Capitaine du Red Star, le Couramiaud Samuel Allegro nous a confié ses impressions avant d'affronter son club de coeur mardi soir en huitième de finale de Coupe de France.


Né à Saint-Chamond en 1978, es-tu es tombé dans le Chaudron quand tu étais petit ?

 

Exactement! Je suis supporter des Verts depuis tout petit et je le suis resté. Ma grand-mère, qui n'est malheureusement plus de ce monde, était supportrice de Sainté. Elle a connu toutes les époques. Automatiquement, du côté de ma mère, on était tous supporters de Saint-Etienne. Ma tante, mon cousin, ma cousine, tout le monde allait aux matches. Je les ai suivis tout petit. On prenait le bus à Saint-Chamond pour se rendre au Chaudron. J'ai le sang vert ! J'ai des tonnes de souvenirs à Geoffroy-Guichard.

 

Lesquels te reviennent spontanément à l'esprit ?

 

Un derby m'avait beaucoup marqué et attristé quand j'étais ado. C'est celui qu'on avait perdu en 1990. On avait dominé tout le match avant d'en prendre un par malchance à dix minutes de la fin, c'est Sylvain Kastendeuch qui avait marqué contre son camp. J'en encore en mémoire le silence de cathédrale dans le stade quand on a pris ce but. On était tous assommés. J'ai surtout en mémoire les prestations de Lubomir Moravcik. Il me faisait rêver, c'était un super joueur ! J'aimais bien aussi Joseph-Antoine Bell, un gardien élégant et fantasque. Toute cette période-là m'a particulièrement marqué.

 

Quelle tribune fréquentais-tu dans le Chaudron ?

 

Je les ai toutes faites ! Jeune, j'ai très souvent été dans le kop qui est à gauche de la tribune présidentielle. Celui des Green Angels, à moins que ce ne soit celui des Magic Fans, je ne sais plus, je ne faisais pas trop attention à ça. J'adorais l'ambiance dans les kops mais je n'ai jamais fait partie d'un groupe ultra. Je me souviens surtout de l'époque où le stade était en configuration avec des gradins en ciment. On était serrés comme des sardines dans le kop. Quand on marquait un but, tout le monde descendait, y'avait des déferlantes assez impressionnantes. Ce n'est plus tout à fait la même chose maintenant, même si dans les kops la plupart des supporters se mettent debout sur les sièges. Après avoir été en kop, je suis plusieurs fois allé en Henri Point, quand j'avais des invitations notamment. Le Chaudron me manque, ça fait près d'un an et demi que je n'y suis plus retourné ! Parfois je passe devant quand je rentre, je me rends compte qu'il a beaucoup changé. J'espère avoir l'occasion d'y revenir bientôt !

 

Alors que tu as fait une carrière très honorable en pro, tu n'as jamais joué avec ton club de cœur, même en jeune ?

 

Non. J'ai commencé à jouer au foot tout petit à L'Horme, près de Saint-Chamond. Ensuite j'ai joué avec les Couramiauds et j'ai fait le Sport-études de Terrenoire, très proche du Stade Geoffroy-Guichard. Je me rappelle avoir été approché par l'Olympique de Saint-Etienne. A 14 ans, j'avais aussi été sollicité par l'ASSE, j'avais même été faire un essai sur l'un des terrains annexes du stade Geoffroy-Guichard. Je devais signer une licence pour intégrer les jeunes du club. Mais moi ça ne bottait pas plus que ça, je voulais rester avec mes copains à Saint-Chamond. A cette époque, je n'avais pas encore cette mentalité de devenir un joueur professionnel. J'en rêvais pourtant quand j'étais petit, mais le fait de devoir quitter mes potes, ce n'était plus la même chose. Je n'ai eu le déclic qu'un an après, à 15 ans. C'est là que j'ai voulu tout faire pour devenir pro et rentrer dans un centre de formation. Ma chance était passée à Sainté, mais grâce à la coupe nationale que j'ai disputée avec la sélection Rhône-Alpes, j'ai été recruté par Louhans-Cuiseaux.

 

Sous les couleurs de ce club, tu as éliminé Saint-Etienne de la Coupe de France. On espère que ce n'est pas un mauvais présage ! Tu te souviens de ce match ?

 

Oui, comme si c'était hier ! Je peux même te dire la date précise : c'était le 15 décembre 2001. C'est Nicolas Rabuel qui avait marqué l'unique but de ce 23e de finale à la 119e minute. Je me souviens que j'avais raté une grosse occase au bout de deux minutes de jeu face à Jérémie Janot. Après on m'a toujours dit que j'avais raté exprès parce que j'étais supporter stéphanois, alors que je n'y avais pas pensé sur le moment ! (rires) Toute ma famille était là, dont ma grand-mère. Je me souviens du froid de canard au stade de Bram, il faisait -13°C ! Le terrain était gelé. On a réussi à créer l'exploit. C'était énorme ! Je me souviens que ce soir-là côté stéphanois il y avait deux joueurs qui ont joué au Red Star, Ted Agasson et Fousseni Diawara.

 

Après avoir joué à Louhans, tu as porté les maillots de La Roche-sur-Yon, Metz, Châteauroux, Amiens avant de rejoindre le Red Star en 2011. T'as pu vivre à fond ta passion pour l'ASSE tout en menant cette carrière en pro ?

 

Oui, du mieux que j'ai pu ! A Louhans notamment, il m'est arrivé de faire des allers-retours pour aller voir un match des Verts. J'ai toujours suivi de près l'actu de l'ASSE. Dans les différents vestiaires que j'ai connus, je me faisais chambrer pour mon addiction aux Verts. Quand t'es supporter stéphanois, tu sais comment c'est : on vit sa intensément, avec ferveur. J'ai toujours vécu avec ça ! Je n'ai pas souvent l'occasion de revenir voir ma famille dans la Loire, mais quand je rentre ma tante me donne des articles de presse sur les Verts qu'elle m'a soigneusement mis de côté. Elle est à fond, moi aussi ! (rires)

 

Tu vas retrouver ton club de cœur mardi. C'est un joli clin d'œil du destin, non ?

 

Carrément ! Quand j'ai vu le tirage, j'étais comme un fou. Ce qui était dur c'est qu'on jouait le lendemain pour avoir le droit d'affronter Sainté. Dès que j'ai marqué mon but contre Marseille Consolat, j'ai pensé à Saint-Etienne. J'ai serré les poings et je me suis dit : "il faut absolument qu'on garde cet avantage, pour rien au monde je ne veux rater cet évènement !" Ne pas pouvoir défier Sainté m'aurait laissé un goût amer, vraiment ! Je vais pouvoir vivre le rêve de ma fin de carrière : jouer contre l'ASSE !

 

Tu seras dans le onze de départ ?

 

Normalement oui ! J'ai peu joué en championnat mais j'ai joué tous les matches de Coupe de France. Je pense que ça va continuer. Je vais être très fier de jouer contre Saint-Etienne avec mon équipe en portant le brassard de capitaine en plus ! C'est énorme.

 

Tu t'attends à quel type de match ?

 

Je m'attends à un match très compliqué. J'ai souvent eu l'occasion de rencontrer des équipes de Ligue 1, j'ai même été de l'autre côté de la barrière. Je sais que c'est compliqué de jouer sur une pelouse qui va être difficile, dans un contexte un peu compliqué, avec une motivation de l'adversaire toujours inférieure. Nous on n'a rien à perdre. On va jouer libérés, on va essayer de jouer notre carte à fond. Cette année ça marche bien pour nous, je pense qu'on a de quoi faire douter cette équipe de Saint-Etienne. C'est une très bonne équipe, qui ne prend pas beaucoup de buts, même si elle vient d'en prendre trois ce week-end. On a nos chances.

 

Tu l'as dit, le contexte sera un peu compliqué : vos plus fidèles supporters ont décidé de boycotter le match car ils voulaient qu'il se déroule à Bauer, et les supporters stéphanois ont été interdits de déplacements par le Ministre de l'Intérieur. T'en penses quoi ?

 

Je suis doublement déçu. Nos supporters boycottent le match, c'est leur choix, ils ne seront pas là. J'ai parlé avec les responsables de ce groupe des supporters. Nous, les joueurs, on est tous déçus. Bien sûr, on les comprend, on ne peut pas aller contre leur action. S'ils font ça, c'est qu'il y a des raisons. Après, c'est dommage, car je pense que ce n'est pas souvent qu'on fera des affiches comme celles-là. A mon avis, il aurait été plus judicieux de faire une action comme ça en championnat. C'est mon avis perso, ça ne regarde que moi. Je suis triste car nos supporters ne seront pas là. Déjà qu'on ne joue pas vraiment chez nous… Et là, cerise sur le gâteau, les supporters stéphanois ne seront pas là non plus. Quand j'ai appris ça, je me suis dit : "c'est pas possible !" C'est d'autant plus désolant qu'on a un peu les mêmes valeurs dans les deux clubs. J'ai un peu retrouvé ici la ferveur que j'ai connue à Sainté. Les gens viennent ici aussi depuis des années, le Red Star a un nom, une histoire. C'est un peu la même mentalité. Ça aurait été une belle fête ! Mais là, pfff ! C'est vraiment dommage. Même ma famille est touchée, il y en a qui devaient monter avec le bus de Saint-Etienne mais ils ne peuvent pas… Je suis déçu, même si j'espère encore que ça va à moitié s'arranger. On fait ce métier pour jouer dans des stades pleins, dans de belles ambiances. Je regarde les matches des Verts à la télé. L'ambiance encore contre Lens, c'était exceptionnel ! A l'extérieur aussi, les supporters stéphanois assurent vraiment ! Je me rappelle aussi de la finale de la Coupe de la Ligue, j'étais le premier à avoir une place. C'était extraordinaire, le Stade de France était aux trois quarts vert. C'était fantastique. Ce n'est pas normal de les empêcher de se déplacer mardi, je trouve ça vraiment dommage.

 

Merci à Samuel pour sa disponibilité et à Pierrick pour son aide.