Troisième et avant-dernier volet du long entretien que le gazier Thierry Laurey a accordé aux potonautes avant de retrouver les Verts ce samedi soir à Mezzavia...


Que penses-tu de l'évolution de Kévin Mayi ? Que lui manque-t-il pour être plus régulièrement titularisé ? (Parasar)

 

Il lui manque un peu d'expérience, tout simplement. Kevin, c'est un garçon qui se pose des questions quand, quelquefois, il n'y a pas besoin de s'en poser. C'est un garçon qui a un gros potentiel, de la vitesse, de la puissance, qui marque des buts. Pas 20 buts par saison, mais il marque des buts, ce n'est pas un garçon qui ne marque pas. Après, nous on l'a repositionné un peu. A Sainté, c'est vrai que c'était plutôt un attaquant axial, et, chez nous, il joue plutôt sur un côté. C'est quelque chose qu'il doit aussi gérer. Quelquefois, quand on joue à deux attaquants, il lui arrive de jouer devant, ce n'est pas le problème. Mais c'est vrai qu'il progresse, il progresse tout simplement. On aimerait toujours voir les gens progresser plus vite, mais il progresse à son rythme, c'est le plus important.

 

Peux-tu le comparer à Idriss Saadi, autre attaquant n'ayant pas réussi à s'imposer dans son club formateur ? (José)

 

J'ai eu la chance d'avoir les deux. Idriss, je l'ai eu aussi à Ajaccio : quand je suis arrivé en Ligue 2, c'est lui qui était avant-centre de l'équipe. On a d'ailleurs gardé d'excellentes relations. Idriss, c'est plus le buteur, mais c'est aussi un garçon de profondeur. Quand je suis arrivé, j'ai coaché l'équipe 13 fois en Ligue 2, il a marqué 7 buts au total, et j'ai rarement vu un attaquant se créer autant d'occasions. Si ce garçon avait eu un peu plus d'expérience à ce moment-là, il aurait marqué, sans problème, une quinzaine de buts en Ligue 2. On n'a pas été surpris de voir qu'après, à Clermont, il a marqué 11 buts la première moitié de la saison 2014-2015. S'il ne s'était pas fait les croisés, il aurait pu en mettre beaucoup d'autres. C'est vrai qu'à Cardiff, ça ne se passe pas super bien, donc c'est un problème pour lui. Mon directeur sportif a gardé des contacts avec lui, comme il a gardé des contacts avec beaucoup d'anciens joueurs. Idriss c'est une perle, un garçon extraordinaire avec un très bon état d'esprit. Il était venu pour bosser, c'est ce qui était intéressant avec lui.

 

As-tu apprécié de travailler avec Yoann Andreu ? Les supporters du Gaz lui en veulent d'avoir quitté quitter le club pour le SCO. Et toi ? (Aloisio)

 

Yoann Andreu, je vais être très clair là-dessus, je ne lui en veux pas d'être parti dans un autre club. C'est plutôt la façon dont ça s'est passé qui me dérange un peu. Pour être honnête, Yoann, je l'ai vu alors qu'on était sûr de monter en Ligue 1 à l'avant-dernière journée, après notre match contre Niort. Il y avait un dernier match à Valenciennes. Comme je savais déjà qu'il y aurait un suspendu pour la 1ère journée du championnat de Ligue 1, et que lui avait déjà deux cartons jaunes, je lui ai dit : "Yoann, on va te mettre au repos, on va faire tourner et cela va te permettre de ne pas redémarrer la saison avec une suspension. Ça nous permet de faire tourner et de te préserver, il avait une petite douleur en plus. Je veux te garder l'année prochaine et démarrer la saison avec toi." Il accepte sans problème et me dit de ne pas m'inquiéter. Ça signifiait implicitement que je voulais le garder pour la saison d'après.

 

J'aurais préféré qu'il me dise qu'il ne voulait pas rester. Entre temps, il a des contacts avec Angers et il signe au SCO. Moi, ce que j'attendais au minimum, c'était un petit coup de fil pour m'informer qu'il signait à Angers. Ça fait partie du jeu c'est la règle du jeu, moi, ça ne me pose aucun problème. Il me passait un coup de fil, et puis, voilà, c'était fait. On s'expliquait, il n'y avait absolument rien, il voulait aller ailleurs, il m'avait prévenu, ce n'était pas un problème. Ça a été le cas avec un autre joueur qui nous a quittés, enfin, qui devait nous quitter. Il m'a appelé, on a bu un verre, on s'est expliqué, et ça s'est très bien passé.  A un moment donné, il faut avoir l'honnêteté, vis-à-vis des gens qui vous font confiance, d'expliquer les choses tout simplement. Quand un joueur ne joue pas, il réclame souvent des explications à son entraîneur. L’entraîneur peut aussi, de temps en temps, demander des explications. Ça va dans les deux sens.

 

J'avais un peu de doute au départ quand il nous a rejoints. On me l'avait proposé quand j'étais à Arles-Avignon. C'est un garçon qui avait eu des blessures assez sérieuses à Saint-Étienne, donc j'avais un doute. Et puis, finalement, quand on me l'a proposé à Ajaccio, j'ai regardé et j'ai vu que l'année précédente, à Mouscron, il avait beaucoup joué, donc je me suis dit que cela ne devrait pas poser de problème. Résultat des courses, il a signé chez nous et a fait deux très bonnes saisons, que ce soit en National ou en Ligue 2. Et ce qu'il lui arrive aujourd'hui, c'est mérité tout simplement !

 

 

Deux clubs pros pour une ville d'à peine 70 000 habitants, ce n'est pas un de trop ? Si l'on met de côté les différences (historiques , politiques , culturelles) , que penserais tu d'une fusion éventuelle entre le Gaz et l'ACA ? Cette fusion a-t-elle déjà évoquée ou alors les antagonismes sont si profonds qu'ils interdisent cette éventualité ? (merlin)

 

Je pense qu'on est plutôt dans la deuxième hypothèse. Moi, personnellement, venant du continent, ça ne me pose aucun problème, ce n'est pas le souci, mais c'est vrai, qu'ici, les gens ont une forte identité. Chacun a ses couleurs, voilà, tout simplement. Après, je vais te dire, on a même une équipe de volley qui vient de gagner la Coupe de France. Donc, voilà, il n'y a pas qu'au niveau du foot : le volley marche bien, c'est une équipe qu'il faut soutenir. Chacun a sa politique. A un moment donné, c'est vrai que c'était l'ACA qui marchait bien, ils étaient en Ligue 1 et ça fonctionnait bien pour eux. Aujourd'hui, c'est nous, tout simplement. C'est difficile parce que les choses sont plus compliquées qu'on ne le pense.

 

La qualité de la vie en Corse est-elle attirante pour un joueur ? Joues-tu là-dessus quand tu convoites un joueur pour le faire signer au Gaz ? (hcatteau)

 

C'est évident ! On a quand même quelques munitions, de temps en temps, sans vouloir faire un jeu de mots, quelques arguments à mettre en valeur quand on fait signer un joueur. On a un joueur qu'on a fait signer : on l'a invité 48 heures avec sa femme et ses enfants. On lui a dit : "Écoute, tu viens chez nous, tu vois comment ça se passe et si ça te convient, tu prends ta décision, mais au moins tu auras vu exactement." Ça s'est passé et il a signé chez nous. Honnêtement, je n'ai rien contre certaines villes du Nord de la France ou de l'Est ou d'ailleurs, mais il vaut mieux être au bord des plages que dans certains endroits où la pluie ou le froid vous transpercent à chaque fois. C'est vrai qu'on vient pour jouer au football, mais quand tu es en Ligue 1, même si tu t'appelles le Gazelec, et qu'on te propose de signer, tu réfléchis quand même. Surtout que la Corse ce n'est pas toujours ce que l'on en dit sur le continent. Moi, ça fait un peu plus de trois ans que je suis là maintenant et je n'ai pas vu de méga problème. Mais il faut dire ce qui est, le foot, on est un peu en dehors de tout ça et les Corses sont assez sportifs dans l'âme. Ils aiment bien le sport et sont passionnés, surtout par le football et forcément, ce sont toujours les bons côtés qui ressortent plutôt qu'autre chose.

 

Tu as joué une saison aux côtés de Galette à l'OM. Quels souvenirs gardes-tu du joueur ? Pensais-tu à l'époque qu'il allait faire carrière en tant qu'entraîneur ? (Poteau gauche)

 

Non ! (Rires) C'était un très bon joueur. Ça, c'est une vérité, c'était un garçon qui avait beaucoup de qualités. Il n'était pas Marseillais par hasard, Galette avait du sang, comme on dit, il ne se laissait pas marcher sur les pieds. Mais c'était un gentil garçon, je me rappelle, avec ma femme on a mangé plusieurs fois avec lui et son épouse. C'était vraiment un bon mec dans le vestiaire. Après, de là à dire qu'il allait faire une carrière d’entraîneur… Je ne sais pas si lui se posait même la question à l'époque parce que c'était quelqu'un qui prenait vraiment la vie du bon côté, qui manquait peut-être un peu de rigueur par moments. Il fallait être tout le temps derrière lui, enfin les cadres, parce que, moi, j'étais un jeune joueur à l'époque. Donc les cadres étaient toujours derrière nous à nous booster. Ce n'est pas forcément l'idée première que j'avais de Christophe en me disant, qu'un jour ou l'autre, il allait être l'entraîneur d'un grand club et que ça allait super bien marcher pour lui. Pas parce qu'on ne pensait pas qu'il avait la capacité, mais parce que, quand on le voyait au quotidien, ce n'était pas ce qui nous venait à l'esprit.

 

Je suis très content de sa réussite parce que j'ai vu comment il travaillait à Saint-Étienne. Il bosse avec rigueur, c'est une très bonne chose pour lui et pour Saint-Étienne qu'il y ait eu un couple qui se soit trouvé. Parfois c'est compliqué.  C'est la première équipe qu'il prenait en tant que numéro un. Quelquefois, c'est important le premier choix, il faut que ça se passe bien. Là, ça s'est bien passé, il a sauvé l'équipe, ensuite, on lui a laissé un peu plus les coudées franches et il a montré qu'il était capable de gérer un grand club. Je trouverais même logique, qu'un jour ou l'autre, il puisse se retrouver dans un club encore avec un  budget supérieur.

 

Tu as joué avec Laurent Blanc à Montpellier ainsi que chez les Bleus lors de ta seule sélection. Saviez-vous déjà que le boulot de coach vous intéresserait un jour ? En parliez-vous ensemble à l'époque ? (Timick)

 

Non, pas spécialement. Laurent, c'est pareil, c'est un garçon, pour qui, au départ, comme aujourd'hui, heureusement d’ailleurs, c'était le jeu pour le jeu. Je ne vais pas dire que c'est un idéaliste, loin de là, mais c'était un garçon qui jouait au football pour le football, pour le jeu. Après, il avait des qualités au-dessus de la moyenne, bien entendu. La seule chose, c'est que l'année où je l'ai côtoyé à Montpellier, il avait eu pas mal de petites blessures qui l'avaient contrarié. Il avait joué un peu moins, mais c'était un super joueur. A l'époque, il jouait milieu de terrain. C'est après que je suis parti de Montpellier, que Michel Mézy, quand il gagne la Coupe de France, l'a remis derrière.

 

Ta vocation d'entraîneur est-elle venue très tôt ? Quels entraîneurs t'ont inspiré en tant que coach ? (Poteau droit)

 

Oui, ma vocation d'entraîneur est venue assez tôt. Il fallait être majeur pour passer les diplômes, donc j'ai passé ça dès que j'ai pu, à 18 ans. Après, j'ai passé mon DEF pendant mes vacances de footballeur professionnel, mais ça ne posait pas de problème. Pendant que les autres étaient aux Bahamas, moi, j'étais à Clairefontaine, c'était un choix. Mais il y a beaucoup de personnes qui l'ont fait, je ne suis pas unique, il ne faut pas rêver ! Après, il y a des entraîneurs qui m'ont inspiré et dont j'ai gardé certaines habitudes, certains préceptes. Il y en a d'autres pour lesquels je me suis juré de ne jamais faire ce qu'ils faisaient. Ceux-là, tu ne m'en voudras, je préfère ne pas en parler ! (rires) Un entraîneur qui m'a particulièrement inspiré,  c'est Sylvester Takac, à Sochaux. C'était quelqu'un de très rigoureux qui n'hésitait pas à dire les choses en face aux joueurs. Quelquefois ça pouvait être déplaisant mais on savait que c'était honnête. Tout simplement. C'était des choses dites avec beaucoup d’honnêteté, d'objectivité, jamais de façon négative. C'était avant tout pour te faire progresser, quelquefois c'était même pour te piquer un peu, parce que tu pouvais faire des matches qui n'étaient pas à la hauteur de ce qu'il attendait.  Forcément, à ce moment-là, il était dans son rôle d'essayer de te piquer un peu pour améliorer ton rendement. Vraiment j'ai gardé un excellent souvenir de lui alors que c'était quelqu'un, à la base, d'assez rigide et d'assez dur.

 

Qu'as-tu appris au contact de Robert Nouzaret ? Es-tu resté proche de lui ? (Poteau gauche) 

 

Je ne suis plus en contact avec Robert parce qu'on a eu un gros différend à Arles-Avignon. Jusqu'alors, je lui faisais totalement confiance. Mais à Arles-Avignon, il y a eu quelques incidents diplomatiques, on va dire... A partir de là nos vies se sont séparées, voilà, tout simplement ! C'est quelqu'un que j'avais apprécié en tant que manager. C'était quelqu'un de rigoureux.  Quand j'étais à Saint-Etienne et que je suis parti à Montpellier, c'est lui qui m'avait aidé. Je n'avais aucune raison de douter de tout ce qu'il faisait, mais malheureusement, on n'a pas pu fonctionner correctement à Arles-Avignon. Il y avait un contexte assez particulier dans ce club, mais s'il y a eu des tensions, il en est l'un des instigateurs.

 

Merci à Thierry pour sa disponibilité, et merci potonaute Stéphanois pour la retranscription de cette troisième partie de l'interview