Bouallak : "Que le meilleur gagne !"

Ancien pensionnaire du centre de formation de l'ASSE et actuel gardien de l'équipe réserve du Stade de Reims, Ryan Bouallak s'est livré avant le match qui opposera les Verts aux protégés de David Guion ce dimanche après-midi à Auguste-Delaune.

Ryan, que retiens-tu de tes vertes années ?
J'ai vécu de très bons moments chez les Verts, aussi bien sur le plan sportif que sur le plan humain. Lors des quatre ans et demi que j'ai passés au centre de formation de l'ASSE, je me suis fait beaucoup d'amis. J'ai gardé des liens forts avec certains d'entre eux comme Adrien Fleury, - comme un frère pour moi - mais aussi Alexandre Valbon, Lamine Ghezali, Cyril Martin-Pichon... A Sainté, j'ai appris à être un homme avant tout, avant d'être un bon joueur. Je suis arrivé là-bas à l'âge de treize ans et j'avais quasiment dix-huit ans quand j'ai quitté le club. J'ai grandi à Sainté, j'ai passé toute mon adolescence là-bas. J'avais déjà une bonne palette de gardien quand je suis arrivé car mon père, éducateur, m'avait déjà appris beaucoup de choses. Mais les trois entraîneurs de gardiens que j'ai eus à l'ASSE m'ont beaucoup fait progresser. Lors de ma première année, qui n'a pas été facile pour moi, Mika Dumas m'a beaucoup soutenu, il m'a apporté la notion du travail, je me réfugiais beaucoup dans ça avec lui. Ensuite, j'ai eu la chance d'avoir Jérémie Janot, on connaît tous le joueur que ça a été. Il m'a appris beaucoup de choses, m'a fait profiter de sa grosse expérience du haut niveau en m'alertant sur les erreurs à ne pas commettre ou à ne pas reproduire. Je n'ai travaillé que quelques mois avec Jeff Bédénik mais j'ai également apprécié son apport, il était notamment très pointu sur les appuis. J'ai la chance d'avoir eu de très bons formateurs à l'ASSE.

Quels sont tes meilleurs et tes pires souvenirs sous le maillot vert ?
Mes meilleurs souvenirs, ce sont les derbys gagnés. Surtout celui en U19 remporté 2-0 sur le terrain des Lyonnais grâce à des buts d'Arnaud Nordin et Thomas Vogel. Le coach, c'était Julien Sablé et l'entraîneur des gardiens, c'était Jérémie Janot. On savait très bien que ça leur tenait à coeur de gagner. On était tous transcendés. On avait fait un gros match collectivement malgré le carton rouge pris en début de seconde période par Rayan Souici et j'avais arrêté un péno. J'avais déjà gagné 4-3 là-bas avec les U17. Je garde également de bons souvenirs de notre parcours avec les coaches Gilles Rodriguez et Lionel Vaillant. Deux années de suite on a joué les plays-offs. La première, avec la génération des 98 et des 99, on a perdu en demi-finale à Ploufragan contre le FC Lorient de Mattéo Guendouzi, qui a ensuite battu le PSG en finale. La seconde fois, on a perdu en finale à Saint-Flour contre le PSG. Même si ces aventures se sont soldées sur des défaites, ça a été des expériences très bonnes à vivre. Au rayon des mauvais souvenirs, je citerai d'abord les derbys perdus, ensuite une lourde défaite avec la réserve à Saint-Priest. Et d'un point de vue personnel, mes six derniers mois, c'était vraiment devenu problématique en ce qui concerne mon temps de jeu. Mais c'est le football, c'était à moi de montrer plus.

Il y avait un embouteillage à ton poste chez les jeunes gardiens. Pas évident de faire son trou avec la concurrence des Anthony Maisonnial, Alexis Guendouz, Théo Vermot, Nathan Crémillieux , Stefan Bajic...
On m'en a parlé plusieurs fois. En toute honnêteté, avec modestie, je ne pense pas que c'était un problème d'embouteillage. Je pense que j'ai eu la chance d'avoir prouvé quand même que je méritais d'être là à ce moment. Après, je pense qu'il faut reconnaître qu'il m'a manqué des choses, bien sûr. Avec les gardiens de qualité qu'il y avait, forcément il y avait de la concurrence. Pour se démarquer, c'est pour bonne part une question de régularité. C'est sans doute ce qui m'a manqué à certaines périodes. Des années on me reprochait de faire de très bons matches puis des matches un peu moins bien. On m'a souvent répété que je manquais un peu de constance, du coup j'ai eu un peu cette étiquette-là. Je reconnais qu'il m'a peut-être manqué de régularité et de travail. En qualités pures, je pense que n'avais rien à envier aux autres gardiens du centre. Techniquement je n'étais ni à la traîne, ni supérieur. Je ne me compare pas bien sûr aux pros, Stéphane, Jessy et maintenant Théo et Stef qui alternent au poste de numéro 3. Il y a un écart car ils sont dans le monde professionnel. On était beaucoup de gardiens pour très peu de places, et au bout d'un moment il faut prendre des décisions sportives pour avancer. C'est ce que j'ai fait. Je suis très respectueux de l'institution qu'est l'ASSE mais je devais penser à mon avenir.

Tu as quitté l'ASSE pour le Stade de Reims en janvier 2018. T'es-tu adapté rapidement à ton nouveau club ?
Mon adaptation s'est faite sans souci, j'ai été très bien accueilli à Reims. J'ai eu affaire à des coéquipiers et à des coachs qui sont énormément dans l'écoute, qui ont su m'intégrer très vite. Je suis arrivé à la mi-saison, je me suis vite mis dans le moule du travail pour les aider à atteindre les objectifs. Quand on m'a donné ma chance, j'ai eu la chance de faire de bonnes performances. Forcément, ça aide à s'adapter ! Quand tu fais de bonnes choses, que tu essayes d'être un bon coéquipier et un bon camarade, les gens ont plus naturellement envie de venir vers toi. Je suis très content d'avoir retrouvé à Reims l'esprit un peu familial que j'avais connu à Sainté, ça m'a vraiment aidé. Il y de bonnes infrastructures à Reims. En ce qui concerne les entraînements, il y a pas mal de points communs mais aussi quelques différences. A Sainté par exemple on allait un peu en salle pour s'échauffer avant d'arriver rapidement sur le terrain. A Reims on s'échauffe trois quart d'heure en salle, on s'active vraiment en faisant beaucoup de vélo, des exercices avec des élastiques, du gainage. Il a fallu que je m'y mette rapidement.

A 19 ans, tu as pas mal de temps de jeu cette saison avec la réserve rémoise.
Oui, j'ai joué une dizaine de matches avec la réserve. La saison dernière, j'étais encore U19 mais j'avais déjà eu l'occasion de jouer en National 2. Cette saison, j'ai bénéficié d'un concours de circonstances. Il y a eu un peu un décalage au niveau des pros, des blessés donc la hiérarchie s'est un peu décalée. Au Stade de Reims, la donne n'est pas la même qu'à l'ASSE. A Sainté, le troisième gardien accompagne un peu les pros et tourne avec le quatrième. C'était le cas par le passé avec Anthony Maisonnial et Alexis Guendouz, et c'est la même chose cette saison entre Stef et Théo. A Reims le troisième gardien n'est pas dans le groupe pro, il joue le week-end en réserve. Ça s'est décanté pour moi en milieu de saison, sachant qu'auparavant j'avais joué pas mal de matches amicaux. Suite à la blessure de Johann Carrasso, Nicolas Lemaitre est passé second, ça m'a donc permis de faire des matches. On suit notre chemin, mes performances sont assez régulières. Même si on a un petit coup de mou depuis deux ou trois matches, on fait une bonne saison. Sans être arrogant, on vise les places de haut de tableau. On est un peu comme la réserve de Sainté, notre maintien est quasi assuré.

Entraîneur des pros rémois, David Guion a été formateur et directeur au centre de formation de l'ASSE. At-il gardé cette fibre de formateur ? Suit-il avec attention les jeunes ?
Oui bien sûr, le coach est déjà venu plusieurs fois voir jouer la réserve à domicile. Il s'intéresse à la formation et il échange régulièrement avec Christophe Raymond. C'est un membre de son staff qui est là tous les week-ends et vient aussi parfois la semaine pour nous regarder, nous superviser. Il fait un peu l'intermédiaire entre la réserve et les pros. On sait qu'on est suivi attentivement. On a également des retours vidéos car tous nos matches sont filmés à domicile et c'est souvent le cas aussi à l'extérieur. On sent que le coach des pros et ses adjoints ont un oeil sur nous. Du coup tout le monde est concerné. J'ai eu l'occasion d'échanger avec David Guion, on a discuté de notre passé stéphanois, notamment des coaches que lui et moi avons côtoyés comme le coach Primard et le coach Rodriguez. A ce propos, j'ai appris que ce cernier venait de quitter le club après trente ans de bons et loyaux services. C'est un coach qui a joué une carte importante dans ma formation. Je garde une super image de lui ainsi que de Lionel Vaillant, ils formaient un excellent binôme.

Tu ambitionnes d'intégrer prochainement le groupe pro ?
Bien sûr. J'ai eu la chance cette saison de faire toute la préparation avec les pros et d'être régulièrement avec eux en début de saison. J'ai eu la chance de jouer quasiment tout un match en équipe première en prépa contre Strasbourg. Je m'entraîne un peu moins avec les pros sur cette fin de saison car le besoin d'avoir trois ou quatre gardiens en pro est moindre qu'avant. Je me suis beaucoup entraîné avec eux la première partie de saison et il m'arrive encore de le faire plus ponctuellement. J'ambitionne bien sûr de faire partie de ce groupe pro de façon plus pérenne. A 19 ans, je suis encore un jeune gardien même si aujourd'hui on voit que des garçons de 17 ou 18 ans arrivent à jouer en Ligue 1. On a de bons gardiens professionnels : Édouard Mendy bien sûr mais aussi Johann et Nico Lemaitre, un 97 qui est pour moi un très bon gardien. J'essaye de prendre exemple sur eux, je considère que je suis encore en apprentissage. Je sais que je dois encore travailler, progresser grâce à leurs conseils.

Peux-tu nous dire quelques mots d’Édouard Mendy, qui flambe cette saison dans les buts rémois ?
Edou est doué et c'est un bosseur. C'est un gardien moderne. Il a connu dans sa vie des moments compliqués. Il a été au chômage. Je pense qu'il a puisé dans son parcours compliqué une force mentale extraordinaire. Il a une confiance, une maturité et surtout un état d'esprit hors norme. Il sait ce que c'est que la difficulté. C'est un gros travailleur, il sait qu'on ne pourra jamais lui enlever ça. J'essaye de prendre exemple sur lui, pour moi c'est un grand frère. C'est une personne très gentille, très attachante. Pour moi c'est l'un des meilleurs gardiens de Ligue si ce n'est le meilleur. Que ce soit sur ses sorties en profondeur, sur son placement, sur son jeu haut, sur sa capacité à aider ses coéquipiers à relancer derrière... On sent qu'il a vraiment une présence, un impact sur le groupe. On sait que c'est un leader. je n'ai pas besoin de parler des ses arrêts, on voit chaque week-end qu'il est décisif quand il est mis à contribution. Si Reims a la quatrième défense de L1 derrière Paris, Lille et Nice, Edou n'y est pas pour rien ! On a la chance d'avoir de très bons défenseurs mais aussi d'un excellent gardien.

Comment le comparerais-tu à Stéphane Ruffier ?
Steph, c'est un registre différent. On n'a plus à présenter, il prouve saison après saison que c'est un très, très bon gardien de Ligue 1. Certaines années, c'était même lui LE meilleur gardien de Ligue 1. Il était parfois injustement oublié lors des votes mais tout le monde le savait. Il a montré sur la durée qu'il était performant avec Sainté que ce soit en championnat ou en Coupe d'Europe. Il reste l'un des meilleurs gardiens de l'élite à mes yeux, dans un registre différent d'Edou, forcément ! Edou, par son jeu au pied notamment, aide vraiment beaucoup. Steph a beaucoup de présence sur les arrêts, il fait beaucoup de parades décisives. C'est dur de les comparer car ils n'ont pas le même style. Au lieu de les comparer on devrait plutôt profiter de leurs performances tant qu'on en a la chance et surtout s'inspirer. L'un comme l'autre sont décisifs et rapportent des points à leur équipe.

Quel regard portes-tu sur la saison de votre équipe fanion ?
Je trouve que l'équipe première réalise une saison extraordinaire. Pour un promu, c'est beau de se retrouver encore dans la course à l'Europe à six journées de la fin. On ne s'y attendait pas forcément. Cette équipe est une grande famille, on s'entend très bien il y a une ambiance qui est très bonne. Il y a eu la dynamique et le fait que les nouveaux joueurs se soient très vite adaptés. Personne n'a été mis de côté, tout le monde fait les efforts pour tout le monde. Je pense qu'on a une équipe très dure à jouer. L'OL s'est cassé les dents sur cette défense et sur cette équipe, on a pris quatre points sur six contre les Lyonnais. Pareil contre l'OM. Je pense que ce n'est pas anodin. On est très bon défensivement et devant, quand il faut marquer, on a des joueurs de qualité. On a une équipe vaillante, globalement complète, capable d'accrocher les places européennes. Dans chaque ligne on a des leaders et il y a un esprit de famille qui règne. On a un bon collectif, un amalgame intéressant entre les cadres et les jeunes. Il y a des garçons expérimentés comme Alexys Romao, Yunis Abdelhamid et Marvin Martin mais aussi Bjorn Engels qui a connu la Ligue des Champions avec Bruges et l'Olympiakos. Et on a aussi des jeunes de 22 ans qui font une très belle saison : Mathieu Cafaro, Rémi Oudin, Boulaye Dia. je trouve qu'il ya une belle osmose entre les joueurs quel que soit leur âge.

Tu suis toujours les Verts ? Que t'inspire l'équipe première de l'ASSE cette saison ?
Je continue de suivre les Verts, forcément j'ai vu quelques uns de leurs matches. Je trouve que les Stéphanois font vraiment une belle saison par rapport à d'autres qui avaient été un peu plus délicates. J'espère pour eux qu'il y aura à la clé une place qualificative pour la Ligue des Champions. Ce serait extra pour le club et les supporters que les les Verts finissent sur le podium. Je crois que ça fait un bon bout de temps que ce n'est pas arrivé, il me semble qu'aucun joueur stéphanois n'était né la dernière fois que c'est arrivé. Je trouve que l'ASSE est une équipe joueuse avec un potentiel offensif très intéressant. Il y a notamment Whabi Khazri, sur certains matches il marchait sur l'eau et a fait gagner des points à Sainté. Défensivement c'est pas mal non plus. Steph et Loïc assurent bien depuis des années. Je suis content de voir mon ami William Saliba s'imposer petit à petit, je suis avec attention ses performances chaque week-end. A mon avis les Verts ont une vraie chance de décrocher une place en Ligue des Champions. Il faut qu'ils continuent d'engranger des points sauf contre Reims bien sûr et ça devrait le faire ! Je m'attends à un beau match ce dimanche. Vu les autres résultats de cette journée, Reims et Sainté vont devoir prendre des risques pour rester dans la course, que ce soit à la Ligue Europa pour nous ou à la Ligue des Champions pour les Verts. Que le meilleur gagne !

Si tu ne seras sans doute pas pro stéphanois ce dimanche, seras à fond derrière les Verts en finale de Coupe Gambardella ?
Évidemment ! A Sainté, j'ai joué des matches en U19 avec William Saliba. Dès que j'ai vu William arriver, je sentais déjà que le club tenait un super joueur. Son talent commence à être exposé, je ne suis pas surpris de le voir s'imposer déjà en L1. Du coup peut-être qu'il ne jouera pas la finale. Je garde aussi de très bons souvenirs tant sur le terrain qu'en dehors d'autres garçons avec qui j'ai joué à Sainté : Wesley Fofana, Jordan Halaimia, Kenny Rocha Santos, Charles Abi et j'en oublie... Je pense qu'ils ont une belle carte à jouer. Je n'ai pas besoin de le dire, ils le savent très bien : une finale, ça se gagne ! Je pense qu'ils sont tous transcendés par rapport à ce match-là. Ils ont réussi un très beau parcours et éliminé de belles équipes pour parvenir jusqu'au Stade de France. Il ne reste plus qu'un match, le plus important pour eux. C'est maintenant que tout se joue. J'espère que Sainté va rapporter la Coupe. Cela fait un moment qu'on attend ça. Les années précédentes, on n'a pas eu la chance de pouvoir le faire. On n'est plus qu'à une marche de le faire. Je dis "on" car je me sens encore concerné. Je suis de tout cœur avec les Verts. Allez les gars, c'est le moment !

Merci à Ryan pour sa disponibilité