Il vous a énervé Guy Roux, samedi soir, hein ? En quittant Lens, il avait affirmé que les médicaments l'empêchaient de s'énerver contre les joueurs. Alors, soit son traitement a changé depuis, soit les arbitres possèdent quelque chose de suffisamment puissant pour mettre en colère l'Auxerrois. Retour sur un Arles-Avignon - Sainté particulièrement énervant… pour tout le monde.
L'angle est un peu le fondement du journalisme, puisqu'il permet à l'observateur d'apporter ainsi un point de vue, un éclairage particulier du sujet traité. Autour d'un match de foot, l'angle est destiné à raconter une histoire à travers ou en prolongement du jeu. Canal + angle de plus en plus ses retransmissions, au point de très souvent chercher à faire le match avant le match, à écrire l'histoire avant même qu'elle n'ait lieu. Pas besoin de sortir d'une école de journalisme pour détecter l'angle d'attaque du match de samedi, puisqu'il est déjà vendu depuis des semaines par les dirigeants et l'entraîneur du "petit" Arles-Avignon : on se fait entuber semaine après semaine par les arbitres face à plus gros - et donc plus respecté - que nous.
Les statistiques font en effet de l'ACAA l'une des pires équipes au classement du fair-play et celle qui compte le plus de joueurs expulsés. L'une de celles ayant concédé le plus de penaltys également. À l'occasion de la réception de Sainté quelques jours après une déroute à Lille - où le "beau jeu lillois" et la place de leader de l'adversaire ne permettaient pas d'axer la retransmission sur l'arbitrage - l'angle sur l'arbitrage a constitué une aubaine pour vendre un peu mieux une affiche plutôt dépassionnée par ailleurs. Et les hommes au micro, surtout Guy Roux, se sont vautrés dedans avec délectation. Le décor a été (Vincent) planté dès avant le match avec les habituels rappels de chiffres et des gesticulations des sudistes. Dès la deuxième minute, l'avertissement - totalement mérité - adressé à Soro a donné du grain à moudre tout au long de la partie au duo de commentateurs qui n'ont ensuite cessé de répéter que Arles-Avignon était honteusement traité. Et Dimitri Payet - en plus de Sébastien Moreira - sera la victime collatérale de la ligne éditoriale.
Place maintenant à un peu d'analyse du point de vue de l'arbitre. Un précédent papier publié ici mettait en exergue la construction de la conduite du match par les officiels à l'aide des sanctions disciplinaires : le choix de mettre ou non un carton, sa couleur sont autant d'allers-retours entre l'esprit et la lettre, le tout placé dans le cadre du match dans sa globalité. C'est souvent surprenant pour l'amateur de foot, mais toutes les actions ne seront pas sanctionnées de la même façon selon la minute du match, selon le degré d'agressivité des acteurs, la préparation du match par l'arbitre… Or, sur quoi Moreira n'a-t-il pas pu faire l'impasse dans son avant-match ? Avant tout sur le fait qu'Arles-Avignon est bel et bien dernier depuis le début du championnat et l'un des records de précocité dans la rétrogradation. C'est une équipe qui court une très grande partie du match après un ballon insaisissable, qui est très souvent dépassée par la vitesse des adversaires et tente de compenser ce retard par un engagement physique souvent à la limite et parfois au-delà . Sans doute pas une équipe de bouchers volontairement violents, simplement des joueurs dépassés qui peuvent commettre de grosses fautes. Les dix premières minutes du match allaient le montrer avec pas moins de trois énormes fautes commises par les bleus. En avertissant rapidement Soro, l'arbitre a voulu placer immédiatement une borne sur l'acceptable et a, de fait, plutôt réussi à tenir la rencontre dans son ensemble, avec notamment beaucoup moins de fautes sifflées en deuxième mi-temps, alors même qu'Arles-Avignon évoluait à dix.
Vient maintenant ce penalty sifflé à la demi-heure de jeu, action très confuse et difficile à juger s'il en est. Sur une action en première intention, Payet est lancé en profondeur dans la surface adverse. Il semble être trop court pour jouer le ballon, mais, au prix d'un bel effort, il passe devant Baldé qui est contraint de tacler. Le Réunionnais, touché sur ce tacle et par la sortie simultanée de Planté, tombe et l'arbitre, placé en arrière de l'action, désigne le point de penalty. À vitesse réelle, la faute semble assez claire : en effet, la différence de vitesse entre Payet et Baldé donne vraiment l'impression que le premier a pris le dessus sur son adversaire en retard. Pourtant, les ralentis montrent par la suite (au bout de quelques angles de vue) que c'est bien le défenseur qui touche le ballon, son intervention entraînant ensuite un contact avec l'attaquant. Que nous dit la règle à ce sujet ? Un joueur doit être sanctionné s'il tacle un adversaire avant de toucher le ballon. Il est précisé par ailleurs que la chute de l'adversaire peut être une conséquence du tacle sans pour autant qu'une faute doive être sifflée. Les images montrent que Baldé tacle bien le ballon avant de faire tomber Payet : le penalty n'aurait donc pas dû être sifflé.
Les paramètres qui conduisent à cette erreur sont nombreux (et sans doute plus pertinents qu'une volonté arbitrale d'enfoncer un Arles-Avignon qui s'en sort très bien tout seul dans l'exercice). Primo, le placement de l'arbitre n'est pas idéal. Il a visiblement été surpris par la déviation rapide de Rivière et s'est trouvé ensuite gêné par des joueurs. Résultat, il est un peu trop loin de l'action et surtout dans l'axe de celle-ci au lieu de pouvoir s'assurer une vue de biais plus efficace. Secundo, on l'a déjà dit plus haut, la vitesse de l'action et surtout la différence de vélocité entre le Stéphanois et l'Arlésien donnent forcément l'impression que ce dernier est en retard. Enfin, son geste même est limite, montrant clairement un déficit de maîtrise que l'arbitre aura mal interprété. Ce dernier point permet de différencier cette erreur d'un "scandale". L'action est très litigieuse et très difficile à juger. Les ralentis se contredisent même pour certains, au point qu'il est finalement difficile d'être sûr à 100% que Baldé ne touche pas Payet un tout petit peu avant le ballon.
Au final, ce qui est dérangeant, au-delà de l'erreur ou non de l'arbitre reste que l'image de la prestation de ce dernier peut être uniquement regardée à la lumière… d'a-prioris ! L'arbitre allait forcément baiser Arles-Avignon car c'est l'angle qu'avaient choisi de prendre les commentateurs avant le match. La meilleure preuve est le traitement infligé d'une part à Payet, qualifié de plongeur, voire de simulateur, alors qu'il faut sacrément faire preuve de mauvaise foi pour considérer même qu'il en rajoute sur une action où, lancé à pleine vitesse, il est déséquilibré par un tacle et une sortie du gardien. Il y a une troisième voie entre yafôte/yapafôte : on peut tomber sans qu'une faute n'est été commise ni avoir simulé. Deuxième exemple, l'absence totale de recul sur l'exclusion de Baldé, uniquement "analysée" à l'aune du premier carton jaune immérité. Personne n'est-il en mesure de remarquer que, bien qu'injustifié, ce carton aurait dû inciter ce joueur d'expérience à ne pas se jeter de façon complètement irresponsable et immaîtrisée dans les jambes de Batlles, à peine une minute après sa première "faute" ?
Pitchdobrasil