"Il se passe dans le football des choses qui ne sont pas du tout acceptables !"

Etes-vous revenu dans le chaudron en tant que spectateur depuis 2000 ? (cédric26)

Je suis revenu pour le fameux derby où Saint-Etienne a perdu 3-2 dans les arrêts de jeu et après je suis revenu pour voir France-Chine. C’est tout. Quand je suis revenu au stade, je faisais la queue. Jean-Louis Zanon est venu à côté de moi, il m’a dit : « vous n’avez pas le droit de faire la queue, on devrait ouvrir grand les portes pour vous là-bas avec tout ce que vous avez fait ici ». Je n’y suis pas allé, j’ai fait la queue comme tout le monde avec mes amis, tranquille. Je reconnais que j’ai été touché par la réaction des gens qui m’ont reconnu, c’était très chaud. Mais je n’ai jamais remis le pied à Geoffroy Guichard pour aller là-bas me montrer dans les salons officiels et tout ça.

Avez-vous gardé des contacts avec les joueurs ? (Parasar)

Il m’est arrivé d’en recroiser certains par hasard, ça fait toujours plaisir. Je suis surtout resté en contact avec Kader Ferhaoui.

Quand vous regardez les résultats de foot sur le journal ou sur internet, vous regardez en premier Montpellier, Sainté ou Bastia ? (cédric26)

Tous les clubs dans lesquels je suis passé ont tendance à m’intéresser pour diverses raisons, de manière différente. Mais parmi ceux-là, il n’y a pas un club en particulier dont je scrute les résultats plus que d’autres.

Sincèrement Robert, si les Verts finissent européens en fin de saison, vous êtes super heureux ou vous vous en tapez ? (vert toujours 07)

S’il y a bien une équipe à laquelle je souhaite le plus grand bonheur, c’est bien Saint-Etienne ! Par rapport aux supporters, tout simplement car je ne connais pas les dirigeants actuels.

Comment analysez-vous la politique mise en place à l'ASSE par la direction actuelle, ainsi que les clashs successifs qui ont eu lieu avec Antonetti et Baup ? (la buse)

Et bien écoutez, moi je fais partie du comité directeur de l’UNECATEF [ndlr : Union Nationale des Entraîneurs et Cadres Techniques du Football français]. Il se passe dans le football des choses qui ne sont pas du tout acceptables… L’UNECATEF a un rôle de défenseur de l’entraîneur lorsqu’il est licencié. Elle a ensuite un second rôle, c’est d’essayer de trouver des emplois pour les entraîneurs, de faire de la formation continue. Je pense que l’UNECATEF a également un rôle pour essayer de défendre l’éthique du métier. Je pense qu’à l’heure actuelle il se passe des choses anormales. Le changement d’entraîneur par des adjoints, ça ne me plaît pas du tout. Je considère que si un numéro un respecte son adjoint et le fait travailler comme il doit le faire travailler, c’est-à-dire au même niveau que lui, lorsque le numéro un est licencié, l’adjoint ne doit pas accepter d’être entraîneur. Le président doit se poser la question : « qu’est-ce que l’adjoint va nous apporter de plus s’il a travaillé dans une bonne collaboration avec l’entraîneur ? ». Par contre, si l’adjoint a été pris pour un imbécile, c’est-à-dire si le numéro un dit : « gonfle les ballons, distribue les chasubles, trace le terrain et après mets-toi à l’écart », et qu’on lui donne l’opportunité de devenir entraîneur, il faut qu’il accepte pour montrer ce dont il est capable. Mais là, quand on voit ce qui s’est passé par exemple entre Eo et Le Dizet, je trouve ça anormal. Moi, j’ai un adjoint qui fait une déclaration comme ça dans la presse en disant « si Robert est licencié, moi je serais bien candidat », le lendemain j’arrive au stade, je le vire. C’est une question d’éthique !

C’est comme la manière dont Antonetti a été « licencié », on sait très bien qu’Elie derrière n’a pas tout fait ce qu’il fallait faire. Il y a eu des comportements avec Guy Stéphan, avec Sarramagna, avec Santini qui n’ont pas été clairs mais les gens ont la langue de bois. Moi un jour, en plein comité directeur de l’UNECATEF, j’ai repris de volée Gourcuff en lui disant : « toi tu veux entrer au comité directeur ? A Rennes, il y a le Guen qui est en poste, qui est en difficulté, et tu te permets d’aller dans la tribune avec le président de Rennes en sachant que t’es en contact avec le Stade Rennais ? C’est anormal ! ». Et que dire de Lozano, qui critique le professionnalisme quand il était entraîneur à Calais, après il vient pleurer pour y entrer… Il y a de plein de choses qui ne vont plus, et je pense que l’UNECATEF a le devoir avec les médias de dénoncer ça. J’ai eu des combats moi, sur la touche, avec Claude Le Roy et avec Boloni. Je n’ai pas apprécié que Claude Le Roy prenne la place de Pierre Mankowski à Strasbourg alors qu’il criait haut et fort que c’était son ami. Quant à Boloni, il a fait des choses incroyables à Nancy pour prendre la place d’Olivier Rouyer. J’ai eu plein de combats comme ça, je disais tout aux mecs concernés. Ils se demandaient ce qui leur arrivait… Je voulais leur montrer qu’il y a des choses qui ne se font pas. Après, les mecs ils ne m’aiment pas, ils font ce qu’ils veulent… Mais bon, il y a des choses que je n’apprécie pas. Comme on dit, l’habit ne fait pas le moine. Il y a des gars qui ne sont pas clairs. Ce qui s’est passé avec Antonetti, ce n’est pas bien.

Un petit pronostic sur la suite de la saison des Verts ? (la buse)

Je regarde leurs matches. Ils sont dans une spirale extraordinaire. Ils ont du cœur, ils ont de la technique. Tactiquement, ils sont bien en place. Ils ont des atouts offensifs intéressants. Et quand ils sont moins bien, il y a Janot qui sauve la baraque. Les Verts ont vraiment tout pour faire une excellente saison. Et j’ai remarqué que lorsqu’ils ont des problèmes des joueurs suspendus ou blessés, il y a de bons jeunes derrière qui les remplacent. Saint-Etienne est dans une spirale positive, j’espère que les dirigeants vont en profiter cette fois pour être stable et ne pas craquer. Mais ce duo de présidents m’inquiète, non pas dans la compétence - j’en sais rien, je ne les connais pas donc je me garderai bien de les juger – mais dans le relationnel. Je ne vois pas comment on peut avoir durablement deux présidents dans un club sans qu’un jour il n’y ait un clash parce que l’un des deux aura une réflexion, un pouvoir, ou un truc qui déplaira à l’autre. C’est dangereux. C’est toujours la même chose, c’est comme en politique : on se rend compte de plus en plus que les gens défendent des idées politiques plus pour leur intérêt personnel que pour le collectif. Alors que ce qui compte dans la vie, c’est que des gens se disent que si à gauche ou a droite il y a une bonne idée pour rendre la qualité des gens meilleure, il faut l’accepter. Parfois, on en arrive à ne pas accepter une bonne idée tout simplement parce qu’elle vient de quelqu’un qu’on aime pas. Tout ça peut créer des problèmes, et qui est le perdant après ? Le club, les supporters qui sont toujours là, la stabilité.

Je serais dirigeant de club à l’heure actuelle, mon ambition serait de rattraper Lyon et de tout faire pour que l’écart ne se creuse plus. Quant on voit actuellement l’écart au classement, l’écart dans la gestion, l’écart dans le recrutement, l’écart dans la stabilité, l’écart dans la sérénité, l’écart sur le plan financier, je serais inquiet… Il y a un moment, tu te dis « on est des incompétents, c’est pas possible de voir un truc comme ça. » Alors, est-ce que c’est bien pour le football français de voir un club qui domine comme ça ? Moi je ne suis pas sûr, personnellement je préfèrerais qu’il y en ait quatre ou cinq. Et on a la place pour quatre ou cinq clubs comme Lyon en France, dont Saint-Etienne pourrait bien sûr faire partie.

Votre dernière expérience d’entraîneur, au Mouloudia d’Alger, s’est mal terminée. Pouvez-vous nous rappeler le contexte de votre licenciement en décembre 2005 ? (José)

Bien sûr ! Je suis allé entraîner le Mouloudia d’Alger. Là-bas, j’ai apprécié la qualité de vie, un club qui est l’équivalent en popularité de Marseille et Saint-Etienne. On jouait devant 40.000, 50.000 spectateurs. Mais un jour, les joueurs ont commencé à se plaindre de plein de choses sur le plan financier. Une goutte d’eau a fait déborder le vase : une prime non payée a mis en péril un match important qui arrivait, un quart de finale. Les joueurs sont allés voir les dirigeants. Ils n’ont pas eu satisfaction et nous ont appelés. Moi j’étais avec mes adjoints au bord de la mer, je mangeais des sardines. Ils sont venus nous trouver et ils m’ont dit : « coach, ça ne va plus, ils ne veulent pas payer les primes, nous on ne veut pas jouer ». Je leur ai dit : « écoutez, on se voit ce soir à l’entraînement donc on pourra en reparler ». Ils m’ont dit « non, non, on veut vous voir de suite pour régler ce problème ». Ils m’ont raconté tout ce qui se passait, je les ai écoutés avant de leur proposer de dire tout haut aux dirigeants ce qu’ils avaient envie de dire. Il fallait faire comprendre à ces gens là qu’ils devaient partir dans la mesure où ils ne respectaient pas leurs engagements. On est allé dans une radio et on a fait un truc… Pffff (il sourit). On a demandé à l’antenne la démission du président et du vice-président du cliub. A partir de là, vu que les dirigeants ne voulaient pas céder leurs places, mon départ était inéluctable et j’ai été licencié. Mais en mars dernier j’ai été recontacté par le Mouloudia. Mon contact m’a assuré que je n’aurai pas de relation avec le président et le vice-président. Je ne me suis pas arrangé financièrement mais aujourd’hui encore, je suis en contact avec le Mouloudia. Entre-temps, ils ont éliminé le président et le vice-président, c’est un directoire qui est désormais à la tête du club. J’ai une cote là-bas avec les supporters du club comparable à celle que j’avais à Saint-Etienne, parce que j’ai eu un comportement qui plait aux gens. Ils ont senti que j’étais un bosseur, que j’étais prêt d’eux. Pour ma part, j’ai été agréablement surpris du contexte algérien, ça reste une expérience très intéressante. Et pourtant, je me souviens que les premiers jours où ils m’avaient contacté, j’avais un peu hésité à l’idée d’aller en Algérie. J’avais demandé à passer deux ou trois jours là-bas avant de donner une réponse.

Souhaitez-vous encore entraîner ? Si oui, plutôt en club ou en équipe nationale ? (Parasar)

J’ai toujours dit que je ne voulais pas encore m’arrêter parce que j’ai toujours envie. Depuis mon départ du Mouloudia, j’ai eu plein de possibilités mais soit le contexte, soit l’aspect contractuel ne m’ont pas convenu. Prendre la direction d’une sélection africaine m’intéresserait : j’ai été un moment en contact avec le Cameroun et le Sénégal car j’ai l’expérience d’avoir passé quatre ans en Côte d’Ivoire. C’est là que je n’aurais pas dû démissionner sur un coup de tête parce que je savais qu’il y avait un groupe extraordinaire. Là, j’ai manqué de patience par rapport à des tas de choses. Avec le recul, je le regrette ! J’aurais dû écouter mon épouse… Mais bon je suis comme ça moi, dès qu’il y a des choses qui ne me conviennent plus, je dis stop. Je suis retourné à Montpellier pour aider un copain, les responsables ivoiriens n’ont pas apprécié. J’ai dû leur payer un dédommagement sur le contrat qui me restait. A Montpellier, ça ne s’est pas très bien passé : Nicollin m’a fait venir parce qu’il était dans la merde, mais ensuite il m’a jeté comme un malpropre. Il n’a pas osé me dire en face qu’il voulait se séparer de moi. Et ça, je lui en veux à mort ! Loulou est beaucoup plus patient avec mon successeur, qui n’a pas eu de meilleurs résultats au bout de deux ans. Là aussi, vu ce qu’on a fait ensemble, ce qu’on a vécu ensemble – j’ai quand même bossé quatre ou cinq fois pour lui – c’est quand même dur à encaisser ! Je suis arrivé dans un contexte catastrophique, je n’ai pas réussi à maintenir Montpellier en Ligue 1. Je le reconnais, j’assume. A la fin de la saison, il aurait pu me dire « Robert, je comptais sur toi pour sauver le club, ça n’a pas marché, on arrête ». On aurait fait une bouffe, et il n’y aurait pas eu de problème ! Au lieu de ça, on est reparti à cloche-pied la saison suivante en deuxième division. je n’ai pas pu faire tout ce que je voulais parce qu’il n’y avait pas les moyens. Et au bout de cinq matches il me licencie. Il ne me l’a même pas dit ! Il me l’a fait dire par le directeur administratif. C’est un scandale ! C’est quand même incroyable par rapport à ce qu’on a vécu ensemble ! On se serait connu huit jours avant, ce n’était pas grave. Mais là...

Quid de la rumeur guinéenne ? (Parasar)

J’ai en effet des contacts avec la sélection guinéenne et avec le Mouloudia d’Alger. Ce sont des pistes sérieuses, qui pourraient se décanter dans les prochains jours.

Qu’est-ce qui vous a pris d’être entraîneur ? (Teddy)

En fait, ça m’a pris très tôt. J’étais joueur à Lyon, j’ai entraîné l’UGA Décines, un club d’Arméniens. Là-bas, je faisais deux entraînements par semaine. Quand je jouais à Bordeaux, j’entraînais le club d’Arès, deux fois par semaine également. Après, je me suis occupé des écoles de football dans les clubs où j’étais. Très tôt, j’ai eu envie d’entraîner.

Dans quelles circonstances êtes-vous venu en D2 à St Dié en 1980 ? Quel est votre meilleur souvenir dans le club déodatien ? (olive verte)

Alors là, j’ai vécu une expérience extraordinaire. J’étais entraîneur à Montpellier, ça faisait quatre ans, c’était ma première expérience à Montpellier. Nicollin a alors voulu me faire bosser avec Kader Firoud. J’estimais que j’avais fait du bon boulot pendant quatre ans, et je n’avais pas envie de me retrouver numéro deux. J’ai passé une journée avec Kader Firoud, son discours ne passait pas avec moi. Autant je le respecte pour les trucs supers qu’il a fait à Nîmes, autant son discours et sa façon de travailler ne passaient pas avec moi. J’ai donc choisi de partir et de travailler ailleurs. Le président de Saint-Dié m’a contacté, j’ai accepté sa proposition. La transition a été un peu dure entre Montpellier et les Vosges : je n’avais pas le même climat et les mêmes conditions matérielles. Je suis arrivé dans un club où il y avait tout à faire, de A jusqu’à Z. J’ai déclenché là un truc avec les supporters et les joueurs : tout le monde a mis la main à la pâte pour transformer les tribunes, développer les infrastructures, etc. On a fait un recrutement qui nous a réussi. On s’est maintenu à onze journées de la fin alors que les années précédentes le club se maintenant souvent à la dernière ou à l’avant-dernière journée. On a vécu une première année extraordinaire, ça reste mon meilleur souvenir à Saint-Dié. La deuxième année, du fait des bons résultats qu’on venait d’obtenir, des gens se sont intéressés au club, dont un centre commercial. On a eu des moyens financiers supplémentaires qui nous ont permis de faire un recrutement intéressant. Mais au bout de deux mois et demi, il y a eu des problèmes, le président du club s’est désengagé suite à une obscure histoire de maillots, les joueurs n’étaient plus payés et ça s’est mal terminé. Mais je retiens avant tout de mon passage à Saint-Dié une expérience humaine extraordinaire. C’est bien de connaître des contextes comme ça parce qu’après vous appréciez beaucoup mieux les contextes agréables, plus faciles. Parfois, on entend des dirigeants en D1 qui se plaignent, mais là il y a des dirigeants qui s’occupent de clubs comme ça, plus modestes : il faut leur tirer un coup de chapeau.

Acceptez-vous le terme d'entraîneur mercenaire ? Voire même d'entraîneur des causes désespérées !? (Greenwood)

Je ne suis pas un mercenaire. Un mercenaire, c’est un mec qui change essentiellement de club pour des questions d’argent. Moi quand j’ai changé de club, c’est que ça n’allait pas là où j’étais et que je voulais aller ailleurs. C’est vrai qu’on m’a toujours proposé des challenges difficiles, dans des conditions difficiles. On m’a rarement proposé d’aller à Marseille, à Paris ou à Monaco avec de l’argent, des grands joueurs, c’est-à-dire avec des conditions qui au départ paraissent plus favorables. Bon, maintenant, il faut savoir gérer ça aussi. En ce qui me concerne, j’ai toujours été plus un manager qu’un entraîneur qui fait son entraînement et rentre à la maison. Je m’occupais de l’entraînement, je faisais même de la pub, je regardais ce qui se faisait à l’école de foot, je m’occupais de tout, souvent au détriment de ma vie de famille.

Où trouvez-vous l'envie de continuer à entraîner, après toutes "les vestes" que vous avez prises ces dernières années ??? (Rudy)

J’ai connu quelques mésaventures ces dernières années mais j’ai la chance d’être en bonne santé et d’aimer encore ce métier, pourquoi je m’arrêterais ? J’aime m’occuper de joueurs, aider des gens à structurer des clubs, à réussir des challenges. Je ne suis pas du tout désabusé, même si j’ai été déçu par des personnes.

Loulou, il vaut mieux l'avoir comme copain ou comme patron ? (Ludders)

Il vaut mieux l’avoir comme copain. D’ailleurs, chaque fois que j’étais dans un autre club, on a eu des relations beaucoup plus agréables que quand je travaillais pour lui. A part les premières périodes, au début, parce qu’il n’avait pas encore ses mauvaises habitudes qu’il a prises plus tard à cause de la mentalité qui a changé. Son malheur, c’est qu’il est désormais isolé. Je ne fais pas seulement référence à mon cas personnel, je pense à trois ou quatre autres personnes qui étaient proches de lui. Elles ne sont plus là : un d’entre eux est décédé, les autres ont été virés ou en ont eu marre. Personnellement, j’avais des relations très fortes avec Nicollin : je me serais fait tuer pour lui, mais il y a des moments où j’ai eu envie de l’étrangler.

Etes-vous définitivement fâché avec Nicollin ? (thomas99) Quels sont vos rapports maintenant avec Louis Nicollin ? (olive verte)

Autant les autres fois où j’étais parti, on avait gardé de bonnes relations, autant depuis ce qui s’est passé il y a deux ans on n’a plus aucun contact. Ce n’est pas le fait qu’il m’ait licencié qui me reste en travers de la gorge. C’est le procédé. Alors bien sûr il m’a payé l’année de contrat qu’il me restait. Ce n’est pas le problème ça. J’aurais pu l’attaquer, l’emmener aux prud’hommes, avoir des dommages et intérêts pour que ça lui coûte plus cher. J’ai préféré laisser faire. Mais bon, qu’il me dise en face qu’il voulait me virer. Il m’a dit en face qu’il avait besoin de moi pour tenter de maintenir le club en ligue, la moindre des choses était de me dire en face qu’il ne voulait plus de moi.

Etes-vous prêt à patienter quelques saisons en Arabie saoudite, au Qatar ou au Japon avant de vous relancer dans une aventure stéphanoise si l'option se présente ? (Greenwood) Robert, si on vous proposait de nouveau d'entraîner les Verts, que répondriez-vous ? (Moufles)

J’y vais à quatre pattes, à quatre pattes j’y vais ! Mais je n’y crois plus à ça. Je n’y crois plus parce que je pense qu’en France je suis grillé à cause de ma dernière saison à Montpellier et un peu à cause de mon caractère. Ce qui est une erreur car je pense que je suis encore capable de rendre d’énormes services à des clubs. Mais bon, il y a aussi de jeunes entraîneurs qui font du bon boulot. En France je ne cherche pas. Je considère qu’en France je n’y crois même plus, sinon je serais déçu ! Il y a de jeunes entraîneurs compétents sur le marché, et puis quand je suis rentré de Côte d’Ivoire, mon expérience à Montpellier a tourné court. Si ça avait marché, j’y serais certainement encore et j’aurais sans doute fini là. Mais comme ça n’a pas marché et qu’après cinq matches de D2 je me suis fait licencié, tout ça est très préjudiciable. Autant à l’étranger ça ne l’est pas, autant en France c’est très préjudiciable. Bon, ça ne me manque pas. Je ne me dis pas « putain, pourquoi je ne vais pas dans tel club », sinon je serais malheureux. Mais si les circonstances se présentent, je vais à quatre pattes à Saint-Etienne si on m’appelle. On ne sait jamais ce qui se passe dans la vie, mais sincèrement à l’âge que j’ai et par rapport à ce qui se passe, je ne vois pas comment ça pourrait arriver.

Entre la possibilité pour les clubs d'entrer en bourse, le merchandising à outrance, le diktat de la télévision, y'a t'il encore de la place pour le romantisme dans le football actuel ? (thomas99)

C’est une question de volonté. Encore une fois, c’est une question d’équipe qui s’occupe d’un club et qui a cette de volonté de croire encore à ces valeurs là. Mais est-ce que les gens qui croient encore à ces valeurs là ne sont pas devenus des naïfs ? Maintenant c’est l’argent, le résultat à outrance, le coup de poignard à outrance… Moi je rigole quand il s’embrassent tous là. Ils ne pensent qu’à une chose, c’est se trucider entre eux. Et puis il y a une chose importante qui pose problème aujourd’hui dans le foot : c’est le prix des places dans les stades. Est-ce que le football continue d’être un sport populaire ? Y'a un changement de mentalité : le nombre de matches à la télé, l’exigence des gens qui croient qu’à chaque fois qu’ils vont venir voir un match, ils voient les meilleures équipes d’Europe ou du monde à la télévision. Et nous, on n’a pas la culture qu’ont les Anglais. Un Anglais, il va voir son équipe qu’elle soit première ou quinzième. Un Français, si elle est quinzième, il ne va pas la voir sauf éventuellement pour aller voir battre un favori mais après il n’y va plus. Cette culture anglaise, on ne l’a pas et on ne l’aura jamais.

Materazzi, vous lui auriez mis un coup de boule ou vous l'auriez mordu ? (pitchdobrasil)

Vu mon caractère, je pense que j’aurais réagi comme Zidane. Mais j’ai regretté que ça se passe ce jour-là, à ce moment-là… et par lui ! Le dernier match, une finale de coupe du monde. D’ailleurs quand j’ai vu ça à la télé je me suis écrié « oh non, pas toi et pas aujourd’hui ! Pas toi, pas aujourd’hui ! »

Un petit prono pour le ballon d'or ? Le donner à un joueur de la Juve serait-il indécent ? (thomas99)

J’espère que des joueurs comme Cannavaro et Buffon ne sont pas directement concernés par les affaires qui ont éclaboussé le football italien, qu’ils n’étaient pas au courant de ce qu’éventuellement il s’est passé. Buffon fait partie des favoris, ce serait un exploit qu’il obtienne le ballon d’or : à ce jour, seul Yev Yachine a obtenu le trophée. Personnellement, je donnerais cette année le ballon d’or à Thierry Henry, bien sûr.

Les joueurs sont ils devenus des enfants gâtés ingérables ? (thomas99)

Des enfants gâtés, oui ; ingérables, non. Regardez ce qui s’est passé à Paris par exemple. On n’a pu faire ça parce que les dirigeants ont été solidaires de l’entraîneur. Mais c’est vrai que ça devient de plus en plus difficile. Et c’est là ou il y a quelque chose de pas normal. Que l’entraîneur soit toujours le fusible qui saute par rapport à des comportements pas toujours très clairs de joueurs. On devrait voir dans le football la même chose que dans une entreprise. Les footballeurs sont des gens qui sont très bien payés. Quand un joueur ne joue pas bien, ce n’est pas une faute professionnelle, on est d’accord. Mais ce n’est pas ça qu’on reproche à un joueur lorsqu’on a des problèmes avec lui. Ce n’est pas qu’il joue bien ou mal, c’est qu’il ne fasse pas tout pour bien jouer. Lorsqu’on a un problème avec un joueur, c’est parce qu’on sait que le gars n’est pas à 100% la semaine, n’est pas à 100% dans sa tête, s’en fout, se contente du minimum, ne fait pas d’efforts. C’est ça qui génère un conflit avec l’entraîneur. Quand un joueur fait le maximum mais que le mec ne réussit pas, vous ne le blâmez pas. Au contraire, vous êtes plus enclin à l’aider et à l’encourager. Par contre quand il y a problème, c’est là où commence vraiment la solidarité entre l’employeur et l’entraîneur qui prend des risques pour l’employeur. L’entraîneur, au départ, il défend l’intérêt d’un club qui est géré par des gens, au « détriment » des joueurs qui peuvent gagner des matches ou les perdre. Mais si le dirigeant veut toujours être copain avec les joueurs, s’il ne veut pas voir qu’il y a le cas échéant un problème avec tel ou tel, ça ne va pas. Je constate qu’on n’a pas la même exigence avec les joueurs qu’avec un salarié lambada, surtout en fonction de ce qu’ils gagnent maintenant. Il faut quand même être respectueux de certaines choses, les joueurs gagnent des sommes astronomiques !

Dès qu’on est exigeant, on passe pour un conflictuel, pour un gars trop rigoureux. Les procès d’intention qu’on a donnés vis-à-vis d’un mec comme Vahid Halilhodzic, par exemple, je ne comprends pas trop. Le mec, je trouve qu’il fait son boulot ! Il est là pour gagner des matches, il est là pour atteindre des objectifs, il est donc normal qu’il ait des exigences. Quand ça ne va pas et que le mec est exigeant, on dit : « ah, il est trop exigeant ! ». Mais quand ça va pas parce que le mec n’est pas exigeant, on dit : « ah, il n’est pas assez exigeant ! ». Il faut savoir ce qu’on veut, bon sang ! On ne peut pas réussir avec des joueurs si on ne leur fait pas sentir un moment donné que les contrats qu’ils ont leur donne des droits mais aussi des devoirs. Il faut respecter les devoirs. Si le mec ne les respecte pas, il est logique de lui taper sur les doigts. Et s’il n’est pas content qu’on lui tape sur les doigts, c’est la même chose ! Je pense que les médias font de grosses erreurs, ils ne vont pas toujours dans le bon sens du poil, ils ont la fâcheuse tendance de toujours excuser les joueurs. Là aussi, c’est le problème de leur relation avec les joueurs. Si on tape sur quelqu’un, même en disant la vérité, on a peur que le mec ne vous dise plus rien, et ça ce n’est pas normal non plus.

Alors pour changer un peu de la langue de bois transparente en vigueur dans le milieu, je voudrais que vous me répondiez avec le plus de mauvaise foi, de prétention et de parti-pris possible. Merci d'avance. Franchement à votre avis, dans quelle catégorie d'entraîneur vous situez-vous ? Celle des bons ? Celle des grands ? Celles de meilleurs ? Celles des légendes du ballon rond ? (Danish)

Oh, je dirais que je suis un bon entraîneur !

Franchement, c'est qui l'équipe professionnelle la plus nulle de France ? (Danish)

Joker ! En tout cas, je connais le président le plus nul : Urano !

Franchement, bon même si vous l’avez déjà entraîné, êtes-vous d'accord pour dire que l'OL c'est nul comme club hein ? Que vous ne retourneriez pas dans ce club s'ils vous voulaient à nouveau ? (Danish)

Ah non, je dis tout le contraire. Je tire un grand coup de chapeau au club par lui-même, sinon c’est qu’on a des peaux de banane devant les yeux. Le club par lui-même, c’est le club phare à l’heure actuelle en termes d’organisation, de résultas, de tout ce qui est fait pour durer. La seule chose qui ne me plaît pas à Lyon, c’est le président.

Franchement c'est qui le joueur de football à qui vous aimeriez bien faire faire des tours de terrain à longueur de journée si vous aviez le malheur de l'avoir sous vos ordres ? (Danish)

Ronaldo, pour qu’il perde du poids !

Pour finir l'entretien, je vous propose de répondre au questionnaire de Proust revu et corrigé par poteaux-carrés. Votre équipe préférée ?

L’équipe de Saint-Etienne que j’ai entraînée.

L'équipe que vous détestez ?

Aucune équipe ne me vient comme ça, à brûle-pourpoint. Je n’ai pas cette mentalité de dire « tiens, je déteste cette équipe ».

Votre geste technique préféré ?

La passe qu’on dit facile.

Le son, le bruit du stade que vous aimez ?

Quand une occasion de but est ratée et que les gens croient qu’il y a but.

Le son, le bruit du stade que vous détestez ?

Les sifflets et les insultes aux entraîneurs.

Votre juron, gros mot ou blasphème favori lors d'un match ?

« Oh putain c’est pas vrai, c’est pas possible ! »

Un footballeur pour illustrer un nouveau billet de banque ?

Didier Drogba.

Le métier du foot que vous n'auriez pas aimé faire ?

Responsable des finances.

Le joueur, l'entraîneur ou l'arbitre dans lequel vous aimeriez être réincarné ?

Lucien Jasseron ou Angel Rambert.

Si le Dieu du foot existe (on aurait entraperçu sa main lors d'un Angleterre-argentine resté célèbre), qu'aimeriez-vous après votre mort l'entendre vous dire ?

Merci pour tout ce que tu as fait.