une dizaine d'occasions franches mais on n'a pas su les concrétiser. Il faudra chasser nos doutes contre les Verts. On est en grosse difficulté sur le plan offensif, on ne peut pas le cacher, mais on est en train de travailler pour y remédier. Ce jeudi matin on a beaucoup discuté, j'ai senti qu'il y avait une prise de conscience de la part des joueurs. Ils auront à cœur de se racheter dès dimanche à la maison où le public va nous attendre. C'est un match important contre Saint-Etienne, qui joue la troisième place. Après un petit passage difficile à Cannes, les Verts ont redémarré en trombe.

 

Que penses-tu de cette équipe stéphanoise ?

 

C'est une équipe qui tient la route avec une équipe costaud. Les Verts ont encore montré contre Lille qu'ils étaient solides. C'est une formation généreuse, les joueurs se battent. A nous d'être à la hauteur de l'évènement et de les faire chuter. Avec Francis, on analyse cette équipe. On décortique leurs points forts leurs points faibles. Sainté a un gros potentiel offensif. Romain Hamouma par exemple m'impressionne, il monte d'un cran d'année en année. C'est un garçon qui va très vite, un attaquant de rupture. Dans un effectif, c'est très important d'avoir des garçons d'un tel profil. Les Verts ont aussi Brandao qui fait un travail de sape. Même si parfois il est critiqué, c'est un garçon qui ne lâche rien. C'est un poison car il se bat, il se défonce et est toujours à l'affût devant le but. C'est un danger permanent pour les défenses. Les Verts bénéficient également d'un milieu très actif. Ils font un travail de titan. Des garçons comme Jérémy Clément et Fabien Lemoine sont très précieux dans un dispositif. Ils courent sans arrêt. Derrière, ils ne se posent pas de questions, ça reste solide. Ça allonge quand il y a du danger. Et il y a un très bon Ruffier qui veille au grain pour déjouer les dernières tentatives de l'adversaire. C'est une équipe équilibrée qui a des atous pour finir sur le podium. Après, il leur arrive parfois de se découvrir un peu trop vite et ils se font contrer assez rapidement. Ils vont tellement de l'avant qu'ils oublient quelques fois l'équilibre de l'équipe.

 

Votre élimination en Coupe de France peut-elle impacter le match de dimanche ? Dans quel état d'esprit abordez-vous cette rencontre ?

 

Le fait d'affronter une équipe au-dessus de nous doit nous pousser à nous donner à fond. Le nom de Saint-Etienne trotte toujours dans la tête des joueurs. A eux de sortir un grand match pour enclencher une nouvelle dynamique. On n'est pas dans l'optique de les attendre pour mieux les contrer. On est chez nous, on doit aller de l'avant pour s'imposer. Mais comme les Verts sont ambitieux, Saint-Etienne va sans doute se montrer conquérant en se disant qu'on n'est pas au mieux en ce moment. A nous de profiter de la moindre occase, y compris sur les contres. Après notre élimination en Coupe, on a basé beaucoup de choses sur la récupération. On a récupéré deux ou trois joueurs qui n'étaient pas venus avec nous à l'Ile-Rousse. On a mis l'accent sur l'état de fraîcheur. On fait en sorte d'être dans les meilleures dispositions en vue du match de dimanche. Jussiê, Diabaté et Hoarau ne pourront malheureusement pas jouer. Ce sont des joueurs clés mais ce sont aux joueurs qui les remplaceront de saisir leurs chances. C'est le métier qui veut ça. Il faut montrer au coach qu'on existe et être en mesure de saisir sa chance quand elle se présente. Obraniak a ressenti une petite contracture à la cuisse, c'est pour ça qu'il n'a pas joué à l'Ile-Rousse. Il était en soin ce jeudi mais j'ai bon espoir qu'il soit opérationnel contre les Verts. Pour le reste, tout le monde est sur le pont.

 

Si tu pouvais prendre un joueur de l'ASSE cet hiver au mercato, ce serait qui ?

 

J'en prendrais deux : Romain Hamouma et Jérémy Clément. J'adore Romain Hamouma. C'est un vrai joueur de profondeur, on n'en voit pas beaucoup dans notre championnat. J'adore les garçons capables comme lui de déborder, de provoquer. Hamouma va sans cesse de l'avant, il use les défenseurs, il fait des passes décisives, il marque… Un tout bon ! Je prendrais aussi Jérémy Clément car c'est un rouage essentiel au milieu de terrain. C'est un  porteur d'eau, on ne le voit pas, mais il joue un rôle très important dans la récupération. Nous ça nous fait un peu défaut. On a un petit jeune, Poko, qui commence à bien le faire mais il n'a que 20 ans. Ce que j'aime chez Jérémy Clément, c'est qu'il se donne à fond à chaque match. C'était déjà le cas quand je le voyais jouer au PSG.

 

Si Sainté pouvait piocher librement dans votre effectif, quel joueur conseillerais-tu à Galette ?

 

Tous ! (Rires) Non, je plaisante. Je pense que Saint-Etienne pourrait renforcer son côté gauche. Faouzi Ghoulam est pas mal, mais je pense que devant lui il manque un joueur du même tempérament. Je mettrais bien Maurice-Belay côté gauche avec Saint-Etienne. Avec Hamouma et Maurice-Belay sur les côtés, Brandao se régalerait de voir que des bons ballons lui arrivent. Maintenant, c'est vrai que Sainté a déjà des joueurs comme Mollo, Gradel et Tabanou, qui a marqué contre Lille. Je pense que Tabanou a un potentiel énorme, il devrait montrer autre chose encore de ce qu'il peut donner. Tabanou commence à avoir pas mal d'expérience, il devrait s'exprimer encore plus.

 

Sa meilleure façon de s'exprimer serait d'en mettre un ou deux à Carasso dimanche, ça te va ? Quel est ton prono pour ce match ? La saison passée, les matches entre Bordeaux et Sainté se sont achevés sur des matches nuls, vierges et tristounes. Tu t'attends à un nouveau 0-0 ?

 

Je prédis une victoire 1-0 de Bordeaux. Je ne me mouille pas trop mais je prends trois points !