Ancien gardien du SCO et de l'ASSE, Jean-Pascal "Beau Frelon" s'est confié à Poteaux Carrés avant le match qui opposera les deux clubs ce samedi à Angers dès 13h00.
Où vis-tu et que deviens-tu Jean-Pascal ?
Je suis à Cazouls-lès-Béziers, près de Béziers. Je suis éducateur au MHSC et responsable des U15 à la préformation. Cela fait un peu plus de quatre ans que j’exerce dans ce club. On individualise beaucoup le travail donc en plus d’entraîner les U15 je fais du spécifique pour les U16 au U19. On amène notre expérience aux jeunes, on fait des séances de remédiation.
Comment as-tu atterri au MHSC ? Tu avais des attaches à Montpellier ?
Pas du tout. Une catastrophe est arrivée dans ma famille, j’ai perdu mon fils dans un accident de moto. À ce moment-là, j’étais adjoint à Créteil en National. Je suis devenu un peu fou, j’ai tout arrêté. Monsieur Nouzaret, avec qui j’avais travaillé en sélection guinéenne, m’a tendu la main pour me sortir un petit peu de ma tristesse.
Quand il arrive un drame comme ça, il faut essayer de se reconstruire. J’ai saisi cette opportunité de Monsieur Nouzaret pour sortir un peu la tête de l’eau. Il m’a proposé le challenge de structurer un club partenaire du MHSC en Guadeloupe, le Sainte-Rose FC. Comme la mission s’arrêtait, Monsieur Nicollin m’a proposé d’intégrer le club et de travailler au centre de formation.
Tu as été formé au SCO et c’est dans ce club que tu as joué quatre saisons en pro.
Exact. Je suis originaire de Cholet, à 60 kilomètres d’Angers. Tout petit quand je suis arrivé d’Afrique, mon père m’emmenait voir le SCO. Ça m’a permis d’aimer ce club-là. De 10 à 15 ans j’allais les voir les matches du SCO et à 16 ans on m’a proposé d’intégrer le club. J’avais commencé le foot à Saint-Macaire-en-Mauges, un tout petit club du côté de Cholet. J’ai joué ensuite au SOC (Stade Olympique Choletais).
J’avais la particularité de jouer attaquant mais de faire des sélections régionales en tant que gardien. Je jouais en cadets nationaux comme attaquant. J’ai choisi de me fixer à un poste sur un coup de dés. Le directeur sportif du SCO d’Angers m’a proposé un contrat aspirant soit de gardien soit d’attaquant. Dans son bureau, j’ai choisi gardien de but.
Après avoir fait tes armes au centre de formation, tu as saisi l’opportunité d’intégrer l’équipe première du SCO.
Le SCO a eu des soucis financiers et s’est retrouvé obligé de laisser partir des joueurs importants. Comme c’est souvent le cas quand un club a des problèmes de ce type et manque de moyens, il a été décidé de faire monter des jeunes. J’ai su comme d’autres saisir cette opportunité de découvrir le monde professionnel. On jouait en D2 mais en seconde partie de tableau, pour ne pas descendre en D3.
En quoi ton expérience professionnelle à Angers t'a marqué ?
Déjà la fierté de défendre le maillot de mon club de cœur. Je vivais de ma passion, c’était vraiment exceptionnel. On n’avait pas de joueurs exceptionnels mais on formait une belle petite équipe donc on se maintenait. L’ambiance était familiale, c’était notre force. J’ai vraiment connu le professionnalisme et le très haut niveau en arrivant à Saint-Etienne.
Au SCO, tu as évolué aux côtés de Stéphane Moulin. Quels souvenirs gardes-tu de lui et que t’inspire son exceptionnelle longévité sur le banc de l’équipe première angevine ?
Stéphane, c’était déjà un ami avant d’être un joueur. On était vraiment très proches les uns des autres. C’était un jeune, moi ça faisait déjà deux ou trois ans que je jouais donc je faisais un peu partiedes cadres. Il sortait du Sport Etudes du Lycée Chevrollier avec Patrice Sauvaget, son adjoint. Sa concluante reconversion d’entraîneur ne me surprend pas. Il aimait déjà la tactique et étant à la pointe de ce qui se passait.
Sa longévité est remarquable, ça prouve que c’est quelqu’un de compétent, qui sait s’investir dans un projet à long terme. Avant de retrouver le SCO, Stéphane avait déjà fait du très bon boulot à Châtellerault. Il a entraîné ce club près de 8 ans après y avoir terminé sa carrière de joueur. Stéphane s’inscrit dans la durée dans un club, ce qu’il fait au SCO est vraiment satisfaisant.
Cela fait 10 ans qu’il est à la tête de l’équipe première. Sa réussite tient à sa personnalité mais aussi à des dirigeants qui font confiance à un staff. C'est vrai que dans le foot pro d'aujourd'hui, c'est rarissime de rester en poste aussi longtemps. Mais quand on est bien quelque part, qu'on est bien entouré et qu’on progresse, on ne cherche pas à partir.
Tu souhaitais d’ailleurs rester au SCO à la base avant que les Verts ne viennent te chercher.
C’est vrai, je voulais rester au SCO. J’avais demandé à ce que l’on prolonge mon contrat de plusieurs saisons. Ça a été refusé, ils pensaient sans doute que je n’allais pas avoir de club. Il y a pourtant plusieurs clubs qui m’ont sollicité : Valenciennes, Laval… et Saint-Etienne. Monsieur Garonnaire pour qui j’ai beaucoup de respect m’a appelé, j’ai aimé nos échanges.
Ensuite j’ai eu Monsieur Herbin qui était encore à Strasbourg à l’époque mais dont le retour à l’ASSE était acté. Il m’a dit qu’il avait confiance en moi, qu’il me connaissait. Je n'ai pas hésité, Saint-Etienne, ça fait rêver ! Les Verts avaient encore une belle image à ce moment-là et forcément ça m’attirait de rejoindre un club aussi prestigieux, avec un tel stade, un tel public. C'était un gros club professionnel pour moi. Un peu trop gros pour moi peut-être.
Tu as passé quatre saisons à l’ASSE. Que gardes-tu de cette expérience ?
Déjà le fait d’être passé dans ce club-là. Ce n’est pas donné à tout le monde. Cette expérience m’a servi plus tard dans mon métier d’entraîneur. J’ai appris que des joueurs étaient faits pour certains clubs. Il y en a qui font de belles carrières dans de petits clubs. Avant de rejoindre Sainté, j’avais été courtisé par le Stade Lavallois. Avec le recul, je me dis que le profil de ce club-là était plus adéquat à mes qualités et à mon environnement, à ma façon de vivre.
Saint-Etienne, c’était le gros club. J’avais l’impression de ne pas être « accepté ». Quand on gagnait, c’était jamais moi et quand on perdait c’était toujours moi. Arrivé un moment, c’était compliqué. Je reste malgré tout très fier d’avoir porté ces couleurs-là, vraiment ! J’ai joué dans un club mythique. C’est très enrichissant d’être passé par ici même si j’en ai quand même bavé.
Doublure de Jean Castaneda la première saison, tu as été promu numéro un au cours de la saison suivante.
Jean était l’enfant du club, un gardien qui avait joué en Equipe de France. Moi j’essayais de rentrer, d’apprendre mon métier à ses côtés. La saison suivant, après un premier tiers de saison très compliqué, on était mal classés et Robert Herbin a décidé de me faire passer gardien numéro un. Mais j’avais une épée de Damoclès au-dessus de la tête. À chaque fois que je faisais un match moyen, ça me retombait dessus. J’avoue j’en ai bavé…
… pas vous mon amour ?
Si ! (Rires) Je ne regrette pas du tout d’avoir eu à gérer ce contexte. C’était parfois compliqué à vivre, sur le plan médiatique notamment. Mais cette expérience m’a permis de relativiser, de mettre en perspective les choses. Il y en a partout des bons joueurs. Après, est-ce qu’ils sont prêts à jouer dans un club aussi mythique que l’ASSE ? Ce n’est pas évident.
Comment juges-tu tes performances à l’ASSE ?
J’ai été très, très moyen. C’était sans doute dû à mes qualités qui étaient peut-être moyennes. Je n’ai jamais pu m’exprimer comme j’avais pu le faire auparavant à Angers et comme j’ai su le faire ensuite à Istres. Peut-être que j’ai eu du mal à m’adapter à l’environnement particulier de l’ASSE. C’était peut-être une question de caractère. Je suis quelqu’un de simple, qui aime bien la vie. La marche était sans doute trop haute pour moi.
Des supporters stéphanois qui ont connu cette époque se remémorent tes boulettes. Le site ASSE Memories les a même compilées dans une compilation disponible sur Youtube avant d’enfoncer le clou en mettant un bonus track sur twitter. Ça t’inspire quoi ?
À Saint-Etienne, c’est vrai que j’ai fait des erreurs. Elles étaient pointées du doigt mais c’est le jeu. Je jouais à un poste forcément particulier, exposé, où la moindre erreur peut se payer cash. Sur les erreurs les plus grossières, je suis indéfendable. Ce n’est pas une excuse, juste une circonstance atténuante : il m’est arrivé de jouer en n’étant pas au mieux.
Lors du match contre Cannes par exemple, mon fils était hospitalisé et peut-être que je n’étais pas prêt mentalement à disputer cette rencontre. Je regrette toutes les erreurs que j’ai commises mais je pense que ce serait réducteur de ne retenir que ça de ma carrière de joueur. Quand bien même c’est ce que retiendraient les supporters, je ne leur en voudrais pas.
Je n’étais peut-être pas prêt pour ce club-là, peut-être pas au niveau des attentes du public. Mais je suis content d’avoir joué pour Saint-Etienne et je reste attaché à ce peuple vert. Ce sont des gens honnêtes, passionnés et qui jugent très vite. Ce qui est normal. J’ai fait plus de boulettes que d’autres gardiens, je le reconnais.
Tu as aussi fait quelques beaux arrêts, en cherchant bien on pourrait les compiler. Et après tout, en termes de but pris par match (1,17) et de pourcentage de clean sheets (31,75), ton bilan est comparable à celui de Jérémie Janot (1,19 / 32,90). Si Jean Casteneda (0,99 / 41,39) et Stéphane Ruffier (1,09 / 36,81) ont évidemment de meilleures stats que toi, tu as de meilleurs chiffres que Jessy Moulin (1,34 / 26,56), le portier actuel de l’ASSE. Tu n’es pas qu’un gardien qui faisait des boulettes, il t’arrivait d’arrêter les ballons. Il t'est même arrivé de recevoir le trophée du meilleur joueur du mois.
Merci de le rappeler ! (rires) Au-delà de ces stats qui relativisent un peu les choses, je pense que c’est une question d’opportunités. Peut-être que si j’arrivais maintenant, je ferais une autre carrière. C’est parfois plus facile de passer derrière certaines personnes que derrière un Castaneda ou un Ruffier. Quand je suis arrivé à Saint-Etienne, j’ai vite perçu que Jean était un monument. Il était connu de la France entière, il avait participé à la Coupe du Monde 1982. C’était le digne successeur du légendaire Ivan Curkovic. Peut-être que ça se serait mieux passé pour moi à Sainté si j’avais rejoint le club plus tard.
Comment as-tu vécu cette concurrence avec Jean Castaneda ?
La presse a essayé de nous monter l’un contre l’autre. On nous interviewait l’un après l’autre, on tentait de nous opposer. Moi je venais de mon petit club d’Angers où je ne faisais pas de spécifique et j’arrivais à l’ASSE où il y avait beaucoup de monde à l’entraînement. J’étais scruté, je découvrais tout ça. Avec le temps, le petit regret que j’ai, c’est qu’on n’ait pas pu échanger avec Jean dans un premier temps.
J’aurais aimé que Jean, qui arrivait plus ou moins en fin de carrière, me parraine et facilite mon intégration. Après, c’est toujours pareil, quand on est beaucoup plus proche de la fin que du début, on voit plus ou moins bien l’arrivée de plus jeunes joueurs à son poste. Dans cette histoire je pense que tout le monde a fait des erreurs, Jean comme moi.
Dans le football d’aujourd’hui, tout staff digne de ce nom a un entraîneur des gardiens. Tu n’en avais pas à Angers ?
J’ai occupé plus tard cette fonction quand je suis retourné au SCO mais je ne faisais pas de spécfique quand j’étais joueur là-bas. Mon spécifique, c’était le samedi soir, lors des matches, parce que j’étais très sollicité ! (rires) En fait j’ai découvert le spécifique à Saint-Etienne avec Monsieur Sarramagna. On travaillait peut-être sur 25 ou 30 ballons. Maintenant on ne travaille plus que sur 10 ballons, on travaille la qualité. Je n’ai jamais eu un entraîneur spécifique pour moi. Monsieur Sarramagna avait une bonne patte, il aimait tirer lors des entraînements.
Quelle vision as-tu sur le poste d’entraîneur des gardiens aujourd’hui ?
Je trouve ça très bien, mais je pense aussi qu’il faut veiller à ne pas trop chouchouter le gardien, à ne pas trop le sortir de son contexte. Pour moi un gardien est d’abord un joueur de foot, qui se sert certes de ses mains mais pas que. Un gardien est aussi là pour jouer au pied. Il faut trouver le juste milieu entre des entraînements communs où on en bave ensemble et l’entraînement spécifique. Parfois j’ai l’impression que c’est sinon une « secte », un groupe à part. L’entraîneur des gardiens a ses trois ou quatre gardiens, il reste avec une ou plusieurs années. Je pense qu’il faut faire attention à ne pas sortir trop les gardiens du collectif.
Robert Herbin était très sensible à cette notion de collectif. Tu auras joué sous les ordres de cet entraîneur mythique, dont la disparition a dû t’affecter.
C’était un très, très grand Monsieur. C’était quelqu’un de respectable, de respecté. Par son charisme, il a su mettre des gens à leur place, sans rien faire. C’était quelqu’un de très attachant malgré ce qu’on peut dire. Il avait deux personnalités. Il vivait vraiment le collectif, était vraiment dedans. Quand on était en petit comité, il parlait, il donnait des conseils. Mais dès que des gens qu’il n’appréciait pas ou dont il se méfiait approchaient, il se fermait directement et redevenait le Sphinx. On pouvait parler de tout de façon informelle avec lui, et d’un coup si quelqu’un qui ne lui revenait pas débarquait, il devenait très froid. Personnellement je l’ai beaucoup apprécié.
Son retour a été concluant dans un premier temps car le club a fini à une très belle 4e place en 1988. Mais ça s’est gâté par la suite. 14e en 1989, 15e en 1990, 13e en 1991.
La première saison était vraiment très belle. Hélas pour nous, cette saison-là, la 4e place n’était pas qualificative pour la Coupe d’Europe. On avait fini juste derrière Montpellier qui avait fait une très grosse deuxième partie de saison. Personnellement c’est surtout la dernière saison qui me laisse des regrets. La deuxième, j’ai pris la place de gardien numéro un suite au mauvais début de saison du club. Après, on a quand même joué, on a remonté la pente. On n’était pas trop mal. En 1990, on a tout de même fait une demi-finale de Coupe de France, qu’on a perdue 1-0 à la maison contre Montpellier, but de Cantona.
Alors que tu avais joué lors des précédents tours remportés contre Angoulême, Chaumont, Valenciennes et Mulhouse, c’est Gilbert Ceccarelli qui gardait les cages ce soir-là contre les Pailladins. C’est lui qui a été numéro un ta dernière saison stéphanoise. Tu n’as pas joué le moindre match l’exercice 1990-1991.
Oui, cette saison blanche a été très pénible à vivre. Monsieur Sarramagna avait succédé à Monsieur Herbin. Monsieur Sarramagna est quelqu’un de très compétent mais gentil voire trop gentil pour le milieu professionnel. C’était un super adjoint mais pas un numéro un. C’est grâce à lui que j’ai appris toutes ces subtilités-là. Gilbert Ceccarelli était un ancien du club, il connaissait les rouages de l’ASSE. Il était venu dans un premier temps comme doublure et a été promu numéro un.
Était-ce dû à mes prestations, aux siennes, à ce qu’on lui avait promis ? À vrai dire je l’ignore. Il m’a mis la pression. J’avais les cartes en main mais je n’ai sans doute pas su les saisir. Quand Monsieur Sarramagna a pris l’équipe, il nous a mis tous les deux en concurrence. Il ne m’a pas fait jouer le premier match parce que je ne faisais pas rire l’équipe. Voilà ce que je peux reprocher. Ce n’était pas forcément les compétences. À partir de là, j’ai lâché.
Tu as su rebondir à Istres où tes prestations ont laissé un bon souvenir.
J’ai retrouvé là-bas la confiance. Je crois énormément en ça. Quand tu es en confiance, tu fais des performances. L’ASSE était peut-être un club un peu trop grand pour moi. Dans un club plus modeste et plus calme comme Istres, j’ai plutôt bien joué.
Comme tu arborais parfois un maillot jaune et noir lors de tes vertes années, des supporters stéphanois t’avaient surnommé Beau Frelon. Ce surnom te donnait le bourdon ?
(Rires) Non, je trouvais ça marrant. Je n’ai jamais essayé d’entrer en conflit avec les supporters. J’essayais de vivre ma petite vie tranquille. J’essayais d’être le plus performant possible. Je sais que je suis passé à travers quelques matches. Si ça pouvait les faire sourire, j’appréciais. Je me souviens que ça a été compliqué au début quand j’ai pris la place de Jean. Après, mes prestations ont fait que les supporters sont un peu tombés sur moi.
Je ne regrette rien du tout. Je souhaite aux supporters et au club que ce maillot reverdisse le plus rapidement possible dans le football français. Les gens en ont besoin. Je crois surtout que la France en a besoin aussi. J’ai peut-être eu des années difficiles au club – pour ceux qui le pensent, moi j’ai bien vécu la situation – mais je ressens surtout de la fierté d’avoir porté ce maillot-là. J’ai eu cette chance de jouer de nombreuses fois à Geoffroy, un stade mythique !
C’était il y a trente ans que j’ai joué là-bas, les Verts étaient encore plus proches du palmarès. C’étaient vraiment les précurseurs du football français. C’est bien sûr ce que je retiens, ce côté club historique avec toute la ferveur qu’il suscite. Saint-Etienne, ça fait rêver tout le monde. Simplement, je n’étais pas prêt à vivre cette aventure-là. Ma formation n’était pas adaptée à ce club-là. Moi c’était plus la convivialité. Peut-être que si j’avais intégré le club à 16 ans, j’aurais peut-être mieux supporté la pression.
Mais le fait est que c’est dans ce club que j’aurai évolué en première division. J’ai touché du doigt le haut niveau car j’ai eu la chance d’évoluer sous les ordres de Robert Herbin avec des joueurs de haut niveau : Patrice Garande, Philippe Tibeuf, Moustapha El Haddaoui. Il y avait vraiment du beau monde. On a fait une super saison 1987-1988, peut-être qu’on s’est vu un peu arrivés. Le départ de Mouss a fait du mal, la grave blessure de Philippe contre Nantes.
Outre les garçons que tu as cités, quels sont les coéquipiers qui t’auront le plus marqué lors de tes vertes années ?
J’ai beaucoup aimé John Sivebaek, Alain Geiger. Le talent pur, c’était Dimitrov, même s’il était quand même un peu spécial. J’ai particulièrement aimé l’équipe de ma première année stéphanoise. Pour moi c’était tout beau, tout rose. J’arrivais d’un club de bas de tableau de D2, et je m’entraînais avec Jean Castaneda que j’avais vu à la télé. J’avais ce côté un peu supporter, j’appréciais chaque moment. Je préparais chaque séance d’entraînement comme si c’était un match.
Quand John Sivebaek est arrivé, il y avait un monde fou à son premier entraînement. Le terrain à côté du stade était rempli. C’est là que tu mesures l’engouement qu’il y a pour ce club. Quand je suis arrivé à Sainté, j’avais été frappé par le monde qu’il y avait sur le parking. Je me demandais où j’étais arrivé. Je débarquais sur une autre planète. Même lors de nos tournées en Afrique, il y avait toujours une tribune qui était verte. C’est fantastique !
Avec quels coéquipiers stéphanois avais-tu des affinités particulières ?
J’étais un petit peu le grand frère des nouveaux comme Guy Clavelloux. Je m’entendais bien avec Jean-Pierre François. Je m’entendais avec tout le monde ! Patrice Ferri, Gilles Peycelon, Jean-Luc Ribar… Il y avait aussi Vincent Chicharo. Christophe Pignol, que j’ai retrouvé ensuite à Istres. Pareil pour Momo Chaouch. Je m’entendais très bien avec tous ces gars-là.
Au-delà de l’aspect purement football, t’as aimé la région stéphanoise ?
Oui, beaucoup ! J’ai particulièrement apprécié les gens, leur ferveur. J’ai aimé ce paysage vallonné. J’ai apprécié cette tranquillité quand on sortait. J’étais à Villars la première année et ensuite j’ai habité à La Fouillouse. J’étais à côté du stade, vraiment en pleine campagne. Je comprends que beaucoup de personnes ayant porté le maillot retournent dans la région. Il fait bon vivre du côté de Saint-Etienne.
Tu as eu l’occasion de revenir à Geoffroy-Guichard depuis que tu as quitté l’ASSE en 1991 ?
Oui, j’ai eu l’occasion d’y revenir avec Angers quand le SCO était en Ligue 2. J’étais dans le staff angevin en tant qu’entraîneur des gardiens. Ça m’a fait du bien de retrouver cette atmosphère, cette ferveur stéphanoise. Retrouver le Chaudron, ça m’a fait plaisir. On peut demander à tout le monde, c’est toujours particulier de jouer à Sainté. C’est un déplacement que tout le monde attend.
À quel moment avais-tu fait ton retour au SCO ?
En 2002. J’étais auparavant à La Réunion, où j’ai fini ma carrière de joueur et démarré ma carrière d’entraîneur. Quand j’ai retrouvé le SCO, le club évoluait en National. J’étais entraîneur adjoint de Eric Guérit. La première année on est monté en Ligue 2. On a fait deux ans à ce niveau avant de retomber en National.
C’était l’époque où ça tournait beaucoup sur le banc d’Angers !
Effectivement, rien à voir avec le SCO de Stéphane Moulin aujourd’hui ! Après Eric Guérit, j'ai connu en l’espace de trois ans Jacky Bonnevay, Noël Tosi, Roberto Morenini, à nouveau Noël Tosi, Stéphane Paille. En 2006, je me suis même retrouvé entraîneur numéro un pendant près de trois mois avant que Stéphane arrive. Il n’y avait plus de sous dans les caisses à l’époque. Ensuite quand on m’a proposé de rester au SCO comme entraîneur de la réserve, j’ai refusé. Je ne voulais pas être suspecté d’être la personne qui savonne la planche des entraîneurs.
Ton cœur sera angevin ou stéphanois ce samedi ?
Angers, c’est mon club de cœur. Si Saint-Etienne joue l’Europe et que le SCO est en milieu de tableau, je suis pour Saint-Etienne. Si les rôles sont inversés, je suis pour Angers. Si une équipe est menacée de relégation, je suis pour elle car ça me ferait mal au cœurs de voir les Verts ou Angers descendre en L2. Je ne souhaite que du bonheur pour ces deux clubs.
Quels souvenirs as-tu conservé de Jacky Bonnevay ?
Je garde l’image de quelqu’un d’organisé. C’était un jeune entraîneur qui avait flambé à Beauvais. Là-bas il avait été élu meilleur entraîneur de Ligue 2. Ensuite il est allé à Troyes où ça s’est mal passé car il s’est fait remercier au bout de six mois. C’est suite à ça qu’il est arrivé chez nous. Il est arrivé avec José Pinot, avec qui il avait déjà collaboré à Beauvais. Jacky Bonnevay était structuré, méticuleux. Il connaît son métier mais n’a pas eu l’occasion de le pratiquer très longtemps à Angers. Il a depuis pas mal bourlingué. C’est sympa de le retrouver du côté de Saint-Etienne en tant qu’adjoint de Claude Puel car il a des attaches familiales dans la Loire.
Quel regard portes-tu sur le parcours actuel du SCO ?
Pour un club qui a des moyens, non pas limités mais qui compte ses sous, je trouve que le SCO s’organise très bien. Ils ne font pas de bruit dans le recrutement mais tous les ans ils apportent une plus-value à cette équipe. Ils laissent partir des joueurs mais là où je les trouve très forts c’est qu’ils arrivent après chaque départ à trouver des joueurs intéressants. Le SCO est un joli tremplin pour les joueurs en devenir. C'est aussi un club qui progresse et se structure au niveau de la formation [sous la houlette de l'ancien entraîneur des U19 stéphanois Abdel Bouhazama, ndp2].
Dans toutes les strates du club, j'ai le sentiment que ça travaille bien à Angers. Je pense que beaucoup de clubs devraient s’en inspirer. C’est un club qui n’a pas mis la charrue avant les bœufs, qui a progressé petit à petit. Au début ils avaient fait un recrutement pour se maintenir en prenant plutôt des grands, costauds, avec un bon jeu de tête. Après ils sont su apporter une petite touche technique à cette équipe. Ils ont réussi à trouver des joueurs complémentaires.
Sur certains points le SCO me fait un peu penser à mon club Montpellier. Le recrutement est malin, les équipes ne font pas trop de bruit. Ça ne m’étonnerait pas qu’un jour ils performent tellement qu’ils arrivent à décrocher une place européenne. Ce sont des clubs qui ne chamboulent pas tout d’une année sur l’autre. Comme chez nous, il y des garants dans le vestiaire. Des joueurs qui jouent peut-être un peu moins mais qui sont les garants d’un état d’esprit. Ces garçons apportent leur expérience, ce qu’ils ont vécu avant et véhiculent une image positive du club.
Les Angevins ont connu une période où ils n’avaient pas beaucoup de résultats mais ils ne se sont pas énervés. On ne les a pas entendus dans les médias. Ils sont restés sereins, ont travaillé. Ils ont repris confiance et enchaîné les bons résultats. Nous aussi à Montpellier on a connu une période compliquée. Après une belle série où tout le monde nous voyait jouer les quatre premières places, on a eu des mois de janvier et de février très difficiles. Sans faire de bruit, on a retrouvé une bonne dynamique.
Quelles sont les caractéristiques de cette équipe angevine ?
Ce qui me plait quand je vois jouer le SCO, c’est leur sens du collectif. Cette équipe n’a pas des joueurs exceptionnels mais des garçons complémentaires et intéressants à chaque poste. Ils n’ont pas les meilleurs joueurs de France à chaque poste mais dans les quatre ou cinq meilleurs à chaque fois. Les Angevins ont l’intelligence d’accepter leurs différences, on sent que tous les joueurs tirent dans le même sens.
Le seul truc qui m’a surpris, c’est de voir l’énervement de Stéphane quand Lens a égalisé dans les arrêts de jeu lors du dernier match de championnat à domicile. Stéphane s’est mis à crier, ce n’est pas trop sa manière de faire. J’ai peur qu’en changeant d’objectif, en se fixant des objectifs trop hauts, ça puisse interférer un peu dans le bon vivre du club. Il faut se dire les choses mais il faut quand même faire attention.
Tu penses que le SCO vise l’Europe ?
Le SCO est actuellement 9e avec 5 points de retard sur le 5e Lens. Il peut avoir l’espoir de combler cet écart mais pour y parvenir il faudra se montrer régulier et faire très peu de faux pas. Si les quatre premiers sont hors concours, beaucoup de clubs peuvent encore espérer finir à cette 5e place. Un fait qui est important, c’est la médiatisation. Hormis les gros clubs médiatisés, dès qu’un club plus modeste sort du lot et devient médiatisé, en général derrière il explose. C’est difficile de résister à la pression.
Lens est actuellement 5e, Metz a occupé cette place, pourquoi pas Angers ? L’appétit vient en mangeant, et à force de progresser, le SCO finira peut-être à devenir européen. Cette saison ou les saisons prochaines. Nous à Montpellier, c’est pareil. On essaye de faire au mieux, de structurer. Il n’y a pas de vedette exceptionnelle au MHSC mais un collectif, des gens qui s’apprécient, un entraîneur compétent. A Angers comme à Montpellier, il fait bon travailler.
T’as suivi les Verts cette saison ? Que t’inspire leur saison ?
Je continue de suivre les Verts, j’ai vu quelques-uns de leurs matches. En tout de début de saison, ils étaient tout feu tout flamme. J’étais vraiment satisfait même en même temps je m’inquiétais du retour de manivelle. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé. Je trouve pourtant que Monsieur Puel est quelqu’un de compétent, c’est le style d’entraîneur que j’apprécie pour sa rigueur et son travail. Il y a eu des blessures, des départs, des choix qui ont été faits.
Quand il y a un effectif où il y a beaucoup de monde, c’est difficile à gérer. Quand on a un groupe pléthorique, c’est difficile de tirer tout le monde vers le haut. En général c’est plutôt l’inverse. Il faut resserrer et remettre les joueurs au travail. L’ASSE connaît une saison délicate, il faut la boucler du mieux possible avant de repartir sur de bonnes bases, tranquillement. Parce que Saint-Étienne fera toujours rêver. Je ne suis pas inquiet là-dessus.
Tu penses que Sainté va se maintenir sans trop trembler ?
Oui. Certes, les Verts n’ont pris qu’un point sur les trois derniers matches. Leur marge a un peu fondu mais quand on regarde sur le classement, on se rend compte qu’ils ont quand même cinq points d’avance sur le barragiste et six sur le 19e. Évidemment, il faut éviter les deux dernières places synonymes de relégation. Dijon est décroché et je ne vois pas Sainté finir 19e. Dans le pire des cas, je les vois finir à la 18e place.
Quand bien même les Verts finiraient barragistes, je pense qu’ils auraient de très grandes chances de se maintenir. Mais à mon avis Sainté n’aura pas besoin des barrages pour rester dans l’élite. Je les vois se sauver bien avant. L’idéal, ce serait d’assurer le maintien le plus tôt possible pour pouvoir préparer au mieux la saison suivante.
Des supporters se demandent si Claude Puel est toujours l’homme de la situation. T’en penses quoi ?
Je pense que Monsieur Puel a prouvé par le passé qu’il était compétent. Il a prouvé qu’il savait bâtir des équipes mais que ça réclamait du temps pour porter ses fruits. Laisser partir Puel, c’est bien beau mais pour prendre qui ? Je pense que Monsieur Puel correspond au club, c’est un bâtisseur qui s’appuie sur des jeunes.
Là où Saint-Etienne est en difficulté, c’est qu’il n’y a pas de supporters. Pour moi le public stéphanois donne au moins 30% de plus à son équipe et 10% de moins aux autres. À l’ASSE, le public est véritablement le 12e homme, il y a une ferveur qu’on ne voit pas ailleurs. À mon avis l’absence du public est plus préjudiciable à l’ASSE que la plupart des autres clubs.
Tout le monde se sent frustré dans la période qu’on vit actuellement. Les gens qui ne peuvent plus assister aux matches et qui sont devant leur télé ne peuvent pas se lâcher donc ils ne comprennent pas ce qu’il se passe. Les joueurs sont frustrés de ne pas bénéficier au stade du soutien de leurs supporters.
Les Verts sont en difficulté, les jeunes joueurs font leur apprentissage dans un contexte très compliqué. Dans la vie d’un club il y a toujours des virages, des changements de cycle. À Sainté il y a eu le cycle Galtier, maintenant c’est le cycle Puel, il faut travailler là-dessus. Il s’appuie sur des jeunes, notamment la génération qui a gagné la Gambardella.
Ces jeunes joueurs, il faut accepter qu’ils se plantent ou en tout cas qu’ils ne soient pas de suite très performants. Comme ils marchaient sur l’eau en début de saison, ils ont peut-être cru que c’était arrivé. C’est difficile aussi de se remettre en marche avant. Ils ont besoin d’être bien encadrés. Le problème aussi c’est que le meilleur jeune est parti juste après ce début de saison canon.
Wesley Fofana, sportivement, jamais on ne doit le laisser partir ! Je sais bien que Monsieur Puel voulait qu’il reste et que le club l’a laissé partir pour des raisons financières. Mais je trouve ça très regrettable. S’il était resté, les Verts auraient peut-être cinq ou six points de plus aujourd’hui. Le foot c’est trop fragile, quand on a des bons joueurs il faut tout faire pour les garder un peu plus.
Que t’inspire l’affaire Ruffier ?
Je trouve ça vraiment dommage, non seulement pour lui mais pour le club. L’image qu’a véhiculé cette affaire n’est pas très reluisante. Il y les pro-Ruffier, les pro-club. C’est comme les divorces, c’est du 50/50, je pense que les torts sont partagés. C’est quand même bien triste d’en être arrivé à ce point de non-retour, à ce licenciement. Il aurait peut-être fallu un médiateur pour régler ce différend. On a eu affaire à deux personnes têtues qui n’ont pas su mettre de l’eau dans leur vin.
Je trouve l’issue de cette affaire Ruffier très regrettable. Après tout ce qu’il a apporté au club, c’est assez incroyable que ça se termine comme ça. Médiatiquement, ça donne une très mauvaise image de Saint-Etienne et le joueur n’en sort pas grandi non plus. Dans des situations comme celles-là, ce serait bien qu’il y ait un comité des sages, une instance au-dessus de tout le monde. Ce n’est pas possible que ça se termine comme ça !
Jessy Moulin lui a succédé en tant que gardien numéro un. Comme toi à l’époque, il a pris la place d’un ex-gardien international qui était installé depuis longtemps au club mais dont les dernières prestations étaient en-deça de ce qu’il avait montré par le passé.
Jessy Moulin fait ce qu’il peut. Mais avec tout le respect que je lui dois, on n’est pas gardien numéro un toute une saison comme ça. Il a fait toute sa carrière comme doublure et s’est retrouvé parachuté numéro un à 34 ans. C’est très difficile d’assumer toute une saison ce statut de numéro un, la saison est longue. J’ai connu ce statut de numéro deux, certes moins longtemps que lui. Quand tu es une doublure, tu as moins de pression.
Tout change quand tu passes numéro un. On oublie vite tes bons matches et on a tendance à stigmatiser tes erreurs. Avec tout le respect que je dois à Jessy Moulin, je pense que c’est venu trop vite pour lui, dans le sens où du jour au lendemain il s’est retrouvé parachuté. Lui ne demandait rien à personne. Il y en a qui font des carrières exceptionnelles comme numéro deux mais dès qu’ils passent numéro un ils n’y arrivent pas.
Ensuite on sait comment ça marche, dès que tu fais un match moyen, on te compare à ton prédécesseur, surtout s’il avait un statut et une stature importants au sein du club. J’ai vécu ça à Saint-Etienne mais la situation n’est pas tout à fait comparable à ce qui se passe actuellement. Moi, l’ASSE était venue me chercher, je n’étais pas au club depuis très longtemps comme Jessy Moulin.
Quand je suis arrivé chez les Verts, j’avais 24 ans et j’avais cette perspective de remplacer Jean Castaneda au bout de quelques années. C’est ce qui était prévu à la base quand j’ai rejoint Sainté. La promotion durable de Jessy Moulin, qui a peu ou prou le même âge que Stéphane Ruffier, n’était pas du tout programmée. Peut-être que Jessy Moulin n’était pas armé pour être numéro un à Saint-Etienne.
Quand on est une doublure, c’est plus facile de faire de temps en temps quelques matches de Coupe de France, on n’a rien à perdre. Mais garder tous les week-ends les buts d’une équipe qui vit une saison compliquée, qui plus est dans un club de l’envergure de l’ASSE, c’est beaucoup plus difficile. Jessy Moulin prend ce qu’on lui a donné, c’est quelqu’un de travailleur et de méritant qui essaye d’assumer au mieux cette situation inconfortable.
Ton prono pour le match de ce samedi ?
C'est plus un souhait qu'un prono : je voudrais que Saint-Étienne gagne. Ce sera très compliqué pour Angers d’accrocher une place européenne et les Verts ont beaucoup plus besoin de points. Si les deux clubs avaient été dans des positions inverses, j’aurais souhaité une victoire du SCO. Moi je veux que les deux clubs travaillent tranquillement et se rassurent. Une victoire de Sainté voire un nul, ça serait bien. En plus ce serait intéressant pour nous à Montpellier (rires). Ça permettrait peut-être de décrocher un peu le SCO. Présentement au MHSC on est davantage en concurrence avec Angers qu’avec Sainté. On est juste devant eux au classement avec un petit point d'avance.
Merci à Jean-Pascal pour sa disponibilité