Depuis 2010, l’ASSE n’en finit plus de s’élever, au point que le plafond de l’espoir raisonnable est presque atteint. Retour sur la fusée qui a redonné au club un statut que les moins de trente-cinq ans ne pouvaient pas connaître.
On peut le dire sans trop se planter : les stéphanois sont de retour au plus haut plan. Pour de vrai. On était habitués aux « retours des Verts » éphémères (1988, 2000, 2005, 2008) : celui-ci brille par sa durée et sa dimension qu’on qualifierait presque de mécanique. Trop jeune pour avoir connu l’homme à la pipe, je savais trop qu’une belle saison se payait immédiatement ou presque par une catastrophe. Cette crainte est envolée !
Christophe Galtier a impulsé (bien aidé par d’autres dans l’ombre, évidemment…) une dynamique de construction solide, qui certes flamboie peut-être un peu moins que les courtes périodes d’état de grâce atteintes à l’acmé d’un Feindouno ou d’un duo Alex-Aloisio, mais rend inconcevable le retour rapide à l’anonymat ou à l’enfer de la L2. Après quatre ans de progression continue en championnat (17è, puis 10è, puis 7è, puis 5è et enfin 4è) ponctués d’une coupe, l’ASSE a atteint à l’échelle nationale le plus haut niveau que l’on puisse raisonnablement espérer : prétendant sérieux au titre de « best of the rest » derrière les deux mastodontes dopés aux hydrocarbures – et ce, malgré une situation financière saine et maîtrisée.
Deux phases…
Lorsque Galette prend l’équipe en main, en décembre 2009, tout va de mal en pis. La première étape, c’est le sauvetage dans l’élite : mission accomplie, avec une 17è place sereine par rapport à la précédente, puis une saison calme, bien au chaud dans le ventre mou et nourricier de l’élite. Douce sucrerie au passage : la première place symbolique au classement après un hold-up à Gerland à la 7è journée. C’est pourtant à l’été 2011 que se situe le tournant : l’effectif est complètement chamboulé, l’héritage Hasek/Roussey/Perrin est soldé. Les bases d’un nouveau cycle sont posées, et cela paye : trois ans de suite, les Verts se mêlent à la course à l’Europe jusqu’au bout ; deux fois ils l’obtiennent, tout en améliorant toujours leur classement final. Si en coupe les parcours sont très irréguliers, l’essentiel est acquis en avril 2013 : Loïc Perrin, capitaine-symbole, soulève la coupe de la Ligue au stade de France, et met fin à plus de trois décennies de disette.
Trois moteurs…
La touche de Galette, son talent naturel, celui qui saute aux yeux immédiatement et sur lequel il s’est d'abord appuyé, c’est bien entendu sa gestion des hommes – premier moteur. Il sait comment tirer le maximum d’un groupe, gérer les égos, et faire accepter ses choix. Pour ne citer que deux signes marquants : le retour improbable du phénix Bayal ; et le calme d’un Mollo, jusqu’alors réputé pour son insoumission, mis spectaculairement à l'écart. Ce talent s’augmente encore d’une vraie compétence dans le choix des recrues lors des périodes de transferts. Depuis l’été 2010, ce sont pas moins de 17 joueurs confirmés de L1 (sans compter le nouveau KMP) et au comportement exemplaire qui sont arrivés, soit à peu près la moitié des recrues sur la période.
Puisqu’on parle des transferts : voilà le deuxième moteur. Force est de constater que ces périodes délicates ont été globalement toutes réussies. Les départs annuels de cadres (Diakhaté, Dabo, Payet, Rivière, Matuidi, Ebondo, Sako, Guilavogui, Aubameyang…) n’ont pas entravé les résultats. Même : il ne s’est pas passé une intersaison sans une ou deux arrivées qui ne se soient révélées des coups excellents. A l’inverse, hormis Kitambala, Sissoko et dans une moindre mesure Paulao, les seuls ratés spectaculaires sont liés au choix de développer la post-formation (Aleksic…). Quant aux mercatos d’hiver, leur réussite est exemplaire : Aubame, Brison, Mollo, Trémoulinas, chaque saison apporte son joker qui se révèle judicieux à court ou moyen terme.
Enfin, on arrive au terrain. En termes de jeu, Galette a réussi à donner une solidité et une identité à son équipe autour de deux variantes d’une organisation (deux lignes de quatre avec une pointe, plus un joueur mobile devant ou derrière le milieu) et de principes de jeu (pressing, solidarité, combativité) simples mais efficaces. Il semble que ce troisième moteur n’ait pas encore donné sa pleine puissance : on observe que le choix entre les deux systèmes est encore globalement lié à la disponibilité des joueurs plutôt qu’à des choix forts. Et pourtant… La fin de la dernière saison a vu l’apparition de prises de risque notables (avec en point d’orgue le 3-5-2 du derby retour !) et une poignée de changements tactiques opérés en cours de match, parfois dès la mi-temps. La faible capacité de Galette à s’adapter aux évènements du match, cette lacune encore trop visible, est-elle le dernier des étages de la fusée, celui qui va s’activer cette saison ?
Un avenir toujours plus Vert ?
Ce bref bilan de quatre saisons et demi passionnantes est presque un dithyrambe. Non pas que tout ce soit déroulé à merveille et sans anicroche ; mais la tendance de fond est impressionnante de progrès et de résultats. On pourra sans doute regretter le nombre réduit de joueurs formés au club ayant percé depuis 2010 (Guilavogui, Ghoulam, Zouma, dans une moindre mesure Néry, en attendant peut-être Diomandé, Saint-Maximin et la génération U17 championne de France 2013...), mais il semble que la formation soit seulement en phase de reprise.
Non, le prochain défi est ailleurs, sur l’arène dans laquelle l’ASSE a écrit ses plus belles pages : la coupe d’Europe. Le couac d’Esbjerg est le gros point noir de ces dernières saisons ; il ne reste à Galette que de l’effacer pour amener sa fusée à bon port (spatial). Cette lune-là, tout le Peuple Vert en rêve.