Ancien défenseur des Verts et ex-entraîneur de Borgo, l'actuel coach de l'Etoile Filante Bastiaise (R1) Dider Gilles s'est confié avant le 32e de finale de Coupe de France qui opposera ses anciens clubs ce dimanche à Furiani.
Didier, quels souvenirs gardes-tu de tes vertes années ? (1984-1986)
J’en garde de supers souvenirs ! Je me suis régalé pendant deux ans, il y a eu la montée à clé la seconde saison. Lors de la première, on avait fait les barrages et on était allé jusqu’en quart de finale de Coupe de France. Je reste marqué à vie par mon expérience à l’ASSE, d’ailleurs je remonte au minimum une fois par an avec mon fils. Bon, certaines années je suis malheureux. J’étais dans le Chaudron lors du derby où on en a pris cinq. L’an passé j’étais à Geoffroy-Guichard quand on a perdu 1-0 contre Paris. Cette année on ne sait pas encore pour quel match on va monter. Peut-être qu’on ira les voir à l’extérieur ! On espère voir une victoire de Sainté. Mon fils est vert. Tout vert !
On est ravi de l’apprendre, il aurait pu mal tourner et supporter de l’OM, où tu as joué juste avant de rejoindre l’ASSE.
Effectivement ! Il me restait un an de contrat à Marseille. Mais l’OM voulait Jean-Louis Zanon. Les deux clubs étaient en contact. On m’a appelé, on m’a dit « Saint-Etienne veut te voir ». J’étais en vacances en Espagne. J’ai pris la voiture et j’ai foncé. J’ai vécu des moments très forts à l’ASSE, notamment les matches de Coupe contre Lens puis Lille. C’est d’ailleurs lors de ce quart de finale aller que le record d’affluence a été battu et tient toujours : 47 747 spectateurs ! Que dis-je spectateurs, supporters ! L’ambiance du Chaudron, c’est vraiment quelque chose, c’est incomparable ! En plus j’ai eu l’occasion de mettre quelques buts lors de mes deux années en vert.
Précisément 9 en 72 matches, ratio plus qu’honorable pour un défenseur !
Il faut dire que dans le lot il y a quatre pénos. Je me souviens que le premier était contre Tours, en 32e de finale de Coupe de France. On l’avait obtenu à la dernière minute du match, il y avait 0-0, personne ne voulait le tirer. J’ai dit « attendez les gars, il ne faut pas se prendre la tête, j’y vais moi ! » J’avais quand même pas mal d’expérience, je l’ai transformé. Et ensuite j’ai été le préposé aux pénos. C’est de la sorte que j’ai marqué contre Nice en 16e de finale aller de Coupe de France et contre Lens en 8e de finale retour. Il ne fallait pas que je rate celui-là, je l’ai tiré à la 80e alors qu’on était mené 1-0 à Geoffroy. J’ai égalisé et c’est Jean-Luc Ribar qui a inscrit le but de la victoire et de la qualif’ quelques minutes plus tard !
Quel est le joueur qui t’a le plus marqué à Saint-Etienne ?
Il m’est impossible de n’en citer qu'un, j’ai plein de noms qui me viennent spontanément à l’esprit ! Roger Milla, Bernard Pardo, Thierry Oleksiak, Eric Bellus, Jean-François Daniel, Jean-Luc Ribar, Jean-Philippe Primard, Patrice Ferri et j’en oublie. Il faudrait tous les citer ! Je me suis régalé avec tout le monde, j’ai vraiment passé deux supers saisons, parmi les plus belles de ma carrière. Je pense que personnellement j’ai été à mon top mes deux années à l’OM et ma première saison à Sainté. La seconde saison, j’étais un peu en conflit avec l’entraîneur et j’ai été un peu moins performant. J’étais pas mal quand même ?
Que s’est-il passé au juste avec Henri Kasperczak ?
Kasper était un bon entraîneur mais à un moment donné on s’est accroché car on n’était pas d’accord sur des choix qu’il avait faits, notamment en Coupe de France à Lille. Je lui ai dit qu’il avait commis une erreur lors du match retour, que ça nous avait coûté la qualification. Il m’en a voulu et après cet épisode nos relations n’ont pas été au beau fixe. On s’est revu quand il est venu entraîner à Bastia, il n’y a plus de problèmes entre nous. On a eu un différend d’ordre sportif.
On avait battu Lille 1-0 à Sainté en quart de finale aller de Coupe de France. Au retour, on avait mis une tactique en place avec le pauvre Carlos Diarte, qui est décédé il y a quelques années à 57 ans. On faisait revenir Carlos sur tous les coups de pied arrêtés car en face ils avaient deux mecs super bons de la tête, Savic et Kourichi. A la 80e minute, alors qu’il y avait 0-0, Kasper a fait sortir Carlos pour faire entrer Eric Bellus, qui revenait d’une blessure aux adducteurs. Sans faire offense à mon ami Eric, il n’était pas très bon de la tête. Ce changement était pour moi incompréhensible. Sur le premier coup franc, Kourichi a égalisé. Et c'est également de le tête que Savic a marqué le second but lillois à la 90e minute. On a perdu bêtement, j’ai exprimé mon désaccord à Kasper car c’était quand même important, il y avait une place dans le dernier carré en jeu !
Pour quelles raisons as-tu quitté les Verts pour Bastia ?
J’étais très bien avec le président André Laurent, on se parlait droit dans les yeux, sans gêne. Moi j’étais un ancien, j’allais sur mes 32 ans. Je lui ai dit : « il me reste un an de contrat, si ça vous intéresse je signe un an de plus et après j’arrêterai ma carrière. Je suis prêt à encadrer les jeunes, à passer mes diplômes et à entraîner », ce que j’ai fait depuis. André Laurent m’a répondu qu’il n’était pas contre mais que Kasper avait mis son véto. Le président m’a dit « je viens de couper la tête de Jean Djorkaeff et de son prédécesseur, je ne peux pas couper une nouvelle tête. » Cela aurait été délicat car Kasper venait de faire monter le club en D1. Quelques années après, André Laurent a failli reprendre un club et il m’a dit « si ça se fait, vous venez avec moi Didier ». Je lui ai dit bien sûr mais pas pour jouer. J’ai quitté Sainté pour Bastia car là-bas il y avait un entraîneur qui me voulais pour m’avoir eu à Marseille : Roland Gransart.
C’est là-bas que t’as fini ta carrière de joueur professionnel. Quels souvenirs gardes-tu de ce club ?
Bastia, c’est un club spécial. Je suis arrivé de Sainté où tout était bien organisé dans un club un peu campagnard, de village. Mais j’en garde de bons souvenirs. Je me suis toujours adapté, franchement je me suis toujours senti bien dans tous les clubs où je suis passé. Je suis un bon vivant, j’ai un caractère plutôt apprécié. Bastia c’était bien même si on n’a pas atteint à l’époque l’objectif qui était de remonter.
Tu n’as plus quitté la Corse, où tu t’es reconverti en tant qu’entraîneur.
Tout à fait. J’ai entraîné successivement Calvi, Corte, Furiani-Agliani, Borgo, Lucciana et depuis un an j’entraîne l’Etoile Filante Bastiaise. J’ai repris cette équipe en décembre dernier, elle était mal en point en National 3. On est descendu en R1 mais on l’ambition de remonter. On reste à l’affût.
Tu ne gardes pas des souvenirs impérissables de ton court passage sur le banc de Borgo, prochain adversaire des Verts en Coupe de France.
Effectivement, on était en CFA2 et on est descendu en DH. Je n’ai pas un très bon souvenir de cette période. C’était compliqué car le président voulait faire joueur son fils et je ne suis pas du style à se laisser marcher sur les pieds… Le club a fusionné en 2017 avec le CA Bastia, il est cette saison promu en National 1. Ils ont des résultats qui sont pas mal mais je ne les ai pas vu jouer récemment. Je crois qu’ils évoluent en 3-5-2, dans le système préféré de leur entraîneur Jean-André Ottaviani, qui a coaché à Corte près d’une dizaine d’années.
Ce dimanche tu supporteras les Verts ou les Corses, toi qui habites à Biguglia, à mi-chemin entre Bastia et Borgo ?
Les Verts ! Vert un jour, vert toujours.
Sauf Malbranque et Mounier, faut quand même pas déconner !
(Rires) En tout cas je suis toujours les Verts même si mes amis n’y sont plus !
Dis-moi pas que c’est pas vrai ! Ces anciens vilains ne sont quand même pas tes amis ?
(Rires) Non, je veux parler de Jean-Louis Gasset et Ghislain Printant. Ce sont des amis qui étaient encore au club il y a peu mais ils sont tous les deux partis. Le limogeage de Ghislain m’a attristé car c’est un bon mec. Je pense que les dés étaient pipés dès le départ car en fait il y a un président qui voulait le garder et l’autre qui ne le voulait pas. Il y a eu ça, entre autres. Comme Ghislain avait été toujours posé comme étant un numéro deux, on s’est vite empressé de de lui faire porter le chapeau. Enfin bref… Pour en revenir au match de dimanche, Saint-Etienne devra bien sûr rester sur ses gardes. Une équipe d’un niveau inférieur se transcende en Coupe de France. Si l’équipe d’un niveau supérieur à le malheur d’arriver un peu trop suffisante, elle peut passer à la trappe… Maintenant, je ne pense pas que ce sera le cas dimanche après-midi, je pronostique une victoire des Verts.
Quel regard portes-tu sur la première partie de saison des Verts et de leur nuémro 10, le plus Corse des Stéphanois ?
Sainté n’est que 14e à la trêve et a été sorti rapidement de la Coupe d’Europe. C’est bien sûr décevant, ce n’était pas prévu. Whabi Khazri est un copain, je le connais bien, on s’est souvent vu en Corse, c’est grâce à lui et à Jean-Philippe Primard que j’ai des places quand je remonte à Sainté. Mais c’est vrai que Wahbi est moins performant que la saison dernière, en plus il a manqué le dernier mois et demi de l’année à cause d’une blessure. Mais ça reste un bon joueur, j’espère comme lui comme pour les Verts qu’il fera une belle deuxième partie de saison.
Wahbi fera très probablement son retour à la compétition ce dimanche, dans son jardin, à Furiani. A mon avis il aura faim car il n’a pas joué depuis la mi-novembre, il a raté une petite dizaine de matches à cause de cette blessure à la main. Je pense qu’il aura envie de briller pour son retour sur l’Ile. Et il voudra aussi montrer à Claude Puel qu’il faudra compter avec lui. S’il revient à son meilleur niveau, il ne peut faire que du bien à cette équipe.
Au-delà du cas du Wahbi, je constate que les Verts n’ont pas été épargnés par les blessures cette première partie de saison. On a vu quand même que lorsque Claude Puel est arrivé, au début ça a bien fonctionné, Sainté est remonté au classement. Mais les Verts ont nettement marqué le pas en décembre. Il y a dans cette équipe des joueurs qui ont été très bons mais qui n’ont plus le niveau ou le rendement d’avant. Sainté a fait quelques paris en allant chercher certains joueurs, tous ces paris ne sont pas réussis. Pas pour l'instant en tout cas. Je pense notamment à Ryad Boudebouz.
Ceci étant, il y a dans cette équipe quelques jeunes intéressants et prometteurs, notamment en charnière centrale, où j’évoluais à l’époque. William Saliba et Wesley Fofana apprennent aux côtés de Loïc Perrin, un joueur très posé plus très loin de la fin de sa carrière. Il doit prodiguer les conseils qu’il faut. Les jeunes joueurs acquièrent de l’expérience à ses côtés.
Merci à Didier pour sa disponibilité