Venant d'achever sa 32ème saison àl'ASSE, Jean-Philippe Primard a accepté de répondre aux questions des potonautes. Dans le premier volet de ce long entretien, "Garou" revient sur carrière de joueur.
Tu es né à Toulouse, tu as été formé à l'OM mais c'est à l'ASSE que tu t'épanouis depuis plus de trente ans. Dans quel contexte as-tu rejoint Sainté ? (José)
Je suis né à Toulouse. Mon père travaillait à la société Casino, et était pratiquement muté tous les deux ans. Je le suivais donc au gré de ses mutations et ai habité Tarbes et Pau à deux reprises, Agen, Aix-en-Provence et j’ai atterri à Marseille à l’âge de 13 ans. J’y suis resté cinq ans, jusqu’à 17 ans et demi. J’ai donc joué à l’OM et été champion de France Cadet. Ma dernière année, je l’ai jouée en troisième division avec l’équipe des Minots, De Bono, Flos, Caminiti, Levy dans les buts. Mon père a ensuite été muté à Saint-Etienne pour travailler au siège de Casino, rue de la Montat. Marseille voulait évidemment me garder, mais, à 17 ans et demi je n’avais pas vraiment envie de rester au centre de formation de l’OM, et j’ai donc suivi mes parents. Pierre Garonnaire me connaissait un petit peu, et j’ai fait un essai avec Guy Briet, responsable du Centre. Au bout de 15 jours, il m’a proposé un contrat. C'était en juillet 1980.
D'où vient ta passion pour le ballon rond ? Quelles étaient tes idoles ? (Poteau gauche)
J’ai habité Toulouse, Tarbes, Pau qui sont plutôt des villes de rugby. Mon grand-père était rugbyman. J’ai découvert le foot à Pau à huit ou neuf ans, dans la cour de l’école. J’avais un maître qui adorait le foot, et on faisait des parties de foot. Je jouais gardien de but et également dans le champ. Je me suis inscrit dans un club, le FC Lons, à côté de Pau. J’ai débuté gardien de but, mais mes entraîneurs ont vite vu que j’avais des qualités plutôt défensives et je me suis donc fixé au poste de défenseur.
As-tu toujours joué en défense, même en équipe de jeunes ? (Poteau droit)
Moi j’ai toujours été un défenseur central, mais, comme je dis parfois à mes jeunes, un défenseur doit pouvoir s’adapter à tous les postes de la défense, même si on a des postes préférentiels. Une année, alors que j’avais fait une belle saison au poste de défenseur central, Christian Dafreville a été recruté (86-87 ndp2) et Pierre Garonnaire, qui était encore là , m’avait dit que je jouerais latéral, me prédisant un bel avenir à ce poste. Je savais que je n’avais pas un avenir extraordinaire à ce poste-là , mais je savais que je pouvais compenser : j’avais fait quelques matchs en latéral, et ça s’était pas trop mal passé. Mais Dafreville n’ayant pas convaincu, au bout d’une douzaine de matchs, j’étais repassé dans l’axe pour ne plus quitter ce poste.
Te remémores-tu tes débuts en pro ? (Stéphanois, macrik)
J’ai joué ma première saison en quatrième division puisqu’il y avait une équipe 3. J’ai joué la deuxième partie de la saison en troisième division. Je suis parti au Championnat d’Europe des Juniors où j’ai joué cinq matches sur cinq, ce que Georges Boulogne, l’entraîneur n’avait pas vraiment prévu au départ. En rentrant, je pensais être en vacances, mais il y avait la demi-finale retour de la Coupe de France à Strasbourg. Gérard Janvion était blessé et Robert Herbin m’avait choisi pour jouer latéral. J’avais même démarré latéral gauche (alors que je suis droitier) au marquage de Didier Six. Je m’en étais bien tiré, mais j’avais eu des crampes car j’étais éprouvé par le Championnat d’Europe, et j’étais sorti à la 75ème. On perdait 1-0, on était éliminé, et à la 91ème minute, Firmin Perez, un jeune, avait égalisé. On s’était qualifié pour la finale grâce à ce but à l’extérieur.
Quels souvenirs gardes-tu de la finale de la coupe de France 1981, face à Bastia ? (gilles/43)
A l’époque, il n’y avait que deux remplaçants. J’étais remplaçant avec Laurent Paganelli. Bernard Gardon, défenseur central, s’est blessé au bout de sept minutes, et je suis donc entré en jeu. En face, il y avait Marcialis (Bastia), un jeune qui promettait, Roger Milla. J’avais fait mon match, mais j’aurais pu être meilleur. On avait perdu cette finale par 2 à 1 : elle reste donc à la fois un bon et un mauvais souvenir. Très jeune, à l’âge de 18 ans et demi, j'ai eu cete opportunité de jouer avec la grosse équipe : Platini, Rep, Zimako... J’ai ensuite joué mon premier match de championnat à Lens où nous avons gagné 5 à 2. En face, il y avait Philippe Vercruysse, qui débutait lui aussi. Je me souviens que Jean-François Larios et Raoul Noguès jouaient avec nous, que des grands noms…
Tu as joué la Coupe d'Europe avec Sainté. Quelles images gardes-tu du match contre le Dynamo de Berlin ? (Stéphanois, macrik)
Après cette finale de Coupe de France, très rapidement, il y a eu ce tour préliminaire de Coupe d’Europe où j’étais titulaire. On a joué le match aller à Saint-Etienne. Le souvenir que j’ai, c’est qu’on a fait match nul, 1-1. En fait, on aurait dû gagner 4 ou 5 à 1. Je me suis repassé récemment ce match : on avait eu un nombre d’occasions incalculable. J’étais déçu par ce résultat. Au match retour à Berlin, (c’était encore l’Allemagne de l’Est), je me rappelle encore tous ces militaires autour du stade. Le match avait été très difficile et je pense avoir été un peu en dessous. Je garde un souvenir mitigé de ce match qui s’était soldé par une élimination.
Ça fait quoi de jouer avec Platoche ? Comment se comportait-il avec les jeunes pousses dont tu faisais partie ? (Aloisio)
Il n’était pas prévu que je m’entraîne avec les pros, c’est arrivé très vite. Mais ça se passait bien. Platini, bien évidemment, ne serait-ce qu’à l’entraînement, on voyait tout de suite sa qualité de passe, bref, le grand joueur qu’il était.
Combien d’années as-tu joué à l’ASSE ? (José)
J’ai arrêté en 1996, ce qui fait seize ans comme joueur à l’ASSE : trois ans comme stagiaire, douze ans comme professionnel et j’ai fini par une année comme amateur : je jouais en troisième division et en DH et passais mes diplômes d’entraîneur en même temps. J’ai commencé à entraîner la saison suivante.
Ton meilleur souvenir de joueur sous le maillot vert ? (Poteau gauche)
Ce n’est pas le souvenir d’un match en particulier, mais plutôt d’une période en D2 : c’était la reconstruction du club après la descente. Henri Kasperczak était arrivé comme entraîneur, on avait une équipe de jeunes : Daniel, Ribar, Ferri, Claveloux et beaucoup d’autres. Roger Milla, plus âgé, était aussi un joueur marquant du club. On a fait une première saison extraordinaire en terminant premier du groupe (en fait deuxième derrière Nice, ndp2). Mais il y avait, à cette époque, deux groupes et on n’était pas passé en barrage. Le jeu était emballant, de la qualité. Il y avait du monde au stade. Le match contre Le Puy s’était déroulé devant plus de 40 000 personnes. La deuxième année, on a été moins flamboyant mais on est monté, toujours avec les jeunes. Ensuite, pour notre première année en D1, on a réussi à se sauver en finissant tout de même deuxième meilleure défense. Je jouais avec Dimitrov. On avait certes perdu des matchs mais toujours de justesse et on s’était accroché pour obtenir le maintien.
Quels souvenirs gardes-tu de ton association avec Georgi Dimitrov ? Est-ce le meilleur défenseur qu'il t'a été donné de côtoyer ? Sa réputation de fêtard invétéré était-elle justifiée ? (thomas99)
Le meilleur, c’est difficile à dire. J’ai quand même joué avec Laurent Blanc, je pense qu'il y avait de la qualité aussi ! Sylvain Kastendeuch était quand même performant… Dans un autre style, Didier Gilles était aussi un joueur important. Dimitrov ne payait pas de mine. Par contre, il avait un grand sens du placement : il n’allait pas très vite, mais était toujours là où il fallait. A l’époque, on jouait avec un stoppeur et un libero. J’étais le stoppeur au marquage de l’attaquant adverse, et lui il était là , en retrait, toujours bien placé, pour couper les trajectoires. Quant à sa réputation de fêtard, disons que c’était un joueur de l’Est, mais je ne vais pas en dire plus.
Avec quels joueurs de cette belle période es-tu resté en contact étroit ? (Parasar et Vert Mouthe)
Celui que je vois le plus, c’est Jean-Luc Ribar qui est sur Roanne, pas très loin. Il travaillait dans un magasin de sport. Maintenant, il a monté une entreprise de nettoyage qui marche bien. Roanne n’étant pas loin, on arrive à se voir régulièrement. J’ai parfois au téléphone Patrice Ferri (qui travaille à la télé). Je croise parfois les frères Claveloux, Thierry Courault, qui a son fils qui joue chez nous, Eric Bellus. On se rencontre parfois au cours de stages, à l’occasion de matchs.
L'attaquant adverse qui t'en a fait le plus baver ? (Barre transversale)
J’ai eu la chance de marquer de grands attaquants. Il y avait Eric Cantona, Jean-Pierre Papin, mais paradoxalement, ce ne sont pas eux qui m’ont fait le plus souffrir. Ce n'est pas prétentieux de dire ça, mais il y en a d’autres, peut-être un peu moins réputés, encore que… Beto Marcico était un Argentin truqueur, pénible, très costaud, qui tenait bien sur ses jambes, mais très truqueur, très difficile à prendre. Enzo Francescoli, était un bon joueur, fin, très bon. Daniel Xuereb, c’est celui qui me faisait le plus courir. Il n’arrêtait pas de courir sur toute la largeur du terrain…J’étais stoppeur, et le rôle du stoppeur, c’est de suivre l’attaquant un peu partout. Je lui disais : "Oh Daniel, arrête de courir !" J'ai affronté aussi Jules Bocandé, qui était très costaud à l’époque, malheureusement, il est décédé il n’y a pas longtemps… On s’est tapé des duels assez épiques à l’époque, il était au PSG ou à Nice, je m’en souviens très bien.
Ne vois-tu pas en Sylvain Marchal ton digne héritier, toi qui comme lui contribuais largement à gonfler nos stats de pénos concédés ? J'ai encore en mémoire un multiplex où vers la 87e lors d'un match à Lille où on tenait le nul tu avais tailladé ton attaquant et le pénal avait été marqué (Parasar)
Il faut dire qu'à l'époque le football était différent, on taclait beaucoup... Maintenant, les défenseurs défendent plus debout, parce que l’arbitrage a évolué, il y a beaucoup plus de cartons. Il faut savoir que j’ai pris beaucoup de cartons jaunes, c’est vrai, mais je n’ai jamais pris de carton rouge en pro. C'est significatif ! Mais je reconnais que mon jeu, à l’époque, par rapport à maintenant, aurait dû évoluer. Comparé à aujourd’hui, j’aurais pris plus de cartons, plus de pénos. En ce qui concerne le match de Lille perdu 3-2, c’est mon premier but en pro, de la tête, sur un centre de John Sivebaek, on avait égalisé grâce à ce but, et on reprend un but à trois minutes de la fin. C’est Gilbert Cecarelli qui était dans les buts. C’était un centre, je suis au duel de la tête, il y a faute sur moi, l’arbitre ne siffle pas, le joueur met la tête, Gilbert Ceccarelli n’arrive pas à sortir.
Ton pire souvenir de joueur ? (José)
Il y a quelques matches. Je me rappelle une défaite 1-0 contre Marseille, but de Forster dans la lucarne à deux minutes de la fin alors qu'on méritait de gagner ce match. Je me souviens qu'Hervé Musquère avait eu beaucoup d'occasions. J'ai le souvenir d'un autre match perdu 1-0 chez nous contre Lyon, avec un but contre son camp de Sylvain Kastendeuch. Là encore, on méritait vraiment de gagner ce match. Ce sont deux matches marquants par rapport à l'injustice du score.
Je me souviens de toi au Parc dans les années 80, on était parqué à Auteuil et les supporters t'appelaient Goldman. Maintenant c'est pire, macrik te surnomme Garou. T'en penses quoi ? (osvaldopiazzolla)
Les cheveux longs je pense… C'était l'époque de Goldman. Je me rappelle les pochettes. Je ne lui ressemblais pas mais de loin, il y avait un petit air. C'est vrai que certains supporters m'appelaient Goldman. C'est pas que je chantais comme lui, c'était l'aspect physique. Le surnom Garou, ça date de l'époque 1985-1986, avec Jean-François Daniel et Didier Gilles, qui était marseillais. A Marseille, on disait "Oh gari" comme on dit un gone à Lyon. Un jour, Jean-François Daniel a transformé "gari" en "garou" alors que bien sûr Garou n'était pas encore connu en tant que chanteur. Ce "garou" est resté, c'est un surnom que j'ai eu beaucoup.
Le chanteur est donc un imposteur ! Tu es le seul et unique Garou de même que tu es pour nous le seul JPP, même si un autre JPP s'est fait remarquer à Geoffroy-Guichard en tremblant à la seule vue d'une canette (José)
(Rires) En tout cas il y en a encore qui m'appellent Garou !
En parlant de chanteur, tu as joué avec le mythique Jean-Pierre-François, lors de la saison 1987-1988. Tu lui as survécu. As-tu de ses nouvelles ? (Aloisio)
Faut savoir déjà que c'était quelqu'un de très sympathique. Il était vraiment très agréable. Il n'est pas resté longtemps chez nous, il a fait six mois ou un an. Il a joué très peu mais il avait de grosses qualités physiques. Il avait une belle gueule ! Il est parti rapidement à Paris, il a fait de la chanson. Ensuite il est allé à Saint-Tropez. J'ai eu l'occasion de le revoir l'année dernière à travers Bernard Champion qui fréquente un endroit sur la Côte où il se sont vus. Jean-Pierre François est remonté pour visiter le centre. Je l'avais revu et j'avais discuté un peu avec lui, très sympathique. C'est quelqu'un qui existe toujours mais qui n'est plus du tout dans le football.
Pour quelles raisons n'as-tu pas participé à quelques matches marquants de la saison 1984-1985 (derby gagné 5-1 à Gerland, matches de coupe contre Lens et Lille) alors que tu étais souvent titulaire à l'époque ? (Parasar) C'est lié à ta blessure contre Nice ? (macrik)
J'ai raté ces trois matches à cause de blessures, ça c'est sûr ! Je m'étais en effet blessé lors du match au sommet contre Nice qu'on avait gagné 1-0, but d'Eric Claveloux. Nice était leader à l'époque, on se tirait la bourre. Je m'étais fait fêler le péroné, j'en avais eu pour un mois et demi ou deux mois d'indisponibilité. Un gars costaud de Nice qui s'appelait Dominguez allait frapper, j'avais mis le pied en opposition. Au lieu de taper dans le ballon, il avait tapé dans mon tibia et mon péroné.
Les Verts n'ont plus battu les vilains à Geoffroy-Guichard depuis le 6 avril 1994. Tu avais d'ailleurs participé à ce fameux derby. Comment expliques-tu qu'on n'arrive plus à se faire respecter à domicile contre notre rival historique ? (Poteau droit)
Je ne peux pas vraiment l'expliquer. En tout cas, Lyon est devenu avec le temps une meilleure équipe que ce qu'elle était à l'époque. C'est devenu quand même la grande équipe avec ses sept titres. Forcément, elle est plus difficile à battre qu'à l'époque. L'expliquer, c'est plus au staff pro d'en parler. De l'extérieur, à chaque fois on y croit mais on n'y arrive pas. Franchement, je ne vois pas… Je crois que Christophe Galtier et son staff ont tout fait cette année pour le gagner et ils se sont rendus compte encore que c'était difficile. Je crois qu'ils vont trouver la solution.
La haine de la défaite contre les vilains : expliquez-vous cela dès le plus jeune âge aux jeunes pousses vertes ? Cette antipathie est-elle seulement vécue par les supporters ou transpire-t-elle dans le club à tous les niveaux ? (hcatteau)
A mon avis, elle transpire plus du côté de Lyon envers nous que nous envers Lyon. Par contre nous les formateurs, on sait donner aux jeunes l'importance que le derby a. On leur fait sentir que c'est le derby. On ne dit pas "c'est interdit de perdre, sinon machin…" Mais c'est un match spécial, ils le savent. Il y a des derbies en U13, U15, U17. On a encore beaucoup de joueurs stéphanois et régionaux dont les parents sont supporters. A travers leurs parents, ils savent que la rivalité existe. Chez les jeunes, la plupart du temps, ça se passe quand même bien sur le terrain. Par contre, tout le monde veut gagner. On est fier quand on gagne, on est déçu quand on perd mais ça ne va pas jusqu'à la haine, il ne faut pas exagérer. Mais on ne va pas décevoir les potonautes : un match contre Lyon, c'est quelque chose ! Je me rappelle la dernière victoire 3-0 ici en CFA l'année dernière. Ça nous avait d'ailleurs permis de faire un grand pas vers le maintien. C'était Génésio qui était sur l'entraîneur de Lyon, il est sur le banc des pros maintenant. Franchement, j'étais très content de les battre et eux faisaient la gueule. On tient beaucoup à réussir nos matches contre Lyon.
Merci à Stéphanois et à Greenwood pour la retranscription.
Je suis né à Toulouse. Mon père travaillait à la société Casino, et était pratiquement muté tous les deux ans. Je le suivais donc au gré de ses mutations et ai habité Tarbes et Pau à deux reprises, Agen, Aix-en-Provence et j’ai atterri à Marseille à l’âge de 13 ans. J’y suis resté cinq ans, jusqu’à 17 ans et demi. J’ai donc joué à l’OM et été champion de France Cadet. Ma dernière année, je l’ai jouée en troisième division avec l’équipe des Minots, De Bono, Flos, Caminiti, Levy dans les buts. Mon père a ensuite été muté à Saint-Etienne pour travailler au siège de Casino, rue de la Montat. Marseille voulait évidemment me garder, mais, à 17 ans et demi je n’avais pas vraiment envie de rester au centre de formation de l’OM, et j’ai donc suivi mes parents. Pierre Garonnaire me connaissait un petit peu, et j’ai fait un essai avec Guy Briet, responsable du Centre. Au bout de 15 jours, il m’a proposé un contrat. C'était en juillet 1980.
D'où vient ta passion pour le ballon rond ? Quelles étaient tes idoles ? (Poteau gauche)
J’ai habité Toulouse, Tarbes, Pau qui sont plutôt des villes de rugby. Mon grand-père était rugbyman. J’ai découvert le foot à Pau à huit ou neuf ans, dans la cour de l’école. J’avais un maître qui adorait le foot, et on faisait des parties de foot. Je jouais gardien de but et également dans le champ. Je me suis inscrit dans un club, le FC Lons, à côté de Pau. J’ai débuté gardien de but, mais mes entraîneurs ont vite vu que j’avais des qualités plutôt défensives et je me suis donc fixé au poste de défenseur.
As-tu toujours joué en défense, même en équipe de jeunes ? (Poteau droit)
Moi j’ai toujours été un défenseur central, mais, comme je dis parfois à mes jeunes, un défenseur doit pouvoir s’adapter à tous les postes de la défense, même si on a des postes préférentiels. Une année, alors que j’avais fait une belle saison au poste de défenseur central, Christian Dafreville a été recruté (86-87 ndp2) et Pierre Garonnaire, qui était encore là , m’avait dit que je jouerais latéral, me prédisant un bel avenir à ce poste. Je savais que je n’avais pas un avenir extraordinaire à ce poste-là , mais je savais que je pouvais compenser : j’avais fait quelques matchs en latéral, et ça s’était pas trop mal passé. Mais Dafreville n’ayant pas convaincu, au bout d’une douzaine de matchs, j’étais repassé dans l’axe pour ne plus quitter ce poste.
Te remémores-tu tes débuts en pro ? (Stéphanois, macrik)
J’ai joué ma première saison en quatrième division puisqu’il y avait une équipe 3. J’ai joué la deuxième partie de la saison en troisième division. Je suis parti au Championnat d’Europe des Juniors où j’ai joué cinq matches sur cinq, ce que Georges Boulogne, l’entraîneur n’avait pas vraiment prévu au départ. En rentrant, je pensais être en vacances, mais il y avait la demi-finale retour de la Coupe de France à Strasbourg. Gérard Janvion était blessé et Robert Herbin m’avait choisi pour jouer latéral. J’avais même démarré latéral gauche (alors que je suis droitier) au marquage de Didier Six. Je m’en étais bien tiré, mais j’avais eu des crampes car j’étais éprouvé par le Championnat d’Europe, et j’étais sorti à la 75ème. On perdait 1-0, on était éliminé, et à la 91ème minute, Firmin Perez, un jeune, avait égalisé. On s’était qualifié pour la finale grâce à ce but à l’extérieur.
Quels souvenirs gardes-tu de la finale de la coupe de France 1981, face à Bastia ? (gilles/43)
A l’époque, il n’y avait que deux remplaçants. J’étais remplaçant avec Laurent Paganelli. Bernard Gardon, défenseur central, s’est blessé au bout de sept minutes, et je suis donc entré en jeu. En face, il y avait Marcialis (Bastia), un jeune qui promettait, Roger Milla. J’avais fait mon match, mais j’aurais pu être meilleur. On avait perdu cette finale par 2 à 1 : elle reste donc à la fois un bon et un mauvais souvenir. Très jeune, à l’âge de 18 ans et demi, j'ai eu cete opportunité de jouer avec la grosse équipe : Platini, Rep, Zimako... J’ai ensuite joué mon premier match de championnat à Lens où nous avons gagné 5 à 2. En face, il y avait Philippe Vercruysse, qui débutait lui aussi. Je me souviens que Jean-François Larios et Raoul Noguès jouaient avec nous, que des grands noms…
Tu as joué la Coupe d'Europe avec Sainté. Quelles images gardes-tu du match contre le Dynamo de Berlin ? (Stéphanois, macrik)
Après cette finale de Coupe de France, très rapidement, il y a eu ce tour préliminaire de Coupe d’Europe où j’étais titulaire. On a joué le match aller à Saint-Etienne. Le souvenir que j’ai, c’est qu’on a fait match nul, 1-1. En fait, on aurait dû gagner 4 ou 5 à 1. Je me suis repassé récemment ce match : on avait eu un nombre d’occasions incalculable. J’étais déçu par ce résultat. Au match retour à Berlin, (c’était encore l’Allemagne de l’Est), je me rappelle encore tous ces militaires autour du stade. Le match avait été très difficile et je pense avoir été un peu en dessous. Je garde un souvenir mitigé de ce match qui s’était soldé par une élimination.
Ça fait quoi de jouer avec Platoche ? Comment se comportait-il avec les jeunes pousses dont tu faisais partie ? (Aloisio)
Il n’était pas prévu que je m’entraîne avec les pros, c’est arrivé très vite. Mais ça se passait bien. Platini, bien évidemment, ne serait-ce qu’à l’entraînement, on voyait tout de suite sa qualité de passe, bref, le grand joueur qu’il était.
Combien d’années as-tu joué à l’ASSE ? (José)
J’ai arrêté en 1996, ce qui fait seize ans comme joueur à l’ASSE : trois ans comme stagiaire, douze ans comme professionnel et j’ai fini par une année comme amateur : je jouais en troisième division et en DH et passais mes diplômes d’entraîneur en même temps. J’ai commencé à entraîner la saison suivante.
Ton meilleur souvenir de joueur sous le maillot vert ? (Poteau gauche)
Ce n’est pas le souvenir d’un match en particulier, mais plutôt d’une période en D2 : c’était la reconstruction du club après la descente. Henri Kasperczak était arrivé comme entraîneur, on avait une équipe de jeunes : Daniel, Ribar, Ferri, Claveloux et beaucoup d’autres. Roger Milla, plus âgé, était aussi un joueur marquant du club. On a fait une première saison extraordinaire en terminant premier du groupe (en fait deuxième derrière Nice, ndp2). Mais il y avait, à cette époque, deux groupes et on n’était pas passé en barrage. Le jeu était emballant, de la qualité. Il y avait du monde au stade. Le match contre Le Puy s’était déroulé devant plus de 40 000 personnes. La deuxième année, on a été moins flamboyant mais on est monté, toujours avec les jeunes. Ensuite, pour notre première année en D1, on a réussi à se sauver en finissant tout de même deuxième meilleure défense. Je jouais avec Dimitrov. On avait certes perdu des matchs mais toujours de justesse et on s’était accroché pour obtenir le maintien.
Quels souvenirs gardes-tu de ton association avec Georgi Dimitrov ? Est-ce le meilleur défenseur qu'il t'a été donné de côtoyer ? Sa réputation de fêtard invétéré était-elle justifiée ? (thomas99)
Le meilleur, c’est difficile à dire. J’ai quand même joué avec Laurent Blanc, je pense qu'il y avait de la qualité aussi ! Sylvain Kastendeuch était quand même performant… Dans un autre style, Didier Gilles était aussi un joueur important. Dimitrov ne payait pas de mine. Par contre, il avait un grand sens du placement : il n’allait pas très vite, mais était toujours là où il fallait. A l’époque, on jouait avec un stoppeur et un libero. J’étais le stoppeur au marquage de l’attaquant adverse, et lui il était là , en retrait, toujours bien placé, pour couper les trajectoires. Quant à sa réputation de fêtard, disons que c’était un joueur de l’Est, mais je ne vais pas en dire plus.
Avec quels joueurs de cette belle période es-tu resté en contact étroit ? (Parasar et Vert Mouthe)
Celui que je vois le plus, c’est Jean-Luc Ribar qui est sur Roanne, pas très loin. Il travaillait dans un magasin de sport. Maintenant, il a monté une entreprise de nettoyage qui marche bien. Roanne n’étant pas loin, on arrive à se voir régulièrement. J’ai parfois au téléphone Patrice Ferri (qui travaille à la télé). Je croise parfois les frères Claveloux, Thierry Courault, qui a son fils qui joue chez nous, Eric Bellus. On se rencontre parfois au cours de stages, à l’occasion de matchs.
L'attaquant adverse qui t'en a fait le plus baver ? (Barre transversale)
J’ai eu la chance de marquer de grands attaquants. Il y avait Eric Cantona, Jean-Pierre Papin, mais paradoxalement, ce ne sont pas eux qui m’ont fait le plus souffrir. Ce n'est pas prétentieux de dire ça, mais il y en a d’autres, peut-être un peu moins réputés, encore que… Beto Marcico était un Argentin truqueur, pénible, très costaud, qui tenait bien sur ses jambes, mais très truqueur, très difficile à prendre. Enzo Francescoli, était un bon joueur, fin, très bon. Daniel Xuereb, c’est celui qui me faisait le plus courir. Il n’arrêtait pas de courir sur toute la largeur du terrain…J’étais stoppeur, et le rôle du stoppeur, c’est de suivre l’attaquant un peu partout. Je lui disais : "Oh Daniel, arrête de courir !" J'ai affronté aussi Jules Bocandé, qui était très costaud à l’époque, malheureusement, il est décédé il n’y a pas longtemps… On s’est tapé des duels assez épiques à l’époque, il était au PSG ou à Nice, je m’en souviens très bien.
Ne vois-tu pas en Sylvain Marchal ton digne héritier, toi qui comme lui contribuais largement à gonfler nos stats de pénos concédés ? J'ai encore en mémoire un multiplex où vers la 87e lors d'un match à Lille où on tenait le nul tu avais tailladé ton attaquant et le pénal avait été marqué (Parasar)
Il faut dire qu'à l'époque le football était différent, on taclait beaucoup... Maintenant, les défenseurs défendent plus debout, parce que l’arbitrage a évolué, il y a beaucoup plus de cartons. Il faut savoir que j’ai pris beaucoup de cartons jaunes, c’est vrai, mais je n’ai jamais pris de carton rouge en pro. C'est significatif ! Mais je reconnais que mon jeu, à l’époque, par rapport à maintenant, aurait dû évoluer. Comparé à aujourd’hui, j’aurais pris plus de cartons, plus de pénos. En ce qui concerne le match de Lille perdu 3-2, c’est mon premier but en pro, de la tête, sur un centre de John Sivebaek, on avait égalisé grâce à ce but, et on reprend un but à trois minutes de la fin. C’est Gilbert Cecarelli qui était dans les buts. C’était un centre, je suis au duel de la tête, il y a faute sur moi, l’arbitre ne siffle pas, le joueur met la tête, Gilbert Ceccarelli n’arrive pas à sortir.
Ton pire souvenir de joueur ? (José)
Il y a quelques matches. Je me rappelle une défaite 1-0 contre Marseille, but de Forster dans la lucarne à deux minutes de la fin alors qu'on méritait de gagner ce match. Je me souviens qu'Hervé Musquère avait eu beaucoup d'occasions. J'ai le souvenir d'un autre match perdu 1-0 chez nous contre Lyon, avec un but contre son camp de Sylvain Kastendeuch. Là encore, on méritait vraiment de gagner ce match. Ce sont deux matches marquants par rapport à l'injustice du score.
Je me souviens de toi au Parc dans les années 80, on était parqué à Auteuil et les supporters t'appelaient Goldman. Maintenant c'est pire, macrik te surnomme Garou. T'en penses quoi ? (osvaldopiazzolla)
Les cheveux longs je pense… C'était l'époque de Goldman. Je me rappelle les pochettes. Je ne lui ressemblais pas mais de loin, il y avait un petit air. C'est vrai que certains supporters m'appelaient Goldman. C'est pas que je chantais comme lui, c'était l'aspect physique. Le surnom Garou, ça date de l'époque 1985-1986, avec Jean-François Daniel et Didier Gilles, qui était marseillais. A Marseille, on disait "Oh gari" comme on dit un gone à Lyon. Un jour, Jean-François Daniel a transformé "gari" en "garou" alors que bien sûr Garou n'était pas encore connu en tant que chanteur. Ce "garou" est resté, c'est un surnom que j'ai eu beaucoup.
Le chanteur est donc un imposteur ! Tu es le seul et unique Garou de même que tu es pour nous le seul JPP, même si un autre JPP s'est fait remarquer à Geoffroy-Guichard en tremblant à la seule vue d'une canette (José)
(Rires) En tout cas il y en a encore qui m'appellent Garou !
En parlant de chanteur, tu as joué avec le mythique Jean-Pierre-François, lors de la saison 1987-1988. Tu lui as survécu. As-tu de ses nouvelles ? (Aloisio)
Faut savoir déjà que c'était quelqu'un de très sympathique. Il était vraiment très agréable. Il n'est pas resté longtemps chez nous, il a fait six mois ou un an. Il a joué très peu mais il avait de grosses qualités physiques. Il avait une belle gueule ! Il est parti rapidement à Paris, il a fait de la chanson. Ensuite il est allé à Saint-Tropez. J'ai eu l'occasion de le revoir l'année dernière à travers Bernard Champion qui fréquente un endroit sur la Côte où il se sont vus. Jean-Pierre François est remonté pour visiter le centre. Je l'avais revu et j'avais discuté un peu avec lui, très sympathique. C'est quelqu'un qui existe toujours mais qui n'est plus du tout dans le football.
Pour quelles raisons n'as-tu pas participé à quelques matches marquants de la saison 1984-1985 (derby gagné 5-1 à Gerland, matches de coupe contre Lens et Lille) alors que tu étais souvent titulaire à l'époque ? (Parasar) C'est lié à ta blessure contre Nice ? (macrik)
J'ai raté ces trois matches à cause de blessures, ça c'est sûr ! Je m'étais en effet blessé lors du match au sommet contre Nice qu'on avait gagné 1-0, but d'Eric Claveloux. Nice était leader à l'époque, on se tirait la bourre. Je m'étais fait fêler le péroné, j'en avais eu pour un mois et demi ou deux mois d'indisponibilité. Un gars costaud de Nice qui s'appelait Dominguez allait frapper, j'avais mis le pied en opposition. Au lieu de taper dans le ballon, il avait tapé dans mon tibia et mon péroné.
Les Verts n'ont plus battu les vilains à Geoffroy-Guichard depuis le 6 avril 1994. Tu avais d'ailleurs participé à ce fameux derby. Comment expliques-tu qu'on n'arrive plus à se faire respecter à domicile contre notre rival historique ? (Poteau droit)
Je ne peux pas vraiment l'expliquer. En tout cas, Lyon est devenu avec le temps une meilleure équipe que ce qu'elle était à l'époque. C'est devenu quand même la grande équipe avec ses sept titres. Forcément, elle est plus difficile à battre qu'à l'époque. L'expliquer, c'est plus au staff pro d'en parler. De l'extérieur, à chaque fois on y croit mais on n'y arrive pas. Franchement, je ne vois pas… Je crois que Christophe Galtier et son staff ont tout fait cette année pour le gagner et ils se sont rendus compte encore que c'était difficile. Je crois qu'ils vont trouver la solution.
La haine de la défaite contre les vilains : expliquez-vous cela dès le plus jeune âge aux jeunes pousses vertes ? Cette antipathie est-elle seulement vécue par les supporters ou transpire-t-elle dans le club à tous les niveaux ? (hcatteau)
A mon avis, elle transpire plus du côté de Lyon envers nous que nous envers Lyon. Par contre nous les formateurs, on sait donner aux jeunes l'importance que le derby a. On leur fait sentir que c'est le derby. On ne dit pas "c'est interdit de perdre, sinon machin…" Mais c'est un match spécial, ils le savent. Il y a des derbies en U13, U15, U17. On a encore beaucoup de joueurs stéphanois et régionaux dont les parents sont supporters. A travers leurs parents, ils savent que la rivalité existe. Chez les jeunes, la plupart du temps, ça se passe quand même bien sur le terrain. Par contre, tout le monde veut gagner. On est fier quand on gagne, on est déçu quand on perd mais ça ne va pas jusqu'à la haine, il ne faut pas exagérer. Mais on ne va pas décevoir les potonautes : un match contre Lyon, c'est quelque chose ! Je me rappelle la dernière victoire 3-0 ici en CFA l'année dernière. Ça nous avait d'ailleurs permis de faire un grand pas vers le maintien. C'était Génésio qui était sur l'entraîneur de Lyon, il est sur le banc des pros maintenant. Franchement, j'étais très content de les battre et eux faisaient la gueule. On tient beaucoup à réussir nos matches contre Lyon.
Merci à Stéphanois et à Greenwood pour la retranscription.