Quelques heures avant le match Nice-Saint-Etienne, "Cartoche" nous a donné rendez-vous sur la Croisette pour répondre aux questions des potonautes.

N'as-tu jamais rêvé de faire un tour d'honneur à Geoffroy complètement à poil ? (Wilyrah)

Si, c’est une très bonne idée ! A condition qu’il n’y ait que des femmes dans le stade ! (Cartoche éclate de rires).

Que retiendras-tu en priorité de ton passage à Sainté ? (envert94)

C’est le public. De manière générale, le public, dans la difficulté comme dans la victoire. La présence du public et l’aspect populaire du club sont pour un joueur quelque chose de fantastique.

Quel est ton meilleur souvenir sous le maillot vert ? (fofie)

C’est forcément, quelque part, le moment où je suis parti. Quand je suis arrivé, j’ai connu une saison difficile avec le problème des faux passeports. Ensuite on est decendus en D2 alors que je n’étais pas là. Je me souviens surtout des années de galère qui ont suivi avant de connaître les joies de la montée. Je suis parti du club en première division à la sixième place du championnat, avec le sens du devoir accompli. Mon dernier match avec les Verts a été une soirée magnifique.

Lorsque tu es rentré à la 85eme minute pour ASSE-Istres, as-tu ressenti que le peuple vert voulait que tu marques un but à chaque fois que tu prenais le ballon ? (Cédric26)

A plus d’un titre, ça a été pour moi une soirée formidable. Quelque part, c’était l’occasion pour moi de dire au revoir aux supporters. J’ai reçu en arrivant sur le terrain et lors de mon entrée en jeu un accueil magnifique. J’ai eu la chance de vivre des moments exceptionnels grâce à ce public. Et puis en tant que père, avoir la surprise après le match de voir mes enfants arriver… Oui, ça m’a touché. J’étais heureux qu’ils aient pu assister à cette soirée là. Comme ils n’habitent pas avec moi et qu’on ne se voit que pendant les vacances, ils auront toujours cette soirée en mémoire. Quelque part, je veux que ce soit l’image qu’ils aient de leur père en tant que joueur. Cette soirée est inoubliable, c’était vraiment à tout point de vue fantastique !

Peut-on dire que l'hommage que t'a rendu Geoffroy après le match ASSE - Istres est le moment le plus fort de ta carrière ? Sinon quel est-il ? (Karras n°15)

Oui, c’est le moment le plus fort. Tu savoures car tu te remémores les moments difficiles. Quand le club est descendu et que je suis revenu d’Angleterre, je me souviens des matches amicaux. C’était limite s’il n’y avait pas besoin de la sécurité pour que je puisse sortir tranquille des stades. J’en prenais plein la tête. Ces évènements ont suscité en moi une énorme volonté d’inverser cette tendance. En tant qu’homme, ça m’a permis de beaucoup progresser. Sportivement, je ne pense pas, mais humainement j’ai beaucoup évolué. Je me suis battu, les supporters se sont rendus compte de tout ce que j’avais fait. Arriver à partir dans de telles conditions, ça montre bien que ça a été une histoire d’amour absolument incroyable.

Tu es arrivé à Saint-Etienne alors que tu jouais chez, à, enfin, BLL, Beurk-les-Lyon. Bref. Qu'est-ce qui t'a convaincu de venir à Sainté, sachant très bien que ça serait plus difficile qu'ailleurs ? (Tooty)

A ce moment là de ma carrière, j’ai eu plusieurs possibilités. Par rapport au nom et au prestige de Saint-Etienne, le choix a été très vite fait. Mais il est clair que je n’avais pas pris la mesure de la difficulté que ça allait représenter de passer de Lyon à Saint-Etienne...

Qu'as-tu pensé de l'accueil qui t'a été réservé lors des premiers temps à Geoffroy Guichard ? N'as tu pas eu envie de quitter définitivement le Forez ? (strev)

Cela n’a jamais été dans mon tempérament de renoncer dans la difficulté. J’avais fait ce choix là, c’était à moi de l’assumer. Pendant des semaines ça a été difficile, mais je me souviens que pendant un moment les résultats ont été pas mal. Mais quand l’affaire des faux passeports a éclaté et qu’on a pris ces fameux sept points de pénalité, la machine a commencé à connaître des difficultés. A ce moment là, tout allait de pair : plusieurs joueurs ont été prêtés à différents clubs, pendant ce temps là le club est descendu. Bien évidemment, après, il y avait une grosse rancœur envers moi à mon retour.

Ton départ de Lyon est il lié à un conflit avec le couple présidentiel de l'OL ? Etait-ce un pari avec Jean-Luc Sassus ? (ébène)

(Il sourit). C’est une rumeur mais c’est complètement faux. Jusqu’à la veille de mon départ, Jean-Michel Aulas voulait me garder. Il m’a proposé quatre années de contrat. A l’époque, je vivais une situation personnelle difficile mais elle n’avait absolument rien à voir avec Jean-Michel Aulas, avec qui j’entretiens de très bons rapports.

Après ton court séjour en Angleterre, est-il exact que c'est Alain Michel qui t'a convaincu de rester, t'assurant que le public changerait son opinion sur toi après quelques semaines ? (fofie)

Mes six mois à Sunderland se sont super bien passés donc quand je suis revenu à Saint-Etienne il y avait de grandes chances que je reparte. Alain Michel souhaitait me garder effectivement, mais c’est surtout Alain Bompard qui a refusé que je parte. Il a mis un véto à un autre prêt en Angleterre alors que Derby County s’intéressait à moi.

Est-ce qu’Alain Bompard était un bon Président ou pas ? (envert94)

C’est quelqu’un avec qui je m’entendais vraiment très bien. C’était quelqu’un de passionné et proche de ses joueurs donc très attachant. Je pense que c’était un très bon président, il me semble d’ailleurs qu’il avait été élu meilleur dirigeant à l’époque. Même si après il y a eu des soucis, je retiens vraiment de lui que des bons moments.

On s'arrête sur ce but, à la 18ème minute de la demi-finale ASSE-Sochaux. Jau te remet le ballon, et d'un tutu tu le places dans la cage (le ballon, pas Jau). Que ressens-tu à ce moment-là ? (Tooty)

C’était pas d’un pointu mais d’un coup de pied. Je revois encore l’action. C’est un changement d’aile de Julien. Effectivement, je monte. Je fais un une-deux avec Fabrice, j’enchaîne contrôle pied gauche / frappe pied droit et mon tir croisé va au fond. Là, par rapport à tout ce qu’on avait vécu pendant plusieurs saisons dans la difficulté, on est dans une année où on sent qu’on peut remonter. Lors de la demi-finale, le fait de marquer à ce moment là ce but là, c’était comme si tout sortait après toutes les frustrations accumulées pendant plusieurs saisons. Ce sont des moments d’une intensité émotionnelle absolument hors du commun. Pendant trente secondes, on ne sait plus trop où on habite…

Pourquoi avoir laissé gagner Sochaux en demi-finale de la Coupe de la Ligue ? Quel souvenir ce match ! Avec le recul, est ce un regret ou un bon souvenir ? (envert94)

C’est forcément un regret. Je me rappelle qu’à 2-0, Guy Lacombe a commencé à faire des changements. Il voyait que son équipe était au plus mal. Nous, on était vraiment bien. Je crois que ce qui nous a fait très très mal, c’est le but de Mathieu qu’on a pris juste avant la mi-temps. D’un seul coup, alors qu’à 2-0 on avait quasiment les deux pieds en finale, la situation se compliquait. Ah, ce but nous a fait mal ! Maintenant, Sochaux a gagné la coupe de la Ligue, n’oublions pas qu’ils avaient une très bonne équipe. S’il y avait un choix à faire entre la montée et cette coupe de la Ligue, je pense qu’il fallait faire le choix de la montée.

N'est-ce pas avec du recul un de tes plus grands regrets sportifs, ne pas aller au Stade de France avec tout ce peuple vert ? (forezvert)

Si, forcément ! Si on avait pu faire cette année là le doublé championnat de D2 / coupe de la Ligue, ça aurait été quelque chose d’extraordinaire. C’est bien sûr un regret car avec tous nos supporters il y aurait eu une effervescence incroyable au Stade de France.

Geoffroy-Guichard, c'est quand même incomparable à Gerland ?

Saint-Etienne et Lyon sont deux clubs complètement différents, avec deux publics complètement différents qui n’ont absolument rien à voir. Très honnêtement, sans jouer les faux-culs, j’ai éprouvé beaucoup de plaisir dans les deux stades. A Lyon, j’ai quand même vécu des grands matches, de haut niveau, avec une grosse équipe et des grands joueurs. A Saint-Etienne, il y avait une plus grosse intensité émotive. Le côté populaire du club fait que Geoffroy-Guichard est un stade à part. C’est un stade mythique. Il y a un passé en plus, une atmosphère, une ambiance. Il y a beaucoup plus d’ambiance à Geoffroy-Guichard qu’il n’y en a à Gerland. Mais j’ai tout de même disputé des grandes matches à Lyon, dans une bonne ambiance. Si on me demande lequel des deux stades je préfère, forcément c’est Geoffroy-Guichard, parce que l’atmosphère y est bien évidemment plus intense.

Tu as marqué le premier but contre Châteauroux sur péno, tu as été remplacé par Bridonneau à la 63eme minute et il marque le but à la 85ème minute. Comment as-tu vécu la dernière demi-heure du bord de la pelouse ? (Cédric26)

Je me souviens de toute la journée en fait ! Je me souviens qu’on était à la lutte avec Caen pour le titre de champion, ça nous tenait à cœur. J’avais eu la chance de marquer, et Damien qui me remplace a la chance de marquer un but magnifique. La soirée qui a suivi a été absolument somptueuse. Le souvenir qui me revient à chaque fois qu’on évoque ce match est assez particulier. Jean-Marie de Zerbi préparait comme chaque semaine la vidéo de notre adversaire. Je me suis rendu compte que sur tous les pénaltys que Châteauroux avait concédés depuis le début de saison, le gardien était toujours parti du même côté. Quand on a obtenu un péno contre Châteauroux, j’ai tenu compte de cette information et j’ai effectivement pris le gardien à contre-pied. C’est un peu anecdotique, mais ça montre que même si on était en L2, on avait des coaches consciencieux. Disons que ça m’a marqué, je m’étais dit que c’était une information assez importante.

La dernière demi-heure du match, l’ambiance était phénoménale car on était en totale communion avec le public. On a poussé, il nous a poussés, on a tous senti qu’il se passait quelque chose. Le fait de marquer dans les derniers instants, c’était fantastique au niveau émotionnel. On est restés longtemps en communion avec le public après le coup de sifflet final. On est allés à l’Hôtel de Ville dans une ambiance de folie.

Frédéric Antonetti ? Voilà, c'est ça ma question. (Tooty)

C’est quelqu’un de très professionnel, avec qui on a vécu des moments difficiles. Je pense qu’encore aujourd’hui on se respecte énormément. Il sait que je l’ai beaucoup aidé au moment où le club en avait le plus besoin, en étant défenseur et deux fois meilleur buteur de l’équipe dans les années où le club était au plus mal. Humainement parlant, je m’entendais très bien avec Frédéric Antonetti. Notre collaboration a été fructueuse.

Qu'as-tu pensé du départ d'Antonetti et du comportement des dirigeants d'alors ? (fofie)

La situation a été dommageable car on sentait qu’il y avait une montée en puissance, que Frédéric Antonetti connaissait bien le club. Maintenant, les intérêts des uns ne sont pas les intérêts des autres... C’est un homme d’honneur, je pense qu’il voulait continuer l’aventure avec son ami Christian Villanova. A partir du moment où son ami ne restait pas, pour lui c’était dans la logique de ne pas rester non plus.

Sous le maillot vert, tu as marqué 15 buts en championnat , un en coupe de France et trois en coupe de la ligue... Dans les 19 buts, y en a t il dont tu te souviens seconde par seconde ? (Cédric26)

Il y en a pas mal. Bien sûr il y a ce but contre Sochaux en demi-finale de la coupe de la Ligue. Emotionnellement, c’est l’apothéose. Mais je me souviens également des buts que j’ai marqués en championnat, notamment lors des deux premières saisons de Ligue 2. Ces buts là étaient souvent décisifs. Ils me tiennent à cœur car ils étaient super importants, il en allait de la survie du club. Ce sont ceux dont on parle le moins mais ils ont une grande valeur à mes yeux : ils ont permis au club de se maintenir en Ligue 2.

A chaque fois qu'un joueur de Sainté parle de reconversion dans le club, ça ne marche jamais…Le club t'a fait une proposition ou pas ? (Cédric26)

J’ai proposé deux postes à l’époque qui n’ont pas suscité l’engouement du coach. Il y avait un poste qui consistait à rentrer dans le staff technique pour être beaucoup plus présent avec les joueurs qui jouent moins, et pour maintenir une formation aux jeunes qui entrent dans le groupe pro et n’ont pas assez de temps de jeu. Ce poste permettait de rester proche du groupe tout en apportant un petit plus au niveau du staff. Le deuxième poste portait sur un rôle de coordinateur sportif, c’est-à-dire être le relais entre les joueurs, le coach, le Président. Ce sont des postes qui ont été occupés après. Bon, voilà… On me disait que ces postes n’étaient pas importants pour le club mais ils ont malgré tout été créés quelques semaines après. Mais je ne tiens pas à polémiquer. Je respecte tout à fait le fait que le club n’ait pas donné suite à mes propositions. Le club m’a proposé de prendre une équipe de jeunes, mais très sincèrement, j’avais dit avant aux dirigeants que ce poste ne m’intéressait pas.

Aurais-tu souhaité rester davantage et enchaîner directement dans le staff stéphanois ? (fofie)

En fait, lors des derniers mois, je me suis préparé à arrêter. J’avais commencé à préparer ma reconversion. Mais d’un autre côté, j’avais encore envie de jouer. Quelque part, n’étant pas prêt au niveau des diplômes, le fait de rebondir deux saisons à Cannes en tant que joueur a été quelque chose de positif pour moi. Fondamentalement, c’est ce que j’avais encore envie de vivre. J’avais encore envie de jouer et je me suis fait plaisir deux ans en continuant de passer mes diplômes.

Toi qui es dans le Sud de la France, malgré le beau temps, ça ne te manque pas un peu Sainté ? (Wilyrah) Le chaudron te manque ou pas ? (Teddy)

Forcément ça me manque. C’est un club où il se passe beaucoup de choses, je n’en garde que de bons souvenirs. En dehors du fait d’être nostalgique, Saint-Etienne ça fait toujours envie. Maintenant, j’essaie de grandir à ma vitesse. Je me dis juste que si un jour j’ai les compétences et les capacités pour apporter quelque chose à Saint-Etienne, les choses se feront d’elles-mêmes. Mais ce n’est pas parce que tu as été un bon joueur à Saint-Etienne que tu vas être quelqu’un qui va apporter après ta carrière un plus au club. Si ce n’est pas le cas, je ne vais pas être à Saint-Etienne juste pour dire je mérite un poste car j’ai apporté au club en tant que joueur. Non, ça n’a rien à voir.