A quoi mesure-t-on la santé d’un club ?

 

A ses performances sportives ÃƒÂ  très court terme ?
A l’efficacité de sa gestion à moyen terme ?
A la qualité de ses dirigeants ÃƒÂ  long terme?


Aux trois bien entendu. Et comment nier que la troisième conditionne la deuxième qui, elle-même influence la première, ce qui expliquerait qu’à l’heure actuelle et à tous les étages, le club prend l’eau et sent le gaz ?

 

Puisque tout part du sommet, auscultons en conserve cette hydre à deux têtes qui pilote l’ASSE et semble - comme le veut la légende, hélas! - immortelle.

 

Calomnite aigüe

 

Ne soyez pas surpris si vous lisez demain que Laurent Roussey bat sa femme. De tous les maux dont on l’accuse depuis huit jours et la galette que nous ont infligée les Bretons, celui-ci manque encore à sa panoplie, mais pour combien de temps ? Dans le désordre, Caïazzo a accusé La Rousse dans Le Progrès (13 Nov 2008) de ne pas avoir « usé de son poids (…) et laissé aux joueurs les clés des camionnettes du club Â» dans l’affaire des primes cet été, d’avoir « Ã©té trop proche de certains Â» pendant la tournée à l’île Maurice, de n’avoir « jamais tiré 120% de son effectif Â», de « changer trois fois de schéma Ã  Marseille Â». En outre, crime de lèse-sens du jeu, aucun amateur de la chose footballistique ne peut ignorer que Roussey a refusé Savidan, le jugeant « trop vieux Â». Repoussant les frontières de l’indigne, Nanard lâche même à propos de l’Europe « qu’on a eu de la chance que Puel ne joue qu’avec un attaquant à Lorient, avec Lille. Sinon nous n’étions pas européens Â».

Pour valoriser le choix de Perrin, Caïazzo a choisi de dévaloriser sans vergogne son prédécesseur. Qu’on se le dise « Perrin, ce n’est pas la même catégorie que Roussey ou Hasek (…) Au contraire de Roussey il est proactif Â».

Notre co-président, dont la couverture médiatique aurait de quoi rendre jaloux un candidat au poste de premier secrétaire du PS, a par ses innombrables déclarations popularisé le concept d’auto-contradiction puisqu’il n’hésite pas, dans le même temps et sans aucune ironie, à déclarer « nous devons prendre du recul, ne pas intervenir sans cesse Â».

 

Cette omniprésence de Caïazzo, au-delà des yohan hauts le cÅ“ur qu’elle provoque chez tous ceux qui restent attachés à la dignité supposée de la fonction à la tête de ce club est le triste reflet d’une tendance qui gangrène tout le foot : la mémoire est forcément courte et l’ingratitude est la règle. Ainsi il y a deux ans à peine, dans un long portrait de Roussey dans la Pravda Mag pouvait on lire ce vÅ“u formulé par Caïazzo : « Je souhaite qu’il reste jusqu’à sa retraite. On veut faire avec Roussey ce qui a si bien réussi dans le passé avec Snella, Batteux ou Herbin… Â». Il y a quelques mois Roussey ramenait l’Europe à Geoffroy Guichard et Gomis empilait les buts. L’un est descendu en flèche par son ex-président pendant que l’autre est conspué par son public. On a donc un public digne de son président !

 

Corbeaux et cons à la fois

 

La frénésie médiatique de Bozzo semble prendre sa source dans l’euphorie de la bataille remportée sur son compère Romeyer. La défaite fatidique contre Rennes donnait enfin à Heckle l’occasion de clouer le bec à Jeckel. Jeckel, avocat jusqu’au bout de Roussey, devait s’incliner devant le verdict du terrain. Déjà décrédibilisé (qui a dit décré-débilisé ?) par ses déclarations sur le poil dans la main de Gigliotti, le melon de Bafé, et le leurre de Matsui, Jeckel, en lâchant Roussey, entérinait sa propre défaite et sa perte d’influence face à Heckle.

 

A toute chose malheur peut être bon, et l’honnêteté intellectuelle impose d’admettre que la réorganisation du staff semble saine et bâtie sur deux hommes dont les qualités sont indéniables (Comolli et Perrin). Il faut reconnaître à nos dirigeants leur rapidité et qualité d’action sur ce coup là.

 

Mais d’où nous vient, à nous, pauvres sups, cette impression durable que nous sommes condamnés entre deux maux à choisir le moins pire, que ballotée entre Heckle Peste et Jeckel Choléra, l’ASSE n’a pas l’avenir qu’elle mérite.

Et que, faute de mieux, il serait déjà bien que l’un (Heckle) prenne définitivement le pas sur l’autre (Jeckel). Ce triste mois de Novembre aura peut-être permis de faire un pas vers cette solution.

Peut-être seulement, car cette prise de pouvoir d’Heckle peut aussi -version pessimiste- nous apparaître comme un simple mouvement de balancier si on veut bien se souvenir de la mise sous tutelle d’Heckle en Mai 2006 suite au départ d’Elie Baup et à la crise qui s’en était suivie.

 

L’histoire récente du club est en effet trop truffée de psychodrames nous ramenant systématiquement à la case départ pour qu’on se déleste de notre scepticisme éternel au moment d’envisager un avenir en rose.

 

La cerise sur le râteau

 

A l’heure de tourner, trop tôt et si douloureusement la page Roussey, on n’oubliera pas, nous, sans sms, sans déclarations à la presse, de simplement préciser qu’en 51 matches sous ses ordres, l’équipe a pris une moyenne de 1,33pt, là où Hasek en avait pris 1,29 en 38 matches et Baup 1,32 en 76 matches. Son bilan ne serait donc ni pire ni meilleur que ses deux prédécesseurs. Certes, à la si notable exception de cette cerise déposée un soir de fièvre sur le gâteau de la fin de saison dernière. Vous savez, cette cerise dont on avait appris à oublier le goût, 26 ans pensez donc… Qui osera parler là d’un détail ?

 

Antonetti, Baup, Hasek, Roussey et maintenant Perrin. L’ASSE depuis 2004 aura compté trois des plus grands entraineurs français à la tête de son équipe.

 

Alain Perrin est là, la tâche est immense et s’il devait à brève échéance finir comme ses glorieux prédécesseurs, nos responsables peut-être finiraient-ils par se sentir coupables et en tirer les jospiniennes conclusions ?

 

Alain Bompard en son temps avait au moment de recruter Anto déclaré qu’il serait son dernier entraîneur. Et si Heckle et Jeckel, eux aussi, nous gratifiaient enfin d’un tel éclair de lucidité ?