De ses débuts en Vert à sa présence en Coupe du monde avec les Bleus, en passant par son (trop) long passage en banlieue et son arrivée à Dijon, Grégory Coupet est revenu sur sa carrière pour Poteaux Carrés.


Greg, tu intègres le centre de formation de Saint-Etienne au début des années 90. Peux-tu nous raconter ton arrivée dans le groupe pro ?

Ça s'est fait en deux temps. D'abord pendant la saison 1993-1994 (ndp2 : son premier match pro se déroule lors de la 31e journée, victoire 2-0 contre Angers. Il dispute 4 match cette saison-là) puis ensuite en 1994-1995. J'étais en concurrence avec Robin Huc. Il fallait prendre la succession de Joseph-Antoine Bell. On s'est retrouvés à jouer des bouts de match chacun. Et puis petit à petit, la décision a été prise par le coach Elie Baup de me titulariser (ndp2 : dès la 13e journée, il ne lâchera plus les buts ensuite).

Quelle relation avais-tu avec ces autres gardiens, que ce soit Bell ou Huc ?

Très bonne ! Ce sont de supers mecs. Humainement on s'entendait bien. Après, c'est le milieu qui veut cela, c'est un peu la guerre pour savoir qui va jouer. Quand on est gardien, il n'y a qu'une place. Pas deux. C'est l'intransigeance du métier. Le coach prend la décision et voilà !

Tu es l'une des rares satisfactions du club lors de la saison 1995-1996 malgré la descente du club en deuxième division. Comment tu expliques cela ? Ton travail avec Jeannot Déès ?

Ah c'est clair ! Jeannot et moi on avait une complicité sans faille ! Il axait tout sur le travail. Il adorait me faire travailler et c'était un vrai échange. On prenait beaucoup de plaisir. On était au top sur les qualités techniques de notre travail. Je me sentais très bien donc tout roulait !

Sauf le club en lui-même !

Ouais ... l'ASSE n'était pas bien financièrement et il a fallu faire confiance à beaucoup de jeunes. Bon, ça n'a pas fonctionné, c'était compliqué.

Parmi ces jeunes joueurs, il y avait Willy Sagnol notamment. Vous vous imaginiez vous retrouver en finale de Coupe du Monde moins de 10 ans plus tard en 2006 ?

Non, c'était difficile de se projeter si haut ! L'Equipe de France, c'était le Graal pour nous ! On travaillait pour en tout cas. On a réussi à tirer notre épingle du jeu ! Ce n'était pas simple parce qu'on partait de loin, dans une équipe qui n'avait pas pour but de jouer les premiers rôles.

Il y avait aussi Jérémie Janot dans la hiérarchie des gardiens, tu le voyais comme un futur bon gardien de première division ?

Oui, je le sentais tellement déterminé ! A chaque fois qu'il nous croisait, il était toujours plein de questions, dans tout plein de domaines ... Cette curiosité, cette envie de tout savoir pour mieux appréhender le métier prouvait cette détermination. Je me doutais que ce mec-là allait y arriver d'une manière ou d'une autre. C'était sûr qu'il allait faire une carrière.

Tu as donc connu la D2 avec Sainté pendant 6 mois avant de partir. C'était une D2 assez rugueuse à l'époque. Est-ce que cette expérience t'a endurci, a forgé ton caractère ?

Oui, comme on dit c'était un peu "manger son pain noir" mais c'était super formateur. On tombait parfois sur des vieux briscards et c'est clair qu'il y avait un côté plus rugueux en deuxième division. Je pense que c'était une bonne découverte. Ce n'était pas facile mais ça a dû enrichir mon parcours et ça m'a donné vite envie de revenir en première division. Une descente comme ça te permet d'appréhender les choses différemment.

Si les conditions financières avaient été meilleures à Sainté tu serais resté pour tenter de remonter en D1 avec les Verts ou tu serais parti quoiqu'il en soit ?

Non, je serais resté ! Je n'avais pas l'idée de partir. C'est plutôt Sainté qui ne m'a pas laissé le choix (rires). Il était nécessaire qu'avec Willy (Sagnol) on s'en aille parce qu'on était les joueurs "bankables". Si on n'était pas partis, le club coulait financièrement. On n'a pas eu le choix !

Ca a été dur pour toi sur le coup de t'exiler de ton club formateur ?

Ce n'était pas une décision simple. Surtout pour aller à Lyon ! Heureusement que j'étais obnubilé par la capacité de revenir en première division. Je ne me suis pas formalisé. J'ai vu l'opportunité de continuer ma carrière au plus haut niveau donc c'était une chance dans un sens. Sur le coup, je n'ai sûrement pas mesuré l'ampleur de la tâche que ça allait être de passer de Sainté à Lyon (rires). Mais bon, je n'avais pas le choix. Le club avait besoin que je parte pour encaisser de l'argent. Ca s'est fait assez vite. Je n'ai même pas eu le temps de réfléchir. Il fallait y aller. C'était comme ça.

Une fois là-bas, est-ce que tu te dis "l'ambiance est trop compliquée pour moi, il faut que je reparte ailleurs dès que je peux" ?

C'est sûr que ça a été compliqué, c'est le moins que l'on puisse dire ! Mais renoncer ? Ça, jamais ! C'était comme ça. Souffrir, ce n'était pas un problème. Être dans le dur, c'était logique dans un sens vu que je remplaçais Pascal Olmeta qui était adoré, idolâtré à Lyon. Et en plus, c'est un joueur stéphanois qui vient le remplacer, c'était compréhensible que les supporters n'apprécient pas sur le coup. Ma grande fierté, c'est d'avoir réussi à inverser la tendance.

Tu revenais voir les copains à Sainté de temps en temps ?

C'est vrai que ce n'était pas loin ! Mais j'avoue que j'ai plus trop pris le temps ensuite de revenir dans la région. C'était suffisamment prenant de vivre à Lyon.

Ton retour à Geoffroy-Guichard en 1999 pour le derby (1-1), tu en gardes un bon ou un mauvais souvenir ?

Un bon ! J'étais très heureux de revenir. Quand tu as été au centre de formation, on était sous les tribunes à l'époque, c'est quelque chose d'à part. Rien que le son du speaker ! C'était un vrai plaisir de revenir dans ce stade. Après, ça été un choc de voir l'accueil que j'ai eu ! Mais c'est comme ça !



Tu devais quand même t'attendre à une réception houleuse ?

Très honnêtement, pas à ce point-là. Mais bon, j'avais un maillot sur les épaules qui faisait que les supporters ne pouvaient pas m'apprécier.

As-tu cherché à pacifier un peu le débat autour du derby, à calmer Rémy Vercoutre ou Jean-Michel Aulas sur leurs envies d'envenimer un peu les choses ou tu te disais que ce n'était pas ton problème finalement ?

Le contexte est ce qu'il est ... Moi, j'évitais de mettre de l'huile sur le feu, d'extrapoler. Ce que je voulais, c'était rester concentré dans ce que je voulais faire. Être pro ! Après, tu fermes les écoutilles et on laisse passer les choses. Je ne voulais ni être provocateur ni quoi que ce soit. Rester pacifique en quelque sorte.

Et les perruques en 2006 à Gerland alors, c'est quoi ?

Ouais (gêné) ... ça c'était un peu spécial. On était champions. C'était autre chose.

Tu n'étais pas l'instigateur ?

Ah non non pas du tout ! D'ailleurs, on me l'a caché jusqu'au dernier moment. Mais c'était un truc collectif. Il fallait suivre.

Quand Sainté a regagné un derby en 2014, tu avais déclaré avoir "passé une sale soirée". Maintenant que tu n'es plus à Lyon, est-ce que tu as rééquilibré les sentiments ou bien est-ce que la balance penche toujours un peu côté lyonnais ?

Sincèrement, ça penche toujours un peu du côté de Lyon. J'ai fait 11 ans et demi là-bas. J'y ai vécu de beaux moments, de belles histoires. Mais cela n'empêche pas que je suis très fier d'avoir été formé à Sainté ! Ca me permet d'aimer ce club, de ne pas le détester mais je me suis aussi régalé à faire la guerre ! De toute façon, aujourd'hui, les jeunes supporters stéphanois me connaissent en tant que lyonnais ! Je ne pourrai pas changer la tendance. Mais j'ai été formé à Sainté ! C'est mon petit truc spécial et j'en suis fier !

Tu as quitté Lyon en 2008 juste quand Claude Puel est arrivé.

Oui, on s'est juste croisés. J'aurais bien aimé rester sous ses ordres. Déjà, j'aimais beaucoup le joueur à la base. Et je pense qu'on avait besoin d'un homme comme lui pour amener une rigueur. Je pense que c'était l'homme idéal. Ça aurait été un plaisir d'être son leader.

Tu as eu des échos de tes anciens coéquipiers sur sa façon de gérer le vestiaire ? Il a été critiqué sur sa façon de bousculer les anciens à Lyon, comme à Sainté en ce moment. C'est comparable selon toi ?

A Lyon, c'était la première fois qu'on donnait le pouvoir sportif entier à un coach. Je pense que c'était une découverte au club de fonctionner avec un manager général. Ça n'a pas été simple mais vu que je n'étais pas là, je ne peux pas trop en parler.

Il n'empêche qu'il est considéré comme un coach pas toujours facile. On le voit à Saint-Etienne avec la gestion du cas Stéphane Ruffier, comment tu analyses ce qui se passe ?

Sincèrement, on a entendu tout et son contraire sur cette histoire donc c'est difficile de se faire une idée. Moi, je connais un peu Stéph et je pense que c'est un très bon gars. Maintenant, je ne suis pas dans le vestiaire, je ne sais pas comment ça se passe. Entre Steph et Jessy, ce sont des gardiens que j'apprécie beaucoup. Puel est amené à faire des choix. Ce sont les siens.

On a parlé de Ruffier à Dijon sur la fin du mercato estival, est-ce qu'il y a eu des contacts poussés ou c'était simplement une rumeur ?

Je ne sais pas trop mais je pense que ça n'a pas été qu'une rumeur. On en a parlé ici. Maintenant, est-ce que lui était prêt à venir ? Je ne sais pas. Je pense que c'est une histoire de gros sous !

Tu es donc passé d'un gros club comme l'OL à un club de moins grande envergure à Dijon, comment tu vis ce changement ?

Je crois que j'en avais besoin ! Retrouver cette simplicité me fait du bien. Dijon est un club familial où les rapports humains sont mis en priorité. C'est exactement ce que je recherchais. Je n'ai pas besoin de standing pour entraîner et faire mon boulot consciencieusement. Je suis revenu à des installations plus modestes mais humainement c'est très fort donc j'ai ce que je veux ! Prendre du plaisir avec une équipe et un staff, c'est pile poil ce que je vis.

Quels sont les points importants à travailler pour un gardien moderne. On évoque souvent le jeu au pied, la relance.

Malheureusement, je trouve qu'on en parle presque trop. Ca mène à voir des gardiens qui prennent des risques insensés par rapport à leur poste. Et je suis bien placé pour en parler car Anthony (Racciopi) a fait une erreur il y a quelques semaines (ndp2 : contre Lens, défaite 0-1). Bon, c'était plus une erreur de jeunesse. Les gardiens ont tendance à vouloir trop en faire aujourd'hui. Je pense qu'un gardien doit savoir avant tout arrêter des ballons, rayonner sur sa défense. On met trop en avance la capacité à faire de super relances. Evidemment, c'est super important aussi car le gardien est de plus en plus intégré au jeu. Mais attention, on est en train d'en faire un peu trop. L'essence de ce poste-là, c'est d'arrêter les ballons et rayonner dans toute la surface et pas seulement dans les 5,5 mètres.

Sur tous ces points, que penses-tu de Jessy ?

J'adore ! Il avance beaucoup, il ne fait pas 1m95 mais il va quand même dans les airs. J'ai déjà réagi sur Twitter par rapport à l'une de ses sorties dans les pieds qui est à montrer dans toutes les écoles de football. J'aime les gardiens qui ont cette capacité d'avancer, d'aller au contact, d'intervenir. C'est un vrai gardien de foot !



Dans le derby, il n'est pas irréprochable sur le deuxième but notamment ...

Oui c'est vrai. Lui et Anthony Lopes font la même erreur ! Ils ont décroché un peu vite. Ils ont trop anticipé le centre. Je suis partisan de couper les trajectoires mais il faut le faire à bon escient et ne pas partir trop vite.



Et que penses-tu d'Anthony Lopes, très critiqué - encore récemment - pour son jeu souvent réputé comme agressif ?

Ça se joue souvent à la limite ! Moi je suis fan d'Anthony ! J'ai été entraîné de la même manière. Mon père me disait que c'était à nous de faire la loi dans les 18 mètres. Ça se joue à très peu c'est sûr. Quand il va au contact avec Mbappé, évidemment j'ai eu peur pour Kylian mais j'ai eu aussi peur pour mon gardien ! Le pied de l'attaquant est levé donc ça peut être dangereux. Être gardien, c'est ça ! Les gens voudraient qu'on mette un carton rouge à Anthony pour un genou dans le dos, mais les mains sont sur le ballon ! Moi je vois un joueur qui saute, ça fait du grabuge mais c'est comme ça.



Tu te plais dans ce rôle d'entraîneur des gardiens ? Tu te verrais à l'avenir devenir numéro 1 dans une équipe ?

Non très sincèrement je ne pense pas. Je suis super bien avec mes gardiens. Tant que j'ai la santé pour frapper des ballons tous les jours pour entraîner mes gardiens, je resterai le plus longtemps possible à ce poste.

Et si Sainté te propose ce poste d'entraîneur des gardiens un jour, tu te laisses tenter ?

Non je ne pense pas. Refaire le chemin inverse c'est souvent compliqué. En venant à Dijon, j'ai trouvé ma tranquillité. C'est ce que je recherche !

Justement, Dijon vient de remporter son premier match cette saison à Nice (1-3) mais Dijon n'a jamais battu Sainté dans son histoire en L1. Comment tu vois le match de dimanche ?

J'espère que ça va changer (rires) ! Les séries sont faites pour être stoppées ! C'est clair qu'on ne part pas favoris. Ce n'est pas une victoire qui nous permet de nous voir plus beau que ce que l'on est. On est encore dernier de L1. Ça prouve qu'on a encore des manques. Maintenant, la confiance joue beaucoup au haut niveau. J'espère que ce match à Nice va nous en donner pas mal. On a gagné là-bas en jouant et pas en mettant le bus devant la cage ! Ça doit nous rassurer dans notre capacité à proposer du jeu. Sainté est une équipe très forte collectivement. Ce serait une belle chose de faire une performance contre eux.

Sainté n'est pourtant pas au top de sa forme non plus !

Oui mais tout le monde est meilleur que nous vu le classement ! On est derniers donc c'est à nous de faire en sorte de changer cette tendance. On doit grapiller quelques points et c'est vrai qu'à domicile on a une grosse pression.

Terminons par deux petites questions "bilan" : quelle est la personne qui t'a le plus marqué dans ta carrière ?

(Il hésite) J'ai adoré Gérard Houllier car il réglait les problèmes de façon collective et c'est ma manière de faire. Et puis c'est un orateur extraordinaire.

Est-ce que tu as un regret dans ta carrière ? Quitter Sainté ? Ne pas disputer la Coupe du monde en tant que titulaire ? Ton passage mitigé à l'Atletico ? Ta blessure au PSG ?

A la rigueur, c'est de n'avoir fait qu'une année à l'Atletico Madrid. J'étais super bien et je m'entendais très bien avec tout le monde. Une super expérience mais j'aurais voulu jouer plus là-bas, c'est clair ! (ndp2 : 6 matchs en Liga, 11 au total sur la saison 2008-2009)

L'Equipe de France, pas de regret ?

Non, c'était génial ! Il y avait une génération championne du monde, championne d'Europe. Ce n'est pas facile d'être un simple joueur de L1 dans un groupe aussi fort. C'était top !

Avec Fabien Barthez aujourd'hui ça va, les relations sont saines, apaisées ?

Oui il y a beaucoup de respect ! Après, c'est surtout avec Raymond Domenech que ça a été plus compliqué, il faut bien le dire. Mais bon, c'est du passé !

Ah tu vois, c'est sur ce point qu'on reconnaît le joueur formé à Saint-Etienne !

Oui, exactement (rires) !!